Chapitre 2 : coup de fil
"Les indices montrant ta culpabilité ne manquent pas Carlos, déclara Humphfrey d'un ton moqueur. Et plus sont à venir.
- Je veux mon coup de fil, déclara le plus jeune, à présent certain qu'il ne pourrait pas s'en sortir seul.
- Serais-tu en train de nous faire un aveu ? le nargua Gordon.
- J'ai le droit à un coup de téléphone, insista Carlos, la mâchoire serrée alors que les deux inspecteurs se moquaient de lui.
- Les gars, il a le droit à son coup de fil, intervint leur supérieur en décrochant le combiné sur son bureau. Numéro ?"
Carlos dicta le numéro de son père, soulagé que son chef ne soit pas aussi homophobe que les deux clowns qui se disaient inspecteurs. Le plus âgé lui tendit l'appareil qu'il coinça entre son oreille et son épaule.
"Allô ?
- C'est Carlos. J'aurais besoin de ton aide.
- Qué pasa?
- Soy sospechoso de haber matado a TK a golpes."
Les larmes lui montèrent aux yeux alors qu'il mentionnait son fiancé, mais il les retint. Il refusait de faire ce plaisir aux inspecteurs. Il savait qu'aucun d'eux ne parlait espagnol contrairement à leur chef, mais c'était son droit de parler dans la langue de son choix et il ne comptait pas s'en priver.
"¿cómo está?
- No lo sé…
- ¿Y creen que eres tú?"
La stupeur dans la voix de son père fit du bien au jeune homme qui reprit un peu espoir. Il avait foi en son père pour trouver le vrai responsable de l'agression de TK… et de lui trouver un avocat en attendant.
"Sí…
- J'arrive.
- Merci."
Soulagé de savoir qu'il aurait bientôt du soutien, il indiqua à son supérieur qu'il avait terminé. Il se cala ensuite du mieux qu'il put dans sa chaise et regarda dehors, essayant de se rappeler le moindre indice qu'il aurait manqué le matin même en partant. Il tentait de se remémorer tous les visages qu'il avait croisés, se demandant si l'un d'eux était l'agresseur de TK. Son homme n'était pas un petit gabarit, celui qui lui avait fait ça ne devait pas l'être non plus, à moins qu'ils ne soient venus à plusieurs.
"Alors Carlos, prêt à parler ?" lui demanda Action-man en se plaçant devant lui.
Il leva les yeux vers l'homme, mais garda le silence, lui donnant une réponse plus qu'explicite. Il était certain qu'il voulait connaître les preuves contre lui, mais pas en étant seul pour les entendre. Il ne voulait pas prendre le risque de subir des pressions de la part de ces deux brutes et se demanda si son arrestation dans le bureau du chef n'était pas en lien avec leur homophobie, peut-être voulait-il s'assurer qu'ils ne feraient pas n'importe quoi.
Le temps, en attendant que son père arrive, sembla extrêmement long à Carlos. Gordon et Humphfrey tentaient de le faire parler par tous les moyens, y compris en les insultant TK et lui, mais il prenait sur lui pour ne pas réagir. A chaque fois, il répétait inlassablement qu'il ne répondrait pas à leurs questions tant que son père ne serait pas là. Il eut pourtant envie de leur sauter dessus quand leur chef quitta la pièce pour aller se chercher un café et qu'ils mentionnèrent TK et l'état dans lequel il avait été retrouvé, quand ils lui dirent que ce qu'il lui avait fait montrait seulement à quel point les homosexuels étaient dérangés, qu'il faudrait tous les arrêter… Carlos serrait les pieds de sa chaise de toutes ses forces, à s'en faire mal aux mains, mais refusait de répondre à leurs provocations. Il n'avait rien fait d'illégal et ne comptait pas changer ce fait, il ne voulait pas donner de grains à moudre à leur moulin.
Finalement, après ce qui sembla avoir été une éternité à Carlos, la porte du bureau se rouvrit sur le chef, son père et un autre homme, la trentaine, typé Mexicain, en costume.
"Messieurs, voici Gabriel Reyes, chef des Texas Rangers et Maître Vargas, avocat."
Les trois hommes présents dans la pièce les saluèrent d'un signe de tête alors qu'ils entraient. Le chef installa une chaise de chaque côté de Carlos alors que les inspecteurs se plaçaient derrière le bureau.
"Messieurs, puis-je avoir un mot avec l'officier Reyes en privé ?" demanda l'avocat.
Les inspecteurs et le chef de police sortirent, clairement pas heureux de cette demande, mais laissèrent la porte ouverte.
"Monsieur Reyes, souhaitez-vous que votre père assiste à cet entretien ou sorte ?
- Je préfèrerais qu'il reste, répondit Carlos, soulagé d'avoir le choix.
- Chef Davis, voulez-vous bien fermer la porte, merci."
Ils regardèrent Davis pointer une télécommande vers le coin de la pièce et attendirent en silence que la porte soit fermée. Gabriel se leva et inspecta la pièce, trouvant une caméra qui était à présent éteinte. Après qu'il se soit assuré que plus rien ne les enregistrait, l'avocat demanda à Carlos d'expliquer la situation. Du mieux qu'il put, en essayant de garder ses émotions sous contrôle, il raconta ce qu'il savait : son réveil tardif, son départ de l'appartement en vitesse, l'oubli de son téléphone portable chez lui, l'arrivée en retard au poste de police, son service et son arrestation à son retour. Il expliqua ensuite ce qu'il savait sur l'affaire, mais il n'avait pas grand chose. Il termina en dressant un portrait rapide des enquêteurs en charge du dossier à la demande de l'avocat. Il insista sur les propos homophobes qu'ils avaient généralement à son égard et ceux qu'ils lui avaient tenu avant leur arrivée.
"Est-ce que tu as des nouvelles de TK ? demanda Carlos à son père une fois qu'il eut répondu à toutes les questions de l'avocat.
- J'ai eu Owen, TK est dans le coma, il a un traumatisme crânien et de multiples fractures. Il a plusieurs côtes cassées et une perforation des poumons. Les médecins ne savent pas pour encore s'il se réveillera et dans quel état. Ils pensent que c'est mieux pour l'instant qu'il soit inconscient."
Carlos avait pâli au fur et à mesure du discours de son père, les larmes avaient coulé le long de ses joues sans qu'il n'arrive à les retenir et Gabriel l'avait attiré contre lui pour le réconforter avec maladresse.
L'avocat qui s'était fait discret durant cet échange père-fils attendit que Carlos ait séché ses larmes pour rappeler les inspecteurs.
