.

Il faisait froid et humide lorsque j'ai quitté le Pub 'Le Choix de Buscarron' dans ma ville Irlandaise nommée Drogheda. J'ai marché le long d'un pont, traversant la Rivière Boyne, tumultueuse par la marée montante, et je me suis emmitouflée dans mon épais manteau. Sous ce manteau bleu marine, je portais une ample robe noire, avec des chaussures Converses noires aux pieds, et mes longs cheveux châtains étaient coiffés en une grande tresse, fraîchement lavée le matin-même.

Après quatre Pints de Guinness et des heures et des heures de lecture de mon nouveau livre récemment acquis, du nom de : 'Lockwood & Co', je déambulais, sans être pourtant totalement ivre, au milieu des gens joyeux, jeunes, âgés, amoureux, célibataires...

Humains..

Je suis Humaine, bien sûr, même si je ne me considère pas comme telle. D'où les nombreuses séances avec ma Thérapeute.

Comment faire ?

Comment les comprendre ?

Comment leur parler ?

Tant de questions sans réponse...

Jusqu'à ce que...

.

Au détour d'une ruelle pour rentrer dans mon taudis, que dis-je, le 'Bordel' dans lequel je vis, un homme étrange me coupa la route en souriant et en lâchant un :

'Hello Sweety'.

De quoi ?!

L'homme en question était vêtu entièrement de noir, jogging et sweater noirs, chaussures de la même couleur, qui faisaient contraste avec ses cheveux blonds comme les blés, courts mais partants dans tous les sens, et surtout... Ses yeux bleus, si clairs qu'ils me donnaient envie de plonger dans les plus profondes des mers pures.

J'ai tiqué, en m'arrêtant devant lui, qui souriait jusqu'aux oreilles sans me quitter du regard :

- Hum... On s'connaît ? tentais-je, moi qui ne suis pas DU TOUT physionomiste.

L'étranger, qui n'en était pas un, se rapprocha de moi pour me murmurer, avec mystère :

- Le son des tambours, Alisone... Peux-tu les étendre ? Peux-tu les jouer au violon ?

Oh shit...

J'ai relevé mes yeux vers lui, comprenant :

- Le Maître ? Oh my... But... It can't be !

Il sourit :

- Tu parles comme le Docteur. Tu as passé trop de temps avec lui, de toute évidence...

.

Par réflexe, j'ai reculé, puis j'ai plongé ma main dans la poche gauche de mon manteau et j'ai couru vers la porte écarlate et décrépie de la Maison Close dans laquelle je vis.

Malheureusement.

Le Maître m'a suivi jusqu'au Hall angoissant du bâtiment, couvert de toiles d'araignées avec ces propriétaires grouillantes sur les murs jaunâtres, je suis montée jusqu'au premier étage et le Maître me regardait galérer avec la clef dans la serrure cassée de mon appartement.

Impatiente, et perdue, j'ai marmonné :

- Hum... Oui ? Pourquoi tu me suis ?

Il était posé contre le mur sale, et il sourit derechef, tout en me faisant les yeux doux, il avoua :

- Oh... Ali... Tu sais pourquoi... Je suis apparu devant toi ce soir, parce que j'ai entendu ton cœur et ce, à des milliers de galaxies de distance de cette étrange planète Terre.

Mon ventre se noua et je continuais à forcer la serrure pour ouvrir ma porte, tout en maugréant :

- J'ne vois pas de quoi tu parles.

Toujours tout sourire, il lâcha :

- Menteuse.

Serrure de merde. Elle ne fonctionnait qu'une fois sur cent.

.

Mon taudis n'était pas du tout grand, même minuscule, en réalité. Depuis la porte d'entrée, vous aviez vu sur ma chambre, juste en face, la salle de bain à gauche et le salon-cuisine à droite.

Le Maître me suivit, ferma la porte derrière moi et, pendant que j'enlevais mes chaussures, il observa mon antre, avec les yeux brillants d'admiration :

- WOW ! Des violons, un arc et des flèches, un ordinateur pour écrire, forcément, des centaines de plantes et des peintures... Mon Dieu, Ali, tu es encore plus intéressante que ce que je pensais !

- Hum... Merci ?

J'ai enlevé mon manteau, pour le pendre sur le crochet derrière la porte du salon-cuisine, pendant que le Maître se dirigeait vers mon violon Aithusa. Un violon de seconde main avec lequel je jouais toujours. Pour le plaisir ou pour mes examens.

Avec délicatesse, il passa ses doigts sur le bois usé, pour le prendre doucement entre ses mains, admirant les cordes couvertes de colophane, les petits stickers sur le manche noir, tout en demandant, avec sérieux cette fois-ci :

- Je me demande... Si tu pourrais jouer le son des tambours que j'entends depuis des milliers d'années dans ma tête...

J'ai tourné mon regard vers lui.

Le Seigneur du Temps semblait désormais perdu, comme un enfant orphelin, abandonné par ses parents, et non plus comme un Super-Vilain.

- Oui. Je pourrais.

J'ai marché vers lui, au milieu de ma jungle urbaine, pour récupérer mon violon entre ses mains froides et tremblantes. Mes doigts ont touché sa peau et j'ai senti un étrange courant électrique passer dans nos corps. Avec peine, le Maître m'observa, pour me dire, les larmes aux yeux :

- Je veux que ça cesse... Le son des tambours... Je les entends nuit et jour... Sans arrêt... Je veux que ça cesse...

Il ferma les yeux et plaqua ses mains sur ses tempes. J'ai remis mon instrument à sa place, puis j'ai concentré mon attention sur le Maître, dans la douleur.

J'ai soufflé un coup, essayant de faire taire mes sentiments, puis, n'y tenant plus, j'ai posé mes mains sur son visage.

Il a rouvert les yeux.

Il a posé ses mains sur les miennes et il a plongé son regard océan dans mes yeux bruns.

Durant de longues secondes, le temps s'arrêta et nous nous sommes regardés sans parler.

Puis, j'ai murmuré :

- J'ai une idée pour faire taire le son des tambours, le temps de quelques minutes...

Sous le regard perdu du Maître, qui ne comprenait pas où je voulais en venir, j'ai posé mes lèvres sur les siennes pour l'embrasser amoureusement.

Il ne s'y attendait pas et, au début, il ne me rendit pas mon baiser.

Puis, petit à petit, il se détendit et ouvrit finalement sa bouche pour faire danser sa langue avec la mienne...

.

Fin

.

Cette histoire, au demeurant improbable, a été écrite par moi-même et en collaboration avec mon fidèle partenaire Arthur Guinness...

(Voyez là une façon poétique de dire que j'étais pété après 5 Pints lorsque j'ai écrit cette ignominie.)