ELOQUENCE
FOURLEAFCLXVER
RÉSUMÉ
Leonora Lesso a toujours eu du talent pour utiliser les mots, et Clarissa... bien, Clarissa n'est pas aussi douée pour parler qu'elle, mais elle apprend, avec le temps.
INFORMATIONS
Personnages : Leonora Lesso ; Clarissa Dovey
Catégorie : F/F
Fandom : The School for Good and Evil / L'École du Bien et du Mal
NOTES
Leur relation est basée sur les actions, pas vraiment sur les mots, mais ça rend les choses plus réels. Ils écrivent leur propre petite histoire, inscrite dans le temps. Gravée dans la roche.
Les souvenirs disparaissent mais pas les histoires.
ELOQUENCE
I.
Clarissa ne se considérait pas comme une amoureuse de l'art. Elle apprécie une belle œuvre, comme la plupart des gens, bien sûr, et comprend la beauté d'une peinture. Mais elle ne sait pas comment vraiment voir la beauté de l'œuvre.
Mais Leonora – ce serait tellement cliché de dire qu'elle est une œuvre d'art, Leonora elle-même aurait ri – et pourtant. Et pourtant. Il n'y a pas d'autre façon de la décrire. Clarissa ne peut même pas trouver les mots pour le faire. Si je pouvais écrire la beauté de vos yeux et dénombrer toutes vos grâces en nombres immortels, l'avenir dirait : « Ce poète ment, des touches si célestes n'ont jamais touché de terrestres visages. » Clarissa a tant de sonnet dans sa tête maintenant ; mais ce passage résonne toujours en elle.
C'est juste... ses cheveux noirs tressés, son sourire au lever du matin, ses beaux yeux améthyste et la lumière qui s'y reflète. Clarissa en est vraiment consciente maintenant, mais chaque jour elle tombe encore plus amoureuse de Leonora. Elle devrait y être habituée, mais elle n'y arrivait pas. Ouah.
Leonora est belle de la même manière que la poésie : c'est lyrique et chaque facette d'elle s'intègre parfaitement à la suivante, elle représente tous les meilleurs mots dans le meilleur ordre. Et puis elle est belle de la même manière que la peinture : vivante, émouvante et sculptée parfaitement, comme une statue de marbre, une représentation de la personne idéale. Et puis... elle est belle de la même manière qu'une chanson : harmonieuse et cadencée, chaque aspect se fond dans une sorte de création de l'univers.
Clarissa n'a pas assez de mots pour la décrire, pas assez de compétence avec les mots, avec le dessin ou en composition. La seule manière dont elle arrive à s'exprimer, c'est avec les gestes, des actions. Une caresse par ci, par là. Un baiser, parfois plusieurs. Ce n'est pas suffisant mais c'est tout ce qu'elle peut donner.
Leonora semble comprendre, car bien sûr, elles se connaissant depuis si longtemps qu'elles sont comme des miroirs.
Tout de même.
Clarissa veut pouvoir lui dire.
Elle pourrait mémoriser des lignes et des lignes de livres et de poésie – elle est douée dans ce domaine. Elle pourrait, mais ce ne serait pas assez personnel, ce serait vide et elle le sait.
La mémoire n'est pas utile sans créativité pour l'entretenir.
Mais... elles vont dans un musée pour un rendez-vous galant. Clarissa sait tout sur tout, récite des anecdotes pendant toute leur visite alors qu'elles se promènent en se tenant le bras, et Leonora l'écoute de manière inébranlable.
« J'adore ça à ton sujet, tu sais. » avait-elle dit à Clarissa quand elles prenaient du thé, et du café trop sucré. « Que tu saches autant de choses. »
Clarissa l'embrasse parce qu'elle ne sait pas comment répondre autrement et chuchote contre les lèvres de Leonora : « Tu es si belle. »
Une fois que Leonora s'arrête pour étudier une peinture de plus près ; elle a l'air si parfaite que Clarissa pense qu'elle pourrait presque faire partie de l'art.
« Magnifique. » dit-elle.
De nouveau, ce sourire, comme un lever de soleil.
