La question Croupton

Le lundi suivant, Harry assista avec plaisir à un cours de soins aux créatures magiques où Hagrid leur montra des Niffleurs, en chargeant les élèves, comme Harry s'en souvenait, de leur faire déterrer de l'or de farfadets. Alors que lui et Hermione s'enthousiasmaient de voir le Niffleur de Ron le couvrir d'or, et le dérider un peu, Harry réalisa que dans ses souvenirs, Hermione n'avait pas pu assister à ce cours car elle avait été envoyée à l'infirmerie, les mains attaquées par du pus de Bubobulb reçu par une lettre piégée, à la suite d'un article mensonger de Rita Skeeter.

De même, à la fin du cours, quand Ron profita de la tablette de chocolat de chez Honeydukes que Hagrid lui avait remis du fait que son Niffleur avait déterré le plus d'or de la classe, Ron ne réagit pas à l'information que l'or de farfadet disparaissait tout seul, puisque Harry ne lui avait cette fois pas acheté de Multiplettes lors de la Coupe du Monde de Quidditch, et que Ron ne l'avait pas ensuite remboursé avec de l'or de farfadet sans que ni l'un ni l'autre ne s'en rendent compte sur le moment.

Harry se félicita intérieurement du bien qu'il avait réussi à faire à ses deux amis, en corrigeant des petits malheurs de l'histoire, et accessoirement en mettant Rita Skeeter hors jeu. C'était en ces moments-là qu'il se sentait bien, capable de retourner le jeu du sort qui l'avait renvoyé dans sa propre adolescence tant d'années plus tôt, en apprenant de ses erreurs et en faisant pour ses amis un avenir plus radieux.

En s'installant pour déjeuner, pendant que Ron et Hermione se servaient de larges tranches de rosbif et de pommes de terre, Harry se fit la réflexion qu'après cette modérée mais franche réussite, il avait bien le droit de prendre un moment pour lui. En sortant de l'épreuve du lac, il avait considéré l'idée de poursuivre sa relation avec Ginny, suspendue après la soirée de Noël. Il était peut-être temps de la reprendre. Il aperçut justement Ginny, à quelques mètres de lui, un peu plus loin le long de la table des Gryffondor. Il lui adressa un sourire et un petit signe de la main, qu'elle lui rendit, agréablement surprise. Il se redressa sur sa chaise avec satisfaction et reprit son repas.

En fin d'après-midi, il s'installa dans un fauteuil de la salle commune, en faisant discrètement attention à ce qu'aucun fauteuil libre ne soit placé trop près afin que Ron ne soit pas tenté de s'asseoir à côté de lui. Il avait demandé à Hermione, si elle voyait Ginny, de lui demander de venir le voir. Harry resta un peu affalé à regarder le feu, en surveillant de temps en temps les entrées et sorties de la pièce. Il se décontracta petit à petit en sentit ses paupières se fermer et la chaleur du feu l'envelopper progressivement sur le bruit de fond de la Salle Commune.

Soudain, une main se posa sur son épaule. Il battit des paupières et se redressa un peu brusquement. Il regarda autour de lui et croisa le regard de Ginny, qui pouffait de rire en voyant son réveil en sursaut. Il sourit à son tour.

— Tu voulais me voir ? demanda Ginny avec un sourire amical.

— Oui, répondit Harry en jetant des regards furtifs dans le reste de la salle commune.

Il ne parvint pas à repérer Ron, ce qui signifiait qu'il était déjà remonté se coucher. Parfait, autant ne pas compliquer les choses - et risquer non seulement de se brouiller avec lui, mais aussi de changer le passé. Hermione était en train de ranger ses affaires sur la table au centre de la pièce. Harry se redressa à nouveau.

— Oui, tu veux prendre un fauteuil ? On peut rester un peu au coin du feu, proposa-t-il.

Ginny sourit à nouveau et accepta d'un hochement de tête. Elle tira un fauteuil libre en sa direction. Harry croisa le regard d'Hermione qui remontait en direction de son dortoir et qui lui fit un petit signe, ayant visiblement compris ce qui se passait. Harry était content de voir que son amie le soutenait.

Installés l'un à côté de l'autre, Harry et Ginny restèrent quelques heures au coin du feu, à discuter innocemment pendant que les élèves remontaient un à un dans les dortoirs. Au début, personne n'aurait pu soupçonner un lien amoureux entre eux deux, étant simplement deux amis assis l'un à côté de l'autre, mais au fur et à mesure que de moins en moins de regards se posaient sur eux, ils se mirent inconsciemment plus en confiance, rapprochant progressivement leurs fauteuils et s'affalant de plus en plus l'un vers l'autre. Harry finit par poser innocemment son avant-bras sur l'accoudoir de Ginny après une explication avec les mains qui lui arracha un rire cristallin, et Ginny, tout aussi innocemment, posa sa main sur celle de Harry pendant qu'ils continuaient leur conversation.

Ils finirent par réaliser qu'ils étaient seuls dans la salle commune, les seuls crépitements du feu leur faisant remarquer l'absence du brouhaha et des chuchotements qui avaient précédé. Ils en étaient arrivés à la vraie discussion que Harry voulait avoir avec elle.

— Tu sais, commença-t-il, je m'en veux un peu de ne pas avoir continué à te voir après le bal de Noël. J'espère que je ne t'ai pas donné l'impression de t'abandonner, ou d'être déçu, ou que sais-je encore. Je me souviens même que ce soir-là j'étais sorti en te laissant dans la salle de bal, et je crois que je ne suis pas revenu ensuite…

— Ne t'inquiète pas, répondit Ginny en serrant sa main dans la sienne. Moi aussi je suis sorti de la salle de bal sans revenir, ce soir-là. Moi aussi, je suis allée voir Hermione…

Harry acquiesça. Hermione lui avait dit qu'elle avait arrangé une… aventure entre Ginny et Fleur, mais Ginny ne savait peut-être pas que lui était au courant. Peu importait, en réalité.

— Mais non, je n'ai pas cru que tu t'éloignais de moi, le rassura Ginny. Je me suis dit que tu avais peut-être besoin d'attendre, de faire les choses à ton rythme, et puis moi non plus je ne suis pas allée vers toi à ce moment, donc c'est tout autant ma faute que la tienne !

