Un petit OS sur un trio peu courant mais que j'apprécie particulièrement .
C'est un vendredi soir comme les autres. Recroquevillée sur un divan de la salle commune, Tooru lissait de ses doigts invisibles les plis de son pyjama. Un ensemble rose et cyan. Féminin, voyant, élégant mais surtout confortable. Le short moulait impeccablement sa taille gracile. Le débardeur épousait à la perfection les courbes pulpeuses de sa poitrine et laissait entrevoir les discrets abdominaux qu'elle s'était forgée au fil des entraînements. Elle se trouvait jolie ainsi…
Mais personne n'était là pour le voir. La plupart de ses camarades était soit de sortie, soit encore en apprentissage. L'absence de Mina et d'Ojiro lui pesait particulièrement. Elle regarda la pendule murale et laissa échapper un soupir, la troisième fois en à peine vingt minutes.
Tsu Yu et Ochako ne seraient pas de retour de l'agence de Ryokyu avant 2h30 au mieux. Kyoka et Momo avaient reçu la permission exceptionnelle de quitter le dortoir durant le week-end. Elle assistait au concert de l'orchestre philharmonique d'Australie en visite au Japon. Le duo avait été sélectionné lors d'une mission d'aide bénévole. Sélection drastique, car il n'y avait que deux candidatures acceptées pour une petite dizaine de lycées. Mina était au cours de rattrape de Cimentos - rattrapage que Tooru avait elle même évité de justesse et auquel elle regrettait finalement de ne pas participer.
Par habitude, elle avait emporté avec elle tout son matériel de Nail Art. Mais elle ne pouvait pas en faire profiter ses amies. Jetant quelques regards inquisiteurs sur la table basse, elle hésita à se peindre les ongles seule…
Elle n'y avait plus tellement recours à cela ici à Huei. Elle préférait de loin s'occuper de la manucure de ses amies, être remarquée pour elle même et optimiser son camouflage pour les cours d'héroïsme.
Des soirs comme celui-ci, son invisibilité lui pesait parfois.
Elle fut sortie de ses rêveries moroses par un fredonnement inhabituel provenant de la cuisine. La torpeur passée, elle se rendit compte des quelques larmes qui perlaient sur ses joues. Fichues règles ! Elle était excessivement et inutilement émotive aujourd'hui. En plus du mal de ventre lancinant qui commençait et son manque d'appétit, elle devrait se coltiner une déprime passagère...
And if somebody hurts you, I wanna fight
Et si quelqu'un te blesse, je vais me battre
But my hands been broken, one too many times
Mais mes mains ont été brisées, une fois de trop
So I'll use my voice, I'll be so f*cking rude
Alors j'utiliserai ma voix, je serai tellement vulgaire
Words they always win, but I know I'll lose
Les mots, eux, gagnent toujours, mais je sais que je perdrai
And I'd sing a song, that'd be just ours
Et je voudrais chanter une chanson qui sera la nôtre
But I sang 'em all to another heart
Mais je les ai toutes chantées pour un autre cœur
And I wanna cry I wanna learn to love
Et je voudrais pleurer, je voudrais apprendre à aimer
But all my tears have been used up
Mais toutes mes larmes ont été épuisées
Drôle de chanson… Elle devait être ancienne, Tooru ne l'avait jamais entendue. C'était beau, mélancolique et entêtant.
Elle se retourna pour voir Midoriya sortir de la cuisine, une assiette et un shake de protéines à la main. Son mouvent attira l'attention du garçon qui rougit et s'excusa de ne pas avoir remarqué sa présence. Pas étonnant, pensant-elle amère.
"Pas de soucis, Midoriya. Qu'est-ce que tu chantais ? Je n'avais jamais entendu ça"
"Oh c'est une vieille chanson! Pas étonnant que tu ne la connaisses pas, elle date de l'air pré-alter. Ce n'est pas l'une des plus connues…"
Il s'interrompt, fronce les sourcils et vient poser son dîner sur la table basse devant elle. Hésitant et confus, il détourne le regard, cherchant visiblement quelque chose. Son visage s'illumine alors qu'il recule le couloir de l'entrée.
"Hakagure, je ne voudrais pas être indiscret… Mais est-ce que tout va bien ? Tu as pleuré il y a peu n'est-ce pas ?" Il lui tend la boite de mouchoirs.
Stupéfaite, Tooru en prend un machinalement en le remerciant.
"Je … Parfois mon alter pèse… ce n'est rien… Juste trop d'émotivité, mauvaise semaine du mois".
Elle peut précisément déterminer le moment où ses paroles intègrent le cerveau de son camarade. Il bafouille et rougit. C'est assez mignon, de quoi lui tirer un sourire malgré elle. Les garçons sont si prudes sur ce genre de chose.
"Euh… Tu veux une bouillotte, de la glace au chocolat …
- Ou du fromage ?"
Les deux sursautent violemment. Aucun des deux n'a remarqué Aoyama s'était approché et avait assisté à leur conversation. Fidèle à lui même, imperturbable, le blond égocentrique attendait une réponse qui tardait.
"Oh mon dieu, tu m'as fait une peur bleue." Sans être impoli, Midoryia affichait un certain malaise. Comme beaucoup d'autres membres de la classe, il n'arrivait pas à cerner le français.
"Cela dit, Midoriya a raison, peut-être qu'un peu de chaleur te soulagerait?"
Encore une fois trop sonnée par l'attitude consciencieuse de son camarade, par automatisme, elle hocha la tête. Le blond s'éclipsa pour revenir quelques instants plus tard avec une bouillotte au revêtement en peluche blanche brodée de quelques étoiles brillantes en sequin doré. Évidemment.
Tooru la cala dans son dos, au creux des reins, profitant de la chaleur nouvelle qui apaisait ses douleurs. Gêné mais ne voulant pas être impoli, Izuku reporta son attention sur son assiette.
"Vous voulez que je vous rapporte des wraps et des boissons ?"
Aoyama déclina, dégainant un plateau de fromage sorti d'on ne sait où. Tooru accepta une limonade.
"Midoriya est un fin observateur. Vous n'êtes pas spécialement proches tous les deux, pourtant il a tout de suite vu que quelque chose n'allait pas. Même en le sachant, c'était difficile à deviner pour moi, alors que ça fait plusieurs mois qu'on a des entraînements communs…"
Instinctivement, la jeune fille se retourne vers la cuisine et tend l'oreille vers le fredonnement mélodieux qui a repris.
"Il est comme nous, il sait ce que ça fait de souffrir à cause de son alter."
Ce murmure là est presque inaudible. C'est parce que le blond est face à elle qu'elle a pu distinguer ses paroles. Le sérieux et la gravité de l'égocentrique la surprennent. Ça ne dure qu'une fraction de seconde. Peut-être qu'elle a rêvé ? Quoi qu'il en soit, elle n'a pas le temps de s'attarder sur la question, Izuku lui tend sa boisson et elle s'empresse de la saisir.
C'était un vendredi soir comme les autres. Agenouillée à coté d'un divan de la salle commune, Tooru peignait de ses doigts invisibles les ongles de ses amis. Du cyan et un ensemble de strass pâles pour Aoyama. Du vert sapin parcellé d'étoiles oranges pour Izuku. Un simple rose réconfortant pour ses propres doigts de fée. Elle se trouvait jolie ainsi… Et d'autres étaient là pour le voir.
J'espère que ça vous a plu ^^