• • • • • •
Cette nuit-là, elle trouve une note sur un post-it, sur leur réfrigérateur, avec écrit « esthète ». Nom : personne qui affectionne l'art et la beauté. C'est l'écriture de Leonora.
« La conscience de soi, n'est-ce pas ? » taquine Clarissa.
« Peut-être que je parle de moi en te regardant. » rétorque Leonora.
Clarissa ne sait plus quoi dire.
II.
Leonora aime vraiment la pluie. Enfant, elle avait été du genre a sauté dans les flaques et a resté dehors pendant des heures, revenant trempé jusqu'à l'os. Clarissa, en revanche, avait toujours préféré rester à l'intérieur, avec un livre et une tasse de chocolat chaud, au chaud et au sec. Elle déteste la pluie avec chaque fibre de son être. Ce sont deux personnes très différentes. Mais ça ne change pas le fait qu'elles s'aiment.
Clarissa a fait beaucoup de petites choses stupides parce qu'elle était amoureuse, et beaucoup de choses douteuses aussi, mais ce que Leonora lui fait faire atteint le genre de questionnement « Pourquoi est-ce que je fais ça ? »
« Ce sera amusant. » avait déclaré Leonora de manière convaincante, et comme Clarissa est une idiote quand elle est amoureuse, elle avait accepté. Et, maintenant, elle entre dans un parc au bras de Leonora et sent la boue sous ses pieds, et elle commence à regretter.
Mais Leonora incline la tête et fait ce sourire, alors Clarissa suppose que c'est suffisant pour ce qu'elle s'apprête à faire. Un sourire comme un lever du soleil, se dit-elle à elle-même. Leonora saurait comment mieux le nommer, mais elle ne sait pas comment elle l'appelle, et elle ne saura jamais. Mais, selon Clarissa, ce sourire est suffisant pour égayer la journée nuageuse.
« Je ne comprends pas comment tu peux détester la pluie, » dit Leonora en fronçant les sourcils. « C'est rafraîchissant. Et il n'a pas plu depuis longtemps. Ne détestes-tu pas cette chaleur ? »
« Je n'aime pas la nature en général, » souligne Clarissa. « Plus particulièrement la pluie. C'est trop boueux. »
« Je ne comprends pas, » répète Leonora. « N'est-ce pas génial ? Tu ne peux pas le sentir ? »
Elle tourne sur ses talons, ouvrant les bras. « C'est merveilleux, ce sentiment après la pluie, Clarissa. Essaye de sentir. »
Clarissa soupire et prend une longue et profonde inspiration. Ça sent bon. Comme l'été, la rosée, ce vent léger, ce sentiment de liberté.
Non pas qu'elle le dirait à Leonora, bien sûr. Ce serait admettre qu'elle a tort.
Leonora semble quand même deviner et sourit, comme le lever du soleil.
Clarissa roule des yeux et l'embrasse, parce que Leonora peut être parfois intolérable, mais mon dieu, elle est amoureuse.
• • • • • •
Pétrichor, elle trouve une note sur le réfrigérateur le lendemain. Nom : odeur qui se dégage de la terre lorsque tombe la pluie après une période sèche. Bien sûr, Leonora ferait ça. Elle a ajouté un petit cœur en bas de la note. Et elles ne l'enlèvent pas.
III.
Selon leurs connaissances respectives, on pourrait penser que Clarissa était un nerd en histoire et que Leonora gravitait vers la poésie et la fiction, mais non. C'est tout le contraire. Clarissa est obsédée par les livres de poésie, et Leonora sait à peu près tout sur les armes historiques, ainsi que les faits divers. (Bien sûr, des armes. Leonora est une petite boule de méchanceté et elle est terrifiante lorsqu'elle se bat. Clarissa se souviendrait toujours du moment où Rafal Mistral et ils ont pratiquement essayé de se tuer au lycée.)
Malgré leurs préférences, elles étaient toutes les deux amoureuses de la lecture.
Leur appartement est une véritable bibliothèque avec des vieux livres. Il y a des livres partout, sur les comptoirs de la cuisine, sur leur bureau, sur le sol... Clarissa a arrêté de compter le nombre de fois où elle a trébuché sur l'un d'eux.
