Chapitre 3.
Snape avait donné durement les parchemins de sa classe, les marquant à chaque fois de remarques acerbes tels que « affligeant », médiocre », « lamentable » de son ton froid habituel ponctué par sa démarche hachée. Mais était-ce vraiment une surprise finalement, que toute sa classe ait raté un contrôle ayant pour sujet Hermione Granger ? Seul lui trouvait cela aberrant, et les résultats étaient tels qu'il avait du revenir sur sa notation initiale, non sans marquer sa colère.
Etrangement, Snape agissait plutôt « normalement » depuis tout ce temps. Son attitude était restée la même, il demeurait ce professeur de potions exigeant, méprisant et hautain, sauf lorsque Hermione Granger était dans les parages.
Pour une fois, il n'y avait eu que Ginny ainsi que son frère, qui avaient eu une note exemplaire à ce contrôle, mais Ronald avait eu la meilleure. Enfin, ce garçon se bougeait un peu ! Mais, alors que le reste du cours se passa sous le son des plumes griffonnant sur des parchemins, Snape prit le temps de sonder le rouquin, de loin.
Son optimal l'avait ravi, mais au fil des minutes, il commençait à trouver cela suspect. Bien sûr, il n'avait pas pu tricher, mais comment pouvait-il connaître Miss Granger à ce point ?
Serait-il possible que le garçon entretienne une relation avec la jeune femme ?
Le maître des potions grogna de jalousie, avant de fusiller le gamin du regard et de continuer d'écrire des trucs avec rage sur son bureau. Lorsque la cloche annonçant la fin de son cours retentit, Snape garda un regard hargneux baissé sur son manuel.
« Ronald Weasley, un mot, dicta-t-il froidement. »
Le garçon déglutit difficilement. Tout le monde connaissait ce ton, et il n'augurait jamais rien de bon. Alors, la classe se désemplit à une allure rapide et il ne resta bien trop vite que le jeune homme au beau milieu de l'allée donnant sur les paillasses désormais vides.
Snape releva les yeux et le fusilla, prêt à lui sauter à la gorge. Ron ne comprenait vraiment pas sa réaction. N'avait-il pas réussi ce fichu contrôle haut la main ?
« Depuis combien de temps connaissez-vous Miss Granger ?
_ Hé bien, depuis ma première année monsieur.
_ Je vais y aller franchement Monsieur Weasley : se passe-t-il quelque chose entre Hermione Granger et vous ?
_ Hermione et moi ? »
Ron fit les yeux ronds avant d'éclater de rire devant un visage impassible de Snape.
« Non, vous êtes sérieux ? se reprit le Gryffondor.
_ Plus que sérieux, gronda-t-il.
_ Non, désolé, mais il n'y a rien. On a été très complice durant la guerre, mais le contexte était tout de même assez particulier pour que ça s'y prête vous voyez ? Maintenant, on a bien du se rendre compte qu'on était trop différent pour s'entendre de la sorte sur le long terme. »
Snape soupira de soulagement en se laissant fondre contre le dossier de son siège.
« Alors elle est seule ?
_ De ce que j'en sais, oui. »
Ron se racla la gorge avant de s'avancer face à son professeur de potions. Il ignorait le pourquoi de cette obsession soudaine, mais il se sentait plutôt concerné. Enfin quoi, Snape était seul lui aussi non ? Et puis, ils étaient plutôt similaires dans le fond, entre leur passion commune pour les potions, leurs connaissances et le reste. En plus, les tentatives maladroites de Snape à son égard étaient touchantes, quelque part. Il pouvait bien l'aider, non ? Pour une fois qu'il était l'homme de la situation.
« C'est triste, balança Snape faussement.
_ Professeur, entama Ron avant de prendre place sur la chaise devant le bureau de ce dernier, si je puis me permettre, voulez-vous de l'aide ?
_ Vous croyez que j'ai besoin d'aide pour quoi au juste ? siffla Snape.
_ Pour convaincre Hermione pardi.
_ Convaincre Hermione ? répéta Snape, soudain hébété de prononcer son prénom de la sorte.
