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Notes de l'Auteure :
Une nuit bien agitée, je me suis réveillée plusieurs fois en sursaut et j'ai donc fait plusieurs cauchemars. Je vais écrire le dernier, que j'ai eu sur le matin avant de me lever.
C'est assez triste et il y a un nouveau personnage.
(Il n'est pas vraiment 'nouveau', puisque c'est le même que dans mon histoire précédente.
Un récit Original, qui ne vient PAS d'un cauchemar, mais qui vient de Mr Guinness...)
Pour la chanson, je vais utiliser :
'I Can't Decide' de Scissor Sisters.
Je me comprends, je sais pourquoi et je l'avais en boucle ce matin en me levant...
Accrochez-vous, nous sommes partis.
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« It's not easy having yourself a good time,
Greasing up those bets and betters,
Watching out they don't four-letter,
Fuck and kiss you both at the same time. »
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Il faisait gris dehors, le ciel menaçait de pleuvoir, mais nous étions heureux, tous les deux, sous les ciels d'Angleterre.
D'ailleurs, mon chéri avait cet adorable accent Anglais et ce, même s'il n'était pas Humain. Non, il venait de la belle planète de Gallifrey qui, malheureusement, fut détruite lors de la Dernière Guerre du Temps.
Qui est donc mon chéri ?
Eh bien, il se faisait appeler 'Le Maître'. Il avait choisi son nom tout comme 'Le Docteur' avait choisi le sien.
Il était mince et plutôt grand, me dépassant d'une tête, et portait ce jour-là des vêtements entièrement noirs. Un sweater noir et un jogging noir. Ce qui faisait contraste avec ses cheveux blonds comme les blés, coupés court et dont la frange tombait sur son front pâle. Il avait de profonds yeux bleus, tristes et sévères en même temps, agrémentés d'un grain de folie.
Une folie similaire à celle de Matt Bellamy, que j'aimais toujours autant.
Quant à moi, je portais une robe noire, des chaussures Converses blanches et mes longs cheveux étaient coiffés en une grande tresse qui tombait jusqu'à mes hanches.
Nous étions tous les deux à l'entrée d'un immense Manoir, un château imposant où résidait une très riche famille. Comme nous étions sans domicile, et mort de faim, nous avions décidé de rentrer par effraction pour voler quelques pitances pour notre repas du soir.
C'est que, chose importante à savoir, je mangeais pour deux !
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« Smells like something I've forgotten,
Curled up died and now it's rotten,
I'm not a gangster tonight,
Don't wanna be a bad guy,
I'm just a loner baby,
And now you've gotten in my way. »
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Sous la grisaille, les jardins avaient des allures de cimetières hantés, une esthétique que j'affectionnais tout particulièrement.
Avant de poser un pied sur le gazon et les parterres de fleurs, j'ai attrapé des petits cailloux blancs que j'ai commencé à jeter çà et là devant nous.
Sur certains endroits, le caillou activa un champ magnétique de protection. De ma main gauche, je lançais les petites pierres, tandis que le Maître me tenait par ma main droite, tout en observant avec effroi et étonnement les pièges s'activer.
- Wow... Comment allons-nous faire pour traverser ?
J'ai continué mon petit manège jusqu'à comprendre le fonctionnement des champs électriques :
- OK, les pièges se trouvent sur les parterres de fleurs de couleurs. Mais, il n'y a rien sur le gazon vert. Il nous suffit simplement de faire attention où nous mettons les pieds, sous peine de se faire électrocuter.
Le Maître sourit en m'observant avec malice.
Puis, lentement mais sûrement, nous entreprîmes de traverser l'immense jardin en faisant attention à chacun de nos pas.
L'ascension fut longue et périlleuse, nous sommes passés à travers des marches de pierres, des buissons taillés, des plantations fleuris et le tout donnait une allure très 'Alice au Pays des Merveilles'.
Enfin, avec précaution, nous sommes arrivés jusqu'au porche du Manoir.
