Eren se frappa le front en grimaçant des dents, les paupières serrées. C'est bien les hommes ça, toujours à l'ouvrir sans y avoir été invités. Elle l'avait bien compris avec son père et son frère chaque fois qu'elle avait une discussion privée avec sa mère. Il fallait toujours qu'ils se tapent l'incruste avant d'être chassés de la pièce en bonne et due forme. L'orage ne tarda pas à pointer le bout de son nez et ça ne sentait pas bon du tout.

"Eren, avertit Mikasa d'une voix blanche ne laissant aucune place à la négociation. Tourne ton téléphone s'il te plaît."

Resserrant ses paupières au maximum, elle tourna l'appareil face à Levi. Pas besoin d'ouvrir les yeux pour se rendre compte que Mikasa venait de se transformer en cocotte minute au bord de l'explosion. Elle les rouvrit quand la voix de son amie débordant d'agressivité sortit du téléphone.

"- Puis-je savoir ce que mon amie fait chez toi !

- Et bien bonjour déjà, on va peut-être commencer par ça, répliqua un Levi très peu réjoui ?

- Dis donc tu vas commencer par parler à ton cousin sur un autre ton la sirène, protesta Eren en se plaçant dans l'angle de l'objectif ! Je t'ai connue plus agréable en famille !

- Et toi je croyais d'avoir dit d'être prudente avec le sexe opposé !

- Oh t'en fait pas pour ça ma cocotte ! Il n'a fait qu'être charmant, bien plus que tu ne l'es en ce moment !

- Levi tu m'expliques ? Tu l'as kidnappée c'est ça ? C'est cette folle qui te l'a présentée en espérant te caser et comme elle était à ton goût, ton premier réflexe a été de la dépuceler ?

- Sur un autre ton quand tu parles d'Hanji, protesta Levi de colère ! Pour ton information, j'ai été assez clair qu'une énième tentative de ce type lui vaudrait un allé simple en enfer. Si tu communiquais un peu plus avec moi, tu saurais que ma bite n'a jamais remplacé mon cerveau. C'est un crime de rencontrer de nouvelles personnes, des connaissances de mes proches qui plus est ?

- C'est ça pour que tu profites de quelqu'un de plus jeune et inexpérimenté en amour ?

- Tu sais ce que t'es en train de faire ma petite, interrogea Levi de manière réthorique ? C'est juger sur les apparences. Tu devrais te calmer un peu sur les bouquins destinés aux pucelles avec un narcissique slash prédateur à la belle gueule qui se tape une cruche sans cervelle pour satisfaire son égo.

- Jamais de ma vie je n'ai lu ce genre de merde !

- Vraiment ? J'en sais rien, tu me parles jamais alors comment puis-je m'assurer que tu n'as pas le cerveau retourné par des clichés à la con ? Je suis beau mais toujours célibataire, donc je suis un coureur de jupons qui multiplie les histoires de coucheries sans lendemain avec des femmes tout juste majeures ? Ote-moi l'ombre d'un doute, mais tu réponds aussi à ces deux critères, sans vouloir flatter ton égo. Dans ce cas qu'est-ce que ça fait de toi ?

- Elle fréquente quelqu'un depuis un an, corrigea calmement Eren. Une certaine Annie, froide mais très sympa une fois que tu la connais.

- Et bien sûr tu ne comptais jamais me le dire ? Tu avais peur que je te la pique parce qu'un homme comme moi ne peut être qu'un homophobe voulant lui montrer que c'est meilleur avec un homme ?

- Ne me fais pas passer pour la méchante !

- Ça suffit avec votre dialogue de sourds, coupa Eren ! Mikasa, c'est pas parce que certains hommes se torchent le cul avec le consentement que tous le font. Je commence à en avoir assez que tu regardes n'importe quel homme qui me matte comme si tu t'apprêtais à l'assassiner. J'ai conscience qu'il y en a de tous les types. Des gentils, des neutres, des chieurs et des dangereux. J'ai rencontré ton cousin qui me plaît et je me sens bien avec lui. Et tu sais quoi, annonça-t-elle fièrement ? C'est avec grand plaisir que je lui ai offert ma virginité !

- C'est ça après t'avoir shootée au GHB ?

