Chapitre 2.
« Qu'est-ce que me veux encore ce vieux sénile ? marmonna Snape.
_ Un problème Severus ? demanda Minerva qui arriva devant la porte directoriale, l'air concerné.
_ Dumbledore m'a fait convoqué d'urgence. Je constate que vous également.
_ Disons qu'il a requis ma présence, mais je n'irais pas jusqu'à parler d'une convocation. »
Soudain, la porte s'ouvrit plutôt brutalement.
Derrière cette dernière ne se trouvait nul autre qu'Albus Dumbledore lui-même, et ce dernier n'avait jamais paru aussi furibond. C'était si rare de le voir dans un tel état de fureur que ni Snape, ni Minerva n'en pipèrent mot, comme s'ils n'étaient devenus que de simples élèves. Mais Snape reprit soudain du poil de la bête et avança dans le bureau, la tête haute.
« Severus, j'ai eu vent de ça. »
Dumbledore plaqua soudain un parchemin sur son bureau, et les deux professeurs se penchèrent dessus pour y lire le dernier devoir donné par le maitre des potions, mais surtout, son sujet, fort inhabituel.
« Et alors ? balança-t-il de but en blanc.
_ Et alors ? répéta Dumbledore, incrédule. Vous avez perdu l'esprit ?! Depuis quand ce genre de choses est acceptable ?
_ Vous ne voyez pourtant pas le soucis quand je fais des devoirs sur Phyllida Augirolle.
_ Mais enfin, elle est l'auteur de nombreux manuels sur les potions, ça n'a rien à voir, et je doute que vous demandiez dans vos contrôles le contenu de son petit déjeuner !
_ Forcément que non, je ne la connaissais pas.
_ Je peux savoir ce qui vous prends ? s'agaça Dumbledore. Minerva ? Un mot sur cela, quelque chose que je dois savoir, une relation entre Severus et Miss Granger des plus inappropriés peut-être ? »
Minerva s'apprêta à ouvrir la bouche, mais fut interrompu dans l'instant par Snape lui-même.
« Pour commencer, Hermione Granger n'est plus mon élève.
_ Tant qu'elle sera à Poudlard, elle sera sous ma protection, balaya le directeur.
_ Sous votre protection ? ricana Snape. Ah ! Alors là, vous pouvez aller vous gratter si vous vous imaginez que je vous fais confiance pour ça.
_ Mais vous n'avez strictement aucun droit de me donner votre aval.
_ Mais je vous emmerde enfin, je dis ce que je veux.
_ Bon, Minerva, rappela Albus.
_ Non, mais qu'est-ce qu'elle fait là elle en plus ? Depuis quand je suis chaperonné ?
_ Depuis que vous me pondez des parchemins sur l'aspect du visage de votre ancienne étudiante !
_ Ecoutez… »
Snape s'avança d'un air grave, plaquant ses mains sur le bureau de Dumbledore tout en le fixant dans les yeux.
« Vous remettez ça en doute aussi ?
_ Quoi ?
_ Si vous commencez à discuter de sa beauté, on ne va pas s'entendre.
_ C'est une blague ?
_ Hermione Granger est une femme absolument superbe, alors vous n'allez pas vous mettre à décrire son charme alors que vous êtes incapable de trouver les mots adéquats pour la décrire. »
Albus resta silencieux, stoïque, et Minerva jeta un coup d'oeil vraiment singulier vers son collègue, comme s'il avait soudain décidé de porter un haut de forme rose à paillettes.
« Vous ne pouvez pas nier qu'elle est magnifique, balaya Snape d'un revers de main. Ou alors vous êtes aveugle, ou trop vieux.
_ Mais enfin…
_ Hermione n'est pas juste « belle », trancha-t-il. Elle rayonne dans tout Poudlard. C'est d'une évidence, comment n'avez-vous pas pu remarquer ça ? »
Albus prit une grande inspiration qu'il bloqua dans sa poitrine avant de lentement tourner un regard choqué vers sa collègue qui l'était tout autant.
« Après de ce que j'en dis, si vous êtes incapable de capter ce genre de choses…
_ Et cette question, renchérit Albus, « Trouvez-vous que nous ferions un beau couple ? », vous me l'expliquez ? »
Severus soupira. Il afficha un air ennuyé avant de s'asseoir lourdement sur le siège face au bureau d'Albus.