Elle arracha un sourire à Harry.

— En tout cas, j'avais passé une très bonne soirée avec toi. La robe que tu m'avais offert était très belle, j'étais radieuse de pouvoir sortir au bras d'un champion de l'école !

Harry remarqua qu'elle avait pris sa main dans les siennes et que, consciemment ou non, elle avait commencé à lui caresser le dos de la main. Il lui sourit à nouveau en se penchant un peu plus vers elle.

— Tout va bien alors, chuchota-t-il, si tu ne m'en veux pas.

Ginny pouffa à nouveau de rire en le regardant dans les yeux. la chaleur du feu semblait se répandre dans tous les membres de Harry, et au fond de sa poitrine. Son regard était plongé dans les yeux de Ginny. Il prit une inspiration, ferma les yeux, et posa ses lèvres sur les siennes.

Ginny lui rendit son baiser en étreignant sa main entre les siennes. Il caressa sa joue tout en gardant ses lèvres contre les siennes, profitant de ce moment d'intimité. Il n'avait pas profité d'un tel moment avec sa femme depuis bientôt un an, mais il n'avait pas ressenti ce sentiment adolescent d'un premier amour depuis des dizaines d'années auparavant.

Leurs lèvres se séparèrent lentement. Ils se regardèrent, détendus et satisfaits. Harry joua avec une boucle rousse des cheveux de Ginny, en lui caressant la joue comme elle aimait. Il déposa un baiser sur son nez, pour rompre gentiment ce moment de suspension.

— Il est tard, chuchota-t-il. On ferait bien de rentrer se coucher. Mais, on se revoit un prochain soir, d'accord ?

Ginny acquiesça avec un sourire. Ils se dirent au revoir et prirent le chemin de leurs dortoirs, le cœur léger. Cette nuit-là, Harry rêva de la vie qu'il avait passé et pourrait peut-être vivre à nouveau avec Ginny.

Hedwige revint la semaine suivante au petit déjeuner avec la réponse de Percy, qui sans surprise nia tout problème avec Mr Croupton et leur confirma qu'il ne l'avait pas revu, tout en leur souhaitant de joyeuses Pâques du bout des lèvres. Harry griffonna un message transmettant l'information à Sirius, qu'il joindrait au prochain colis alimentaire. Il se concentra sur les envois de Molly Weasley, autrement plus accueillants : des œufs en chocolat aussi gros que des œufs de dragon, remplis de caramels qu'elle avait préparé elle-même, pour Harry, Ron, Hermione, et Ginny que Harry apercevait un peu plus loin sur la table. Elle en avait probablement envoyé à tous ses enfants.

Harry et Ginny ne s'étaient pas reparlé depuis la soirée qu'ils avaient passé dans la salle commune, mais ils s'échangeaient régulièrement des signes discrets ou des regards à l'insu des autres quand ils se croisaient. Ce petit jeu amusait beaucoup Harry, aussi quelques semaines s'écoulèrent sans que Harry ne se presse à fixer un autre rendez-vous. Les cours leur prenaient de toute façon beaucoup de temps, et Harry ne voulait pas précipiter les choses au risque qu'on les surprenne et que l'information arrive aux oreilles de Ron.

Harry se décida finalement un vendredi de la mi-mai, en prévoyant que l'attaque de Croupton lui prendrait bientôt toute son attention. Le soir même, dans la salle commune, il fit un signe discret à Ginny alors qu'elle entrait par le portrait de la grosse dame en se dirigeant vers son dortoir. Elle s'approcha et il se pencha discrètement vers elle.

— Cette nuit, tu es disponible pour qu'on sorte tous les deux ? chuchota-t-il.

— Cette nuit ? demanda-t-elle sur le même ton avec un sourire. Sortir ? Pour aller où ?

— C'est une surprise, répondit Harry d'un air malicieux. On se retrouve ici à minuit ?

— D'accord, minuit, conclut Ginny d'un air curieux et amusé.

Elle passa la main le long de son bras et de son cou en faisant mine de n'avoir pas fait exprès et s'éloigna. Harry sourit et se retourna vers les parchemins de cours qui comblaient la table. Ron et même Hermione n'avaient rien remarqué de l'échange qui venait de se dérouler à côté d'eux et restaient plongés dans leurs révisions. Harry était content de l'idée qu'il avait eu pour la soirée, et il avait hâte que la nuit soit tombée.

Harry descendit les escaliers en silence lorsque sa montre indiqua minuit moins cinq, sa cape d'invisibilité sous le bras. Il atterrit dans la salle commune déserte. Ginny n'était pas encore arrivée, il était en avance. Il s'avança vers la cheminée où deux bûches flamboyaient encore. Il s'apprêtait à s'asseoir dans un fauteuil pour patienter quand une silhouette sombre se dessina dans le couloir qui menait aux dortoirs des filles, et Ginny émergea dans la salle commune.

Elle portait son uniforme scolaire ordinaire, mais Harry remarqua qu'elle avait quand même soigné sa coiffure par rapport à d'habitude - sans aller jusqu'aux fils d'or tressés dans ses cheveux comme au bal de Noël, ça se voyait qu'elle y avait mis des efforts. Harry lui sourit et lui prit la main.

— Ça va, tu es toujours réveillée ? demanda Harry d'un ton amusé.

Ginny hocha la tête.

— Oui, je me suis cachée de mes voisines de dortoir pour sortir. J'ai l'habitude, tu sais, quand je…

Elle rougit légèrement et se reprit.

— Enfin, je… je sais comment sortir sans me faire remarquer.

— Quand tu vas voir Hermione, je sais, répondit Harry d'un ton rassurant. Pas de problème, je suis au courant.

Ginny lui adressa un sourire espiègle.

— Voilà, c'est ça. Alors, on y va ?

Harry fit un geste en direction du trou dans le mur qui permettait de sortir de la salle.

— J'ai pris la cape d'invisibilité en cas de mauvaise rencontre mais on ne devrait pas en avoir besoin, chuchota Harry en sortant la carte du Maraudeur de sa poche et en vérifiant qu'ils étaient bien seuls dans cette partie du château. Il suffit de ne pas faire trop de bruit.