Un samedi matin, à huit heures, Leonora trébuche dans la cuisine. Clarissa lui verse une tasse de café à l'endroit où elle lit, sur le comptoir, où elle la regarde. Leonora n'est pas une personne du matin et il faut beaucoup de café pour la réveiller correctement. Café comme du café noir. Un café amer que personne ne peut supporter. Clarissa ne comprend pas comment Leonora peut en boire.
Une fois qu'elle est ivre de caféine, Leonora a l'air beaucoup plus éveillé, ses yeux ont une certaine étincelle alors qu'elle se penche en arrière sur sa chaise.
« Nous, » annonce-t-elle. « Avons besoin d'aller à la librairie. »
« Il y a une raison ? »
Leonora lui donne une longue explication sur un projet d'histoire qu'elle fait de son côté, ce qui se résume par : « J'ai besoin de plus de livres d'histoire. » Clarissa est plus qu'heureuse de se livrer à ce passe-temps.
« Narnia ? » propose-t-elle. Narnia, plus officiellement connue comme « L'armoire aux livres », mais généralement raccourcie en raison de leur logo (un lion et une armoire), est une librairie d'occasion à quelques minutes à pied de leur appartement, qui est devenue leur spot habituel. Elles n'étaient pas allées là-bas depuis un moment, peut-être un mois, et ce serait génial d'y retourner.
« Bien sûr, » confirme Leonora, se versant une autre tasse de café. « C'est un rendez-vous. »
« Comme c'est mignon. » dit Clarissa, sentant sa bouche se courber vers le haut.
Elles finissement lentement leurs petits déjeuners, parlant à travers des bouchées de nourriture et s'habillent. Leonora porte un pull violet, un jean et des baskets. La tenue est Clarissa est plus ou moins la même, même si elle a fait un chignon au lieu d'une tresse compliquée comme Leonora. Ça va être un bon petit voyage. Elles vont passer un bon moment.
Quand elles arrivent, cependant, quelque chose n'est pas comme d'habitude.
Les deux propriétaires semblent muettes par rapport à d'habitude, quelques étagères sont vides et il y a des boîtes dispersées un peu partout dans la librairie.
« Salut August... qu'est-ce qui se passe ? » demande Clarissa.
L'homme qui travaille au comptoir leur jette un coup d'œil. « Clarissa, Leonora. Je ne m'attendais pas à vous voir, ça fait un moment. » Il a l'air fatigué, usé d'une étrange manière. « Vous pourriez être nos dernières clientes. Callis et moi allons fermer. »
Sa partenaire, Callis, arrive et s'appuie contre le comptoir. « Nous n'avons plus de clients alors nous déménageons. Nous avons trouvé un lieu, un nouvel endroit pour reprendre à zéro, mais c'est toujours pénible. »
« Oh non. » dit Leonora, consternée.
August sourit tristement. « Vous trouverez un autre endroit. Mais vous allez nous manquer, toutes les deux. »
Clarissa hoche la tête. « Vous allez nous manquer aussi. »
Callis soupire. « Bien, allez chercher vos livres, je suppose. »
Elles le font, Clarissa s'attarde sur quelques volumes particulièrement intéressants alors que Leonora parcourt la section d'histoire, arrivant avec quatre livres empilés dans ses bras. Clarissa prend son propre livre et elles se dirigent vers la sortie.
« Ne nous oubliez pas. » dit Callis.
« On ne vous oublierons pas. » ont répondu en cœur les deux femmes.
Elles rentrent chez elles en silence, se recroquevillent sur le canapé et commencent à lire. La tresse de Leonora commence à se desserrer, une boucle tombe devant ses yeux et Clarissa la glisse derrière son oreille.
« Merci... alors ils s'en vont bientôt ? » dit Leonora distraitement, levant les yeux. « J'aimais bien August et Callis. Nous y sommes allées pour notre troisième rencart. »
« Parce qu'ils avaient de vieux livres avec de belles couvertures et que ça nous a fait penser à la maison. »répond Clarissa.
