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Chapitre 4 - Potion

Harry ne s'était jamais rendu compte d'à quel point son monde était sombre avant d'avoir son don.

Maintenant, il en prend pleinement conscience, allongé sur son lit, un fin sourire sur les lèvres. Il y a toujours les deux liens habituels, le bordeaux et le rouge aniline, mais à présent, quatre liens s'y ajoutent. Chacun le reliant à l'un de ses compagnons de dortoir. Jaune canari pour Ron. Bleu ciel pour Neville. Noisette pour Dean. Vermillon pour Seamus. Les couleurs des deux derniers sont certes assez sombres à ses yeux, mais celles de Ron et Neville lui apporte un réconfort qu'il ne peut expliquer.

« Si seulement je savais leur signification... », soupire-t-il en faisant disparaître les liens.

« La salle de bain est libre Harry. »

Ni une, ni deux, l'adolescent saute à pied joint sur le sol et remercie Ron. Ce dernier se contente d'un vague sourire mais étrangement, Harry a l'impression que son sourire sonne faux. Comme si quelque chose le préoccupe. Ce doit être encore le match. Harry hésite un instant, la main sur le battant de la porte. Même si ça concerne bel et bien le match, il préfère vérifier.

« Ron, ça va ? »

Ce dernier sursaute et cligne des yeux avant d'afficher un sourire un peu plus sur de lui.

« Ouais Harry, t'inquiètes, c'est le stress du match. »

« Hum... »

Harry n'insiste pas, parce qu'il sait qu'il n'obtiendra pas d'autres réponses de son meilleur ami. Il passe la porte de la salle de bain et se lave rapidement, pestant sur le fait qu'il a potion en première heure. Il ne sait pas vraiment comment faire face à son professeur, à présent. Ce n'est pas comme si les choses ont réellement changées, une haine aussi viscérale que celle que lui et Snape entretiennent ne peut pas s'effacer en un claquement de doigt, mais d'un autre côté, maintenant qu'il sait que Snape et sa mère étaient amis, il sent un peu de culpabilité à l'idée d'être mauvais avec le professeur.

« Maman aurait sûrement voulu qu'on s'entende bien... Mais je ne comprends pas, si c'était son plus cher ami, alors pourquoi Snape ne voit pas maman en moi ? Pourquoi il ne voit que papa ? Et pourquoi personne jusqu'à présent ne m'a parlé de leur amitié ? »

Il soupire et commence à nouer sa cravate, le regard fixé sur son reflet dans le miroir. Ses doigts se fige un instant et une nouvelle question lui vient à l'esprit. Est-ce que moi aussi je possède des fils de couleurs qui représentent mes émotions ? Sa curiosité le pousse à activer son pouvoir et ses yeux brillent d'intérêt en voyant son corps entouré d'un fil de couleurs différentes. Mais étrangement, il ne possède pas qu'un seul filament. Un second l'entoure mais celui-ci n'est pas doté d'une couleur. Il est représenté par une forme de fumée blanchâtre, presque indiscernable.

« C'est quoi ça ? », demande-t-il à lui-même en penchant la tête sur le côté.

Il tente de le toucher, mais aussitôt que ses doigts rentrent en contact avec le filament, il pousse un cri de douleur. Il entend ses compagnons de dortoirs s'enquérir de son état et il rit faussement en prétextant s'être cogné. Sa main tremble, comme si elle avait été électrocutée. La sensation était semblable à celle que l'on a lorsqu'on reçoit une châtaigne mais en cinq fois plus douloureux. Une chose est sûre aux yeux d'Harry.

Ce lien est dangereux.


Harry est incapable de se concentrer sur le cours de potion. Pour une raison inexplicable, ses mains sont toujours tremblantes et chaque geste qu'il entreprend est terriblement maladroit. Comme si toucher ce lien avait complètement traumatisé son corps. Pourquoi une telle réaction ? En quoi ce filament est si différent des autres ? Il ne comprend pas et cette fois, ça l'agace sérieusement. Il râle intérieurement, sans se préoccuper du binôme qui lui est attribué. Comme d'habitude, Snape a du le mettre avec Seamus ou Neville pour être certain qu'ils ne réussissent pas leur potion - ce qui en soit est assez idiot de la part du professeur car, sous son comportement terriblement maladroit et timide, Neville est vraiment doué en ce qui concerne les potions. Mais ça ne change pas grand-chose au final car Harry, lui, reste un boulet dans cette matière.

Peut-être que si le professeur n'était pas aussi horrible avec lui, les choses se passeraient mieux ? Il ne sait pas et ne cherche pas à le savoir. D'autres problèmes plus inquiétants le préoccupe. Perdu dans ses pensées, il saisit un ingrédient et le coupe en lamelle. Mais avant qu'il ne glisse les lamelles dans le chaudron, une main attrape son poignet pour le stopper. Aussitôt il ressent une vague de soulagement, comme si le mal-être provoqué par le lien a disparu. Il ferme les yeux pour apprécier la sensation et constate que ses mains ont retrouvé leur stabilité. Mais la voix qui s'élève à ses côtés le fige.