Ginny acquiesça. Elle avait l'air à la fois effrayée et excitée par le fait d'être dans les couloirs.

— Je n'ai pas l'habitude de sortir de la salle commune la nuit ! murmura-t-elle. D'habitude on reste dans les dortoirs…

Harry acquiesça avec un sourire. Tout en gardant un œil sur la carte, il la mena à travers les couloirs du château. Le silence nocturne était reposant. Ginny s'interrompit alors qu'il la menait vers un escalier montant à l'étage supérieur.

— On ne va pas dehors, dans le parc ? murmura-t-elle.

Harry hocha la tête d'un air énigmatique. Elle lui emboîta le pas, plus intriguée. Ce ne fut que quand ils arrivèrent devant un escalier en colimaçon au bout d'un couloir sombre qu'elle comprit où ils allaient.

— La tour d'astronomie ?

Harry acquiesça, sans répondre sous son sourire satisfait. Elle lui emboîta le pas le long de l'escalier étroit. Harry passa la petite porte du haut de la tour, s'écarta pour laisser passer Ginny, et inspira profondément l'air froid de la nuit. Il prit quelques secondes pour laisser passer la vague d'émotions liée à tout ce qui s'était passé sur le haut de cette tour. C'était là qu'il avait vu des membres du ministère envoyés par Ombrage attaquer Hagrid dans sa cabane, mais c'était surtout là que Dumbledore était mort, tué de la main de Rogue, sous ses yeux, un peu plus de vingt-trois ans subjectifs dans le passé de Harry.

Il chassa ces idées de sa tête et se tourna vers Ginny, qui regardait autour d'elle avec curiosité. Harry écarta les bras d'un geste conquérant.

— La tour d'astronomie ! Regarde-moi cette vue… Même la nuit, je me suis toujours dit que le panorama devait être incroyable.

— Et le ciel, répondit Ginny en acquiesçant. Tant d'étoiles… elles sont belles !

Ils se tinrent sur le parapet, regardant la Forêt interdite qui s'étalait en contrebas. Harry prit doucement la main de Ginny dans la sienne. Elle se blottit contre lui sans rien dire. À côté du profond silence des couloirs, les petits bruits de la nuit et des animaux de la forêt apportaient un calme qui faisait du bien.

Ils passèrent un temps allongés sur la pierre froide du château, se tenant toujours par la main, à se chuchoter quelques paroles en regardant les étoiles. Ils laissèrent la fatigue de la journée les gagner petit à petit, s'alliant aux sentiments qu'ils ressentaient l'un pour l'autre pour les faire se sentir comme dans un cocon de paix et de détente, malgré le froid de l'air nocturne. Ils restèrent ainsi quelques heures, jusqu'à ce que Ginny quitte le ciel des yeux et tourne la tête vers Harry.

Sans dire un mot, elle approcha son visage du sien et l'embrassa. Harry ferma les yeux et se laissa aller, sentant la douceur des lèvres de Ginny contre les siennes, la lumière de la lune et des étoiles sur leur peau, et la paix qui les entourait. Ginny prolongea plusieurs fois ce baiser en caressant la joue de Harry. Elle s'enhardit et se redressa pour le surplomber, en posant une main sur la pierre dure pour se soutenir et une autre sur le visage de Harry, avant de l'embrasser à nouveau. Harry la prit dans ses bras et passa ses mains sur son dos, sur ses hanches, sur ses fesses. Il n'osait pas toucher ses seins, pas encore. Ginny se redressa et le regarda dans les yeux, une expression de passion et de désir sur le visage.

Harry se redressa, Ginny s'assit sur sa cuisse. Ils se regardèrent, leurs visages à quelques centimètres l'un de l'autre. Harry sentait sa respiration contre sa peau, il sentait Ginny frissonner sous ses doigts. Elle avala sa salive et glissa une main sur la poitrine de Harry, à travers son col déboutonné. Elle ferma les yeux et écouta les battements de son cœur à travers sa paume. Harry passa à son tour une main sous sa jupe et caressa doucement sa cuisse, remontant jusqu'à ses fesses, passant les doigts sur le tissu de sa culotte. Ginny posa la tête sur son épaule, les yeux fermés, et l'embrassa doucement dans le cou.

— Tu veux rester ici cette nuit ? murmura Harry.

Ginny acquiesça.

— Oui, répondit-elle dans son oreille. Je veux rester avec toi.

Harry retira sa main de la jupe de Ginny, et attrapa et déplia la cape d'invisibilité qui était posée à côté d'eux. Il s'allongea à nouveau sur le dos et laissa Ginny se coller contre lui, avant de la recouvrir de la cape. Ginny se blottit contre son torse, la tête contre son cœur. Harry passa un bras autour d'elle et la serra contre lui. Il passa une main dans ses cheveux, de plus en plus doucement à mesure qu'ils s'endormaient. Il laissa le sommeil l'emporter, sous les étoiles et la lune, et Ginny dans ses bras.

Ce furent les premiers rayons du soleil levant, passant entre les créneaux du parapet de la tour, qui tirèrent Harry du sommeil. Il battit des paupières et regarda autour de lui. Il sentait le tissu de la cape d'invisibilité contre son visage, et le corps chaud de Ginny toujours blotti contre le sien, qui respirait doucement, toujours endormi. Il dégagea son bras de ses cheveux pour regarder sa montre : il était cinq heures et demie du matin. Il se sentait bien, reposé, mais son dos était raide de la pierre froide de la tour, et son érection matinale le lançait un peu. Il était probablement l'heure de rentrer dans leurs dortoirs respectifs, avant que d'autres élèves ne se lèvent et risquent de remarquer leur absence.

Harry passa une main dans les cheveux roux de Ginny, qui scintillaient sous la lumière dorée du soleil naissant, et la secoua doucement. Elle remua faiblement et il la laissa émerger lentement du sommeil. Elle redressa la tête pour le regarder, le regard flou et encore endormi. Elle sourit et déposa un baiser sur sa poitrine, en l'enserrant dans ses bras. Harry sourit à son tour et lui caressa la joue.