« Ça va faire bizarre. »
« On va s'y habituer. »
Leonora rit. « Ouais. On va s'y habituer. »
Elle se penche vers Clarissa. « Savais-tu... »
Oh mon dieu, Clarissa est tellement amoureuse d'elle.
• • • • • •
La note de Leonora comprend le mot vellichor le lendemain matin. Nom : atmosphère olfactive des librairies de seconde main. Clarissa sourit. Elles sont toutes les deux sentimentales. C'est toujours le cas, c'est vraiment cette odeur particulière qui les a amenés à venir dans cette librairie aussi souvent.
Clarissa n'abandonnerait pas ça, pour rien au monde.
IV.
C'est le jour de la Saint-Valentin. Aucune d'elles n'a jamais vraiment aimé cette journée : trop commercialisé, trop criard, trop hétéronormatif. Pourtant, il arrive parfois que Leonora se livre à de grands actes d'amour.
Elles passent une journée normale, pour la plupart du temps. Leonora se lève plus tôt, mais pas trop car on est samedi, et prépare le café alors que Clarissa reste dans la cuisine pour préparer le petit déjeuner. Elle décide de faire des pancakes puisque, apparemment, les gens en font pour la Saint-Valentin. Elle fait donc des pancakes en forme de cœur. C'est long et difficile à faire mais le sourire sur le visage de Leonora en vaut la peine. Clarissa arrose les pancakes d'un sirop au chocolat et ajoute des fraises. C'est un bon petit-déjeuner, se dit-elle.
Elles s'embrassent. Leonora a un goût de chocolat et de café et elle adore ça.
« Nous devons sortir, » propose Leonora. « C'est la Saint-Valentin après tout. »
« Ça va être bondé, peu importe où on ira, » répondu Clarissa. « À moins qu'on aille dans une bibliothèque ou quelque chose comme ça. »
« Pourquoi pas la bibliothèque, » accepte Leonora. « Le café sera ouvert, on peut essayer de déjeuner là-bas. » Elle jette un coup d'œil à sa montre. « Enfin, il est déjà neuf heures et demie, alors on peut y rester un petit moment. Ou nous pouvons commander des plats à emporter et faire un pique-nique sur la plage. »
La Plage Saumâtre. C'est leur endroit. Surtout parce que personne ne s'y rend, sauf elles, mais c'est un détail.
« Ça a l'air parfait. »
Leonora sourit. « Nous partons sur un pique-nique alors. »
Elles se sont changées avant d'aller à la bibliothèque en bus. Après environ deux heures passées à lire, elles vont au café. La barista au comptoir, Evelyn, lève un sourcil en les voyant. « Vous n'allez pas à un rendez-vous ? » demande-t-elle. « Passer la Saint-Valentin dans une bibliothèque est ennuyant, vous savez ? Non pas que je vous juge, mais vous êtes écœurantes avec votre d'amour. »
« Dit la femme qui a couru après un fiancé pendant des années. » répond sèchement Leonora. « C'est notre rendez-vous. » Les deux femmes ont toujours eu cette relation étrange, mais c'est très amusant à voir. Leonora et Evelyn sont amies depuis leur première rencontre. Clarissa ne s'en soucie donc pas.
Néanmoins, elle intervient pour arrêter leur querelle avant qu'elle ne dégénère. « C'est notre rendez-vous, ce qui signifie que tu dois arrêter de te disputer. »
Leonora rit. « Désolée, chérie. »
Evelyn soupire d'une manière trop dramatique. « Comme je l'ai dit. Vous être écœurantes. » Elle fait un clin d'œil à Clarissa alors qu'elle lui tend leurs sandwichs et des pâtisseries. « Si jamais tu en as marre d'elle, appelle-moi. »
« Ça n'arrivera pas. » rétorque Clarissa.
Leonora passe un bras autour de sa taille. « Encore heureux. »
Elles sortent du café, suivies du rire d'Evelyn.
Clarissa trempe ses pieds dans l'eau lorsqu'elles arrivent à la plage, assise sur un rocher et déballant un sandwich. Leonora la suit, assise sur le sable.
« Tu vas avoir du sable dans ton jean. »
« Ça en vaut la peine. »
« Tu es bizarre. » dit Clarissa affectueusement.
