Chapitre 6.
Hermione n'avait pu s'empêcher de raconter sa mésaventure le soir-même à ses amis, durant le diner qui se passait, pour une fois, dans un climat plus ou moins normal. Néanmoins, Ginny affichait vraiment un air de méfiance indicible, et un silence un peu gênant avait fini par s'installer.
« Quoi ? finit par demander Hermione, la cuillère à mi chemin vers sa bouche, les yeux plissés.
_ Hermione, loin de moi l'idée de te mettre en doute, mais je crains que cet élève ne soit pas venu vers toi pour profiter de la situation sans que l'idée ne lui ait été soufflé au préalable par quelqu'un.
_ Qu'est-ce que tu insinue ? grogna la jeune femme.
_ Que c'est une méthode digne d'un Serpentard, bazarda Ron, la bouche pleine de gâteau à la crème. »
Hermione grimaça devant les manières du rouquin.
« Cette fois, c'est vous qui lui prêtez de mauvaises intentions.
_ Et toi tu es naïve. Tu devrais mettre des limites car Snape va les franchir, d'une façon ou d'une autre, trancha Ginny.
_ Il m'aime, balança Hermione.
_ Il t'aime à cause d'un potion espèce de crétine, rappela Ginny. »
Hermione arrondit le regard.
« Oh, tu me traite de crétine, vraiment ? balança Hermione, agacée par cette appellation qu'on ne lui avait jamais accordé auparavant.
_ C'est ce que je fais. Tu dis qu'il t'aime comme si c'était évident que son comportement suive avec ces sentiments, mais ils ne sont pas réels et donc, Snape demeure imprévisible.
_ Je te rappelle que je joue ma carrière pour cette histoire, et que je ne me serais pas lancé là dedans sans que tu ne m'en souffle l'idée ! Oh et puis, je ne sais même pas pourquoi je me défends pour commencer. Professeur Snape ! Héla Hermione. »
La rouquine arrondit le regard devant Harry qui ne put s'empêcher de sourire en cachette, amusé. Ginny s'enfonça dans sa chaise, l'air terrifié.
« Qu'est-ce que tu fais ? lui chuchota-t-elle.
_ Elle appelle son chevalier servant, lâcha Ron, amusé.
_ Miss Granger ? demanda Snape en arrivant naturellement à sa hauteur, comme s'il lisait dans ses pensées et qu'il était à l'affut du moindre de ses appels.
_ Ginny a dit que j'étais une idiote, balança Hermione fièrement, en se tournant vers Snape.
_ Pardon ?
_ Vous avez très bien entendu. »
Snape plissa les yeux d'un air plutôt terrifiant vers la petite soeur de Ron. Le professeur de potions s'appuya sur la table, restant derrière Hermione Granger comme un pitbull.
« Je peux savoir ce qui vous prends de dire une ignominie pareille ?
_ En plus, elle a dit que vous ne l'aimiez pas vraiment, répéta Ron, ravi d'en rajouter une couche. »
Snape ouvrit la bouche, outré et d'une manière si mélodramatique que Harry pouffa de rire pour de bon, expulsant sur la table le peu d'eau qu'il avait partiellement avalé en manquant de s'étouffer au passage.
Mais Snape l'ignora royalement, bien trop focalisé sur l'horreur à laquelle il faisait face.
« Mademoiselle Weasley, j'en espérais beaucoup mieux de votre part !
_ Mais enfin…
_ Miss Granger est la sorcière la plus intelligente de cette école, la meilleure élève à laquelle j'ai eu l'honneur d'enseigner, oserais-je même dire qu'elle me surpasse et de loin ! Qui pourrait ne pas l'aimer enfin, avec toutes ses qualités ! Moi le premier, je serais un imbécile de ne pas voir ce qui devrait à tous, vous sauter aux yeux ! Vous qui aviez pourtant eu un optimal à mon contrôle, je ne vous reconnais plus ! »
Harry continua de se retenir de rire, gardant difficilement le peu de sa gorgée qui lui restait et devenant de ce fait, rouge comme une tomate et ce sous l'expression effrayé de Ginny.
« Qu'est-ce qui vous prends enfin, vous la trouvez bête peut-être ?
_ Non !
_ J'exige de vous des excuses.
_ Excuse-moi, Hermione, marmonna Ginny.
_ Non, pas ce genre d'excuses minables. Vous lui dites maintenant toute la vérité. J'attendrais le temps qu'il faudra, exigea-t-il.
_ Mais quelle vérité ?!
_ Qu'elle est la femme la plus splendide de ce pays, une sorcière exemplaire, intelligente et sensible, avec un coeur et une bonté considérable et que vous avez de la chance de, ne serait-ce que croiser son regard.