— Il va falloir qu'on rentre, murmura-t-il.

Ginny hocha la tête, les yeux refermés. Elle prit quelques inspirations pour se réveiller, puis se redressa doucement en écartant le tissu de la cape d'invisibilité qu'elle laissa glisser sur le sol. Elle laissa le soleil éclairer son visage en souriant, ce qui acheva de la faire émerger. Harry se releva à son tour et s'étira en frottant ses muscles engourdis. Il prit la main de Ginny et l'aida à se relever. Elle lui saisit les mains et le regarda dans les yeux, un sourire aux lèvres.

— Merci, murmura-t-elle.

— Tu as passé une belle nuit ? demanda Harry en souriant.

Ginny pouffa de rire et acquiesça, en se blottissant contre lui. Harry la serra dans ses bras. Ils se séparèrent et Harry ramassa la cape d'invisibilité. Il la plia et la rangea sous son bras. Avant de partir par la petite porte qui menait vers l'escalier en colimaçon, Ginny le retint par la main. Elle semblait avoir quelque chose à lui dire sans savoir comment le formuler.

— Tu sais… la première fois avec Hermione, on a fait l'amour directement. La première fois qu'on a été plus qu'amies, je veux dire. Et presque toutes les autres fois où on a dormi ensemble. Mais avec toi… là, on n'a pas fait l'amour, et j'ai l'impression que c'était… beaucoup plus, beaucoup mieux, beaucoup plus fort que toutes les autres fois avec Hermione. Je ne sais pas comment le dire, mais… cette nuit, c'était beaucoup plus, pour moi.

Elle conclut en l'enlaçant une nouvelle fois et en posant la tête sur sa poitrine. Harry sourit et lui caressa les cheveux.

— Tu es amoureuse, Ginny, dit Harry. C'est pour ça que c'était différent.

Ginny pouffa de rire et renifla. Harry remarqua qu'elle avait les larmes aux yeux.

— Évidemment que c'est parce que je suis amoureuse, répondit-elle d'un air moqueur en s'écartant de lui avec un sourire amusé. Ça fait longtemps que je le sais.

Harry resta un peu interdit devant elle. Elle lui jeta un petit coup de poing dans les côtes et lui fit un clin d'oeil en se dirigeant vers la porte. Ils descendirent l'escalier en faisant toujours attention de ne pas faire de bruit. Harry n'oublia pas de sortir la carte du Maraudeur de sa poche en sortant de l'escalier pour vérifier que le chemin était libre. Ils se séparèrent dans la salle commune, échangeant un dernier baiser avant de remonter chacun dans son dortoir. Harry se dit qu'il avait passé une des meilleures nuits de sa vie, et certainement depuis qu'il était revenu à Poudlard.

Deux semaines plus tard, Harry dut à nouveau se lever tôt pour arpenter les couloirs du château aux aurores. C'était enfin le jour de l'accident de Croupton, le jour où il allait pouvoir, si tout se passait bien, sauver la vie d'un homme.

Dans les premières heures de la matinée donc, Harry quitta la salle commune de Gryffondor, sous la cape d'invisibilité. Il commença par le terrain de Quidditch, où il alla chercher un balai, qu'il prit au hasard parmi le stock de l'équipe de Gryffondor. Il ne manquerait à personne, étant donné que la Coupe des quatre maisons était annulée cette année. Toujours sous sa cape, il se rendit à la lisière la plus proche de la Forêt interdite, non loin de la cabane de Hagrid, et fouilla dans sa mémoire, aidé par le charme d'hypermnésie, pour être certain de retrouver le bon endroit où Croupton devait arriver. Il fit léviter le balai au bout de sa baguette magique pour le cacher parmi les branches de l'arbre le plus proche.

Une fois certain que le balai ne tomberait pas et qu'il était masqué aux regards par les feuilles de l'arbre, il reprit le chemin du château, se dirigeant cette fois vers les cuisines. Les elfes furent surpris de le voir arriver si tôt, mais ne firent pas de façons et l'accueillirent de manière tout aussi enthousiaste et exubérante que d'habitude. Il refusa gentiment leurs offrandes, les laissant à la préparation du petit déjeuner, et prit Dobby à l'écart.

— Viens par ici, Dobby, lui dit-il en l'entraînant dans un coin de la pièce. J'ai besoin que tu fasses quelque chose pour moi.

— Dobby est prêt à tout pour aider Harry Potter, monsieur, répondit l'elfe en souriant.

— Merci, Dobby, dit Harry en vérifiant qu'aucun autre elfe ne risquait de les entendre. Voilà ce que je voudrais que tu fasses, et attention, c'est très important. Tu connais la Salle sur Demande, non ?

— Oui, monsieur, répondit Dobby en hochant la tête. C'est là que Dobby a soigné Winky à son arrivée à Poudlard, monsieur.

— Très bien. Ce soir, il y aura quelqu'un dans la Salle sur Demande. Quelqu'un qui sera mal en point, et qui aura besoin qu'on s'occupe de lui, qu'on lui apporte à manger et à boire, tu comprends ?

— Oui, monsieur, répondit Dobby en hochant la tête.

— Tu vas devoir faire ça pour lui, Dobby, et faire en sorte qu'il n'aie jamais faim, jamais besoin de sortir de la pièce. C'est d'une importance vitale que personne ne sache qu'il est là, tu comprends ? Ni Dumbledore, ni aucun professeur, ni Winky. Personne. Parce que cet homme, c'est monsieur Croupton.

Dobby ouvrit de grands yeux ronds, mais il acquiesça vigoureusement après quelques secondes de réflexion.

— Dobby comprend, monsieur. Dobby fera tout ce qu'il faut pour aider Harry Potter. Il gardera le secret, monsieur.

Harry lui sourit, et lui donna une tape reconnaissante sur l'épaule.

— Merci, Dobby. Je savais que je pouvais compter sur toi.

Il laissa Dobby, l'air radieux de pouvoir l'aider et de se voir confier une mission, et remonta dans la Grande Salle en repliant la cape d'invisibilité sous sa veste pour prendre son petit déjeuner. Il était le premier, de loin, mais passa inaperçu à mesure que les autres élèves entraient au compte-gouttes dans la salle.