« Oui, je sais, murmura-t-il. »
Albus manqua lui aussi de soupirer de soulagement et Minerva également, cette dernière prenant place à sa droite d'un air concerné. Enfin, Snape semblait un peu réaliser l'incongruité de la situation. Alors, le directeur songea que peut-être son collègue faisait un burn out, ou une réaction étrange à cette période post guerre… Ce qui ne serait guère surprenant, surtout après tous ces morts, la reconstruction de Poudlard, son procès et tout le reste…
La période avait été éprouvante pour tout le monde. Snape qui avait aspiré au calme et à la tranquillité n'y avait pas vraiment eu droit également, tant et si bien que considéré toujours comme un paria malgré les preuves de sa double implication, il avait du retourner à son poste premier de professeur de potions.
Albus adressa un rictus compatissant au directeur des Serpentards qui semblait bien dépité.
« Ne soyez pas trop dur envers vous même, le réconforta Minerva. Ça arrive à tout le monde.
_ Je sais, répéta-t-il. Mais enfin, j'ai exagéré sur ce coup vous ne trouvez pas ? siffla-t-il
_ Peut-être un peu, mais personne ne vous en veut Severus.
_ Mais enfin, comment pouvez vous dire ça Albus ? Cette question était si mal venue.
_ Vous avez peut-être besoin d'un peu de repos ? suggéra Minerva.
_ Peut-être. »
Albus et Minerva se regardèrent de concert, soulagés.
« Enfin, il est évident que je ne la mérite pas, comment est-ce que j'ai pu passer à côté de ça ? »
Albus changea aussi sec d'expression faciale tandis que Minerva ferma les yeux de dépit.
« Severus ! gronda-t-il.
_ Mais c'est vrai ! Excusez-moi, mais je crois que personne ne peut vraiment être à sa hauteur vous voyez alors imaginer quelque chose d'aussi fantasmagorique que de partager ce genre de sentiment, c'est tout bonnement invraisemblable. Je comprends que cette question soit inacceptable à poser, aussi j'accepte de l'enlever du contrôle. Elle n'a pas lieu d'être bien sûr, j'aurais du réfléchir à cet aspect. Après vous savez, je ne demandais que l'avis des élèves bien évidemment, car, dans un monde hypothétique, nous ne savons pas, dans un monde où elle aurait bien sur vu de ses yeux le reflet de ce que je peux penser à son sujet dans mon regard, il aurait été évident qu'entreprendre une relation entre elle et moi aurait été proche de l'idée qu'on peut se faire de la perfection. J'aurais été en quelque sorte, « touché par la grâce » vous voyez. Certes, j'ai mes défauts, et Hermione est… parfaite en tout point, c'est évident, un véritable ange descendu du ciel, et en tant que tel, il me semble quelque part manifeste que le moindre de ses actes demeure magistral. Alors bien sur, l'idée de partager sa vie serait un honneur, un honneur tellement grand, tellement beau et divin que poser la question dans un banal contrôle auprès de ces clampins d'étudiants demeure une pure hérésie. »
Snape afficha une mine contrariée avant de grogner comme un animal.
« J'ai vraiment merdé sur ce coup. Quel con, j'aurais vraiment du penser à ça. »
Albus soupira de lassitude en s'accoudant à son bureau.
« Bien, maintenant, vous allez répondre à une question simple Severus : est-ce que vous auriez ingurgité une potion de quelque sorte que ce soit ?
_ Une potion ? Non, bien évidemment que non, et vous savez comme je suis capable de les détecter facilement.
_ L'Amortentia également ? questionna la vieille sorcière.
_ Minerva, sous entendriez-vous que mon dévouement authentique, unique et entier envers Mademoiselle Hermione Granger serait du à un vulgaire philtre d'amour ?
_ C'est tout à fait ce que je vous demande justement, tenta-t-elle de le raisonner.
_ Vous voulez vous battre c'est ça ? »
Minerva leva les sourcils en toisant son collègue. Ce dernier se leva, et, au lieu de sortir sa baguette, se mit à agiter ses mains comme un boxeur vers la sorcière qui affichait un air de dépit et de surprise à la fois
« Honnêtement, non, le dévisagea-t-elle.
_ Quoi ? Vous vous débinez ? Allez, du nerf espèce de vieille dinde, j'vais vous enlever les dernières années qui vous reste avant de faire de vous une momie tombée en poussière, ça et votre gros cul.
_ De quoi ?! hurla Minerva qui se leva enfin face à lui.
_ Balancez-moi encore une fois une ignominie pareille, vous allez voir ce que vous allez vous prendre ! »
Albus soupira de nouveau en ne décrochant même pas de sa position initiale.
« Personne ne se mettra en travers de notre amour ! »
Severus Snape marcha plutôt prestement avant de s'en aller du bureau, toujours la tête aussi haute que lorsqu'il y était entré. Minerva resta debout là, les bras ballants. Elle et le directeur restèrent un moment silencieux avant que l'homme ne sorte enfin le visage de sous ses mains.
