Réminiscence traumatique

Depuis que le cours avait commencé, le cœur d'Eijiro Kirishima s'emballait pour un rien, il avait les mains tremblantes et la mâchoire crispée sur le chewing-gum qu'il avait oublié de cracher avant d'entrer dans la salle de cours. Pourquoi me direz-vous? Pour la bonne et simple raison que Bakugo Katsuki était assis à côté de lui.

Oui, oui, juste pour ça.

D'habitude, en cours, il ne voyait le blond que de dos, car ils étaient placés par ordre alphabétique, mais pas pour le cours qu'ils suivaient en plus pour devenir Sauveteur Secouriste du Travail, surnommé «cours SST». Car oui, être un héro cela voulait dire sauver des gens, mais il fallait aussi pouvoir leur administrer les premiers soins si besoin, savoir reconnaître une urgence vitale et que faire dans cette situation. Bref, en formation SST, ils devaient pousser les bureaux contre les murs afin de pouvoir libérer l'espace central afin de s'entraîner aux gestes qui sauvent, et les élèves n'étaient pas forcément obligés de retourner à leur place habituelle dans la classe.

Bref, c'était le bordel.

Ce jour-là, Bakugo s'était laissé tomber sur la chaise voisine avec toute la grâce d'un sac de linge sale: une jambe pliée sur un genou, un coude posé sur la table à l'arrière et l'autre bras appuyé sur le dossier de Red Riot qui n'en menait pas large. Ce n'était pas la première fois, que Bakugo se posait comme ça à côté de Kirishima, mais cette fois-là était différente.

Différente parce que la veille, ils avaient dormi ensemble.

Kirishima et Bakugo.

Tous les deux dans le lit du blond.

Kirishima s'était carapaté au lever du jour dans sa chambre pour ensuite aller faire sa toilette et commencer la journée et il n'avait pas recroisé le blond depuis qu'il s'était réveillé avec les jambes emmêlées aux siennes. Du moins, jusqu'au premier cours de la journée.

Relâchant un souffle qu'il n'avait pas eu conscience de retenir, Red s'appuya naturellement sur son dossier avec un air qu'il espérait naturel et retint un soupir de contentement lorsqu'il senti le blond lui caresser la nuque du bout des doigts. Après tout, Bakugo se comportait comme d'habitude et ils étaient tout le temps fourrés ensemble, pas de quoi fouetter un chat. C'était juste que…le rouge se sentait fébrile et les doigts de l'autre ne lui facilitaient pas la tâche.

Certes ils avaient dormi ensemble, et super bien en plus, mais ils n'avaient pas discuté du reste et Eijiro se doutait que le blond n'y avait pas réfléchit plus que ça. C'était le type de personne qui prenait les choses comme ça venait et qui privilégiait le présent plutôt que les questions existentielles futures et nébuleuses. Il était même sûr que s'il lui posait la question, le cendré allait l'envoyer chier parce qu'il se prenait la tête et la sienne avec.

Red Riot sursauta quand l'objet de ses pensées l'arrachât de sa chaise pour le mettre debout de force, un air ahuri sur le visage.

— Qu'est-ce tu fous?

— C'est plutôt à moi de poser la question. gronda le blond. Ça fait cinq minutes que j'attends que tu te bouges pour faire l'exercice!

— L'exercice? Quel exercice? bredouilla Kirishima en sentant l'autre se positionner dans son dos.

— "Manœuvre d'Heimlich", imbécile. T'es sourd?

Sans lui laisser le temps de répondre, Bakugo passât les bras autour de la cage thoracique de son camarade pour positionner ses mains correctement d'une manière… Érotique? Kirishima, quant à lui, était en train d'hyperventiler, ce qui finit par lui faire avaler sa gomme à mâcher. Gomme qui, évidemment, se coinça dans sa gorge, sinon c'était pas drôle. Eijiro essaya de se rappeler comment respirer mais la gomme était vraiment coincée et l'air ne passait plus du tout. Kirishima, qui se sentait palir, commença à flipper et il se pencha pour taper frénétiquement la cuisse de Katsuki, qui en lâchât un grognement.

— Très bien, l'imitation d'une personne qui s'étouffe, Kirishima-kun! Apprécia Numéro 13. Regardez, c'est parfaitement ce que vous devez repérer chez une personne qui s'étouffe: Les mains à la gorge, pâleur inhabituelle et aucun son.

Comprenant soudainement les actions de Red, Bakugo relâcha le rouge pour vérifier et bien lui en prit car il se mit aussitôt à jurer.

— Il fait pas semblant, putain! Il est vraiment en train de s'étouffer, ce con!

