« Parfois, les grandes villes créent des monstres inhumains », Stephan King.


Chapitre 4 : Pacte avec le diable.

Daniel sortit de la chambre, les jambes tremblantes, juste devant Anéa. Cette dernière referma délicatement la porte derrière elle. Leurs amis étaient assis autour d'une table basse en chêne massif. Ils chuchotaient doucement entre eux. Daniel remarqua la présence parmi eux de l'agent secret russe Jack Croft.

- Alors ? demanda Mitchell, ayant remarqué son retour.

- Je ne sais pas quoi dire, soupira Daniel, en enlevant ses lunettes et en se pinçant le nez.

Il s'installa à leur côté.

- Nous sommes dans une impasse, conclut Jack Croft.

- Elle a vu un médecin, il n'y a rien à faire. Son traumatisme est profond, leur apprit Anton.

- Elle peut ne jamais retrouver la mémoire, comprit Daniel.

Il connaissait malheureusement ce diagnostic.

- Surtout qu'elle ne semble pas vouloir la retrouver, reprit Daniel.

- Mais pourquoi fait-elle un blocage ? se demanda Rayanne, pensif.

- Elle ne veut pas oublier, murmura Anéa en guise de réponse, le regard lointain.

Elle s'était placée auprès de la fenêtre pour regarder à l'extérieur. Daniel décida d'ignorer sa remarque qui ne voulait rien dire. Comment voulait-elle ne pas oublier quelque chose qu'elle avait oublié ? Il fit signe du regard aux autres de ne pas insister.

- Que faisons-nous ? demanda Rayanne.

- Elle doit se reposer, dit Sam, qui avait longuement réfléchit au dilemme. Nous possédons des technologies susceptibles de l'aider à retrouver la mémoire.

Elle ne nomma pas volontairement la technologie puisque celle-ci était une machine extraterrestre issue de la technologie Goal'ud.

- Je ne pense pas que ce soit une bonne idée, intervint Anton qui n'avait pas confiance aux américains.

- Il a raison, confirma Anéa, qui leur tournait toujours le dos.

- Que veux-tu dire ? demanda Mitchell qui se retourna vers elle.

Cette fois-ci, il ne pouvait pas ignorer sa remarque. Il ne s'attendait pas qu'Anéa soit contre eux.

- Vous pourriez empirer la situation, s'expliqua Anéa, l'air sévère. C'est un traumatisme bien trop profond qu'on n'est pas sûr de comprendre.

Elle savait que l'équipe SG1 possédait le matériel pour forcer un esprit à se rappeler. La Tokra l'avait déjà utilisé. Elle ne voulait pas qu'ils l'utilisent sur Angéla. Car cette dernière avait un esprit puissant qui pouvait faire face à toute manipulation mentale. Elle avait reçu un entraînement pour forger son esprit à toute épreuve. Sa défaite en était une preuve : elle avait perdu son combat mental face à Angéla. Utiliser cette technologie pourrait anéantir son esprit si elle résistait. Surtout quand cette esprit ne pensait qu'à la mort.

- Bien nous sommes bien dans une impasse répéta Rayanne. Je vous recommande alors de vous reposer. La nuit porte parfois conseil. On prendra une décision demain, proposa Rayanne en se levant. Oh... J'avais oublié le bijou gravé dans sa peau...

- Le bijou ? demanda Mitchell en regardant Daniel qui avait tu l'information.

- Oui, la pierre a fondu et s'est incrustée profondément dans sa peau, décrit Rayanne. Elle émet une faible radiation.

- Le médecin lui a soigné du mieux qu'il a pu, expliqua Anton. De la chirurgie sera nécessaire malheureusement.

- Peut-elle subir une opération ? demanda Mitchell.

- Non, répondit à la fois Anton et Anéa.

- Pas maintenant, reprit Anton.

...

- Autres choses ? demanda Mitchell à Anéa, une fois seul en privée avec ses amis.