« Les lamelles sont à mettre en dernier, le professeur Snape l'a répété à trois reprises. Ne va pas gâcher tout mon travail. Contente-toi d'appliquer ce que je dis. »

Le ton est froid, un peu irrité mais pas mauvais pour autant. Harry ouvre la bouche puis la referme, incapable de la moindre parole. Bon sang mais pourquoi Draco Malfoy est à côté de lui ? De tous les partenaires, pourquoi lui ? Snape ne les aurait jamais mis ensemble. Ça aurait été bien trop bénéfique pour Harry étant donné le talent naturel de Malfoy pour les potions. Et puis perfectionniste comme il est, le blond ne lui aurait jamais permis de tout gâcher. La preuve en est qu'il l'a arrêté avant la catastrophe. Un instant, Harry se demande si Malfoy prépare un mauvais tour mais ça ne semble pas le cas. Il fronce les sourcils et soupire presque de tristesse lorsque la main du blond délaisse son poignet. Pourquoi son contact apaise-t-il à ce point les sensations provenant du lien vaporeux ? Même s'il ne sent plus rien à présent, la vague de confort l'a également quitté, ce qu'il regrette presque honteusement.

Mais à présent qu'Harry se sent mieux, il décide de suivre les recommandations de Malfoy pour la préparation de la potion. Au moins pour une fois, il pourra présenter une potion décente. Et c'est avec une certaine surprise qu'Harry découvre que travailler sur les potions avec Malfoy n'est pas si désagréable. Malfoy donne des explications claires et compréhensibles, même pour l'idiot qu'il est, et commente même certains ingrédients en précisant leurs propriétés et pourquoi il faut les découper ou les mélanger de telle ou telle manière plutôt qu'une autre. Il a beau garder sa froideur et son arrogance, quand il voit qu'Harry ne comprend pas, il pousse un profond soupir avant de lui expliquer jusqu'à ce que ça devienne suffisamment clair à ses yeux.

Le changement est surprenant. Harry voit bien qu'il fait des efforts, qu'il se retient par moment de l'insulter mais ne le fait jamais. Bon, bien sûr, en bon Malfoy qu'il est, ce n'est pas le sarcasme qui lui manque. Mais à aucun moment il ne le provoque ou ne se moque de lui gratuitement.

« Pourquoi tu es comme ça aujourd'hui ? », demande finalement Harry en écrasant un ingrédient pour en faire de la poudre. « On pourrait presque croire que tu ne me détestes plus. »

« Je veux juste réussir ce devoir. »

« Si c'était ça, d'un tu te serais mis avec Nott parce que c'est le meilleur dans la matière et de deux, tu ne prendrais pas du temps à tout m'expliquer. Tu m'ordonnerais juste de suivre les étapes et point barre. »

« Ce n'est pas le bon endroit pour en discuter », coupe Malfoy en lui jetant un regard glacial.

« Si tu le dis... Mais même si je ne t'apprécie pas, merci pour tes explications. Pour la première fois j'ai vraiment compris un cours de potion. »

Malfoy lève un sourcil surpris et Harry fait une moue. Lui aussi est capable de mettre sa fierté de côté pour remercier l'aide d'une personne même s'il n'aime pas spécialement la personne en question.

Lorsqu'ils présentent leur potion au directeur de Serpentard, ce dernier offre un hochement de tête satisfait en direction de Malfoy. Mais quand il tourne son regard vers Harry, ce dernier est hautain et Snape renifle moqueusement, sûrement conscient que ce n'est que grâce à l'aide de Malfoy qu'il ne s'est pas totalement foiré. Habituellement, Harry se serait agacé mais à présent... Il essaye d'être indifférent au comportement de son professeur. S'énerver ne servirait à rien. Alors à la place, il dépose la potion sans un mot, soufflant un « au revoir » du bout des lèvres et part rejoindre ses amis dans le couloir.

« Je ne m'attendais pas à ce qu'un cours avec Malfoy à tes côtés se passe aussi tranquillement. Je me demande pourquoi il s'est mis avec toi », dit Hermione au moment où il arrive à leur hauteur.

« Tous les autres étaient tendus, on se demandait quand ça exploserait entre vous deux », continue Ron, les mains dans les poches.

« Il faut croire qu'on est capable de se parler sans se battre, finalement. Et il explique plutôt bien les choses ».

Ron et Hermione échangent un regard, surpris par ses paroles, mais un doux sourire s'étend sur le visage d'Hermione. Il faut croire qu'ils commencent à grandir tous les deux. C'est plutôt de bonne humeur qu'elle encourage les garçons à la suivre vers le prochain cours.


« Vous avez entendu ? »

« J'arrive pas à le croire... »

« Les professeurs ont tous été convoqué par le directeur... »

Les murmures s'élèvent peu à peu dans la grande salle tandis que la nouvelle circule parmi les tables. Harry, Ron et Hermione abordent quant à eux une expression sombre. La gazette du sorcier s'étale devant eux, une image terrifiante en guise de première couverture. Celle d'un village complètement rasé et de cadavres empilés. Une vision tout simplement cauchemardesque. Apparemment, plus tôt dans la matinée, des mangemorts auraient attaqué ce village et sur les 2000 habitants qui s'y trouvaient, seul 500 auraient survécu. Soit un véritable massacre. Personne n'était arrivé à temps pour empêcher le désastre.