- Enfin tu penses bien que je voulais me souvenir de chaque seconde, de nos corps nus l'un contre l'autre, provoqua la brune d'un ton lascif.

- C'est bon j'ai pas besoin que tu me déballes ta vie sexuelle. Hé Levi si je découvre qu'elle était tout sauf consentante, je te brulerai vif après t'avoir castré !"

Sur ces mots, l'appel prit fin.

"En tout cas merci d'être passée Mikasa, toujours aussi charmante ! Mais qu'est-ce que j'ai fait pour ne mériter que son mépris ? Je n'ai fait que l'adorer depuis sa naissance et elle me l'a bien rendu. Bébé déjà, son premier réflexe était de me demander à sa façon de la prendre dans mes bras. Quand elle s'est mise à marcher et à parler, elle demandait une fois arrivée où était son cousin préféré. C'est pas difficile d'être le préféré quand tu es le seul, ajouta Levi avec un sourire nostalgique. Mais d'un coup, j'étais comme devenu un étranger. Après tout les étrangers tu ne leur fais pas de câlins, tu ne leur adresses même pas l'ombre d'un regard. Tu les traites comme ce qu'ils sont, des étrangers. Je donnerais n'importe quoi pour revenir il y a dix ans et lui demander comment j'ai pu la contrarier à ce point."

En relevant vers Eren ses yeux baissés pendant qu'il évoquait sa plus grande tristesse, il constata que son visage se décomposait. Elle semblait avoir compris quelque chose qu'elle aurait préféré ne jamais savoir. Ou plutôt qu'elle n'était pas censée savoir. Deux larmes roulèrent le long de ses joues. Ses dents se crispèrent en une grimace de colère. Reprenant son téléphone en main, elle relança l'appel précédent. Mikasa décrocha immédiatement, visiblement d'humeur toujours aussi exécrable.

"- Qu'est-ce que tu me veux encore petite imprudente ?

- La ferme. Il y a dix ans j'ai découvert sans le savoir le harcèlement sexuel, heureusement sur une courte période grâce à mon ignorance du sexe. Et comme par hasard depuis dix ans, tout ce que ton cousin a le droit de ta part c'est "the cold shoulder". Drôle de coïncidence tu ne trouves pas ? Et avant que tu montes sur tes grands chevaux en l'accusant de me manipuler pour m'isoler ou une connerie de ce genre, il n'a fait que mentionner que le début de votre éloignement affectif remonte à dix ans. Comme tous mes neurones sont opérationnels, j'ai pas mis longtemps à faire le lien. Tu m'expliques ?"

Cette fois ce fut autour de Mikasa de se décomposer sous leurs yeux, la seule réponse dont Eren eut besoin pour confirmer ses soupçons. Malgré la tempête émotionnelle en train de se produire en elle, la jeune femme prit une profonde inspiration avant d'en confirmer un autre.

"- Levi, te souviendrais-tu par hasard à quelle période exactement elle t'a tourné le dos, demanda-t-elle sans pouvoir affronter son regard ?

- Comment le pourrais-je, répondit Levi d'une voix blanche ? Le soir du nouvel an. Elle était absente et j'ignorais que ce n'était que le début. Pourtant à Noël et mon anniversaire, aucun détail dans sa présence ne suggérait de signe annonciateur."

Ce fut la goutte d'eau qui fit déborder le vase dans lequel elle ne put contenir plus longtemps ses larmes de colère.

"Pourquoi suis-je si peu étonnée, demanda-t-elle rhétoriquement à son amie au teint dénué de couleur ? Je pensais que ça ne pouvait pas être pire et je ravale mes mots. Comme tu le sais Mikasa, depuis mes 12 ans je me suis mise à coucher mes pensées sur des journaux intimes. En cas d'oubli, un peu de lecture me rafraichit la mémoire. Le lendemain de Noël, nous étions avec Armin dans ma chambre à raconter notre version de cette journée. Nous avons fini par nous éloigner du sujet en parlant du genre de personne que nous aimerions épouser, à commencer par l'apparence. Moi l'homme de ma vie devrait être musclé, les cheveux noirs et courts, la plus belle couleur de cheveux qui existe selon moi, et un regard transpirant la virilité."

