OF (UN-)REALITY
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RÉSUMÉ
Leonora Lesso s'est toujours sentie plutôt déconnectée de ses émotions. Encore plus depuis Rafal. Ça rend les choses compliquées, voir même difficile, pour elle puisqu'elle ne sait pas ce qui ne va pas. Et le découvrir pourrait l'aider un petit peu.
NOTES
Je ne sais pas si c'est clair, mais pour moi Lesso a toujours eu du mal à identifier ses émotions, et comment les gérer de manière saine lorsque ce qu'elle ressent devient trop fort.
C'est quelque chose que je ressens aussi, ce qui rend difficile pour moi d'expliquer ce ressentie. Alors... j'espère que vous avez quand même compris.
Maintenant, allez boire de l'eau et prenez soin de vous !
Leonora Lesso était assise sur sa chaise dans la salle des professeurs.
Techniquement, aucune de ces chaises n'étaient à elle, mais Lesso était connue pour l'adorer, et personne n'osait s'assoir dessus, même si la doyenne elle-même n'était pas présente.
Maintenant, les raisons pour lesquelles elle adorait cette chaise étaient simples.
Premièrement : son dos était face à l'un des coins de la pièce, deux murs vides qui ne permettaient à personne de se cacher derrière elle.
Deuxièmement : elle pouvait facilement voir toutes les entrées de la pièce. Ces deux portes donnaient une vue directe sur l'École du Bien, mais également sur le long couloir que les premières années empruntées, ainsi que la porte de l'École du Mal qui s'ouvrait sur un grand escalier.
Maintenant, vous vous demandez où se trouve la salle des enseignants ? Et comment elle pouvait connecter les deux bâtiments entre eux ?
Et, autant que Leonora détestait l'admettre, elle ne savait pas.
La magie, vous voyez, est une chose qui, par nature, défie les règles. Il existe des lois régulant son utilisation, mais les vraies règles, les véritables limites de la magie sont inconnues.
Alors techniquement, le salon des enseignants existait tout simplement, et c'était tout.
Pour Leonora, c'était juste une chose de plus qu'il fallait accepter, comme pour la plupart des choses dans le pays des contes. Une partie d'elle – cette partie curieuse de l'ancienne Lectrice de Gavaldon qu'elle était – voulait savoir, comprendre.
Lesso était devenue très douée pour ignorer cette partie d'elle-même, pour repousser l'enfant curieuse qu'elle avait été, dans l'océan sombre de son esprit.
Celui qui, elle le savait, pourrait se transformer en tempête capable de détruire quoi que ce soit et toute personne entraînée à l'intérieur.
Mais ce n'était pas la principale préoccupation de la Jamais. Ni les évaluations non corrigées qui réclamaient son attention.
Non, ce qui la dérangeait, c'est ce qu'elle ressentait.
Ce sentiment, ce mal de ventre, ses bras aussi lourds que le plomb et l'impression de flotter.
Elle fléchit lentement ses doigts. Ils bougeaient normalement.
Elle pouvait sentir le froid du métal de son stylo qu'elle tenait dans sa main gauche. Elle pouvait sentir la minuscule courbe de son stylo, causée par les bavardages incessants de ses Jamais qui avaient refusé d'arrêter leur conversation.
Elle n'avait frappé aucun d'eux – le Storien sait que Dovey en parlerait jusqu'à la fin des temps – mais la pointe du stylo était passée à quelques centimètres de l'œil d'une des princesses de Dovey. Ça l'avait soulagée.
Elle bougea doucement son doigt sur la minuscule courbe. C'était là, elle pouvait le sentir.
Mais, en quelque sorte, c'est comme si ce n'était pas vraiment là.
D'une manière ou d'une autre, tout cela n'avait rien de réel...
Le bruit de ses collègues marchant dans le salon était comme... étouffé. Lointain.
Une sensation de brûlure a attiré son attention sur son avant-bras. Elle ne s'était pas rendu compte qu'elle se grattait la peau. Maintenant, elle était rouge, irritée. Mais ça ne saignait pas encore...
Pathétique, faible, échec, monstre
Leonora a secoué la tête pour sortir de ses pensées. Elles sont parties, mais le sentiment d'irréalité persistait. Elle fronça les sourcils en fixant son bras. Il picotait encore.
Mais même ça, ce n'était pas tout à fait réel.
Leonora ricana, roulant des yeux.
Bien sûr que c'est réel. C'est obligé.
Et si c'étaient les pensées de Rafal ?
Non, il serait déjà là si c'était le cas. N'est-ce pas ?
Leonora leva rapidement la tête, scannant la pièce. Une seule autre personne était là, le gnome aux cheveux verts. Yuba. C'était son nom ?
Il ne semblait pas du tout remarquer la présence de Lesso.
Elle a continué à regarder autour d'elle, scannant la pièce trois fois.