_ Hermione et vous, la convaincre de vous donner une chance.
_ Vous croyez que c'est possible ? »
Le ton de Snape venait soudain de changer, passant d'une froideur glaciale à un ton mièvre et emplit d'espoir, de notes suraiguës et de regards emballés. Mais Ron n'y prêta même pas attention.
« Je ne vois qu'un seul obstacle réel, souleva Ron.
_ Lequel ? s'inquiéta soudain Snape.
_ Votre différence d'âge. Vous avez une génération de retard, et cela peut compliquer les choses si vous voulez la conquérir.
_ Oh oui, je vois. Il est vrai que j'ai été jeune avant vous monsieur Weasley et qu'à l'époque, envoyer des hiboux était déjà ringard. Mince, moi qui pensait tâter le terrain de la sorte.
_ Ça l'est toujours, en vérité, alors je vous le déconseille. Je ne suis pas un expert en amour, mais peut-être que je peux vous aider sur ce point. Après tout, on a les mêmes références elle et moi.
_ Allez y, dites-moi tout, s'empressa Snape en remuant sur place. »
xXx
La nuit tombait toujours trop rapidement sur le ciel de Poudlard, du moins, au goût d'Hermione. Depuis trois jours, la jeune femme recherchait activement un remède à ce fichu philtre d'amour, sans réel succès.
La potion était si puissante qu'il n'avait fallu qu'une infime quantité et seulement un contact épidermique pour avoir cet effet. Elle prit alors conscience de la dangerosité de cette chose et se demanda diable pourquoi l'Amortencia était légale quand on voyait les conséquences qu'un tel philtre pouvait avoir.
Il était tard ce soir-là, et comme tous ceux depuis l'incident, Hermione luttait contre la fatigue, le nez au dessus de son carnet de calculs alors qu'une potion frémissait à côté d'elle. C'était déjà un miracle que personne n'ait découvert le pot-aux-roses, alors elle se sentait encore plus empressée d'élaborer un remède digne de ce nom.
Il lui fallait, en sus, quelque chose de liquide, et d'indolore. Sans cela, elle ne se faisait guère d'illusion : Snape n'accepterait jamais de l'avaler, même si elle le lui demandait en personne. Quel souk !
Hermione jura avant de jeter sa plume sur son bureau, laissant une trace d'encre sur le vieux bois. Ses calculs en terme de dosage tombaient toujours mal ! Quelle idée avait-elle eu de mélanger plusieurs formules et d'utiliser des ingrédients hyper puissants, mais si fragiles ?
Soudain, la jeune femme sursauta lorsqu'elle entendit un caillou taper sur la vitre de sa chambre. Par commodité, elle avait choisi l'une de celles de préfets, toujours en haut de la tour des Gryffondors. Cela avait bien été pratique, surtout pour aider Ginny. Cette dernière lisait d'ailleurs un manuel dans son fauteuil et sortit de sa léthargie au même instant.
Hermione s'approcha de sa fenêtre, les sourcils froncés et elle l'ouvrit. Lorsqu'elle passa sa tête dehors, elle tomba sur Snape en contrebas et son coeur battit plus vite, malheureusement pas pour les bonnes raisons.
« Miss Granger, j'espère que je ne vous dérange pas.
_ Qu'est-ce que vous faites ? s'affola-t-elle.
_ J'ai beaucoup réfléchis depuis notre dernier échange, et croyez-moi, je n'ai rien dit sur l'incident et le reste, souligna Snape en levant le doigt en l'air, les pieds un peu titubants.
_ D'accord… laissa trainer Hermione. Mais pourquoi diable est-ce que vous me sortez ça depuis les jardins ?
_ Je songeais aussi au fait qu'il me fallait vous dévoiler la nature de mon transport, mais j'ignorais de quelle façon m'y prendre. »
Hermione soupira en se frappant le visage de sa main. Ginny, interpellée, se hissa à sa suite et leva les sourcils à la vue de son professeur de potions en bas.
« Professeur Snape ?