_ Je ne dirais pas ça, lâcha Ginny, catégorique.
_ Miss Weasley ! s'emporta Snape.
_ Professeur Snape, vos mots dépassent votre pensée à cause de la potion, finit par lâcher Ginny. Alors je ne répéterais pas ce que vous venez de dire, et vous le comprendrez quand vous aurez retrouvé tout votre discernement.
_ Je peux savoir pour qui vous vous prenez ? gronda-t-il d'une voix menaçante. »
S'en suivit une bataille de regard, devant un Snape surproducteur et profondément en colère ainsi qu'une Ginny ressemblant à s'y méprendre à sa propre mère, tête de mule et n'en décolérant pas d'avantage.
« Bien. Vous voulez une preuve c'est ça ? finit par balancer Snape.
_ Non elle n'en veut pas, trancha soudain Hermione.
_ Si, elle veut une preuve que je vous aime. Je le vois dans ses yeux.
_ N'importe quoi enfin !
_ De toute façon, personne ne me croit. Et puis, il faut bien que je gagne votre coeur, à mon tour.
_ Oubliez ça, finit-elle par s'agacer.
_ Mais enfin, Miss Granger, il me semble essentiel de ne pas bafouer de la sorte ce sentiment que j'éprouve à votre égard. De plus, cela me permettra de faire étale de mon transport.
_ Personne ne bafoue rien du tout.
_ Moi je trouve qu'elle vous manque de respect professeur Snape, rajouta Ron. Vous avez totalement raison, et à votre place, je ferais tout pour faire entendre ma voix.
_ Merci monsieur Weasley. »
Hermione leva les yeux au ciel, avant de les fusiller vers son ami qui se protégea de ses mains, comme s'il était sur le point de se faire attaquer. Snape repartit ravi de cette échange, et Hermione soupira un peu de soulagement avant de se figer. L'homme ne venait pas de regagner sa place, non… Bien au contraire.
Placé devant le pupitre utilisé d'ordinaire par le directeur uniquement lors des grandes assemblées, Snape le tapota plusieurs fois de sa baguette d'un air solennel.
« Severus ? demanda soudain Albus, s'arrêtant au milieu de son repas. »
Mais le maître des cachots ne l'entendit pas, pas plus qu'il ne parvint en premier lieu à faire taire l'ensemble des élèves.
« S'il vous plait ? dit-il en se raclant la gorge. »
Mais il n'y avait décidément qu'Albus pour remarquer le soucis, lui ainsi qu'Hermione qui regardait son professeur, horrifiée de ce qu'il lui préparait. Alors, Snape fulmina et usa d'une méthode un peu moins douce.
« Fermez là ! »
Soudain, l'ensemble des élèves se turent, et Minerva arrondit le regard, tout comme les autres professeurs.
« Je voulais simplement, ce soir, dire quelque mots qui donneront à vous tous, matière à réfléchir et à cesser toute moquerie à partir d'aujourd'hui. Vous n'êtes bien sûr, pas sans connaitre les événements bizarres auxquels vous avez tous était témoin ces derniers jours. Mais voyez-vous… l'amour… »
Albus soupira, et une bonne partie des élèves dévisagèrent leur professeur, alors que d'autres suivirent son regard dardé vers Hermione qui, à son tour, s'enfonça dans son siège.
« L'amour est ce qui a triomphé de Voldemort, l'amour est la source de tout, l'amour nous a sauvé de la guerre. Et comme l'a dit la grande philosophe Tina Arena… »
Hermione leva un sourcil, perplexe, et blasé à la fois.
« J'aurais pu sombrer sous la colère comme un cheval fou, mais ce qui m'a sauvé, c'est de pouvoir aimer. Aimer, jusqu'à l'impossible, aimer, se dire que c'est possible. Aimer, d'un amour invincible, aimer jusqu'à l'impossible. C'est possible. »
Hermione ferma les yeux de dépit, sous le regard moqueur de Harry et Ron réunis.
« C'est une douleur sans égale, quand sa vie part en étincelle. J'aurais pu vendre mon âme au diable comme un criminel, mais ce qui m'a sauvé, c'est de pouvoir aimer.
_ Severus, ça suffit ! finit par gronder Dumbledore en se levant.
_ Aimer, d'un amour invincible, aimer malgré l'inadmissible, aimer jusqu'à l'impossible, c'est possible.
_ Severus, répéta Dumbledore, d'une voix si forte qu'elle raisonna dans toute la Grande Salle.
_ C'est tout, balança Snape, content de lui en retournant à sa place. »
Albus soupira de dépit, levant les yeux au ciel tandis que Minerva suivit son collègue du regard, se secouant la tête et lui faisant bien savoir sa désapprobation.