La journée passa lentement, Harry était particulièrement nerveux. À la fin du cours de métamorphose, il écouta d'une oreille distraite lorsque McGonagall l'informa qu'il devait se rendre au terrain de Quidditch à neuf heures, une information dont il avait déjà évidemment connaissance.

L'après-midi, il erra dans les couloirs, abandonnant Ron et Hermione à leurs révisions. Il cherchait l'imposteur, mais ne devait ni laisser voir qu'il le cherchait, ni se faire remarquer de l'imposteur lui-même. Il réussit finalement à le croiser alors qu'il terminait un cours de défense contre les forces du mal.

Harry profita de la cohue des élèves sortant de la salle pour pointer sa baguette vers un encrier sur la table de l'imposteur. Il ne pouvait pas la pointer directement sur lui, de peur de se faire surprendre par l'œil magique qui ne manquerait pas de le repérer. Il enchanta l'encrier et s'adossa au mur, attendant patiemment que l'imposteur le saisisse. Quand il le fit enfin pour le ranger dans son sac, Harry activa l'enchantement et déclencha le charme de Persuasion sur Croupton junior, le même charme qu'il avait utilisé sur Moroz et Funestar le jour de la Coupe du Monde.

En fermant les yeux, il se concentra pour rentrer dans la tête de l'imposteur, prendre son contrôle, le persuader de le surveiller lui, Harry, de peur que Croupton père, récemment évadé, ne rentre en contact avec lui. Harry avait besoin que l'imposteur reprenne un comportement normal après l'incident, tout devait donc se passer de la manière la plus proche possible des événements qu'il avait en mémoire, malgré certains événements qui s'étaient déroulés différemment. Harry le persuada de le prendre en filature sous sa cape d'invisibilité, à partir de huit heures et demie, lorsque Harry sortirait du château.

Harry rouvrit les yeux. l'imposteur se tenait un peu désorienté sur l'estrade de la salle de classe. Le charme avait l'air d'avoir fonctionné. Harry s'éclipsa sans demander son reste et sans attendre de risquer d'être aperçu.

Ce subterfuge était nécessaire pour s'assurer que l'imposteur serait là, sous cape d'invisibilité, au moment de l'entrée de Croupton dans le parc de Poudlard, alors que Croupton n'avait pas la carte du Maraudeur qu'il avait initialement pris à Harry lors de l'épisode de la salle de bain des préfets et de la fouille du bureau de Rogue. Si il s'y était bien pris, l'imposteur se comporterait exactement comme la première fois, sans conséquence ou divergence à long terme.

À huit heures et demie, donc, Harry descendit les marches menant dans le grand hall d'entrée. En jetant un coup d'oeil sur la carte du Maraudeur, il avait vu que l'imposteur s'y trouvait, mais le hall semblait pourtant vide à son arrivée. Il était donc sous sa propre cape d'invisibilité. Tout se déroulait comme prévu. Cédric arriva à son tour, sortant de la tour de Poufsouffle, et ils se dirigèrent ensemble vers le terrain de Quidditch, certainement suivis par l'imposteur.

— Qu'est-ce que ça va être, à ton avis ? demanda Cédric. Fleur est persuadée qu'il va falloir découvrir un trésor caché dans des souterrains.

Harry hocha la tête, faisant semblant de trouver l'idée intéressante mais sans se laisser déconcentrer. Il allait devoir jouer serré, sans laisser de place à l'improvisation.

— Qu'est-ce qu'ils ont fabriqué ? s'indigna Cédric en s'arrêtant net à l'entrée du stade et en voyant les haies qui sillonnaient le terrain.

— Bonjour ! lança Ludo Verpey depuis le milieu du terrain en compagnie de Krum et de Fleur.

Harry et Cédric s'avancèrent vers eux en enjambant les haies. Fleur fit un discret sourire à Harry : elle lui était toujours reconnaissante pour son aide au fond du lac, même si elle ne pouvait pas le montrer en public. Viktor ne lui fit aucun signe de reconnaissance, probablement respectueux de la distance que Harry avait voulu établir entre eux jusque là. Mais aujourd'hui, tout ça allait changer.

Harry laissa Verpey dérouler ses explications en faisant semblant d'écouter. Il lançait des regards furtifs en direction de Krum, espérant croiser son regard, et… réussit à attirer discrètement son attention. Il vit les gros sourcils de Viktor se froncer en une moue interrogative qu'il réprima immédiatement pour ne pas attirer l'attention sur eux. Harry sourit intérieurement.

Quand Verpey les laissa partir, le pas de Harry le mena innocemment près de Krum.

— Hm, Viktor… dis-moi, je pourrais te parler ? demanda-t-il sans hausser trop fort le ton.

— D'accorrrd, répondit Krum sans hésitation.

— Allons faire un tour, tu veux bien ?

Harry prit la direction de la forêt, comme Krum l'avait fait la première fois.

— Je ne voudrais pas qu'on surprenne notre conversation, justifia-t-il en direction de Krum.

Celui-ci hocha la tête sans rien dire, vérifiant que personne ne les suivait du regard. Ils marchèrent en silence jusqu'à la lisière des arbres.

— D'abord, commença Harry, si quelqu'un nous surprend, nous parlons de toi qui veux être avec Hermione et qui es jaloux parce que je suis ami avec elle. D'accord ?

Krum hésita une seconde, puis hocha la tête sans rien dire. Il attendait la suite. Harry prit une inspiration. Il se sentait réellement gêné de parler de ce sujet, mais il le fallait. Il devait gagner du temps en discutant avec Krum et en le gardant à cet endroit précis, la vie d'un homme en dépendait.

— Il n'y aura jamais rien entre nous, Viktor, finit-il par dire. Ce n'est pas possible pour moi, dans ma vie actuelle, pour tout un tas de raisons…

Krum écarta les mains en signe d'acceptation.

— Pas de prrroblème, répondit-il. Tu n'es pas obligé de te justifier.

Harry acquiesça.

— Je voulais juste que tu le saches, reprit-il. Je ne veux pas que tu te fasses de fausses idées, ou te faire du mal de ce côté-là. Et puis je voudrais savoir, si tu veux bien m'en parler, est-ce que tu comptes continuer une relation avec Hermione ? Je ne veux pas me mêler de ce qui ne me regarde pas bien sûr, simplement savoir à quoi m'attendre.