_ Miss Weasley ? Pourquoi est-ce que vous n'êtes pas dans votre salle commune ? gronda-t-il d'en bas, même si sa position lui ôtait toute crédibilité.
_ J'étais avec Hermione, souleva-t-elle, comme d'une évidence.
_ Hermione… »
Snape cligna plusieurs fois des yeux, comme s'il était soudain dans un état second. Mais vite, l'homme reprit ses esprits et afficha un air ravi qu'on ne lui connaissait que bien trop peu.
« J'admet que je ne peux pas vous en vouloir de souhaiter passer plus de temps avec elle.
_ Professeur, grogna Hermione, excédée en se pinçant l'arête du nez.
_ Oui, bien sûr, je disais donc que je vous devais bien ça, dit-il sur un drôle de ton.
_ Vous ne me devez rien du tout ! Repartez de là, tenta-t-elle de le chasser en remuant ses mains.
_ Vous rigolez ? Avec tout ce que j'ai préparé et tout ! »
Ginny fronça les sourcils. Elle targua un regard en biais à son amie.
« Il est bourré non ? »
Hermione plissa les yeux vers son professeur avant de fulminer. S'il se mettait une mine, il ne manquerait plus que cela créait une interaction avec la potion !
« Professeur Snape ! s'emporta Hermione.
_ Je vous ai déjà dis de m'appeler Severus, rappela Snape.
_ Vous avez bu ? gronda-t-elle.
_ Juste une goutte de whisky pour me donner un peu de courage. Je suis un Serpentard moi ! Ce genre de qualité ne coule pas dans mes veines.
_ Arrêtez ça tout de suite s'emporta-t-elle.
_ Désolé, mais je ne peux pas tout annuler après qu'on se soit autant donné avec monsieur Weasley, ça non.
_ Quoi ? Répétez ça un peu pour voir ? Par monsieur Weasley, vous voulez dire Ron ?!
_ Bien sûr, vous pensiez que j'aurais vraiment demandé à Arthur ? Il a dragué sa femme en lui offrant un lecteur DVD. »
Hermione soupira en se massant le front. Elle allait le tuer.
« Hermione, je vous jure que je ne suis pas torché, je ne me serais jamais permis en votre présence. »
La jeune femme ne répondit pas, maintenant affalée contre le rebord de la fenêtre dans un air de dépit total.
« Bon, Weasley, balancez les grenouilles.
_ Les grenouilles ?! réagit soudain Hermione, paniquée. »
Un air de batterie et de synthé un peu passé s'enclencha en un coup de baguette, et Ginny arrondit le regard en voyant les crapauds de la chorale se former autour de Snape.
Hermione crut mourir lorsque son professeur, son bien détesté, irascible et insupportable ancien maître des potions se l'appeler avec ses tripes.
« Hermi-Hermione, Hermi-Hermione… »
La jeune femme se figea. Il n'allait pas se mettre à chanter quand même ? Comme pour échapper à ce désastre, elle tenta de se cacher les yeux. Peut-être, qui sait, que si elle ne voyait pas, tout finirait par disparaître par magie, non ?
« Dingue dingue dingue de toi, Hermi-Hermione. Je suis fou de toi Hermi-Hermione, j'n'avais pas vraiment prévu ça, Hermi-Hermione, mais c'est plus fort que moi, Hermi-Hermione. Je suis fou de toi ! »
Hermione osa jeter un coup d'oeil en dehors de ses mains lui barrant le regard et vit Snape la désigner suivi d'une chorégraphie approximative avant que les crapauds ne reprennent d'une voix un « Hermi-Hermione » absolument insupportable.
« Lady tu vois, je fais le premier pas, besoin de toi, je lance un Avada, pourvu qu'on s'enjaille-jaille-jaille-jaille. Lady crois-moi, tu n'auras pas le choix, besoin de ça, prends de l'Amortencia, pourvu qu'on s'enjaille-jaille-jaille-jaille, et qu'on s'fasse un bail bail bail bail bail. »
Ginny pouffa un peu et Hermione la fusilla du regard.
