La troisième semaine de juillet connut une série de journées magnifiques et brulantes.
La température grimpait dans le courant de l'après-midi et ne redescendait que tard dans la nuit et Buck pensait à bien ouvrir ses fenêtres le matin de bonne heure et à fermer ses volets avant de partir travailler pour conserver un minimum de fraicheur pour dormir la nuit.
Il en venait presque à regretter la pluie et son plafond dégoulinant.
Buck continuait à effectuer de longs services du soir au restaurant. Il était fatigué en rentrant chez lui à vélo, et le matin, il avait souvent mal aux jambes et aux pieds. Il déposait toujours la moitié de ses pourboires dans la boîte à café, laquelle était presque remplie à ras bord. Il possédait bien plus d'économies qu'il n'aurait cru, et plus d'argent que nécessaire pour s'en aller en cas d'urgence.
Pour la première fois, il se demanda s'il avait besoin d'économiser encore.
Et si pour une fois il voulait se faire plaisir ? Et s'il pouvait commencer à vivre pour lui, à se laisser aller ? Il n'avait jamais vraiment eu l'occasion d'être gâté, et c'était ce qui l'avait dérangé au début dans les cadeaux d'Eddie.
Personne ne s'était jamais vraiment soucié de lui comme ça, pas même ses parents.
Il n'y avait eu que sa sœur, avant son départ, puis Doug qui avait fini par le maltraiter. Alors, ça lui avait fait peur, sa façon de le couvrir d'attentions mais maintenant qu'il connaissait mieux Eddie, sa bonté et sa gentillesse, il pouvait enfin se permettre de relâcher la pression.
Eddie était venu le rejoindre la veille.
Ils avaient fait l'amour et Buck avait repris son fusain et recommencer à dessiner son amant allongé sous le drap de son lit. Il n'osait pas penser à quel point c'était excitant de le voir là, dans son propre lit, la peau encore luisante de transpiration, après ce qu'ils venaient de faire.
Il en avait rougi.
Eddie lui avait fait remarquer à quel point il était beau quand il rougissait ce qui l'avait fait rougir plus encore. Il sentait le regard brûlant de son amant sur lui alors qu'il tentait de reproduire son image le plus fidèlement possible.
- Est-ce que tu es libre demain soir ?
- J'ai ma journée demain, avait-il répondu. Je ne reprends que vendredi midi.
- Deux jours ? s'était-il étonné avec un sourire en coin. C'est une bonne nouvelle. Nos emplois du temps coïncident.
- Je pourrai peut-être finir mon dessin, le taquina-t-il.
- Je pensais plutôt t'emmener à un rendez-vous, avait admis Eddie. Un rendez-vous... romantique.
- Oh..., avait-il soufflé en se figeant.
- Un problème ?
Pas de problème, non.
Buck avait trouvé ça adorable mais il ne s'y attendait pas vraiment. Les rendez-vous romantiques, c'était avant que Doug n'obtienne ce qu'il voulait, ensuite il ne le sortait que pour montrer aux yeux de tous qu'il le possédait.
Buck avait détesté ça.
- Buck ?
- Non, je... En fait, je ne savais pas... Enfin, je veux dire, on est ensemble non ? On est un... couple ?
- J'espère bien, avait-il rit. Ça doit m'empêcher de t'emmener à des rendez-vous ?
- Non, je veux dire... Ça serait agréable. J'aimerais beaucoup.
- Bien ! avait-il lâché en se repositionnant. Parce que j'aimerais beaucoup aussi.
De nouveau, Buck avait senti ses joues s'échauffer et le sourire satisfait d'Eddie lui avait confirmé qu'il rougissait. Il s'était alors forcé à se reprendre.
Il devait se concentrer.
Il ne voulait pas gâcher le dessin par une erreur stupide. Cela faisait des années qu'il n'avait rien dessiné d'autre que des fleurs. C'était la seule chose qui ne rendait pas Doug ivre de rage ou de jalousie.
Il secoua la tête pour se débarrasser de cette pensée.
Il ne devait plus penser à Doug et à ce qu'il lui avait fait subir. Il devait se tourner vers l'avenir, vers Eddie. Son regard s'attarda sur le dessin pas encore tout à fait fini. Buck savait qu'une ou deux séances suffiraient et il comptait l'offrir à Eddie par la suite.
Il espérait que ça lui plairait et qu'il y verrait un vrai gage de ce qu'il ressentait pour lui.
Eddie vint le chercher comme prévu le soir même. Buck avait pris un soin particulier à se préparer comme s'il s'était agi d'un premier rendez-vous et il lui semblait qu'Eddie en avait fait tout autant.
Eddie l'avait alors conduit un peu en dehors de la ville et s'était arrêté dans un endroit désert.
- Euh... On est où ?