Krum hocha la tête.

— Ça ne me dérrrange pas du tout. Je suis heurrreux d'avoir eu une… aventurrre avec Harrry Potterrr, répondit-il avec un sourire en coin. Tu sais, l'homosexualité est interrrdite chez moi, donc ce que nous avons fait rrreprrésente déjà beaucoup pour moi. Si ça s'arrrête là, pas de prrroblème.

Krum fit une pause pour réfléchir.

— Je ne sais pas si je veux continuer une rrrelation avec Herrrmion, reprit-il. Je me suis tenu en rrretrait pourrr ne pas te dérrranger, mais si ça ne te dérrrange pas, je ne sais pas. Je…

Un bruit se fit entendre derrière Krum, le faisant sursauter et se retourner. Croupton, pensa Harry. Il sentit son coeur s'accélérer. Il plongea la main dans sa poche pour prendre sa baguette.

Un instant plus tard, la silhouette titubante sortit de derrière un grand chêne. Il était aussi mal en point que dans les souvenirs de Harry : les égratignures au visage, la barbe qui n'avait pas été taillée, les cheveux en bataille - eux qui d'ordinaire étaient si impeccablement peignés, - le teint pâle, les joues creuses et l'air épuisé. Il balbutiait en gesticulant dans le vide, comme pris entre le besoin de parler et l'impératif de ne rien dire. Il avait vraiment l'air d'un fou.

— C'est un des juges, non ? dit Krum en le regardant fixement. Il était avec votrrre ministrrre, je crrrois.

— Oui, c'est Mr Croupton, répondit Harry en s'approchant de lui. Vous allez bien ? demanda-t-il en se sentant parfaitement ridicule.

Croupton continua à parler dans le vide, en s'adressant à Percy Weasley, puis tomba à genoux dans le sous-bois. Harry s'approcha à nouveau de lui alors que Krum préférait se tenir à distance. Harry se laissa prendre par le bras par Croupton qui balbutiait à propos de Dumbledore, répondant de temps en temps pour jouer un rôle crédible. Quand Croupton eut oscillé plusieurs fois entre ses délires et ses passages plus conscients, Harry se tourna vers Krum.

— Reste ici avec lui, lui dit-il. Je vais chercher Dumbledore, ça ira plus vite, je sais où est son bureau.

Il commença à s'éloigner, mais regarda Krum, l'air toujours dubitatif.

— Tu restes avec lui, d'accord ? ajouta-t-il pour faire bonne figure. Il ne faut pas qu'il s'en aille.

— D'accorrrd, mais dépêche-toi ! cria Krum en direction de Harry qui s'en allait, presque en direction du château.

Presque, parce qu'il dévia intentionnellement en faisant passer des arbres entre lui et Krum, afin de passer hors de vue. Il sortit la cape d'invisibilité de sous sa veste, et pila derrière un gros arbre au tronc épais, la faisant passer par-dessus sa tête d'un geste vif. Maintenant invisible, il fit volte-face et reprit la direction de Krum et des Croupton, en faisant attention à ne pas faire trop de bruit et à ce que l'imposteur invisible ne le repère pas. Il sortit sa baguette.

Krum était en train de le chercher du regard, les sourcils froncés. Avant qu'il n'aie le temps de se demander si Harry avait disparu, un éclair rouge jaillit d'une zone vide un peu plus loin dans la clairière et frappa Krum dans le dos, qui s'effondra sans un cri. Sans perdre un instant, Harry visa l'endroit d'où le sort était parti.

Impero !

Harry sentit qu'il avait réussi. Il donna mentalement l'ordre à l'imposteur de s'immobiliser. Il se précipita vers lui, la baguette toujours pointée sur l'endroit où il devinait sa présence, et arracha d'un geste la cape d'invisibilité qui le couvrait.

Le faux Maugrey était là, maintenant découvert. Il était parfaitement immobile, la baguette pointée sur son père, qui continuait à balbutier. Harry laissa échapper un long soupir de soulagement : il était intervenu juste à temps ! D'un geste de la main, Harry stupéfixia Croupton père, qui s'effondra de la même manière que Krum. Il s'excuserait plus tard, en attendant inutile de risquer les actes ingérables d'un homme qui n'était visiblement pas maître de lui-même.

Harry retourna sa baguette vers l'imposteur, afin de mettre en place un autre charme de Persuasion. Il vérifia qu'il était bien invisible sous sa cape, puis commença ses enchantements. Il commença par faire oublier à l'imposteur la conversation qu'il avait entendu entre Harry et Krum, la remplaçant par celle qu'il avait en mémoire de sa première vie, où ils parlaient de Harry en couple avec Hermione et de simple jalousie amoureuse hétérosexuelle. Harry protégeait autant sa vie privée que le risque que le comportement de l'imposteur change si il décidait d'utiliser l'information contre lui. Ensuite, il apprit à l'imposteur qu'il venait de tuer son père, et que le corps devant lui était bel et bien mort. Il relâcha partiellement son contrôle de l'imposteur en le laissant se réveiller, bien que Harry garde sa baguette pointée sur lui afin de masquer à sa perception les signes de vie de son père, ainsi que sa propre présence sous cape d'invisibilité puisque l'oeil de Maugrey pouvait voir à travers.

Le faux Maugrey s'anima, rempochant sa baguette et ramassant sa cape d'invisibilité en claudiquant. Il ramassa le corps de son père et le jeta sur son épaule, puis il se dirigea un peu plus profondément dans la forêt, où il cacha le corps derrière quelques buissons avant d'étendre sa propre cape dessus. Harry reprit le contrôle et l'imposteur s'immobilisa à nouveau, l'air absent.

Harry ne prit pas de risque. Il fit apparaître un gros fémur du bout de sa baguette magique, qui tomba sur le sol. Il modifia les souvenirs de l'imposteur pour lui faire croire qu'il n'avait pas attendu avant de transformer le corps de son père et de le réduire en un seul os - puisque c'était ainsi qu'il s'en était débarrassé la première fois, comme il l'avait avoué sous Veritaserum à Harry, Dumbledore, Rogue et McGonagall après avoir été démasqué.