« C'est de ta faute ça, chuchota la jeune femme d'un air furibond.
_ Tu rigoles ou quoi, je t'ai jamais demandé de courir avec un philtre d'amour dans les mains je te signale. »
Hermione se tendit quand elle tourna la tête et vit plusieurs fenêtres s'ouvrir, dont ceux de sa salle commune des Gryffondors. Mais cela ne sembla pas faire réagir Snape qui, trop transporté par son morceau, suivait la même chorégraphie que Ronald qui venait de se poster à ses côtés, les deux chantant cet horrible refrain à base de « dingue de toi Hermi-Hermione, je suis fou de toi Hermi-Hermione ».
Elle aurait bien espéré que personne ne capte vraiment à qui il s'adressait, si seulement il ne répétait pas son fichu prénom en boucle en la désignant de ses deux index dirigés vers elle.
D'un geste de rage, Hermione s'en alla en claquant sa fenêtre, mais cela ne sembla pas arrêter d'avantage le maître des cachots.
« Je vais le tuer, je vais le trucider, le décapiter et faire de sa cervelle de la marmelade ! jura Hermione en faisant les cent pas.
_ Tu sais qu'il continue de chanter n'est-ce pas ? désigna Ginny en jetant un coup d'oeil en contrebas.
_ Oh attend, il va voir du pays.
_ Hermione ! appela Ginny. »
Mais trop tard, la Gryffondor descendit les escaliers de la tour quatre par quatre, entendant l'hilarité des élèves plus haut avant d'arriver jusqu'aux jardins à une allure surnaturelle. Sans prendre garde, elle fonça sur Snape et se mit à le frapper frénétiquement le bras avec un bouquin qu'elle avait choppé au passage.
« Mais taisez-vous bordel !
_ Oh vous êtes venu jusqu'à moi, c'est si romantique, mais, aie euh ! se protégea-t-il.
_ Vous êtes taré, vous m'aviez dit que vous, dit-elle avant de le frapper une nouvelle fois, alliez, continua-t-elle, garder, rajouta-t-elle d'un coup, le, secret !
_ J'ai dis que je n'allais rien dire sur l'accident, pas sur mes sentiments pour vous !
_ Vous êtes vraiment le roi des Serpentards ! Je ne le pensais pas, mais décidément, cette maison est faites pour vous !
_ Du coup, ça vous a plu ou pas ?
_ Barrez-vous, cria-t-elle. Et ne venez plus jamais chanter sous ma fenêtre, c'est clair ?
_ C'était une idée de Weasley !
_ Oui, bah c'était une idée de merde ! »
Hermione s'en alla, fulminante sous les rires déployés des élèves. Snape marmonna de dépit avant de faire une moue étrange.
« Même quand elle s'énerve, elle est ravissante, vous ne trouvez pas ? lâcha le potionniste en soupirant d'admiration.
_ Elle vous a frappé quand même.
_ Oui, mais avec une telle douceur que ça ressemblait à une caresse.
_ Vous me faites vraiment flipper, grimaça Ron.
_ Vous croyez que son parfum restera sur mon costume ?
_ Et vous avez une idée de comment sortir cet air de ma tête ? Parce que je vous avoue que ça ne veut pas s'arrêter depuis trois jours, grimaça Ron en se massant l'oreille.
_ Démerdez-vous Weasley, je ne suis pas votre mère !
_ Parfois je flippe à propos de votre attitude, puis ce genre de paroles me remet les idées en place, songea le rouquin tout haut. »
Snape grogna avant de s'arrêter, le regard dans le vide.
« Je suis perplexe néanmoins, elle ne semble pas avoir compris la portée de mes sentiments.
_ Si vous voulez, nous pourrions…
_ Niet, monsieur Weasley. Cette idée était la votre, mais je crains que son gout incertain ne l'ait pas enchanté. Il faut faire preuve de plus de subtilité. J'aurais du m'en douter, Miss Granger n'est bien sur pas ce genre de femme à céder à la moindre sérénade. »
Snape soupira une fois encore.
« Je suppose que j'ai du travail qui m'attends. »