En un mot comme en cent, Mikasa avait cessé de réclamer son cousin pour avoir répondu aux critères considérés comme séduisants chez un homme par Eren. Eren avait de plus en plus de mal à contrôler le flot d'émotions lui échappant sous forme de larmes. Après avoir laissé bien le temps aux deux concernés d'enregistrer l'information, elle reprit la parole d'une voix nouée au bord de la rupture.

"- Et le pire, j'ai pris la décision stupide d'ignorer la façon dont tu m'as regardée. Naïve que j'étais, j'ai pensé que c'était ta façon de dire sans me vexer que j'avais des goûts de merde, que j'étais prévisible ou un truc comme ça. Est-ce que t'es sérieuse ?

- Eren, je voulais juste te protéger.

- Ne commence pas avec cette excuse de merde, coupa Eren noyée dans la colère et les larmes ! Si tu avais un minimum de jugeote, tu aurais su que ce serait la pire trahison que tu puisses me faire ! Comment tu crois que je me sens maintenant de savoir que j'ai couché avec l'homme dont j'ai bousillé la relation avec sa cousine adorée ?! Toutes ces années où à peine arrivée chez ta tante tu le réclamais, c'était rien pour toi ?!

- Eren écoute...

- La ferme ne t'avises pas de dire un mot plus connasse !

- Me traite pas de connasse ! Me traite pas de connasse, implora Mikasa !

- Ah bon ! Tu me fais subir la pire humiliation du monde et je dois en plus te parler correctement ! C'est de mieux en mieux !"

Levi sentait la situation devenir incontrôlable. Eren était en train de devenir hystérique et n'arrivait plus à penser de façon rationnelle. Aussi déçu soit-il que sa cousine l'ait vu comme une menace pour avoir correspondu à la version de l'homme idéal de sa meilleur amie, il ne voulait pas être l'origine de leur rupture amicale menaçant de se produire à tout moment. Dans une tentative pour rassurer celle qui était désormais la femme de sa vie, il posa une main sur son épaule.

"- Eren, je comprends que tu te sentes trahie mais tu te fais du mal inutilement, à toi et à elle. Je le suis tout autant que toi mais tu as besoin de te calmer. Tu n'es plus en pleine possession de tes moyens.

- Sois sans crainte j'ai les idées parfaitement claires, protesta la brune en se dégageant de sa main. Putain Mikasa, je peux comprendre que le collège soit la pire période de la scolarité ! Je l'ai bien appris à mes dépends que la plupart à cet âge transpirent la connerie ! Mais toi, comment as-tu pu penser une seule seconde qu'une personne de ta famille, qui t'aime et que tu aimes, puisse me sauter à la seconde où il découvrira qu'il correspond physiquement à mon homme idéal ? Que tu lui ordonnes de ne pas s'approcher de moi, je peux accepter. C'est à cet âge-là qu'on défie nos aînés. Mais faire preuve d'une telle cruauté... Je te croyais comme étant la plus raisonnable de nous trois Mikasa.

- Eren je...

- Il faut toujours que tu cherches à m'empêcher de découvrir l'amour. Depuis le harcèlement sexuel du collège, tu es complètement paranoïaque envers les hommes. C'est dégueulasse ce que t'as fait, à moi et à Levi. S'il était le pervers que tu craignais, il aurait peut-être commencé avec ce qu'il a sous la main. Comme à une fille de sa famille, tu ne crois pas ? C'est tellement plus facile en famille pour ce genre de détraqué. J'étais peut-être pas plus futée que toi à l'époque, mais pas au point de me mettre en danger de la sorte sombre idiote. Moi qui me sentais mal d'avoir couché avec le cousin de ma meilleure amie. T'inquiète pas, je me sens encore pire

- Eren je voulais juste te protéger, répéta Mikasa en larmes.

- Je te déteste."

Eren mit définitivement fin à l'appel, trahie et le coeur brisé par celle qu'elle considérait comme une sœur à part entière. Prise de sanglots, elle plaqua ses mains contre ses yeux dans une tentative inutile de retenir la fontaine lui échappant à chaque œil. Levi l'entoura chaleureusement de ses bras et la rapprocha de lui. Le devant de sa chemise se retrouva bientôt trempé par ses larmes mais peu lui importait.

"- C'est ça laisse tout sortir. Tu es juste bouleversée. Tu ne pensais pas ce que tu as dit.