« Vous croyez que c'était too much ?
_ Vous savez quoi ? Ma tête vient d'exploser après votre discours. Je n'ai même aucune idée de la façon dont je dois vous répondre, donc, je préfère m'abstenir.
_ Mmmmh, vous avez raison… Je lui offrirais des fleurs.
_ Vous devriez surtout lui foutre la paix, et arrêter de l'afficher devant toute l'école.
_ Mais enfin, personne ne devrait avoir honte d'aimer quelqu'un, surtout elle ! »
Minerva soupira. De toute façon, c'était perdu d'avance.
« J'y arriverais, vous verrez.
_ Si vous le dites… marmonna la sorcière. »
xXx
Comme si elle n'avait droit à aucun répit, Hermione explosa en plein vol le soir-même. Depuis toutes ces semaines, elle s'était contenue, d'une part parce qu'il fallait garder le secret, et d'une autre pour ne pas s'en prendre inutilement à Snape. C'était qu'elle avait longtemps porté le poids de la culpabilité pour cet incident et les conséquences que cela avait entrainé.
Elle avait tellement peur de l'avoir altéré à jamais. Heureusement, il semblait maître de lui même en dehors de sa présence, mais ne pourrait-elle plus jamais le côtoyer de toute son existence sans espérer une relation « normale » ? Si on pouvait parler de normalité lorsque cela concernait Severus Snape.
Mais enfin, non qu'elle ne se soit sentie assez proche de son ancien professeur pour ressentir un manque quelconque, et pourtant, l'idée qu'elle ne trouve jamais de remède et qu'à jamais, son coeur soit altéré par les effets de cette potion l'avait longtemps plongé dans une détresse qu'elle avait tenté de cacher, tant bien que mal.
Désormais, elle avait l'impression que sa culpabilité avait foutu le camp, ne restait que de la colère profonde.
« Snape ! avait-elle hurlé d'une voix suraiguë et particulièrement enragée. »
Depuis sa chambre, Hermione claqua bruyamment la porte et se mit à la recherche du maître des cachots. C'était que de toute façon, il ne devait pas être bien loin. Et à raison, puisqu'elle le trouva en train de discuter avec ses collègues, de son attitude habituelle froide, et détachée. Mais cette fois, oh non, elle ne se laisserait plus avoir !
Brutalement, elle arriva à sa hauteur et lui tira soudain l'oreille. Snape se baissa sous l'attaque en grimaçant avant de lâcher un « aie aie aie » couinant, tentant tant bien que mal de faire décrocher les doigts d'Hermione de son oreille, en vain.
« Vous, vous venez avec moi ! lâcha-t-elle en continuant de lui tirer l'oreille comme à un gosse.
_ D'accord, ok, très bien, mais lâchez moi, se plaignit-il.
_ Ça vous amuse, hein ? Est-ce que ça vous amuse ? beugla Hermione.
_ C'est les fleurs c'est ça ?
_ Les fleurs ?! »
Il faut dire qu'elle avait été tellement furibonde en sortant de ses quartiers qu'elle n'avait rien remarqué d'autre que… que cette chose !
En y repensant, Hermione finit par lâcher l'oreille de Snape, parce qu'elle y allait peut-être un peu fort et qu'en plus, il lui fallait monter les escaliers et que continuer de le tenir de la sorte n'allait pas être des plus pratique.
« Vous montez, ordonna-t-elle.
_ Mais…
_ Vous montez ou je vous oblige à le faire sur les mains en faisant le poirier, menaça-t-elle en pointant sa baguette sur lui. »
Snape ouvrit la bouche, avant de la refermer un peu durement. Il soupira et suivit les directives de la jeune femme, remontant les escaliers interminables de Poudlard jusqu'à la tour des préfets ainsi que les chambres d'invités. Bien évidemment, il savait quel tableau correspondait à ses quartiers.
La peinture d'une jeune femme observant les étoiles à travers son sextant détourna son regard pour attendre le mot de passe. Snape se tourna alors vers Hermione d'un air un peu perplexe.
« Vous allez me faire croire que vous ne le connaissez pas peut-être ?
_ En vérité, non. J'ai fais envoyé tout ça via un elfe.
_ Parce qu'en plus, vous les impliquez dans vos plans à la mords moi le noeud ?! Poussez-vous. »
Hermione le décala brutalement sur le côté, avant de prononcer un « Fontaine de Bonne Fortune » sonore, sans tenir compte de la présence de Snape dont elle se contrefichait à l'heure actuelle.