« Il a clairement pris un truc, balança Minerva.
_ Non ? Vous croyez ? Pourtant vous connaissez Severus enfin, vous savez bien qu'il clame sans arrêt son amour pour Miss Granger depuis des années. »
Minerva lança un regard de reproche face au sarcasme peu habituel employé par Albus.
xXx
Hermione tournait en rond comme un lion en cage dans l'entrée principale du château. Enfin, elle vit Snape descendre des escaliers donnant sur le bureau du directeur avec son air bougon habituel.
Il paraissait normal, de loin, mais Hermione demeurait méfiante. Depuis l'incident, elle avait fait de son mieux pour ne le croiser sous aucun prétexte, en particulier depuis que Ginny lui avait confié le contenu de son dernier devoir.
D'un autre côté, elle n'avait jamais vu Ron aussi heureux de rédiger plusieurs parchemins dans cette matière.
« Professeur, appela doucement Hermione. »
Snape, qui avait sa démarche assurée habituelle et qui venait de sortir d'un entretien désastreux avec le directeur, s'arrêta en se figeant complètement. Les yeux ronds, il se tourna lentement vers la jeune femme qui s'approcha de lui.
« Professeur Snape, je… Oh non, je suis vraiment désolée, soupira Hermione.
_ Miss, Herm, Miss Granger, bafouilla-t-il.
_ Je ne sais pas comment vous le dire, minauda-t-elle, toujours aussi inquiète de la réaction possible de son professeur de potions.
_ Me dire ? Vous voulez me dire quelque chose ? demanda-t-il en se désignant maladroitement. Allez-y, je suis… enfin, je vous écoute.
_ Vous vous souvenez de la fois dernière, lorsque vous m'avez rattrapé avant que je ne tombe des escaliers ?
_ Bien sûr, comment oublier un moment aussi délicieux ?
_ Hé bien, il s'avère que… attendez, que venez-vous de dire ?
_ Moi ? Rien. »
Hermione fronça les sourcils en le toisant avant de balancer sa main dans le vide alors que Snape continuait de la regarder bizarrement.
« Peu importe. La potion que je tenais était une potion… d'amour.
_ Oh.
_ Et je pense qu'elle vous a touché, professeur.
_ Qu'est-ce qui vous fait penser à ça voyons ? demanda-t-il en riant nerveusement.
_ Vous voulez vraiment que je m'étale sur les indices me menant à cette piste ?
_ Honnêtement ? Je ne me lasserais jamais de vos explications, alors faites, je vous en prie, je suis tout ouï. »
Hermione leva les yeux au ciel en croisant les bras sur sa poitrine.
« Je vous exaspère depuis le premier jour où vous m'avez entendu parler, pourquoi serait-ce soudain devenu un plaisir pour vous de m'écouter ?
_ Oh oui, j'ai fais des erreurs bien sûr, par le passé, comme vous avez pu le constater, mais souvenez-vous que j'étais un agent double.
_ Mais qu'est-ce que ça à à voir avec votre estime de moi ?!
_ J'ai pu joué la comédie, qui sait ? mentit-il.
_ Vous mentez extrêmement mal professeur.
_ Oh… Oh non, lâcha Snape en fermant soudain les yeux. Je suis désolé.
_ Vous vous excusez ? remarqua Hermione, pour souligner l'évidence de son attitude inhabituelle.
_ Je vous ai mentit, c'est mal.
_ Mais vous mentez à tour de bras, s'emporta-t-elle. Vous avez raconté des bobards il n'y a pas trois jours à Harry sur le sujet à venir du contrôle de potions.
_ Oui, mais je ne devrais pas le faire avec vous. Tenez, tant qu'on parle de sincérité l'un envers l'autre car c'est bien de cela qu'on parle n'est-ce pas ? »
Hermione soupira en grognant.
« Oui, marmonna-t-elle.
_ Puis-je me permettre de vous dire quelque chose avant de continuer ?
_ Quoi encore, gronda-t-elle.
_ Faisant foi de cette relation honnête que je tiens à tisser avec vous, je voulais vous faire part, Miss Granger, du fait que je vous trouve absolument magnifique.
_ Bon, taisez-vous et faites un effort : j'ai renversé une potion sur vous hier.
_ Oui j'ai bien compris, mais ça n'a aucune incidence sur ce que je ressens pour vous. Enfin, ne veux dire… je veux dire que je vous estime beaucoup, bafouilla-t-il, et je ne vous tiendrais pas rigueur d'une minuscule erreur.
_ Monsieur, quoique vous ressentiez, sachez que ce n'est pas réel.
_ Impossible, trancha-t-il.
_ Mais enfin reveillez-vous professeur ! Vous ne m'aimez pas !
