Pour commencer, histoire de ne pas vous faire spoil bêtement (même s'il n'y a pas grand chose de révélé) je vous conseille d'avoir lu Jujutsu Kaisen jusqu'à l'arc de la Traque Mortelle.
Et pour l'histoire, bah je suis incapable d'écrire quelque chose de joyeux avec eux, sorry, ils m'inspirent que du angst, ou au mieux du comfort un peu amer, comme ici. Un jour je finirais bien par écrire une fic vraiment cute et 100% joyeuse pour eux, j'espère lol
Bonne lecture !
Encore, Itadori se réveilla, la sueur au front et les mains tremblantes. Les yeux grands ouverts, il pouvait sentir la peur lui serrer la gorge et l'empêcher de réfléchir. Le cauchemar était tenace, il voulait le retenir et l'avaler de nouveau, le faire suffoquer jusqu'à ce que Itadori s'y perde complètement. Sa respiration ne voulait pas se calmer, tout lui semblait encore trop réel, trop concevable pour se convaincre que ce n'était que dans sa tête. Il se sentait observé, trop vulnérable, trop faible, trop fragile. A ce rythme, il n'allait pas tarder à faire une nouvelle crise de panique.
Quelque chose le frôla, Itadori sentit un frisson le traverser, jusqu'à ce qu'une douce chaleur s'installe contre lui. Ses mains glissèrent d'elles-mêmes dans la fourrure noire s'y accrochant un peu trop fermement. Un souffle se déposa contre sa joue, et Itadori croisa le regard ambré du loup. L'animal se laissa docilement faire lorsque Itadori le serra un peu plus contre lui, heureux de trouver quelque chose à quoi se raccrocher.
Il faisait sombre, mais il parvenait à doucement prendre conscience de ce qui l'entourait. Son lit de fortune et la couverture qu'il trouvait un peu trop épaisse, la fenêtre donnant sur les autres immeubles, la porte qu'il gardait toujours légèrement ouverte, la faible lumière qui s'en échappait. Et la silhouette assise non loin de lui, de plus en plus présente ces dernières nuits.
- Encore un cauchemar ? finit par demander inutilement Fushiguro.
Le loup toujours couché contre lui, Itadori se redressa pour mieux lui faire face. Ses yeux n'étaient pas encore assez habitués à l'obscurité pour déchiffrer son visage.
- Toujours la même chose, il marmonna.
En fait, il pouvait même dire qu'ils empiraient au fil des nuits. Itadori se demandait si Sukuna pouvait avoir une quelconque influence sur ces fichus mauvais rêves, parce qu'il était toujours là. Un rire insupportable et les mains couvertes de sang, il tuait des visages familiers, encore et encore. Parfois, c'était Itadori qui se retrouvait au milieu des cadavres, lui-même en train de les massacrer. Mais cette fois, Sukuna avait pris l'apparence de Fushiguro devant lui, et impuissant, il l'avait vu s'arracher le cœur, exactement comme lors de leur toute première rencontre.
- Tu dors pas ? Il demanda pour penser à autre chose. Je croyais que c'était au tort de Kurusu de monter la garde.
- C'est son tour ouais.
Le silence s'installa de nouveau dans la petite pièce. Malgré leurs journées crevantes et le stress constant de cette fichue traque mortelle, Itadori ne voulait pas se rendormir tout de suite.
Quand il se retrouvait seul avec Fushiguro, il pouvait presque se persuader qu'ils étaient dans une des chambres de leur école. Il lui suffisait d'imaginer les coins de la pièce un peu différemment, d'ajouter quelques meubles, de se dire qu'il était dans un vrai lit. S'il arrivait à s'en convaincre assez fort, il arrivait parfois à entendre des pas qui venaient vers eux, ou la voix de Nobara qui les appelait.
Mais c'était de plus en plus difficile. Ses souvenirs devenaient trop flous dans son esprit, il n'était plus certain du genre de bois utilisé pour le parquet, si l'étagère était à droite ou à gauche du lit, quel genre de poignée était sur la porte.
Ça lui faisait peur, ces bouts de mémoires si fragiles. Il ne voulait pas oublier. S'il commençait à douter de choses aussi basiques, qu'en serait-il des personnes ? Des visages ? Du son de leurs voix et de leur odeur ?
Itadori ne voulait pas les oublier. Surtout pas eux.
C'était tout ce qu'il lui restait.
- J'aurais jamais dû m'approcher de c'te relique, il finit par murmurer. J'aurais jamais eu Sukuna, les choses auraient été mieux pour tout le monde.
Les jambes repliées contre lui, Itadori ne voulait définitivement plus dormir. Il ne voulait pas que le soleil revienne, et être obligé de continuer à participer à ce jeu stupide.
- On se serait jamais rencontré.
Itadori leva presque immédiatement le regard vers Fushiguro lorsqu'il parla. Il ne s'attendait pas vraiment à une réponse, et pas de ce genre là.
- Tes amis du club occulte seraient tous morts, et peut-être que moi aussi, continua Fushiguro. Je suis pas sûr que ça compte comme mieux.