« C'est horrible », prononce Ginny d'une voix secouée et tous acquiescent.

« Apparemment, c'est Malfoy qui était à la tête de l'opération. »

« Comment le directeur peut encore accepter son fils à Poudlard ? On sait tous que Draco ne va faire que suivre les traces de son père. »

« On est pas en sécurité avec lui et ses amis ici. Ils doivent partir ! »

Du côté des Serpentards, Draco sert violemment son poing. Il sent ses ongles s'enfoncer dans sa paume et le sang rouler sur sa main. Il voit Pansy prête à se lever et à insulter les élèves des autres maisons mais Blaise la retient, les yeux fous de rage. Ils savent parfaitement que s'énerver ne ferait qu'alimenter la haine à leur égard. Qu'importe les explications qu'ils pourraient donner, personne ne les croiraient. Son père... Son père n'est pas tout blanc. Ses mains ont déjà tué, c'est vrai. Mais s'il le fait, ce n'est pas par plaisir.

Fut un temps où il adhérait réellement à la cause du Seigneur des Ténèbres mais à présent... La seule raison pour laquelle il suit ses ordres est que Voldemort les menace. Il a besoin d'eux, de leur pouvoir héréditaire et plus d'une fois, il a menacé de tuer sa mère ou Draco lui-même si Lucius lui désobéissait. Tout ce que souhaite son père, c'est les protéger.

Mais Draco n'est pas comme lui. Draco est prêt à mettre son arrogance de côté pour demander l'aide et la protection de l'autre camp. Cependant, c'est peine perdue face à la haine que vous les autres élèves à l'encontre des Serpentards. Ils ne cherchent même pas à leur offrir le bénéfice du doute. Enfin, j'ai été un sacré connard ces derniers années, c'est peut-être tout ce que je mérite...

« Harry, t'en penses quoi toi ? Malfoy et sa bande ne devrait plus avoir le droit d'étudier ici, tu penses pas ? », s'exclame Seamus en leur adressant un sourire mauvais.

Draco se fige, comme le reste de leurs amis. Tout le monde a les yeux rivés sur Potter, comme s'il était un messie prêt à prêcher la vérité. Le poids de ses mots ont une importance déterminante. S'il prend parti de Seamus, alors... C'est tout simplement foutu pour eux. Si on les vire de Poudlard, alors ils n'auront plus d'autres choix. Ils devront porter la marque. Il voit du coin de l'œil Pansy frissonner de peur et Daphné avec une expression résignée. Il est évident que Potter ne prendra jamais leur parti...

« A quoi cela sert de poser cette question ? », s'énerve Hermione en tapant des mains sur la table. « Si une décision doit être prise, elle le sera par le directeur, non pas par Harry, laisse-le en dehors de ça ! »

« Et avant de condamner, il serait peut-être bien de s'assurer que Malfoy et ses amis sont réellement du côté de Voldemort. »

« Attends, t'es en train d'insinuer que Malfoy pourrait être de notre côté ? Toi ? Il a passé toute la scolarité à te pourrir la vie ! »

« C'est vrai, mais je veux lui laisser le bénéfice du doute. »

Et sur ces paroles, Harry adresse un regard franc en direction de Draco avant de quitter la grande salle, Hermione et Ron à ses côtés. Draco n'arrive pas à le croire. Et il ne semble pas être le seul dans ce cas, car tous les chuchotements de la grande salle se sont tus.


« Tu ne dis rien... »

Ron hausse un sourcil face aux paroles de son meilleur ami. Ce dernier le fixe avec incertitude et Ron n'est pas sûr de comprendre pourquoi son ami est aussi hésitant. Harry semble le comprendre et il se gratte l'arrière de la nuque, gêné, tandis qu'Hermione soupire.

« Ce que Harry trouve surprenant, c'est que tu ne lui ais pas reproché ce qu'il a dit à l'instant. Parce que de nous trois, tu es sûrement celui qui déteste le plus Malfoy. »

« Ah ça... C'est juste que... Harry n'a pas totalement tord, on sait pas l'implication de Malfoy dans tout ça. S'il s'avère que c'est réellement un connard au service du Seigneur des Ténèbres, alors ouais, là vous m'entendrez. Mais disons que je te fais confiance Harry et si tu veux t'assurer que Malfoy peut être de notre côté, je te suivrais. »

« Merci Ron. »

Le ton d'Harry est tellement chaleureux que Ron en détourne le regard. Vraiment, comment peut-il douter d'Harry alors que ce dernier le fixe avec tant d'affection ?

« Bon on fait quoi maintenant ? Les cours ont été annulé... »

« Bibliothèque ? »

Harry et Ron lèvent les yeux au ciel mais accepte malgré tout. Ils s'apprêtent à partir lorsqu'une voix les interpelle.

« Eh vous trois, attendez ! »

C'est Malfoy et sa bande.