Alliant le geste à la parole, la bombe ambulante étreignit à nouveau son camarade pour le plaquer avec force contre son torse et lui remonter le poing dans l'estomac d'un mouvement sec qu'il répéta quatre fois avant que le rouge crache son viotu Hollywood, presque dans l'œil de Mina. Larmoyant et toussant, Eijiro tapota à nouveau la cuisse de Bakugo pour le remercier car il était encore incapable de parler sans cracher ses poumons. Quelque peu secoué tout de même, Bakugo le fit s'asseoir pour que le rouge reprenne ses esprits, entouré des autres de la classe qui essayaient de le calmer.

— C'est la dernière fois que tu me fais ce coup-là, prévint le blond en colère. La prochaine fois que je te vois avec un chewing-gum, je te le fais bouffer et tu te démerdes!

Une heure plus tard, quand tous les binômes de la classe eurent fait chacun à leur tour, la manœuvre d'Heimlich, Numéro 13 changea d'exercice pour leur faire réviser le massage cardiaque.

— Rappelez-moi le but premier d'un massage cardiaque? Iida-kun?

— Il s'agit de maintenir à tout prix le cerveau irrigué.

— Très bien, accepta Numéro 13. Maintenant, comme pour la manœuvre d'Heimlich, répartissez-vous en binômes et entraînez-vous à faire des massage cardiaque avec défibrillateur sur les mannequins mis à disposition.

— Pendant combien de temps, professeur? demanda Asui.

— Les mannequins ont été réglés pour des durées différentes. Lorsque vous pourrez arrêter, vous le saurez, n'ayez pas peur.

S'ensuivit le branle-bas des élèves qui venaient se servir en mannequin dans le grand bac, placé à l'entrée de la pièce.

Toujours avec Bakugo, Kirishima revint dans leur coin de salle afin de poser l'appareil à côté du mannequin que l'autre venait de poser par terre. Il marqua un temps d'arrêt en voyant le mannequin torse-nu étendu, avant de chasser d'un coup d'épaule, les souvenirs qui menaçaient de le submerger encore une fois.

— Hé! l'apostropha le blond. Restes concentré.

Le rouge ne dit rien mais hocha simplement la tête tout en positionnant le défibrillateur de manière à ce qu'il ne les gène pas.

— Tout le monde a son matériel? demanda le professeur auquel les élèves répondirent par un 'oui' général. Commencez!

Dans leur tandem, il était de notoriété publique que c'était Bakugo qui menait la barque mais celui-ci haussât seulement un sourcil lorsque Kirishima se mit d'emblée à masser le mannequin. Lui laissant donc, la tâche de placer les patchs sur le torse de la victime et de gérer le DSA (1) . Perplexe, le blond cendré observa les gestes de son coéquipiers qui, concentré, continuait son massage. Bakugo remarqua alors que le regard de Eijiro était fixé sur le visage du mannequin, mais ses yeux étaient vitreux. Le rouge avait les traits tendus, sa peau commençait à luire d'une fine couche de sueur alors qu'il ne massait que depuis quelques minutes seulement et sa mâchoire était crispée. Une séquelle de son étouffement d'un peu plus tôt?

Un bip se fit entendre.

' Restez à l'écart du patient. Analyse du rythme cardiaque'

Katsuki plissa les yeux pour dévisager attentivement son vis-à-vis mais celui-ci évitait manifestement son regard, le gardant fixé sur le mannequin.

' Choc recommandé. Restez à l'écart du patient. '

Je vais prendre le relais.

— Non, c'est bon.

C'est bon, je ...

— Je te dis que c'est bon! coupa Kirishima, sans se préoccuper de l'air surpris de son équipier.

'Appuyez des maintenant sur le bouton orange clignotant. Choc délivré'

A peine la décharge envoyée, Kirishima reprit le massage cardiaque d'une manière que Bakugo trouva presque... désespérée.

Ouais, y a quelque chose qui tourne pas rond.

Sept minutes plus tard, ils étaient les derniers à encore faire du massage et Bakugo commençait à se dire que peut-être il leur faudrait arrêter quand le mannequin ouvrit la bouche comme s'il prenait une grande bouffée d'air frais. Bakugo fit un bon en arrière, tandis que Kirishima posait enfin les mains à terre dans une posture exténuée mais soulagée. Leur autres camarades rirent et Numéro 13 applaudit la performance avant de déclarer que le cours était terminé.

