En traduisant le texte "L'aventure d'Aramis" dans une revue officielle d'Anime San Jushi, on apprend que François, juste avant de mourir, confie à Renée son secret: il s'occupe de l'éducation de Philippe, le frère jumeau secret du roi. Donc, pendant tout ce temps, Aramis était vraiment au courant de l'existence de Philippe. Elle est devenue mousquetaire dans l'espoir de le voir réapparaître dans l'entourage royal...
EPISODE 44 : Aramis veut s'entretenir avec Philippe, mais on lui refuse l'entrée.
Tout en tapant du pied, Aramis soupira bruyamment pour une autre fois, se demandant quel était le sentiment prédominant qui l'habitait. L'impatience de se voir ainsi faire attendre? La colère d'avoir été forcée d'arrêter Athos et de rechercher Porthos? L'humiliation de devoir être aux ordres de ces traitres Milady et – elle serra les dents - Manson? La solitude et la peine d'être séparée de ses amis dans un enjeu aussi crucial? Ou la peur de l'échec et de la déchéance si ce qu'elle s'apprêtait à révéler s'avérait faux et non fondé?
Dans son esprit fourmillaient milles et uns détails, telles les pièces d'un casse-tête compliqué. Les toutes dernières paroles de François….Des paroles qu'elle avait répétées tous les soirs avant de s'endormir, à défaut de prier*; des paroles qui, avec le temps, perdaient de plus en plus leur sens à force de rester stériles; Des paroles qui, soudainement, brutalement, avaient ressurgies du passé à la vue du médaillon or et rubis, et qui maintenant martelaient sa tête comme une bruyante parade de soldats : l'actuel roi de France, Louis le Treizième, avait un frère jumeau secret qui lui ressemblait en tout point. François avait été chargé de son éducation, loin de tout et de tous. Ce jumeau, un prénommé Philippe, avait finalement été enlevé par des bandits meurtriers…..et l'un d'entre eux se trouvait justement au Louvre. Le brusque changement d'attitude du monarque, l'arrivée de Milady et de Manson dans l'entourage royal, les différentes, successives et saugrenues mises à l'écart de Richelieu, Tréville et de la reine Anne, ce Masque de Fer emprisonné qui se proclamait roi….il y avait trop de coïncidences.
Aramis risqua un autre regard vers la porte fermée. Et si le protégé de François, était juste là, derrière la porte? A cette pensée, son cœur se serra encore, à la fois de joie et de crainte. Se pouvait-il que le Prince Philippe ait réellement rejoint le camp de l'ennemi? Accepterait-il de l'écouter et de la croire? Quelle était l'étendue des mensonges dont on l'avait certainement gavé?
Un page entra enfin dans l'antichambre où on l'avait pour ainsi dire oubliée.
« Où est Sa Majesté? » demanda Aramis, l'impatience perceptible dans sa voix.
« Sa Majesté vous fait dire qu'elle ne désire pas vous voir pour l'instant, » répondit fermement le page.
« Mais lui avez-vous dit que je l'attendais? Aramis, le capitaine des mousquetaires? » fustigea-t-elle, très mécontente, en se levant d'un trait et en fusillant du regard son interlocuteur.
« Oui, Capitaine…. » Le pauvre page, devant la colère d'Aramis, perdit légèrement de son assurance. Il avait connu Tréville, il savait les colères terribles que ce dernier pouvait faire tomber…et ce nouveau capitaine semblait tout droit sorti de la même lignée orageuse.
« Mais alors? »
« Je ne sais pas…Vous devriez demander à la comtesse Milady de Winter lorsqu'elle sera de retour… » s'excusa encore le valet en cherchant à tout prix à faire partir le visiteur.
« Comment cela? » Encore Milady…. Aramis leva un sourcil accusateur.
« Sa Majesté refuse de voir qui que ce soit en l'absence de la comtesse. Elle devrait rentrer bientôt. »
Aramis serra les dents et les poings, tentant de dissimuler la rage qui la tenaillait. N'y avait-il pas un moyen de parler à Philippe – ou si elle se trompait, au roi - sans la présence de cette vipère de Milady? Quel qu'était le monarque assis sur le trône, Aramis devait l'avertir de quel genre de conseillers il s'entourait. Quel était donc l'avantage de devenir capitaine des mousquetaires, c'est-à-dire le chef de la garde personnelle du roi, si on ne pouvait approcher ce dernier?
Qu'aurait-fait Tréville à sa place?... Son supérieur n'était pas assez arrogant pour forcer le passage; il aurait attendu un autre moment pour rencontrer le souverain. Mais justement, le temps lui manquait affreusement, et les occasions où Milady et Manson quittaient le Louvre en plein jour étaient très rares. Allait-elle laisser ce simple valet lui barrer le chemin?