Il parlait bien sûr du bijou. Il avait posé la question à Daniel mais aussi à Anéa qui semblait en savoir plus.

- Elle ne veut pas se rappeler, leur apprit Daniel avec un soupir.

- ?

- Elle a peur d'oublier ses souvenirs, rectifia Anéa.

Mitchell les regarda tour à tour. Etaient-ils devenus fous ?

- Mais cela n'a aucun sens, remarqua Sam. Elle n'en a plus.

- Si elle en a, contredit Anéa avec regret. Mais pas les souvenirs qu'on espérait.

- De quoi se souvient-elle ? interrogea Teal'c, en levant un sourcil.

- De sa mort.

Mitchell regarda Anéa.

- Le jour de sa mort ?

- Non, sa vie durant sa mort, corrigea Anéa.

Anéa délirait-elle ? Teal'c ne semblait pas mal à l'aise avec ce sujet. En temps que Jaffa, il pouvait avoir accès aux souvenirs du passé de son symbiote avant même sa naissance. Parfois même dans les situations délicates, proches de la mort, il pouvait avoir des visions du futur ou de l'au-delà. Il avait pu ainsi voir sa femme défunte alors qu'il était dans une situation délicate, blessé presque mort.

- Elle dansait et riait avec sa mère, une belle femme aux cheveux châtains clairs. D'autres fois, elle courrait dans les champs, pieds nus avec un homme, son fiancé, décrit Anéa comme si elle vivait la scène.

- Elle se souvint de ses parents, comprit Mitchell. Son fiancée ?

- Des morts, affirma Anéa.

Il ne savait pas qu'Angéla avait été fiancée et qu'il était décédé.

- Donc les seuls souvenirs qu'elle possède ce sont ceux après sa mort, décrit Vala. Une vie après la mort ?

Beaucoup de scientifiques avaient des théories au sujet de cette vie après la mort. Ils faisaient leur étude sur des personnes qui se réveillaient d'un long coma. Parce qu'ils considéraient qu'elles étaient assez proches de la mort. Mais c'était une science abstraite.

- Pourquoi a-t-elle peur d'oublier les souvenirs de sa mort ? interrogea Teal'c.

- Parce que ce sont des souvenirs heureux. Elle ne s'est jamais sentie aussi heureuse.

- Et si elle ne se souvient pas des autres souvenirs? demanda Vala.

- Si elle ne se rappelle pas, ce n'est pas grave, dit Sam. Elle commencera une nouvelle vie.

Après tout, elle le méritait.

- Non, si elle résiste, elle mourra, la contredit Anéa, navrée. Et une partie de mon âme encore en elle, n'y pourra rien.

- Elle mourra... à nouveau, conclut Daniel.

- Elle n'est pas encore tout à fait vivante, remarqua Anéa. Je dirai qu'elle a un pied sur les deux niveaux : la mort et la vie.

- Que pouvons-nous faire ? demanda Mitchell.

- Lui faire comprendre que la vie vaut le coup d'être vécue ? Lui montrer qu'elle peut être heureuse parmi nous ? proposa Anéa.

Alors Daniel comprit le choix du souvenir fait par Anéa. Elle voulait montrer à Angéla qu'elle avait été aussi heureuse auprès de lui. Daniel espérait que cela suffirait.

- Comment ? demanda Sam. Nous n'avons pas de sauvegarde de ses mémoires. Et je ne pense pas qu'elle soit du genre à écrire un journal intime.

- Pas besoin, coupa Anéa. Je suis son journal intime et vos souvenirs combleront les trous. Nous avons déjà commencé.

- Ok, donc on lui montre ses souvenirs pour pousser son esprit à se souvenir, résuma Mitchell. Cela peut-il marcher ?

- Le temps nous le dira.

- Avons-nous le temps ? se demanda Sam.

Silence. Elle ne s'était même pas rendue compte qu'elle avait parlé à voix haute.