Il ne pouvait pas le contredire, mais Itadori ne pouvait pas s'en contenter. Fushiguro savait très bien ce qu'il voulait dire, ou était le vrai problème. Gojo l'avait épargné, et pour quels résultats ? Après tous les morts, toutes les victimes de Sukuna, Itadori était bien obligé de se demander s'il avait fait le bon choix.
- Moi je suis content que tu sois toujours en vie.
Encore, la voix du noiraud le surprit. Il ne parlait pas autant d'habitude. Il se contentait de combler le vide de la pièce, de surveiller le sommeil agité de Itadori, de laisser son loup le consoler lorsque ce devenait trop réel.
Une nuit, à cause ou grâce à un cauchemar particulièrement affreux, il s'était assis près du matelas. Et Itadori avait pu se rendormir plus sereinement, une main caressant doucement ses cheveux.
Maintenant, Itadori pouvait discerner sans problème le visage de Fushiguro. Il avait toujours son air préoccupé, mais ses traits s'adoucissaient un peu sous le couvert de la nuit.
Il le fixa un moment, probablement trop pour que Fushiguro lui lâche :
- Quoi ?
- Non… rien. C'est juste, c'est pas ton genre de dire ça.
Fushiguro passa une main dans ses cheveux, et Itadori fut presque certain de le voir tristement sourire.
- J'essaye d'être plus sincère. J'en ai marre d'avoir des regrets que j'aurais pu éviter.
Tout était devenu bien cruel depuis l'incident de Shibuya. Tous avaient perdu quelque chose, quand ce n'était pas leur propre vie. Itadori s'était souvent demandé comment Fushiguro parvenait à surmonter ce fiasco, il ne l'avait jamais vu faire le moindre cauchemar, ou laisser échapper une larme. Au début, il lui paraissait imperturbable, seulement concentré sur leur mission.
Alors que, au final, autant l'un que l'autre, ils étaient morts de trouille et rongés de regrets. Il était simplement plus doué pour le cacher.
Tout à coup, Itadori sentit ses yeux piquer. Il passa plusieurs fois ses mains sur son visage, mais rien à faire, les larmes finirent par tomber. Il se sentait idiot d'encore pleurer.
Le loup d'ombre approcha son museau de sa joue, et la chaise craqua lorsque Fushiguro se leva. Itadori craigna qu'il quitte la pièce, peu importe pourquoi, mille raisons contaminées par son anxiété lui venaient en tête. Pourtant, aucune ne se réalisa, et le noiraud vint s'asseoir sans un mot près de lui.
Son familier s'éloigna pour lui laisser de la place, et partit s'installer à peine plus loin. Le menton appuyé contre ses genoux, Itadori ne lâchait plus Fushiguro du regard. Il se fichait bien d'avoir la vision un peu embuée et quelques reniflements au bord du nez. En se concentrant assez sur les deux yeux devant lui, il pouvait presque en oublier ce qu'il faisait ici, pourquoi ses mains se mettaient si facilement à trembler, et qu'un démon se cachait dans le recoin de son cœur. Tout semblait plus simple s'il se concentrait uniquement sur Fushiguro.
Et soudain, Itadori eut besoin de plus.
Il bougea, d'abord incertain, et devant l'approbation silencieuse de l'autre garçon, n'attendit pas une seconde de plus pour le prendre dans ses bras. Il le serra peut-être un peu trop fort, mais quelle importance, tant que Fushiguro ne s'en plaignait pas. Itadori s'accrocha à sa veste, posa son visage contre son cou et ferma les yeux. Les larmes tâchèrent son haut, mais il pouvait bien s'en excuser plus tard. Fushiguro finit par passer ses bras autour de lui, dans une étreinte plus discrète, mais bien suffisante. Et Itadori s'autorisa à chanceler contre lui, parce que Fushiguro était là pour l'empêcher de sombrer.
Il se concentra sur les mains qui, parfois, caressaient doucement son dos, et la respiration bien plus calme que la sienne. Il n'était focalisé que sur le corps contre lui et la chaleur réconfortante qu'il l'entourait. Il pouvait même entendre ses battements de cœur en se calant un peu plus près de sa poitrine. Itadori en oublia le loup près d'eux, allongé sur le matelas.
Tout n'était plus que Fushiguro.
- Je crois que… je veux pas mourir, finit-il par sangloter.
- Je sais.
La réponse de Fushiguro résonna contre l'oreille de Itadori, qui se demanda soudainement s'il n'en faisait pas trop. Pourtant, il ne bougea pas, trop effrayé du froid qui le prendrait s'il décidait de s'éloigner de l'autre garçon. Il se serait bien rendormi ainsi, sans même prendre la peine de penser au lendemain et à ses responsabilités.
- Je te laisserai pas mourir.