- De qui je me moque ? Bien sûr que je la déteste pas. Comment pourrais-je détester quelqu'un que j'aime autant ? Elle a fait un mauvais choix parce que je refusais de demander de l'aide aux adultes. J'étais trop fière pour admettre que j'en avais besoin. Je n'exprimais pas beaucoup ce que je pensais de ça, alors elle ne pouvait que spéculer. Mais il y a une différence entre vouloir bien faire et le faire bien. Je suis censée faire quoi maintenant, je suis perdue ! Je peux pas revenir à l'époque où un rien me faisait détester quelqu'un ? C'était hyper fermé d'esprit comme réaction mais au moins je me posais pas de questions. Est-ce que tu me détestes ?

- Je te détestes pas enfin, rassura Levi d'un baiser sur le front. Je sais bien que tu n'as jamais eu l'intention de bousiller notre relation. Même si je suis déçu qu'elle ait agi de la sorte, je vois notre rencontre comme une bénédiction. Maintenant que je connais l'origine du problème, je n'ai plus qu'à lui parler.

- Je ne sais pas si elle te laissera l'approcher. Qui sait, elle est en train de t'accuser d'avoir bousillé notre amitié pour m'isoler de mes proches et me faire des saloperies sans être dérangé. Je la connaissais pas aussi bien que je le croyais. Après ce qu'elle t'a fait, je serais pas étonnée."

Levi resserra ses bras autour d'elle. Il relâcha sa prise d'un bras quelques minutes plus tard pour prendre son téléphone. Après avoir composé un numéro, il porta l'appareil à son oreille. Au bout de trois sonneries, une fois féminine décrocha. Malgré l'absence de haut parleur, le son était assez fort pour qu'Eren entende la conversation.

"- Bonjour mon fils, comment vas-tu ?

- Bonjour maman, j'ai connu mieux.

- Vraiment ? Que t'arrive-t-il ? Hanji ne chercherait-elle pas encore à rabaisser mon fils sur son célibat ?

- Pour une fois elle n'a rien à voir dans cette histoire. Ce serait plus simple de te la raconter en face. Pourrais-tu passer dès que possible ?

- Je me mets en route tout de suite, à tout à l'heure.

- Fais attention sur la route, je t'attends."

Il raccrocha et reposa son téléphone sur la table basse blanche. Eren ne semblait pas convaincue mais fut rassurée par une étreinte.

"Fais-moi confiance, je sais ce que je fais. Elle ne t'en voudra pas le moins du monde."

Une demie-heure plus tard, retentit le bruit d'une voiture se garant dans l'allée. Des pas se rapprochèrent de la porte et la sonnerie retentit. Eren suivit Levi avec un peu d'appréhension. Elle était loin d'imaginer ce matin qu'elle rencontrerait quelqu'un et la mère de cette personne dans la même journée et dans de telles circonstances. Levi ouvrit la porte sur une très belle femme d'une cinquantaine d'année aux longs cheveux ébènes et de beaux yeux gris qui l'enlaça de ses bras. Eren fut frappé par la ressemblance frappante entre mère et fils. Levi avait tout pris de Kuchel qui remarqua bientôt sa présence.

"- Bonjour jeune fille, salua-t-elle dans un sourire.

- Maman, je te présente Eren. Eren, ma mère Kuchel.

- Ravie de te rencontrer Eren. Me permets-tu de te tutoyer ?

- Oui madame, répondit timidement Eren.

- Madame, demanda la plus âgée d'un ton amusé ? Je sais que je ne suis plus toute jeune mais pas à ce point. Appelle-moi par mon prénom. Non appelle-moi plutôt belle-maman.

- Maman, c'est peut-être un peu trop tôt pour penser à ce genre de choses.

- Toutes mes excuses, j'ai tendance à être un peu trop enthousiaste quand je rencontre de nouveaux visages. Tu me semble très nerveuse ma jolie.

- Disons que je me sens responsable de quelque chose qui concerne Levi.

- Il serait mieux de continuer cette conversation assis, proposa le concerné."

Le visage de Kuchel affichait de l'inquiétude. Elle accrocha sa veste au porte-manteau et suivit le jeune couple. Tous trois s'assirent à la table de la salle à mangé. Eren gardait la tête baissée, Levi à côté d'elle lui tenait tendrement la main pour l'encourager. Kuchel était attendrie par cette scène.