- Et si on misait sur autre chose, sur la vérité, proposa Mitchell. Si elle a gardé les mêmes convictions. Elle devra voir la vérité en face. Elle ne pourra pas...

- L'ignorer, finit Anéa. Comment peux-tu en être si sûr ?

Elle n'y avait pas pensé.

- Crois-moi. La vérité est très importante pour elle. Elle ne supporte pas les mensonges.

Il pensait à tous les secrets qu'elle avait accumulés dans une seule pièce chez ses parents. Des dossiers qu'elle ne gardait pas uniquement pour elle.

- Et tu bases cela à cause du dossier qu'elle t'a légué, comprit Anéa. Tu ne peux pas jouer sa vie sur cette supposition.

- Quel dossier ? demanda Daniel, surpris. Elle t'a laissé quelque chose ?

Mitchell ne sut quoi répondre. Il avait gardé son don secret car il était intime. Il concernait sa vie d'avant et sa vie personnelle.

- Moi aussi, elle m'a laissé un dossier, avoua Sam.

C'était l'heure des confidences.

- C'était à quel sujet ? demanda Daniel curieux.

Il n'avait rien reçu.

- Des calculs... de la physique quantique.

Daniel comprenait pourquoi Sam lui n'en avait pas parlé, c'était barbant pour le commun des mortels. Daniel regarda Mitchell.

- Je ... C'était une affaire personnelle. C'était un dossier de recherches et d'enquêtes sur une de mes anciennes missions avant que j'intègre le SG1, expliqua Cameron tout de même.

...
Flash Back.

Mitchell était assis sur l'escalier de son perron. Il caressa le sigle de la CIA, gravé sur le dossier, du bout de ses doigts. Il y avait un numéro écrit en haut à droite. C'était l'écriture d'Angéla. Pourquoi un numéro ? Elle devait avoir un système codé pour classer. Juste en dessous il y avait le numéro officiel. Ce numéro, il le connaissait. Il l'avait appris par cœur. Ce numéro l'avait hanté pendant plusieurs mois. Lorsqu'il était pilote dans l'armée de l'air. Il avait demandé à consulter un dossier lors de la fin d'une de ses missions : une des dernières. C'était son compte rendu et son enquête. Il avait été déçu à l'époque, le dossier était presque vide. Il avait eu le droit à un dossier incomplet, version courte et censurée. Cette censure était directement visible grâce aux larges bandes noires qui masquaient les passages délicats du rapport. Il avait été frustré lors de sa lecture.

Il avait demandé une explication. Il voulait savoir comment une telle bavure s'était produite. Une bavure dont il avait un des principaux protagonistes. Lors d'une mission, il avait détruit des habitations censées abriter des terroristes, sous un ordre direct. Malheureusement, ce n'étaient pas des rebelles djihadistes mais des civils et des écoliers qu'il avait éliminés. Mitchell s'était demandé comment ses supérieurs avaient pu faire une telle erreur et pourquoi ils n'avaient pas vérifié ses sources.

Après réflexion, sous son perron, il se décida à franchir le pas. Il ouvrit l'enveloppe et les pochettes. Ses dossiers n'étaient pas la version courte. Il tourna lentement les pages n'y croyant pas ses yeux puis plus rapidement. C'était le dossier complet, la version longue... très longue. Il y avait un tas de feuilles volantes : portrait, photocopie de passeport, coupon de bus, ticket de caisse, rapport de légiste, d'assurance... Intéressé, il examina avec avidité le dossier. Puis, au milieu, il ferma le dossier brusquement et se dirigea vers sa voiture à pas de course. Il jeta son dossier à travers la fenêtre sur le siège passager et s'installa au volant. Il démarra sur les chapeaux de roue en reculant.