Accio balais, murmura-t-il.

Harry enfourcha le balai qui venait de filer à travers la clairière depuis l'arbre où il l'avait laissé le matin même, et s'éleva de quelques mètres dans les airs.

Mobilicorpus, marmona-t-il cette fois en direction du corps de Croupton.

Il guida le corps vers la cime d'un arbre, où il ajusta bien la cape d'invisibilité du fils afin que le corps ne puisse pas être repéré. Il mémorisa avec attention l'arbre où il le laissait. Il n'avait pas le temps de le déposer à la Salle sur Demande, le temps pressait, et il était censé aller chercher Dumbledore. Il rendit d'un geste sa liberté à l'imposteur qu'il apercevait toujours entre les branches, et fila vers le château avant que quiconque, et surtout l'imposteur, n'aie le temps de le repérer.

Harry ne pouvait pas voler trop vite au risque que le vent ne fasse voler sa cape, qu'il maintenait fermée d'une main tout en dirigeant son balai de l'autre. Il arriva en face d'une fenêtre du deuxième étage qu'il ouvrit d'un geste de baguette. Il se dépêcha de fourrer le balai dans le premier placard venu et replia sa cape sous son bras, en vérifiant que personne ne l'avait vu. Haletant, il parvint enfin en face de la gargouille qui gardait le bureau de Dumbledore, et qui commençait à se refermer après avoir laissé passer Rogue. Parfait, juste à temps !

— Professeur Dumbledore ! cria-t-il en courant vers la gargouille.

— Potter ! répliqua Rogue sèchement en sursautant et en faisant volte-face. Qu'est-ce qui vous prend à crier comme ça, qu'est-ce que vous faites ici ?

— Il faut absolument que je voie le professeur Dumbledore, répondit Harry en haussant la voix afin que Dumbledore l'entende de l'intérieur. C'est Mr Croupton, il vient d'arriver, il est dans la forêt…

Harry joua patiemment le jeu de l'embrouille avec Rogue, toujours conforme à ses souvenirs, le temps que Dumbledore descende l'escalier.

— Y aurait-il un problème ? demanda Dumbledore en faisant coulisser la gargouille devant lui.

— Professeur ! s'écria Harry. Mr Croupton est ici… il est dans la forêt, il veut vous parler !

— Conduis-moi là-bas, dit Dumbledore après un instant de réflexion.

Laissant Rogue derrière eux, ils se dirigèrent vers l'escalier de marbre qui descendait vers le grand hall.

— Qu'est-ce qu'a dit Mr Croupton ? demanda Dumbledore en descendant les marches.

— Il a dit qu'il voulait vous prévenir… qu'il avait fait quelque chose d'horrible… Il a parlé de son fils, de Bertha Jorkins, de Voldemort… en disant qu'il était devenu plus puissant, je crois, compila Harry à partir de sa mémoire.

— Vraiment… marmonna Dumbledore.

Ils pressèrent le pas en traversant le parc. Harry pesta intérieurement contre ses petites jambes d'adolescent. Il continua d'informer Dumbledore de la situation en chemin. Dumbledore et lui allumèrent leur baguette simultanément en arrivant dans la clairière. Harry appela Krum pour la forme, en sachant pertinemment qu'il ne répondrait pas. Il entendit Dumbledore se précipiter quand le faisceau lumineux de sa baguette se posa sur le corps de Krum.

Harry rejoignit Dumbledore qui se penchait sur Krum en lui soulevant une paupière.

— Stupéfixé, murmura-t-il en scrutant ensuite les environs à l'aide de sa baguette magique. Reste ici, Harry.

Dumbledore agita sa baguette et envoya un Patronus filer parmi les arbres en direction de la cabane de Hagrid, puis il se pencha à nouveau sur Krum en le réveillant d'un coup de baguette.

Krum papillonna des yeux. Dumbledore mit une main sur son épaule pour le faire rester en place.

— Restez tranquille, ne bougez pas pour l'instant, dit Dumbledore en réponse à Krum qui bafouillait que Croupton l'avait attaqué par derrière.

Hagrid arriva hors d'haleine dans la clairière, Crockdur sur les talons et une arbalète à la main. Harry regarda passivement Dumbledore lui dire d'aller chercher Karkaroff et Maugrey. Alors que Hagrid repartait en sens inverse, il croisa l'imposteur qui arrivait. Harry grinça des dents mais ne dit rien.

— Je suis là, Dumbledore, maugréa l'imposteur en claudicant. J'ai vu des lumières et un Patronus, quelle est la situation ?

— Viktor Krum a été attaqué, répondit Dumbledore en se relevant, et Barty Croupton était dans cette clairière il y a quelques minutes. J'ignore où il est, mais il faut absolument le retrouver.

— Je vais m'en charger, alors, grogna l'imposteur en se dirigeant vers la forêt, baguette pointée devant lui.

Dumbledore et Harry restèrent sur place jusqu'à entendre Hagrid revenir de son pas lourd, accompagné de Karkaroff. Ce dernier se précipitait d'un pas rapide, le teint blême.

— Qu'est-ce qui s'est passé ? demanda-t-il en arrivant essoufflé et en voyant la scène.

— J'ai été agrrressé ! s'écria Krum en se massant les tempes. C'est ce Mrrr Crrroupton…

— Croupton vous a agressé ? Vous avez dit Croupton ? Le juge du tournoi ?

Harry le laissa gesticuler, insulter Dumbledore, et se faire épingler contre un arbre par Hagrid. Il réprima un sourire.

— Hagrid, vous allez raccompagner Harry au château, dit Dumbledore d'un ton sec quand les choses se furent un peu calmées. Emmenez-le directement à la tour de Gryffondor. Et Harry, je veux que tu y restes. Tout ce que tu pourrais avoir envie de faire attendra jusqu'à demain matin, tu m'as bien compris ?