"Relève la tête ma petite. Quoi qu'il ait pu se passer, je ne détesterai pas. Je ne connais que ton nom et pourtant je ressens déjà tellement d'affection pour toi. Dis-moi tout."

Ces mots rassurèrent un peu Eren. Elle prit une profonde inspiration et exposa son point de vue de l'histoire.

"J'ignore si Mikasa ne vous a jamais parlé de moi. Je suis sa meilleure amie, du moins je ne sais plus si c'est encore le cas. J'ai appris cet après-midi qu'elle était la cousine de Levi et votre nièce. Je ne serais pas étonnée que vous ignorez mon existence, étant donné que ça fait dix ans qu'elle ne veut plus rien avoir à faire avec lui. Comment je le sais me demanderez-vous. J'ai passé l'après-midi avec votre fils au centre-commercial avant qu'il ne m'invite ici. Nous avons fait plus ample connaissance et Mikasa a choisi ce moment pour m'appeler. Elle a toujours été farouche à l'idée que je laisse des hommes s'approcher de moi après que j'ai vécu du harcèlement sexuel au collège de la part de quelques garçons. Elle a donc hurlé sur Levi ses accusations tirées par les cheveux d'enlèvement et de viol par substance illicite. J'étais déçue par son comportement et ça ne s'est pas arrangé en apprenant que leur relation fusionnelle a pris fin il y a dix ans. Plus précisément la veille de la nouvelle année, quelques jours après que nous ayons parlé du physique que devrait avoir notre homme idéal. Vous devez avoir du mal à me croire mais j'en suis certaine. Elle n'a pas cherché à nier une seule seconde qu'elle avait rompu le lien avec son cousin parce qu'il répondait à ma description. Je ne sais pas ce qu'il s'est passé dans sa tête pour qu'elle agisse ainsi. Cette courte période du collège n'était pas des plus agréables, mais je n'en ai pas développé une haine des hommes pour autant. Pour vous dire je ne savais pas que c'était du harcèlement sexuel. Je ne connaissais rien du vocabulaire pornographique, ce qui a écourté cette période et m'a permis d'en sortir sans séquelles. Elle a toujours été très protectrice voire un peu trop envers moi. Surtout quand des hommes entraient en jeu. Mais cette fois elle s'y est prise de la pire des façons. Qu'est-ce que je dois faire maintenant ? Je lui suis reconnaissante d'avoir toujours été la pour moi mais si c'est à ce prix..."

Elle s'interrompit dans ses larmes. Kuchel l'avait écoutée sans l'interrompre une seule seconde. Son visage était impassible. Impossible pour Eren de savoir ce qu'elle ressentait après avoir appris que la fille devant elle avait malgré elle provoquée l'éloignement de son fils et sa nièce si proches.

"- Tout s'explique maintenant, répondit Kuchel dans le plus grand des calmes. Une simple discussion d'adolescentes qui a eu lieu au pire moment. J'ai toujours cru que c'était sa façon de faire sa crise d'ado. On passe tous par une période où les diners de famille nous gave et on en a marre de voir des "vieux" si j'ose dire. Mais je ne comprends pas pourquoi elle n'est jamais venu m'en parler. Elle aurait pu venir me confier ses craintes et... Bien sûr que non suis-je sotte. Elle a pris la bonne décision. J'aurais balayé ses craintes en lui disant qu'elle lisait ou regardait trop de sottises. Ne pas être pris au sérieux et en plus accusé de mentir de la part d'une personne sensée le rassurer et le protéger. Il n'y a rien de pire pour un enfant. Quoi qu'il en soit, une réunion de famille pour qu'elle expose sa version de l'histoire s'impose.

- S'il vous plaît ne soyez pas trop dure envers elle ! Je lui en veux beaucoup pour ça mais essayez de la comprendre. C'était qu'une gamine qui n'a pas apprécié de me voir subir un des pires comportements dont l'homme est capable envers la femme. Oh non et en plus j'ai jamais pensé que c'était sa façon d'exprimer sa peur de le vivre ! On développe souvent ce genre de craintes en voyant un proche victime.