« Mais tu m'aimes. » chantonne Leonora avant de prendre une bougée de son propre sandwich.
Clarissa regarde l'eau et sourit. « Oui, c'est vrai. »
Leonora incline la tête avant de la redresser. « J'ai presque oublié ! Attend. » elle mort dans son sandwich et sort une petite note de sa poche. « Je l'ai écrit hier soir. Ne fait pas attention aux tâches d'encre, j'étais pressée. »
Elle met la note dans la main de Clarissa qui pose son sandwich sur ses genoux avant de l'ouvrir.
Et puis... des mots.
Il y en a tellement, écrit verticalement et à horizontalement. Leonora a raison, c'est tâché, mais c'est rempli d'amour. Encore et encore. Je t'aime. Amour. Je t'ai toujours aimé. Clarissa ne peut plus respirer.
Leonora était tout à faire le genre de personne à faire des choses comme ça.
Et bien sûr, Clarissa en était incapable, elle en était incapable parce que...
Ce n'est vraiment pas le moment pour ça.
Leonora la regarde avec les sourcils froncés. « Est-ce que tu vas bien ? »
« Oui, oui, » la rassure Clarissa, lisant la note. « C'est juste que... tu es capable d'exprimer des choses comme ça, et c'est beau, vraiment. Et moi non. Et j'en suis désolée. »
Leonora grimpe sur le rocher, à côté d'elle, entrelaçant ses doigts avec ceux de Clarissa. « Ne dit pas ça. Je sais que tu m'aimes. Et je peux le voir dans toutes tes actions à mon égard. »
Elle se penche en embrasse Clarissa sur la joue. « Ne change jamais. »
« Je n'ai rien fait pour te mériter. » soupire Clarissa.
« Au contraire, tu existes. »
• • • • • •
Les petites notes de Leonora commencent à devenir une habitude. Clarissa regarde la dernière note alors qu'elle prend le beurre pour son toast. Axiome. Nom : proposition considérée comme évidente, admise sans démonstration.
« C'est mignon. » dit-elle.
« C'est vrai, » sourit Leonora. « N'est-ce pas ? »
« Bien sûr que c'est vrai. Je t'aime, Leonora Lesso. »
V.
Deux lettres sont posées sur le comptoir de la cuisine, une adressée à chacune. Clarissa et Leonora se regardent.
« Ce sont les offres d'emploi. » dit Leonora.
« Ce sont les offres d'emploi. » convient Clarissa. Elles ont toutes les deux postulé pour des emplois dans une autre ville, loin, assez loin même, mais Leonora a été enseignante dans une école et elle a réussi à obtenir un entretien, et Clarissa a toujours eu l'intention d'utiliser son diplôme en psychologie. Les opportunités de travail dans l'autre ville sont plus variées que dans leur petite ville, et elle a profité de l'occasion.
Elle avale sa salive avant de prendre l'enveloppe avec son nom en même temps que Leonora attrape la sienne. Elles déchirent les enveloppes en synchronisation.
Il y a un moment de silence.
« Je suis prise. » lâche Leonora.
Clarissa scanne sa lettre. « Moi aussi ! »
Elles partagent un petit rire et un baiser avant que Leonora ne parle de la nouvelle option. Celle dont personne n'a parlé. Parce que ça signifiait un changement et aucune d'elles n'était encore prête pour ça. Elles ont emménagé il y a six mois dans ce petit appartement. Et maintenant.
« Nous allons devoir déménager. »
Clarissa soupire. « C'est le cas. Ce n'est pas comme si nous n'étions pas préparées, au moins. » Il y a un petit tas de publicités concernant des appartements dans un coin de leur chambre. Elles les collectent depuis qu'elles ont commencé à parler d'obtenir un nouvel emploi.
La bouche de Leonora se tort. « Ce ne sera pas pareil. »
« Rien n'est jamais pareil, » Clarissa hausse les épaules. « Mais nous allons nous adapter. Comme à chaque fois. »
Leonora n'a pas l'air convaincue alors elle laisse tomber le sujet.