C'était une vieille bâtisse en briques grises, avec quelques marches menant devant une épaisse porte de bois, avec des colonnes de pierres sombres, des carrés de plantes multicolores sous les balcons aux statues étranges.
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« I can't decide,
Whether you should live or die,
Oh, you'll probably go to heaven,
Please don't hang your head and cry. »
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Le Maître et moi, nous nous sommes cachés dans un coin sombre, sous le balcon, devant un carré de fleurs blanches, et avec vue sur les marches ainsi que sur l'autre balcon. Et, quelle ne fut pas notre surprise en voyant sur la plate-forme, sous le préau de pierres, un gros tigre aller et venir, gardant le Manoir !
Le Maître fut à la fois impressionné et apeuré. Pour ne pas faire de bruit, il me murmura à l'oreille :
- Utilise ta magie...
Je me suis concentrée sur le tigre et j'ai chuchoté mon sort de transformation :
- Awendaþ eft wansæliga neat...
Le Maître sourit en voyant le tigre rétrécir pour se changer en un gros chat roux, miaulant le long du porche. Nous allions reprendre notre route en toute discrétion, lorsque j'ai entendu quelque chose.
J'ai retenu mon chéri par le bras et lui demandant, à voix basse :
- Tu entends ?
- Non... Seulement les tambours dans ma tête, pour ne pas changer...
Je me suis concentrée de toutes mes forces pour localiser la source du bruit, ou en comprendre le sens.
- Je crois... Je crois que j'entends des battements...
Le Maître sourit à nouveau, de ce sourire étrangement fou que j'aimais tant. Il murmura :
- Sûrement moi. J'ai deux cœurs, tu sais.
- Je sais quels bruits font tes cœurs, mais ce n'est pas ça... C'est plus... Haut ?
Nous nous sommes lancé un regard perdu et apeuré avant de lentement lever nos têtes.
Là, sur le balcon au-dessus de nous, deux silhouettes nous observaient avec un sourire machiavélique.
- Fuck... maugréa le Maître. RUN !
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« No wonder why,
My heart feels dead inside,
It's cold and hard and petrified,
Lock the doors and close the blinds,
We're going for a ride. »
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Le Maître me prit par la main pour courir le long du porche, jusqu'à une porte-fenêtre grande ouverte sur le côté droit de la maison. Nous sommes rentrés, jetant des regards partout autour de nous, traversant tantôt un immense salon, puis une imposante cuisine dans laquelle nous cherchions quelque chose à manger.
Malheureusement, nous n'eûmes pas le temps de voler quoi que ce soit, car les propriétaires, un riche homme et une riche femme, rentrèrent à leur tour pour nous attraper.
Dans la précipitation de notre course, nous nous sommes séparés sans le vouloir. Je courais partout, traversant plusieurs salles au hasard, encore et encore.
Seulement, à cause de ma 'condition', ma tête commença à tourner.
Entendez par là, si vous n'aviez pas compris, que j'étais enceinte d'environ deux mois et, sans nourriture dans mon estomac, je commençais à me sentir mal.
Éventuellement, ce qui devait arriver, arriva, je suis tombée dans les vapes.
J'ai vu, à quelques centimètres devant moi, le Maître qui s'écroula à son tour sur le sol froid. Il a tendu ses mains vers moi, j'ai essayé de les attraper, mais mes yeux ont commencé à se fermer...
Puis, tout est devenu noir...
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« It's a bitch convincing people to like you,
If I stop now call me a quitter,
If lies were cats you'd be a litter,
Pleasing everyone isn't like you. »
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Lorsque j'ai rouvert les yeux, ma tête tournait encore et ma vision était floue. L'obscurité de l'endroit ne m'aidait pas du tout. Il y avait une odeur de renfermé, d'humidité et de froideur.