En son intérieur, Aramis se mit à sourire. Elle serait bastonnée et sévèrement réprimandée si ses informations étaient fausses, mais elle pourrait porter un coup fatal à ses ennemis si elles s'avéraient justes…. Elle devait agir comme un chef. Comme le cardinal de Richelieu, tiens! Ou bien….Elle se remémora comment, le matin même, le comte de Rochefort l'avait rudement apostrophée en lui demandant pourquoi elle avait accepté la succession à la tête des mousquetaires et où étaient passés sa fidélité et son allégeance : sa manière arrogante et suffisante de bousculer tous ceux qui lui étaient inférieurs en rang….comme ce jeune page, par exemple…. A cette pensée, elle leva légèrement le regard vers le serviteur royal.
Prenant subitement un air qui lui ressemblait peu – celui de Rochefort en l'occurrence – elle s'approcha, hautaine, du valet. Ce dernier, en voyant l'air ténébreux et peu rassurant d'Aramis, recula d'un pas.
« Poussez-vous! » A la manière de son homologue à la tête des gardes du cardinal, Aramis mit la main sur l'épaule du page et le bouscula hors de son chemin.
« Capitaine! Sa Majesté… »
Elle se retourna d'un bloc vers le serviteur. « Je n'ai pas d'ordres à recevoir de vous, ni de la comtesse de Winter! Si Sa Majesté veut me renvoyer, elle me chassera elle-même! » Le ton de sa voix n'accepterait aucun refus.
Dans une tentative ultime, le valet la retint par le bras alors qu'elle s'était retournée et s'éloignait de nouveau. « Capitaine! » répéta-t-il.
Aramis le repoussa avec encore plus de rudesse, ouvrit la porte de la chambre où devait se trouver le roi, s'y engouffra et la verrouilla derrière elle. De l'autre côté, le page frappait la porte et menaçait d'ameuter la garde du palais.
Elle se retourna et inspecta les lieux. Très similaire à la pièce où elle se trouvait il y a quelques instants plus tôt, la chambre était en fait…une autre antichambre.
« La peste soit sur le Louvre! » maugréa-t-elle. Elle devait trouver le roi au plus vite avant qu'elle ne soit chassée pour son insolence! Elle se dirigea donc prestement vers l'autre porte - la seule autre issue de la pièce - qui se trouvait devant elle et, répétant les mêmes mouvements, l'ouvrit, se faufila dans son ouverture puis la verrouilla derrière elle.
En se retournant, son cœur fit un autre bond bizarre et elle du inspirer profondément afin de reprendre contrôle sur ses émotions. Bien qu'elle ait déjà vu le roi à de nombreuses reprises, la possibilité que l'homme qui se tenait devant elle, assis à un petit secrétaire, soit réellement une toute autre personne, la fit trépigner d'excitation. Mais, une main toujours sur la poignée de la porte, elle se tint silencieuse devant son souverain pendant quelques secondes tout en lui dédiant un regard rempli d'incertitude.
L'homme sursauta et fronça les sourcils. « Que faites-vous ici? Je ne reçois personne! »
Ne voulant absolument perdre aucun instant de ce précieux temps de solitude avec le roi, Aramis se risqua à parler et à prendre un air sévère, même au péril de se leurrer.
« Est-ce ainsi que vous honorez la mémoire de François? » Si elle se trompait sur l'identité de son interlocuteur, elle pourrait toujours en appeler à la mémoire du roi François 1er….
A ces mots, le roi se raidit brusquement, ses yeux s'écarquillèrent, ses lèvres s'entrouvrirent et tremblèrent, et Aramis sut que l'homme devant elle était alors Philippe, le frère secret du roi. L'apostrophe que ce dernier avait auparavant préparée au visiteur inopportun resta clouée dans sa gorge et refusa de sortir de sa bouche.
« Serait-il fier de la personne que vous êtes devenue? » poursuivit donc la femme, son excitation prenant graduellement de l'ampleur dans son cœur; elle touchait enfin au terme de sa mission!
Se resaisissant, Philippe répondit maladroitement. « J-je ne sais pas de quoi vous parlez! Sortez! Ou j'appelle la garde! »
Le regard d'Aramis se fit encore plus sévère et elle fit quelques pas dans sa direction. « François voulait faire de vous un homme bon et honnête. Aurait-il gâché sa vie en se mettant à votre service? Serait-il donc mort en vain? Assassiné en tentant de vous protéger? »
L'homme resta muet, bouche bée, alors que dans son esprit un flot de souvenirs douloureux faisait surface et se reflétait sur sa physionomie.
Sans le quitter des yeux, elle s'approcha d'avantage et appuya ses deux mains sur le bureau. Une étincelle de triomphe brillait maintenant dans son regard alors que son sourire, qu'elle était incapable de contrôler, s'agrandissait lentement. « Je savais que vous viendriez ici, un jour! Je suis devenue mousquetaire dans l'unique but de vous retrouver! Cela fait six ans que je vous attends…Prince Philippe! » jubila-t-elle à voix basse.
Le prince se leva d'un trait, comme s'il avait été violemment mordu par une bête. Du revers de la main, Aramis désigna la porte derrière elle. « Ces gens vous manipulent! Milady n'est qu'une intrigante assoiffée de pouvoir et Manson – à ce nom, Aramis s'arrêta brusquement - et Manson est celui qui a assassiné François! »
« Comment osez-vous? » demanda Philippe, subitement très blême, la voix tremblante.