Il roulait un peu plus que la limite autorisée. A partir de 30 minutes de route, le silence se fit pesante. Il mit la radio à fond. C'était du hard-rock. Il pianota au rythme acharné de la musique alors qu'il jetait de temps en temps des regards aux dossiers sur le siège passager. Il voulait s'assurer qu'il était bien là et non pas une illusion. Il roulait maintenant sur la voie rapide. Des tas de questions bouillonnaient en lui mais aussi des doutes. Etait-ce de vraies informations ?

Au bout d'un certain temps, il arriva devant un grand portail bordé par des grandes haies, des tuilas. Il fit signe à la caméra devant le portail et attendit patiemment jusqu'au moment où celui-ci grinça pour le laisser passer. Il rentra alors dans la propriété privée avec prudence et curiosité. A vitesse réduite il passa dans une large allée bordée par des grandes arbres ombrageant la route. Il arriva au bout de l'allée sur une large place de cailloux blancs. Il se gara à côté des autres voitures, déjà présentes. C'étaient des vieilles voitures pour la plupart. Sauf une, elle se détachait des autres. C'était une voiture tuner de sport noire : une Nissan Skyline GT-R 34 de 2002 et elle avait été probablement modifiée.

Un souvenir jaillit. Angéla sortit de sous le capot de cette voiture pleine de cambouis jusqu'au visage. Elle chopa une bière et un torchon pour s'essuyer un peu les mains. Mais c'était peine perdu. Elle se pencha sur le moteur à nouveau. La vision s'effaça.

Il se décida à franchir le pas et alla frapper à la porte. Il monta les marches d'un large perron. Un homme d'une cinquantaine d'année lui ouvrit : le majordome.

- Monsieur, salua le majordome, poliment et en s'inclinant légèrement. C'est à quel sujet ?

Mitchell lui montra l'enveloppe sans un mot.

- Je vois, comprit l'homme. Suivez moi.

Mitchell le remercia de la tête. Il regarda une dernière fois en arrière, puis la voiture et franchit à sa suite la porte et le suivit. Le majordome l'amena dans un vestibule. Mitchell capta une mélodie légère et douce. Ils se dirigeaient vers ce bruit.

Une femme jouait au piano. Le majordome se retira discret tandis que Mitchell attendait patiemment qu'elle finisse.

- Cameron, c'est bien cela, le regarda la femme sans s'arrêter de jouer.

Elle l'invita d'un regard à s'asseoir en face d'elle d'un signe de la tête. Elle s'interrompit soudainement au milieu de la symphonie.

- C'était une composition d'Angéla... Je n'ai jamais pu apprendre la suite... On n'en a pas eu le temps... La mélodie venait de sa mère. Que me vaut votre visite Lieutenant Cameron Mitchell ? Mon mari n'est pas présent.

- C'es vous que je suis venue voir, Madame.

Il serra l'enveloppe un peu plus. Elle vit l'enveloppe.

- Je vois.

Elle se leva pour s'asseoir à côté de lui.

- Vous avez eu le colis.

- Comment ? demanda Mitchell.

- Comment j'ai eu en ma possession un dossier classé secret défense ? Ou comment l'a-t-elle eu ? Ou comment j'ai su à qui et où l'envoyer ?

Mitchell ne savait pas quelles questions choisir.

- Angéla nous a laissé un testament avec de nombreux cadeaux dont ce dossier et il vous concernait.

Tout en parlant, elle leur servit une tasse de thé.

- Où l'a-t-elle eu ? demanda alors Mitchell directement.

- Je ne sais pas ... C'était son secret mais elle en avait d'autres.

- D'autres ?

- Oh oui, venez...

Ils montèrent à l'étage et se dirigèrent dans un long couloir.

- Cette aile est la partie d'Angéla... C'était une adolescente un peu agitée quand on l'a recueillie, elle venait de vivre un drame et l'adopter... On avait décidé de lui laisser de l'espace... Beaucoup d'espace. Nous n'avons rien touché depuis... son départ.

Mitchell comprenait. Il était toujours difficile de se débarrasser des affaires des proches défunts.