Lentement, mes paupières se sont levées et il m'a fallu quelques longues minutes pour comprendre que j'étais assise sur des marches en pierres, enfermé dans ce qui ressemblait à une cave angoissante. Malgré mes vertiges, je me suis levée en me tenant aux murs sales et détrempés. La cave était sombre, éclairée par une seule ampoule grésillante, avec trois petites fenêtres sales qui donnaient sur les jardins du Manoir.
En baissant mes yeux, je compris rapidement que le temps venait de passer.
Bien que je ne me souvenais pas de tout, mon ventre avait pas mal grossi, me voici désormais enceinte de plus de cinq mois. Je portais toujours ma vieille robe noire qui faisait ressortir mon ventre rond.
Soudain, j'ai entendu des bruits métalliques derrière moi.
En me retournant, j'ai découvert les deux propriétaires de la maison, descendre les escaliers de pierres tout en tapotant sur les rambardes en métal. Ils étaient suivis de leur enfant unique, une jeune fille d'une quinzaine d'années.
Voilà plusieurs mois que j'étais prisonnière de cette famille, dans cette lugubre cave et ils ne me donnaient que très peu à manger. Cette fois-ci, j'avais droit à de la chair à citrouille.
Ils trouvaient ça drôle de me nourrir de citrouille, étant donné que j'étais une Sorcière.
Ouais... Hilarant... Vraiment...
Mais, affamée, j'ai dévoré le légume cru avec mes doigts sales et mes ongles presque noirs.
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« Dancing jigs until I'm crippled,
Slug ten drinks I won't get pickled,
I've got to hand it to you,
You've played by all the same rules,
It takes the truth to fool me,
And now you've made me angry. »
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Une fois ma maigre nourriture engloutie, j'ai tourné mon regard vers le trio qui me regardait d'un air hautain. Comme pour la millième fois depuis des mois, j'ai demandé :
- Où est le Maître ? Je veux le voir.
Et, comme pour la millième fois depuis des mois, la femme a répondu :
- Non.
- Où est-il ?!
L'homme sourit d'une façon sadique, en lâchant :
- Dans les jardins, dehors.
- Depuis tout ce temps ?!
- Oui.
Mon cœur rata un battement.
N'y tenant plus, je me suis énervée :
- Je veux le voir ! Ça fait des mois ! Laissez-moi le voir !
Les deux propriétaires se sont jeté un regard complice puis, la femme leva les yeux au ciel en attrapant son téléphone portable dans la poche de son costume impeccable. Elle téléphona au jardinier, en maugréant seulement :
- Emmenez-le devant la fenêtre de la cave.
Mon cœur battait la chamade.
Quelques secondes plus tard, je pus découvrir le Maître, derrière la vitre sale de la pièce souterraine. Lui aussi était sale, il portait les mêmes vêtements que trois mois auparavant, mais couvert de terre, de boue et d'herbe. Ses cheveux partaient dans tous les sens, son visage amaigri était creusé par la faim et ses cernes noirs rendaient ses yeux bleus plus triste encore.
Il hurla 'ALISONE !' avant que les jardiniers ne l'agrippent par les bras pour le pousser loin de la fenêtre, hors de ma vue.
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« I can't decide,
Whether you should live or die,
Oh, you'll probably go to heaven,
Please don't hang your head and cry,
No wonder why,
My heart feels dead inside,
It's cold and hard and petrified,
Lock the doors and close the blinds,
We're going for a ride. »
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J'étais bien trop faible pour utiliser ma magie. Mes seules ressources allaient directement au bébé. Je me suis assise dans un coin de la cave, les larmes aux yeux et j'ai posé mes mains sur mon ventre rond. Perdu, j'ai tourné mon regard vers les trois personnes riches, pour plaider, une énième fois :
- Vous ne pouvez pas nous garder prisonniers indéfiniment. Laissez-nous partir !
L'homme esquissa un sourire malsain, en rétorquant :
- Pas possible.
- Pourquoi ça ?
- Parce que nous vous avons acheté.
Mon souffle se coupa.
Mes yeux brûlèrent.