Harry acquiesça et emboîta le pas à Hagrid. Ils contournèrent le carrosse de Beauxbâtons et se dirigèrent vers le château, pendant que Hagrid l'admonestait sur le fait de rester dehors avec Krum. Harry garda le silence, se satisfaisant silencieusement de la réussite de son plan… qui était presque terminé. Pour ne pas éveiller ses soupçons, Harry dut se glisser dans le trou du portrait de la grosse dame devant Hagrid.

Une fois le portrait refermé, mais toujours à l'abri des regards de l'intérieur de la salle commune, Harry sortit la carte du Maraudeur de sa poche et vérifia que Hagrid était reparti. Il enfila rapidement la cape d'invisibilité, sortit du trou du portrait, et revint au deuxième étage pour reprendre le balai du placard où il l'avait laissé.

Harry étudia à nouveau la carte du Maraudeur pour vérifier où l'imposteur se trouvait : il était à côté de la cabane de Hagrid et se dirigeait vers le château. Il avait donc fini d'enterrer l'os qu'il croyait être les restes de son père dans la terre retournée plus tôt dans la journée par les Niffleurs. Son père, justement, apparaissait toujours faiblement enfoncé dans la forêt interdite, ce qui voulait dire qu'il était certainement toujours sur son arbre.

Harry sortit de Poudlard, sous sa cape d'invisibilité et le balai à la main, en évitant de croiser le chemin de l'imposteur. Il se rendit pour la troisième fois de la soirée sur la scène de l'attaque, maintenant déserte. Dumbledore et Karkaroff avaient dû poursuivre leurs disputes à l'intérieur.

Harry enfourcha son balai, une fois à l'orée de la forêt où personne ne risquait de voir le vent relever sa cape Il retrouva l'arbre où il avait laissé Croupton sans même avoir besoin de le repérer sur la carte. En vérifiant que Croupton allait toujours relativement bien - autant que faire se pouvait pour quelqu'un qui était stupéfixé - il le fit à nouveau léviter d'un coup de baguette magique.

Harry s'éleva dans les airs, redoublant de prudence par rapport à son premier voyage en balai puisqu'il devait cette fois surveiller les mouvements de deux capes d'invisibilité sous l'effet du vent. Il monta lentement et précautionneusement, se rapprochant petit à petit du château et atteignant progressivement la hauteur du septième étage.

Croupton se réveilla dans un lit confortable, et dans une pièce qu'il ne connaissait pas. Même si ses années à Poudlard avaient daté d'un peu moins que quelques décennies, ça ne l'aurait pas aidé puisque la pièce n'existait pas encore quelques minutes auparavant.

Harry était accroupi à côté de lui, surveillant son réveil d'un regard soucieux. Croupton était à l'abri, mais il devait aussi être protégé du risque qu'il se posait à lui-même en sortant de la Salle sur Demande pour aller se promener dans les couloirs en balbutiant les mêmes inepties qu'à l'orée de la forêt. Si Croupton pouvait garder un esprit clair, ça l'arrangeait.

— Mr Croupton ? demanda Harry. Vous m'entendez ?

Croupton tourna le regard vers lui.

— Oui… oui. Harry… Potter ? C'est vous ?

Il n'avait pas l'air de partir dans ses grandes discussions avec Wistily, ni l'air hagard de quand il parlait de Dumbledore, mais son regard semblait toujours un peu flou. Harry soupira.

— Oui, c'est moi, répondit-il du ton le plus ferme possible. Écoutez-moi bien Mr Croupton, ce que je vais vous dire est très important, à la fois pour vous et pour l'avenir du monde des sorciers.

Harry s'interrompit pour observer la réaction de Croupton. Sa voix plus fluette d'adolescent ne l'aidait pas à inspirer le respect et l'attention comme ça avait pu être le cas quand il était adulte. Il poursuivit.

— Je sais ce qui se passe chez vous. Je sais tout sur votre fils, sur Pettigrow, sur Voldemort. Comment vous êtes responsable d'avoir remis en liberté un dangereux criminel et de l'avoir caché à la communauté magique. Ce que vous avez vécu depuis le début de l'année.

Croupton l'écoutait maintenant avec beaucoup plus d'attention.

— Je sais aussi que vous menacer de révéler ces informations ne sera d'aucun effet, puisque vous étiez sur le point de tout raconter à Albus Dumbledore. Je ne vais donc pas jouer à ça avec vous. Sachez, Mr Croupton, qu'aux yeux de tout le monde à l'extérieur de cette pièce (il montra la porte du doigt), vous n'existez plus. Le public vous croit souffrant et absent de chez vous, et votre fils et ses alliés croient qu'il vous a assassiné. Ce qu'il aurait fait si je ne l'en avais pas empêché.

Cette fois, Croupton accusa le coup. Harry crut qu'il allait voir une larme couler sur sa joue, mais il reprit une contenance.

— Vous allez devoir rester ici. Personne ne doit savoir que vous êtes là, ni nos ennemis ni nos alliés, et même pas Dumbledore. Un elfe va vous apporter de quoi vous nourrir, et je vais essayer de venir vous voir de temps en temps. Mais personne d'autre ne doit vous voir, vous me comprenez ? Vous êtes mon atout dans la manche.

Croupton hocha la tête et se redressa faiblement, visiblement un peu craintif devant Harry.

— Comment… savez-vous tout ça ? Est-ce que vous êtes… avec lui ?

Harry secoua la tête.

— Avec Voldemort ? Enfin, Mr Croupton. Vous ne le savez pas, mais c'est la deuxième fois que vous m'accusez de ça, d'une manière toujours aussi absurde que la première.

Harry se releva.

— Je n'ai plus beaucoup de temps devant moi, je vais devoir rentrer me coucher avant qu'on ne remarque mon absence. Vous allez rester là, n'est-ce pas ? Je vous garantis que c'est d'une importance cruciale pour combattre Voldemort.

Croupton hocha la tête. Harry le jugea sincère. Avant qu'il ne ressorte, Croupton s'éclaircit la gorge.

— Quand… est-ce que je vous ai accusé d'être complice de…

— De Voldemort ? le coupa Harry. À la Coupe du monde de Quidditch. C'était il y a bientôt vingt-trois ans, vous ne vous en souvenez pas mais moi très bien. Mais, ne vous en faites pas pour ça. Bonne nuit, Mr Croupton.

Il referma la porte.