7 juillet
Les amis sont la famille qu'on se choisit
Yuma ne se souvenait pas exactement comment sa sœur, sa grand-mère et lui avaient conservé la certitude que ses parents n'étaient pas morts. Ça lui paraissait assez incroyable quand il y pensait. Ils n'avaient jamais retrouvé la trace de Kazuma Tsukumo en l'espace de six ans, alors qu'il avait fait partie d'une expédition que quelqu'un avait bien dû financer, ni de Mira Tsukumo dont on se demandait encore comment elle avait pu savoir où le chercher. Ils auraient très bien pu être morts mais Haru, Kari et Yuma s'étaient tous naturellement dit que leur situation, si elle était probablement un peu compliquée, ne les empêcherait pas de revenir.
Alors, ils attendaient, mais ce n'était facile pour aucun d'entre eux et encore moins pour Yuma, pris en sandwich entre une grand-mère patiente et permissive et une grande sœur très occupée avec laquelle il se chamaillait souvent. Il aurait eu besoin de plus de repères, plus de directives et de complicité tout à la fois.
Astral, en fait, était exactement ce qu'il lui fallait. Il était plus âgé, vraisemblablement, on pouvait s'en douter malgré son amnésie, plus mature, plus calme, plus raisonnable. Il avait donc une place d'encadrant auprès de l'adolescent, dont il canalisait parfois les excès de confiance et d'énergie. Mais, d'un autre côté, il était arrogant, naïf devant un monde qu'il ne connaissait pas, curieux de tout, attentionné. Il servait donc aussi de confident quand les choses n'allaient pas bien et Yuma ne pouvait rien lui cacher, il voyait plutôt clairement dans son cœur.
Et puis, surtout, Astral était là en permanence.
Yuma et lui vivaient littéralement ensemble. Ils ne pouvaient pas se séparer à cause de la Clé dorée donc, évidemment, ils étaient un peu au fait de tout ce que fabriquait l'autre. Un peu comme des frères… L'adolescent n'avait jamais prononcé le mot, parce que le terme « d'ami » lui suffisait, mais l'esprit amnésique était un peu comme un ajout supplémentaire à sa famille.
Surtout qu'il ne voulait pas d'Astral, au début, se souvint-il avec un sourire en levant les yeux vers son partenaire. Comme un membre d'une famille, il avait dû faire avec jusqu'à ce qu'il l'accepte, qu'il accepte sa présence et se mette à avoir besoin de lui.
Il l'avait choisi pour faire partie de sa famille.
« Je peux changer de chaîne, si tu veux, proposa-t-il spontanément en faisant un nouveau petit tas avec les cartes de son Deck, qu'il triait.
-J'aime bien cette émission aussi, assura l'esprit amnésique, les jambes croisées l'une sur l'autre, en lévitation. Mais toi, c'est ta série préférée. Pourquoi est-ce que tu me proposes de changer ?
-Pour rien, prétendit Yuma, qui restait quand même un garçon pudique dans ses sentiments. Je ne veux pas que tu me casses les pieds toute la nuit si jamais tu rates un de tes programmes préférés.
-Tu n'entends rien quand tu dors, Yuma, rétorqua son ami. Alors ne va pas prétendre que je te dérange.
-Si, tu me déranges !
-Excuse-moi ? Ce n'est pas moi qui ronfle.
-Je ne ronfle pas ! »
Yuma s'enfonça dans le canapé en faisant la moue et répondit à peine à sa sœur qui lui demandait, depuis la porte de son bureau entrebâillée, à qui il parlait. Elle ne pouvait pas le voir et elle ne connaissait même pas son existence.
Astral décida de perdre un peu d'altitude et il s'installa carrément à côté de l'adolescent dans le canapé. Il avait dû ressentir que Yuma pensait à leur lien et il en était touché, lui aussi. Le reste de la soirée, il resta auprès de lui, même durant le dîner que le jeune Duelliste prit avec sa famille, puis lui tint un peu compagnie dans le grenier aménagé qui lui servait de chambre. Ils discutèrent, et puis l'esprit amnésique se retira dans la Clé dorée, qui quelque part pouvait s'apparenter à un lieu de retraite paisible et intime pour lui. Malgré la présence de ce désert de sable bleu et de cet aéronef, évidemment…
Yuma n'était pas sûr qu'il reviendrait auprès de lui le lendemain. Parfois, l'esprit amnésique essayait de le réveiller quand il dormait encore longtemps après la sonnerie de son alarme. Parfois, il lui était venu des questions pendant la nuit qu'il souhaitait lui poser ou alors il voulait juste en discuter avec lui, même quand l'adolescent n'avait pas le temps. Et puis, parfois, il se contentait d'être là et de ne rien dire du tout, disparaissant et apparaissant de la Clé dorée par intermittence.
Oui, songea une nouvelle fois Yuma en se tournant sur le côté dans son hamac, Astral, aussi insupportable avait-il été lors de leur première rencontre, avait réussi à combler un peu la terrible solitude qu'il ressentait depuis la disparition de ses parents. Il ne s'était pas attendu à trouver du réconfort et un peu de baume au cœur pour panser cette blessure dans la présence d'un esprit amnésique bleu aux yeux bicolores, lorsqu'on lui avait annoncé leur perte, à l'âge de sept ans.
Mais c'était bien ça, la beauté du mélange entre la famille et l'amitié.