Malgré ma voix tremblante, j'ai réussi à demander :
- Quoi ? Comment ça ? Ce n'est pas possible ! Vous ne pouvez pas acheter des gens !
La femme sourit à son tour, en informant :
- Si, si, c'est encore possible. Et nous vous avons acheté à l'État. C'était ça ou vous finissiez en prison. Nous avons préféré vous acheter.
Sous le choc, aucun mot ne sortit de ma bouche. L'homme reprit :
- Exact. C'était un bon prix, cela dit.
… De quoi ?
Mes yeux, embués de larmes, ont tué le bourreau du regard, et j'ai rétorqué :
- 'Un bon prix' ? Combien ?
Il leva les yeux au plafond, essayant de se rappeler du montant de notre liberté, pour finalement avouer :
- £4.
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« Oh, I could throw you in the lake,
Or feed you poisoned birthday cake,
I won't deny I'm gonna miss you when you're gone.
Oh, I could bury you alive,
But you might crawl out with a knife,
And kill me when I'm sleeping,
That's why... »
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Une larme coula le long de ma joue.
Le souffle coupé et la voix cassée, j'ai répété :
- '£4' ?
L'homme plongea ses mains dans les poches de son costard, en rajoutant :
- Enfin, £4 chacun, quoi. Donc £8 en tout.
Je caressais mon ventre en retenant mes larmes :
- Et le bébé ? Il vous a coûté combien ?
- Rien, il était compris avec toi.
Je lui ai lancé un regard plein de haine et de dégoût, qui le fit rire malgré tout. Sa fille semblait un peu plus 'Humaine' que ses parents. Son regard passait de moi à ses parents et de ses parents à moi, avec tristesse et incompréhension.
Mon cœur battait la chamade, mais j'ai demandé avec calme :
- Et... Une fois que le bébé va naître... Vous comptez le vendre ?
La femme étouffa un rire et son mari répliqua :
- Non. Il restera ici, avec toi. Tu vivras ici, dans la cave. Puis la journée, tu travailleras dans notre Manoir en échange du gîte et de la pitance.
- Sympa... raillais-je. Et le Maître ? Il pourra enfin me rejoindre ?
- Non. Non, nous voulons vous garder séparés, c'est mieux comme ça. Comme punition, déjà, et aussi pour ne pas que tu retombes enceinte !
Une larme coula le long de ma joue.
Encore.
Mes yeux me brûlèrent, je luttais pour ne pas éclater en sanglots.
- Et ensuite ? repris-je.
- 'Ensuite' ?
- Oui, ensuite, après la naissance du bébé, et moi travaillant pour vous, ensuite ?
L'homme haussa les épaules et dit, avec nonchalance :
- Rien. Rien du tout. J'imagine que tu resteras ici jusqu'à ta mort et ton enfant prendra la relève. Après tout, nous l'avons acheté lui aussi.
Cette fois-ci, je ne pus retenir mes larmes plus longtemps et je me mise à pleurer à chaudes larmes.
Encore et encore.
Encore et encore...
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Puis, je me suis réveillée.
La mort dans l'âme. Triste et fatiguée.
Il était 4h20 et je suis restée au lit jusqu'à 5h40.
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« I can't decide,
Whether you should live or die,
Oh, you'll probably go to heaven,
Please don't hang your head and cry,
No wonder why,
My heart feels dead inside,
It's cold and hard and petrified,
Lock the doors and close the blinds,
We're going for a ride. »
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* Le titre de mon histoire 'Liberti' fait référence à l'épisode 3.38 de la série Kaamelott, du nom de : 'Les Affranchis'. Dans cet épisode il est question d'achat d'esclaves avec la discussion qui m'a inspiré le titre :
Arthur : Écoutez-moi bien, espèce de zinzin, les esclaves à Kaamelott, ils sont tous affranchis.
Venec : Tous quoi ?
Arthur : Affranchis. Ils sont libres.
Venec : Vous voulez dire, comme les Liberti à Rome ?
Arthur : Exactement.
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14.02.2023
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