Au cours des prochaines semaines, elles visitent une douzaine de nouveaux appartements, se rendant dans cette nouvelle ville presque trois fois par semaine. C'est fatiguant et aucun des appartements ne correspond à ce qu'elles recherchent. Clarissa commence à perdre espoir au bout d'un mois.
Et puis, elles finissent par tomber sur l'endroit parfait.
Il est plutôt éloigné, n'est pas particulièrement accessible, mais il se trouve près de leur lieu de travail, et ce ne sera pas trop compliqué de s'y rendre. C'est petit, mais elles sont habituées, et c'est confortable. Il y a des fenêtres, beaucoup de fenêtres. Cet appartement est éclairé d'une lumière naturelle.
Et c'est bon marché. Clarissa est amoureuse de l'endroit. Tout comme Leonora, apparemment.
Elles finissent par le louer et fixent une date pour déménager. Clarissa est tellement excitée, mais elle comprend ce que Leonora voulait dire. Ça lui fait de la peine de quitter leur appartement actuel, leur maison.
Mais la maison est l'endroit où se trouve la famille, se rappelle-t-elle, et sa famille est Leonora. Tant qu'elles sont ensemble, tout ira bien. Elles pourraient même tomber sur August et Callis.
La maison contient des souvenirs.
Mais quand même, elle ressent un sentiment de perte.
La dernière nuit qu'elles passent dans leur ancien appartement, il y a une pluie d'étoiles filantes. Clarissa et Leonora vont au parc pour la voir. Elles s'assoient sur un vieux banc grinçant et regardent le ciel. Ce n'est pas souvent qu'elles peuvent voir ce spectacle, le ciel est généralement nuageux.
Peut-être que ce ne sera pas pareil dans leur nouvel appartement.
Mais Clarissa ne veut pas penser à ça.
Alors, les voici. Deux femmes, assises dans le noir, regardant une pluie d'étoiles filantes autour d'elles. C'est comme la fin du monde.
Eh bien, techniquement, c'est la fin d'un monde.
Comme si elle lisait dans ses pensées, Leonora parle. « C'est comme si elles disent au revoir. Les étoiles filantes. »
« Elles vivent trop peu de temps. » murmure Clarissa, traçant le chemin d'une étoile filante avec son doigt.
« Certaines restent plus longtemps, » dit Leonora pensivement. « On ne peut peut-être pas les voir, mais elles sont là. Qui sait. Peut-être qu'elles brillent plus une fois que les vieilles étoiles disparaissent. Peut-être qu'une fois que nous aurons abandonné notre fixation sur elles, nous apprécierons ce que nous avons. »
« C'est poétique, » propose Clarissa. « Je suppose que c'est notre vie maintenant ? »
« Je suppose que oui. » accepte Leonora.
Il n'y a plus de mots après ça. Elles entrelacent leurs doigts et regardent le ciel.
Peut-être qu'elles brillent plus une fois que les vieilles étoiles disparaissent.
Clarissa l'espère. Vraiment.
• • • • • •
Éphémère. Adjectif : qui est de courte durée, cesse vite. Les notes de sont plus sur le réfrigérateur, remarque Clarissa. À la place, elles sont collées sur le comptoir de la cuisine. Elles sont habituées à leur nouvel appartement, mais c'est difficile quand elles ont pris l'habitude de leur vieil appartement merdique. Comment ont-elles fait pour s'y habituer en si peu de temps ?
« Ça ne fait pas si longtemps qu'on est parti, » dit tranquillement Leonora, à côté d'elle. « Mais ça me manque quand même. »
« J'espère qu'on va rester ici un peu plus longtemps. » songe Clarissa. Je veux rester avec toi. Pour toujours.
Leonora incline la tête pour terminer le fond de sa tasse de café. « Nous resterons longtemps. » dit-elle, sûre d'elle.
« Tu as raison. » accepte Clarissa. « Nous allons rester longtemps. »
Elle embrasse la joue de Leonora et Leonora se tourne pour l'embrasser correctement.
Ça va être une belle vie.
• • • • • •
L'amour n'a pas de définition. Aucune qui leur plaisent. Mais c'est là. Bien sûr qu'elles s'aiment.