Il n'y avait personne d'autre.
Alors pourquoi avait-elle si peur ?
Elle savait ce que c'était, bien sûr. Cette nausée. Elle était inquiète... Enfin non, pas inquiète. Elle était effrayée.
L'inquiétude était un autre sentiment. C'était différent.
Clarissa lui avait expliqué, se dit-elle. La dernière fois que ça s'est produit. Quand tout ne semblait pas tout à fait là, tout à fait réel.
Dissociation.
C'est ce que c'est.
Elle dissociait.
Super. Maintenant, comment faire pour l'arrêter ?
La première envie de Leonora était de l'ignorer, de continuer à faire comme d'habitude. Mais... elle avait de l'aide. Elle pouvait demander de l'aide.
Leonora a avalé sa fierté, mit les évaluations dans son sac, attrapé sa canne et s'est levée.
Elle connaissait un moyen pour l'aider à traverser ça.
Maintenant, il fallait qu'elle trouve Clarissa.
Clarissa, qui était actuellement entrain de donner cours...
Tu ne peux même pas gérer ça toute seule. Tu es devenue pathétique, chère Nora.
Lesso a serré les dents, secouant la tête brusquement avant de commencer son chemin vers la classe du professeur Clarissa Dovey.
Elle ignora le bruit de pas du fantôme derrière elle. Des pas si familiers, elle en frissonna, ses muscles se sont tendus en prévision d'une agonie insupportable.
Non.
Ses yeux émeraudes se sont durcis alors qu'elle accélérait son rythme. Elle ne pouvait pas aller plus vite que Rafal, elle le savait. Mais elle pouvait toujours essayer.
Heureusement, elle a atteint la porte rapidement. Un coup dur sur la porte avant qu'elle se s'ouvre.
« Donc, vous comprenez, chers élèves, c'est très important de... Lesso ! Qu'est-ce que vous faites là ? » Clarissa lève les yeux dans sa direction.
« Nous devons parler. Maintenant. » a grimacé Leonora. Elle pouvait sentir le souffle de Rafal dans son cou.
Clarissa l'a dévisagée un instant avant de hocher la tête. « Veuillez terminer de lire le texte de la page 160. Je reviens dès que possible. » Elle sort de la salle après avoir donné à ses élèves une consigne qu'ils ont suivi consciencieusement.
Dès que la porte s'est fermée, Clarissa s'est tournée vers Lesso avec inquiétude.
« Qu'est-ce qui se passe ? Les étudiants vont bien ? Quelqu'un est blessé ? Tu es blessée ? » elle a vérifié que Leonora allait bien.
Leonora a détourné le regard, maintenant gênée par la situation.
Pathétique. Courir vers une Toujours pour mendier un câlin comme un chiot battu... Sauve le peu de dignité qu'il te reste.
« Je... tout a l'air irréel. Je pense qu'un câlin aiderait. »
Clarissa a regardé sa collègue et partenaire la bouche grande ouverte. « Leo, tu me demandes un câlin ? »
Vous voyez, malgré le fait qu'elles soient partenaire, ensemble depuis un certain temps maintenant, Lesso n'était pas le genre de personne à faire des câlins. Elle était capable d'être affectueuse physiquement, elle aimait poser sa main sur l'épaule de Clarissa ou lui tenir la main. Mais un câlin ? C'était quelque chose qui arrivait très rarement. Et Leonora n'en avait jamais réclamé un avant.
Leonora se mord la lèvre et hoche la tête, baissant la tête et fermant les yeux.
Pathétique, faible, comment oses-tu interrompre sa leçon pour ça ? Tu es plus que pathétique, tu es la pire partenaire qui existe, elle reste avec toi seulement par pitié et...
Des bras ont enveloppé Leonora.
Elle s'est figée un instant, avant de retourner l'étreinte. Elle enterre son visage dans le cou de Clarissa, où elle pouvait sentir une odeur de miel réconfortante. Elle serre l'autre femme plus fort, espérant qu'elle comprendrait.
Et Dovey a compris, tenant fermement la rousse contre elle.
Après environ une minute, Leonora s'est éloignée. Dovey a fait la même chose, même si elle avait ses mains sur les joues de la jeune femme.
« Tu te sens mieux ? » a-t-elle demandé doucement.
« Oui, je... oui. Merci. »
Dovey hocha la tête. « Pas de problème, mon amour. »
Elle a volé un petit baiser à la Jamais avant de la laisser partir. « Je dois terminer ce cours. On se retrouve dans nos appartements plus tard ? »
Leonora hocha la tête. « Amuse-toi bien, Princesse. »
Elle a simulé une révérence, encore plus élégante que la plupart des princes de cette école, avant de tourner les talons et de disparaître dans le couloir.
Cette fois, il n'y avait aucun fantôme derrière elle.