Le soir même, Bakugo retint un énième juron lorsque Deku s'assit à côté de lui alors qu'il terminait de préparer le deuxième sandwich qu'il comptait emporter en chambre. Sandwichs qui contenaient ce qu'il avait trouvé et qui pourrait tenir entre deux tranches de pain, soit un sandwich pain/beurre/jambon et un autre pain/beurre/cordon bleu.

— Dis, Kacchan. commençât le vert. Tu trouve pas que Kirishima était bizarre pendant le cours de SST?

Ledit Kacchan aplatit d'un coup vengeur, le cordon bleu dans son pain avant de l'envelopper dans une serviette en papier.

— Qu'est-ce que tu crois?

— Il m'a semblé un peu...

— Évidement que j'ai remarqué qu'il y a un truc qui cloche, tu me prends pour qui?

— Ah...

— S'il veut en parler, il le fera. Pas la peine de retourner le campus pour lui tirer les vers du nez. Certaines personnes aiment pas qu'on se mêle de ce qui ne les regarde pas, Deku. répondit Katsuki en quittant la table, sans un regard en arrière.

Cela étant dit, Bakugo était tout de même agacé et il se promit de trouver cet idiot de cailloux rouge borné et faire exactement ce qu'il venait de dire à Deku de ne pas faire. Mais lui, il avait le droit, voilà! Étant donné que c'était leur dernier cours de la journée, Bakugo s'était dit qu'il allait le choper à la sortie des cours, mais le temps que tout le monde remette en place son bureau, le rouge s'était déjà barré de la salle de classe. Mineta l'avait apparemment croisé en allant se laver mais personne ne l'avait vu depuis, et c'est pour ça que Kacchan venait de faire irruption dans la chambre de Red Riot mais celle-ci était vide.

Le blond rit doucement et retourna dans la sienne.

Arrivé dans sa chambre, Bakugo referma doucement la porte avant de venir déposer sur la table de nuit, les deux sandwichs qu'il avait préparé pour la personne qui était couché dans son lit et faisait semblant de dormir. Avec un soupir de soulagement, il se mit lui aussi au lit, avant d'arracher son oreiller des bras de Kirishima pour le mettre sous sa tête. Longuement, il observa le rouge, attendant de voir si celui-ci aurait le toupet de poursuivre sa simulation ou s'il allait enfin l'ouvrir pour lui dire ce qui n'allait pas. Le sentant, son compagnon se pelotonna dans ses bras et posa sa tête contre le torse du Pétard de la Seconde-A qui l'enserra dans ses bras sans rien dire.

Il restèrent un moment dans le silence avant que le rouge ne se décide à parler.

— C'était toi. Dès que tu as posé ce foutu mannequin par terre, ton visage s'est superposé dessus et j'ai...

Bakugo le serra plus fort au point qu'il était sur que son étreinte devait un peu faire mal à Kirishima mais celui-ci ne fit que soupirer de soulagement. Puis, le blond lui prit la tête pour que le rouge arrête de le fuir et qu'il le regarde bien en face, même s'il semblait encore hanté par ses souvenirs.

— Regardes. C'est moi, je suis là. dit-il simplement. Je ne suis plus là-bas alors reviens ici, avec moi, Kirei.

Le regard du carmin sembla reprendre vie alors que celui-ci tourna la tête afin d'embrasser l'intérieur de la main de sa Bombe.

— Tu pourrais enlever ton T-Shirt?

— T'es vraiment un obsédé... répondit Kacchan avant de se redresser pour néanmoins accéder à sa demande.

— Pas du tout, je veux juste...

— La ferme. Je sais ce que tu veux, alors viens là.

Eijiro se colla contre Bakugo et reposa la tête contre son torse pour écouter battre le cœur de celui-ci.

— Les sandwichs, c'est pour moi?

— Ouais, mais tu manges pas dans mon pieu. Tu vas foutre des miettes partout, ça gratte quand ça se colle et c'est chiant.

— Ouais, non. éluda le rouge, qui embrassa Katsuki sur la bouche avant de reprendre sa position précédente. Peut-être plus tard.

Le lendemain, quand Midoriya Izuku croisa un Kirishima redevenu lui-même au petit déjeuner, il passât sous silence le fait que Kirishima Eijiro était manifestement en train de manger les sandwichs que Bakugo avait préparé la veille. En même temps, qui d'autre pouvait bien manger un sandwich pain/beurre/cordon bleu?


(1) DEA: Défibrillateur Entièrement Automatique et DSA Défibrillateur Semi- Automatique. Le DEA délivre automatiquement la décharge après un décompte vocal ce qui laisse le temps aux secouristes de vérifier que personne ne touche la victime. Alors que la décharge du DSA est déclenchée par l'utilisateur en appuyant sur un bouton, après les mêmes vérifications.