- Dans un endroit spécial, admit-il. Viens !
Buck le suivit hors de la voiture.
Eddie récupéra un panier et lui tendit la main. Buck la pris en souriant et le suivit dans l'herbe, non loin de la voiture. Eddie lui avait préparé un pique-nique et il trouvait ça terriblement romantique, ce qui parlait fortement au côté fleur bleue de lui qu'il avait dû faire taire toutes ces années.
Eddie sortit des boites et dévoila des Tamale, des enchiladas, des tortillas et aussi les légumes confits et des mini dessert très appétissant.
- Tu t'es transformé en chef dans la nuit ? se moqua-t-il.
- Non, j'admets sincèrement qu'Abuela et Bobby m'ont aidé pour cette partie-là, rit-il. J'ai pensé à t'emmener dans un grand restaurant mais je crois que ce n'est pas trop ton truc alors je me suis dit qu'un pique-nique ferait l'affaire.
- Tu sais que j'aime le fait que tu me comprennes aussi bien ?
- J'aime le fait de te comprendre. Et j'aime aussi ce magnifique sourire.
Buck avait l'impression de rayonner de l'intérieur.
Ils terminèrent leur diner divinement bon et Buck l'aida à tout rassembler. Puis, Eddie ouvrit l'arrière de sa voiture et l'aida à y grimper. Il y avait installé un véritable nid d'amour et Buck prit plaisir à se pelotonner contre lui.
Ils discutèrent plusieurs minutes alors que la nuit tombait de plus en plus noire. Eddie l'embrassa soudain, tendrement, avant de le serrer contre lui et Buck tourna la tête vers le ciel et vit les étoiles.
Il sentit son souffle se couper.
On les voyait briller si distinctement alors que la ville n'était pas si loin. Buck se demandait comment c'était possible mais finalement il se contenta d'apprécier le moment.
- L'étoile polaire, affirma-t-il soudain. Et là, la grande ourse.
- Exact, confirma Eddie. Et celle-ci, c'est la galaxie d'Andromède.
Buck se pressa contre lui et regardant la direction montrée par son petit-ami.
- On peut aussi voir la constellation du Sagittaire et celle du Scorpion, juste ici, poursuivit-il en les dessinant du doigt. Celle du Lion et de la Vierge, là. Et tu peux même distinguer celle du Cygne et celle d'Hercule, juste ici.
- Comment tu sais tout ça ?
- Quand j'étais dans l'armée on m'a appris à me repérer avec les étoiles car nos instruments modernes étaient trop facilement détectables par l'ennemi. Ça m'a assez intéressé pour que j'approfondisse le sujet. Et j'avoue avoir un peu révisé pour t'impressionner ce soir.
- Alors, c'est réussi, sourit-il. Je suis très impressionné.
- Vraiment ?
- Oui, vraiment.
- Oh regarde, ça commence.
Buck se reconcentra sur le ciel et vit une étoile filante le traverser, puis une seconde et une troisième.
- Mais qu'est-ce que... ?
- C'est un phénomène courant, lui expliqua Eddie. Chaque année en cette période, il y a des étoiles filantes durant plusieurs nuits de suite. J'avais envie que tu voies ça.
Buck trouvait ça magnifique et tellement fort. C'était étourdissant de penser à quel point l'univers était grand et lui si minuscule.
- Je peux faire un vœu ? s'enquit-il soudain.
- Tu peux faire tous les vœux que tu veux, Buck.
- Alors, je souhaite que cette nuit ne s'arrête jamais.
- Si j'en avais le pouvoir, je le ferais. Mais je peux en revanche te proposer de recommencer autant de fois que tu en as envie.
Buck se redressa pour l'embrasser.
- Est-ce un oui ? souffla Eddie. Ça ressemble à un oui.
- C'en est un, sourit-il avant de l'embrasser de nouveau en se glissant sur lui.
Eddie le serra contre lui glissant ses mains sous son t-shirt et Buck frissonna de plaisir, les caresses d'Eddie accentuant son désir. Il se dégagea pour commencer à se déshabiller et Eddie le rejoignit.
- On peut rentrer, lui proposa-t-il. C'est désert mais...
- J'ai envie d'un peu de folie Eddie, j'ai envie de toi ici et maintenant.
Eddie le fit revenir contre lui et Buck savoura sa douceur et sa tendresse. Alors qu'Eddie entrait en lui, Buck se cambra et ferma les yeux se laissant envahir par son plaisir.
- Je t'aime Eddie, souffla-t-il. Je t'aime.
- Je t'aime aussi, Buck. Tellement.
Oui, aujourd'hui Buck avait décidé de commencer à vivre sa vie et ça serait avec Eddie et avec Christopher, ici à Los Angeles.
C'était son vœu, celui qu'il lançait sous les étoiles.