« François m'a tout dit avant de mourir. Il m'a tout révélé à votre sujet. Vous êtes Philippe, le frère jumeau du roi. »
« Vous fabulez!... » balbutia le prince en se passant une main sur le front, évitant de regarder Aramis dans les yeux. La confusion était peinte sur son visage, et la peur de voir son secret mis à jour le faisait trembler d'avantage.
« Non, Philippe…et vous le savez! » Elle s'arrêta quelques instants, s'approcha de lui et tenta de lui faire face. L'homme, par tous les moyens, déviait sans cesse son visage. « Ils vous mentent, Votre Altesse, et vous utilisent uniquement afin de servir leurs propres intérêts! »
« Mensonges! J'appelle la garde! » lança-il de nouveau sans toutefois mettre ses menaces à exécution.
Aramis siffla de rage entre ses dents. «Je n'ai pas passé les six dernières années à faire tout cela pour rien! » A ces mots, elle pinça ses vêtements entre ses doigts. Elle se dirigea d'un pas ferme vers la porte et y plaqua son dos. « Vous commettez une grave erreur en faisant confiance à ces gens! Répondez-moi enfin : est-ce que François est mort en vain?! » Elle ajouta, d'une voix plus rauque, où l'émotion était palpable. « Ais-je gaspillé ma vie en vain?! »
A ces mots, les yeux de Philippe s'agrandirent. Puis, lentement, il devint septique et plissa les yeux. « Qui êtes-vous donc? »
« Je suis…. » Aramis s'arrêta un bref instant. « Je suis votre plus fidèle serviteur. J'ai juré de prendre la place de François. J'ai tout abandonné pour le venger. Je suis donc entièrement à votre service. » A ces mots, elle mit une main sur son cœur et fit une légère révérence.
Philippe serra les dents et ferma les yeux. « Comment savez-vous tous ces détails? » demanda-t-il, très calme, dans un murmure. Aramis ne semblait pas le menacer de tout révéler, de lui faire du mal…mais comment ce mousquetaire était-il au courant de son existence? Y avait-il un réel lien entre Aramis et François, ou se servait-il seulement de ce nom pour le tromper? « François est mort sous mes yeux… » souffla Philippe.
« Il a plutôt agonisé pendant un long moment », répondit Aramis, subitement en colère à la pensée que l'homme qu'elle aimait ait autant souffert. « J'étais là pour recueillir son ultime souffle. »
Derrière la porte, le bruit des gardes et la voix du jeune valet se firent entendre. Le temps était compté….
« Il s'est soucié de vous jusqu'à la toute fin….ne lui faites pas honte, » ajouta-t-elle amèrement.
« Qu'attendez-vous donc de moi? » demanda rapidement Philippe, résigné à abdiquer.
Le nuage d'un sourire passa sur les lèvres du mousquetaire. « Rien. J'occupe de tout… »
La porte s'ouvrit brusquement et plusieurs gardes entrèrent. Philippe changea aussitôt d'attitude et de physionomie; Les leçons de tromperie de Milady étaient utiles, après tout… « Par la grâce de Dieu, vous êtes enfin ici!» fit-il, mécontent, à l'intention des gardes. «Incapable! » vociféra-t-il à l'endroit du page. « Par chance, le capitaine Aramis était là pour me protéger et me transmettre des informations importantes! Un intrus se cache dans le palais, trouvez-le vite! »
Les gardes se regardèrent, regardèrent le page et, complètement confus, mais ne voulant pas s'attirer d'avantage les foudres royales, se dispersèrent. Penaud, le valet se mit à imiter les soldats.
« Merci de m'avoir écouté et de prendre en considération mes conseils, Votre Majesté, » fit Aramis, en saluant le prince, jugeant qu'il était temps de s'éclipser avant que Milady ne revienne au Louvre.
Elle lui tourna dos et se dirigea vers la sortie.
Philippe la regarda s'éloigner. Bien qu'il lui ait donné l'occasion de s'en tirer, il était toujours septique au sujet d'Aramis. Allié ou ennemi? Qui donc était ce mousquetaire qui savait tout de lui? Qui aurait pu être assez proche de François pour être témoin de ses tous derniers moments? Qui aurait pu mériter la confiance de son précepteur au point de recevoir des aveux aussi importants que secrets? Qui aurait pu vouloir tout quitter pour honorer la mémoire de son seul et précieux ami?
Un seul prénom revint à sa mémoire : celui que François avait prononcé de nombreuses fois, si tendrement.
« Renée? » fit faiblement Philippe.
Aramis s'arrêta et, par-dessus son épaule, dédia un sourire sous-entendu à Philippe. Puis, un doigt sur les lèvres, elle lui enjoignit silencieusement de garder le secret.
« A bientôt » fit-elle en quittant la pièce et en lui retournant le dos. « Oui…A très bientôt!… »
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*comme Arya, dans Le Trône de Fer