- Respire Eren, rassura Kuchel d'une voix calme malgré l'inquiétude évidente dans son regard. Tu n'étais toi-même qu'une enfant. Il faudrait que tu fasses aussi partie de cette réunion. Que tu le veuilles ou non, tu es désormais un membre de notre famille. Ta présence malgré votre dispute pourrait l'encourager à se confier enfin après toutes ces années. A l'heure qu'il est, la pauvre doit sûrement pleurer et se blâmer d'avoir perdu deux piliers de sa vie. A t'entendre, je crois deviner que vous étiez comme les deux doigts de la main.

- C'est ma sœur spirituelle, quasiment une âme-sœur. C'est assez cliché mais on était liées avant même qu'on soit nées."

Comme pour confirmer ses dires, le téléphone d'Eren posé devant elle sur la table s'alluma. Le bruit d'une notification lui annonça la réception d'un message. En ouvrant WhatsApp, elle constata qu'il s'agissait d'un message vocal de la part d'Annie, la petite amie de Mikasa.

"- C'est sa copine qui m'envoie un message vocal.

- Mets le haut-parleur, proposa Kuchel. Peut-être qu'elle nous transmet un message de Mikasa, trop bouleversée pour le faire elle-même."

Après quelques secondes d'hésitation, la jeune femme prit une profonde inspiration et déclencha le message. Une voix féminine, calme et posée brisa le silence.

"Eren, c'est Annie. Je viens de rentrer et de trouver Mikasa démoralisée. Elle m'a dit avoir fait une énorme connerie il y a dix ans et qu'elle en payait aujourd'hui les conséquences. Je sais pas quoi te dire, je suis moi-même abasourdie. Je vais être franche avec toi. Je te croyais mieux que ça mais j'aurai réagi de la même façon. Elle comprend très bien que vous devez maintenant la détester. Comme tu as sûrement tout sauf l'envie de lui parler et qu'elle n'en a pas la force elle-même...Même s'il est très tard pour ça, elle est désolée. Si Levi m'entend, elle lui présente aussi ses excuses. Eren, si tu peux encore accepter sa présence, elle souhaiterait vous voir sous peu pour vous dire en face qu'elle vous aime très fort. Vous lui manquez beaucoup, elle ne peut vivre sans vous. Je t'embrasse ma belle. Sois forte."

Eren fondit en larmes quand le message prit fin. Levi passa un bras autour de sa taille et lui offrit son épaule sur laquelle sa tête reposa. Kuchel rapprocha sa chaise de la brune et lui caressa le dos comme tentative de réconfort.

"Il faut que je leur réponde, déclara Eren sans la moindre once d'hésitation."

Mère et fils donnèrent leur approbation d'un sourire et d'un hochement de tête. Elle démarra l'enregistrement d'un nouveau message vocal.

"- Mikasa, je te déteste pas. Je t'aime et je ne pourrai jamais t'en vouloir. Je n'en suis pas moins déçue mais je te déteste pas. Levi tu veux lui dire quelque chose ?

- Cousine, je suis désolé de ne pas avoir remarqué que quelque chose n'allait pas. Tu me manques tu sais.

- Ma chérie, continua Kuchel, il faudra qu'on en discute tous ensemble avec tes parents. Nous avons besoin d'entendre ta version de l'histoire pour comprendre comment tu as pu en arriver là. J'ai moi-même du mal à te croire capable de ce genre d'acte, alors je veux que tu nous expliques tout. Je préviendrai tes parents demain pour leur demander à ce que nous parlions simplement. D'ici quelques jours, nous nous réunirons avec Eren. J'ai cru comprendre que sa présence t'apaiserait. Annie peut venir aussi si tu le souhaites. En attendant, repose-toi. Je t'aime très fort, Levi et Eren aussi."

Eren coupa l'enregistrement et envoya le message. Le silence s'installa pendant quelques minutes avant que la mention "Vu" n'apparaisse, suivie des trois petits points indiquant la venue d'une réponse. Un nouveau message apparut : "Merci Eren elle en avait besoin. Elle vous embrasse. A dans quelques jours."

Kuchel repartit après ce dernier message. Eren avait besoin de se reposer. Trop d'émotions pour une seule journée. Mais elle se sentait désormais apaisée. Elle termina cette journée plutôt spéciale dans le lit de Levi et dans ses bras. Son étreinte à elle seule était la preuve qu'il la chérissait.