_ Je n'épiloguerais pas là dessus, accusa Snape. Je ne peux pas faire étale de mes sentiments au beau milieu d'un couloir, c'est minable, et vous méritez beaucoup mieux que ça.
_ Mais je ne mérite rien du tout, s'agaça-t-elle pour de bon. Merde, vous ne m'aimez pas je vous dis !
_ Je ne veux rien entendre, balança Snape en mettant ses mains devant ses oreilles comme un enfant. »
Hermione s'emporta et tenta d'ôter les mains plaqués de part et d'autre du visage de Snape qui se décomposa en reculant d'au moins un mètre.
« C'est parce que je suis maître des potions c'est ça ?
_ Qu'est-ce que ça peut bien avoir avec la situation ?!
_ Vous croyez que c'est un espace de stratagème magique pour modifier la chimie de mon cerveau ? lâcha-t-il en remuant ses doigts dans le vide. Pourtant, je vous assure du plus profond de mon âme Miss Granger, que je pense vraiment ce que je dis.
_ Je vous crois, soupira Hermione. Je ne remets pas cela en doute, mais plutôt ce qui se cache derrière.
_ Alors vous ne doutez pas de ma sincérité ?
_ Non, soupira Hermione, fatiguée. Mais…
_ Parfait, c'est tout ce que j'avais à entendre.
_ Non, laissez-moi finir.
_ Allez-y. »
Hermione s'approcha de nouveau de Snape sur un ton confident, ignorant le rougissement prenant place sur son visage d'ordinaire dur et plutôt pâle.
« Vous n'avez rien dit au directeur j'espère ? chuchota-t-elle.
_ Lui dire quoi ? demanda-t-il soudain.
_ Pour l'incident d'hier, rappela Hermione en bouillonnant d'irritation.
_ Bien sûr que non enfin. Albus et Minerva s'inquiétaient pour mon état mental, mais vous savez ce que je leur ai répondu ? »
Hermione remua la tête, d'avance inquiète par sa réponse.
« Je leur ai dis que s'ils espéraient que mon estime sincère et profonde pour vous étaient d'un ordre purement magique, c'étaient de purs imbéciles.
_ Vous n'avez pas fait ça, chuchota Hermione en fermant les yeux.
_ Et après, j'ai essayé de me battre avec Minerva pour défendre votre honneur.
_ Vous n'avez pas fait ça, répéta Hermione d'un ton encore plus désespéré.
_ Comment sous entendre qu'une vulgaire potion serait à l'origine de ce transport qui fait palpiter mon coeur ? »
Snape s'arrêta soudain en fronçant les yeux dans le vide.
« C'est beau ce que je viens de dire, non ?
_ Professeur !
_ Appelez-moi Severus.
_ Hors de question !
_ Tenez, vous me nommez par votre prénom, et moi par le votre, ce serait un bon début non ?
_ Un bon début à rien du tout, trancha Hermione. Bon sang, mais contrôlez vous un peu ! »
Snape remua sur place, penaud et Hermione pressa sa main sur son visage, se sentant encore plus coupable.
« Ce n'est pas si facile que ça en à l'air, dit-il d'un ton grave.
_ Je suis désolée, je n'aurais pas du… m'emporter. Tout ça, c'est ma faute, d'accord ? Je trouverais un moyen pour arranger la situation.
_ Je n'en doute pas, vous êtes très intelligente et réactive à toute sorte de situation d'urgence.
_ Mais en attendant, continua-t-elle d'une voix plus forte, s'il vous plait, ne dites rien à personne, c'est possible pour vous ? »
Snape prit une inspiration qu'il bloqua dans sa poitrine, l'air pensif. Hermione resta clouée sur place, attendant une réponse de sa part, impatiente.
« Je ne dirais rien sur l'incident de la potion, dit-il.
_ Merci, soupira Hermione. Merci beaucoup, je vous jure que je vous revaudrais ça, je me rattraperais pour cette erreur malencontreuse.
_ Ne vous inquiétez pas, ça n'est en rien un problème pour moi, balança Snape en un sourire ravi.
_ Merci, répéta-t-elle de nouveau en portant machinalement sa main sur la sienne. »
Snape leva les sourcils en restant sans mots tandis que Hermione repartit de leur échange, chamboulée par l'évidence que le philtre ait eu en effet, un horrible effet sur Snape, mais soulagée par le fait qu'il soit sans doute assez perturbé pour la couvrir auprès du directeur, le temps pour elle de trouver un remède rapide.
De son côté, Snape resta un long moment cloué sur place, totalement ahuri, avant de se secouer la tête. Que faisait-il là déjà ? Et pourquoi diable son coeur battait-il en s'en rompre la poitrine ?