Les mains dans son dos disparurent, mais plutôt que de le repousser, Fushiguro attrapa son visage entre ses doigts. Il y essuya avec précaution les traînées encore humides. Itadori se laissa faire, ses joues étaient brûlantes tout à coup, et il sentait le souffle de Fushiguro s'y éparpiller. D'aussi près, il ne pouvait rien faire d'autre que de détailler ses yeux, qui ne tardèrent pas à le fixer à leur tour.
Fushiguro sembla vouloir parler, il était pensif tout à coup. Il posa son front contre celui de Itadori, et un long soupir lui échappa. C'était beaucoup tout à coup, Itadori ne l'avait jamais approché d'aussi près. Il n'avait jamais eu l'occasion de le contempler ainsi. Il se fichait que la lumière de la lune l'empêche de s'accrocher à certains détails, il aurait facilement pu passer la nuit à tenter d'apprendre chaque courbe par cœur.
Encore, Fushiguro ouvrit la bouche, mais ce fut un nouvel échec. Itadori repoussa certaines de ses mèches noires, simplement pour voir un peu plus clairement ses yeux. Sur son visage, les doigts du noiraud n'avaient pas bougé, ils caressaient sa peau, parfois attrapaient une nouvelle larmes au coin d'un œil. Il avala presque sa salive de travers lorsque l'un de ses doigts glissa près de ses lèvres.
D'ailleurs, cela faisait quelques secondes que Fushiguro ne le fixait plus dans les yeux, il explorait le reste de son visage. Ses joues, son nez, sa bouche, ses sourcils, ses dernières cicatrices, il semblait tout soigneusement observer. Il passa un doigt prudent contre la marque zébrant son front, puis, celle à la commissure de ses lèvres. Ou il s'attarda, bien, bien plus longtemps.
Le noiraud voulut encore parler, et sans vraiment plus y réfléchir, Itadori s'autorisa à approcher cette bouche qui restait définitivement muette. C'était probablement une idée idiote, comme il avait l'habitude d'en avoir. Il allait devoir trouver une sacrée excuse pour embrasser Fushiguro lorsqu'il voulait simplement le réconforter d'un cauchemar.
Itadori aurait aimé plus y réfléchir, mais Fushiguro était partout, contre ses lèvres, ses joues, dans les frissons qui le traversaient. C'était trop lui demander de penser à quoi que ce soit d'autre.
Et tenter de se raisonner lui sembla bien inutile quand il s'éloigna juste assez pour respirer, et que Fushiguro revint de lui-même poser ses lèvres contre les siennes. Ca n'avait rien de précipité, c'était doux et mesuré, comme s'il avait peur de faire fuir Itadori, ou pire, de le briser entre ses doigts.
- On trouvera une solution. Tu vas pas mourir, répéta Fushiguro le temps de reprendre son souffle.
Il fixait Itadori d'un regard déterminé, le défiant de le contredire.
- Je croyais que t'essayais d'être sincère, répondit l'autre d'un sourire sans joie.
Ses joues étaient enfin sèches, il ne sentait plus de larmes assaillir ses paupières. Pourtant, Itadori se sentait capable d'éclater en sanglots comme un enfant qui ferait un caprice. De pleurer de rage et de colère, de peur et de frustration jusqu'à l'épuisement. De hurler jusqu'à ce que quelqu'un trouve un moyen de l'épargner.
À la place, il se permit de voler un rapide baiser à Fushiguro avant qu'il ne réponde, de peur de déjà oublier le goût de ses lèvres. C'était plus à sa portée, et assez efficace pour calmer son cœur inquiet.
- Je le suis. Je te laisserai pas mourir Yuji.
Fushiguro sonnait encore trop confiant. Et Itadori avait envie d'y croire.
Même si c'était égoïste, même s'il n'avait pas le droit de demander plus, même s'il savait déjà comment les choses devaient se terminer, il voulait y croire. Ne serait-ce que le temps de quelques heures.
Itadori était de nouveau en train de trop réfléchir, ses craintes allaient en profiter pour alourdir sa poitrine et assaillir son esprit de souvenirs qu'il voulait oublier. Alors il cacha son visage au creux du cou de Fushiguro, espérant échapper un peu plus longtemps à la réalité.
Pour le moment, Il voulait mémoriser le corps de Fushiguro contre lui. Sa manière de le tenir contre lui, la main qu'il avait commencé à passer dans ses cheveux, sa respiration décidément toujours aussi calme. Il voulait s'en souvenir, pouvoir se remémorer la scène dès qu'il fermait les yeux. Remplacer ses cauchemars et le rire de Sukuna par le regard et les baisers de Fushiguro.
Cette nuit, il était hors de question qu'il en oublie le moindre détail.
- Tu vas pas mourir Yuji, répéta encore l'autre garçon contre son oreille, comme pour s'en convaincre lui-même.
Itadori sentit l'étreinte se resserrer légèrement autour de lui, alors qu'il s'accrochait fermement à la veste sous ses doigts.
Il ne voulait pas mourir.
Itadori ne voulait définitivement pas mourir. Mais si c'était le seul moyen de garder Fushiguro en vie, il acceptait de s'y résigner.