La porte s'ouvrit lentement, et Hermione continua de tirer le maître des potions alors que celui-ci n'osait même pas entrer.
« Mais vous faites quoi ? demanda-t-il, gêné.
_ Vous m'expliquez ce que c'est, que ça ! »
C'est là qu'Hermione désigna l'horrible tableau qui ornementait désormais le dessus de son lit. Sur cette peinture se dessinait hé bien… Severus Snape, cheveux au vent, l'air profondément sérieux regardant au loin, puis se tournant vers elle afin de lui envoyer un doux baiser. De son mouvement s'échappa une multitude de coeurs se percutant dans les airs et faisant des plops à la manière de bulles de savon.
« Hé, vous imaginez pas le temps que ça m'a pris pour faire ce truc.
_ Mais j'en ai rien à foutre, lança Hermione, outrée et horrifiée. Vous m'enlevez cette horreur tout de suite !
_ Vous êtes sure ? »
Hermione le dévisagea soudain d'un air scandalisé.
« Oui ! éclata-t-elle sous le ton de l'évidence.
_ Non, mais je vous demande ça parce que ça m'a demandé un boulot monstre de créer ces bulles qui sortent du tableau. Voyez, je sais que vous avez parfois des soucis d'endormissement, alors si vous voulez, je peux tout à fait rajouter une petit potion de sommeil dans la formule pour vous aider à…
_ Faites-moi disparaitre cette chose ou je la brule.
_ Ok. »
Snape déglutit et dirigea sa baguette vers le tableau. Il resta ainsi silencieux, avant de baisser brutalement sa main et de se tourner pour faire face à Hermione, les mains en prières et le regard suppliant.
« Soyez sympa, j'ai vraiment mis des lustres, vous n'imaginez pas ce que ça demande comme travail de fabriquer une peinture pareille dans le monde magique.
_ Vous êtes réellement en train de me suggérer de garder cette chose au dessus de mon lit ? C'est non. Non, non, non.
_ On peut toujours le mettre dans la salle sur demande, le sortir aux grandes occasions.
_ Mais quelle grandes… s'emporta Hermione d'une voix forte avant de se retenir de hurler d'avantage. Bon. très bien. Mais sachez que vous allez le regretter un jour ou l'autre. »
Snape émit un mouvement de baguette bref qui fit disparaitre la dites horreur du dessus de son lit.
« Oh ça j'en doute. Voyez-vous, j'y ai mis vraiment tout mon coeur et je pense qu'il reflète assez justement l'affection que je vous porte.
_ Ecoutez, je suis fatiguée, soupira Hermione. J'ai besoin de sommeil, j'ai besoin de me sortir cette potion de la tête, et vous.
_ Oh oui, bien sûr. »
Snape s'apprêta à partir, mais s'arrêta tout juste au seuil de la porte, avant de se tourner vers elle une dernière fois.
« Vous accepteriez de m'accompagner au bal ?
_ Au bal ? Quel bal ? demanda-t-elle soudain.
_ Dumbledore organise un bal dans deux mois. Je serais bien sûr, assigné à surveiller ces bandes de cornichons, mais… »
Hermione prit une profonde inspiration. Si elle n'avait pas trouvé de remède d'ici là, elle n'irait pas à ce fichu bal de toute façon.
« Honnêtement, ces fêtes sont destinées aux étudiants de cette école, et je ne suis là que de passage.
_ Je vois. »
Snape lui accorda un mouvement de tête suivit d'un bref rictus, un de ses faux sourires qui, sans qu'elle le comprenne bien, lui serra le coeur. L'homme s'en alla sans un mot, et Hermione le regarda faire en coin. Elle ferma les paupières un instant, avant de s'écrouler sur la largeur de son lit.
Hermione prit une profonde inspiration avant de lentement ouvrir les yeux, tournant son regard de part et d'autre. Elle se redressa un peu, et remarqua enfin l'allure du reste de sa chambre.
Elle crut rêver, lorsqu'elle remarqua les plants de fleurs sortir de leurs pots afin de s'étaler un peu sur les murs, des bouquets de mimosa et de lavande remplissant sa chambre d'un doux parfum floral.
Hermione se releva ainsi lentement, et fixa son attention sur les bouquets de coquelicots, d'oeillets et de renoncules qui l'entouraient et qui créaient une harmonie assez stupéfiante. Sa chambre ressemblait désormais à celle d'une princesse, et elle ne put s'empêcher de se mordre la lèvre. Elle effleura ainsi la pétale d'un lys laissé sur sa table de chevet, et ne put s'empêcher de sourire un peu.
C'était beau. Personne n'avait jamais fais une chose pareille pour elle, à bien y réfléchir…