- Elle n'était plus souvent là les derniers temps mais maintenant à chaque fois que je rentre dans ses appartements... j'ai l'impression de la voir, la sentir...

Elle ouvrit la porte.

- D'autant plus que j'ai laissé la pièce telle qu'elle l'avait laissée. Le lieu est alors plus vivant.

Ils franchirent la double porte et entrèrent dans une salle très large, ouvert vers l'extérieur des deux côtés par de larges baies vitrées. Ses grandes fenêtres permettaient l'entrée de la lumière du soleil. Sur le côté, y trônait un piano à queue noir. Le clavier était fermé, une partition était posée sur le piano fermé. De l'autre côté, il y avait le côté sport avec différentes machines donc un sac de sable accroché au plafond. Tout semblait en place. Il y avait encore une serviette en coton posée sur le tapie de course. Mitchell pouvait aisément imaginer Angéla la prendre pour s'essuyer après un effort intense et regarder à la fenêtre le regard perdu au loin. Il pouvait sentir encore sa présence.

- Pourquoi ne venait-elle pas souvent ? demanda Mitchell.

Tout l'endroit respirait la sérénité et la tranquillité. Un endroit parfait pour se reposer. Il effleura du doigt le piano. De la poussière commençait à s'y déposer. Il ne manquait rien.

- De mauvais souvenirs. Elle était souvent triste quand elle était à ce piano, soupira sa mère.

Mitchell la regarda, l'air interrogateur.

- Elle venait ici surtout lors de ses convalescences : soit après une mission, soit après la chimiothérapie. Vous êtes ici même dans sa salle de récupération comme elle l'appelait, s'expliqua-t-elle.

- Que voulez-vous dire ?

- Quand elle revenait blessée de mission et qu'elle voulait se cacher et se mettre à l'abri, elle venait ici panser ses blessures, se retirer. Personne n'aurait oser venir la chercher ici...

Elle alla s'asseoir sur un fauteuil dans le coin détente, près de la porte. Gravement blessée ?pensa Mitchell. Comment un soldat pouvait-il rentrer seul de sa mission blessé sans l'aide de ses frères d'arme ?

- Mais le pire je pense que c'était les séances de chimiothérapie, reprit la femme. Les traitements la rongeaient à petit feu.

Mitchell l'écoutait attentivement. Il sentait qu'elle avait besoin de parler et cela lui permettait d'avoir des détails sur la vie d'Angéla qu'il ne connaissait pas.

- Vous savez... Elle prenaient ses traitements et subissaient toute cette souffrance pour nous et non pour elle. Elle l'a toujours fait pour les autres.

- Oui, elle se battait pour les autres, confirma Cameron.

- Finalement on était égoïste, conclut la mère dans un soupir. On ne pouvait pas vivre sans elle. Il avait toujours besoin d'elle... Pour quelque chose, une mission, un problème à régler. On lui en demandait toujours plus... C'est ce qui a finit par la tuer.

Il ne la contredit pas.

- En réalité, elle avait trop de charges sur ses épaules. J'étais la première à la retenir. Vous savez, ce n'est pas ma vraie fille mais je l'aimais tout autant que mon fils.

- Votre fils ? demanda Mitchell.

Il n'en avait jamais entendu parler.

Elle se leva sans lui répondre et alla juste derrière le fauteuil, près de la bibliothèque.

- La première fois que je l'ai vue, reprit la mère. C'était en France. Mon fils était si heureux de la rencontrer.

Elle lui tendit un petit carnet il le feuilleta.

- Ce sont des photos classées chronologiquement. Elle aimait cet album. La première concerne notre première rencontre officielle à Paris avant l'adoption. Elle venait de subir une tragédie aux Etats-Unis et avait été placée chez une famille éloignée française en attendant l'adoption. Nous l'avions croisée que peu de temps à Washington mais elle nous a marqué. On a tout de suite su qu'on voulait qu'elle soit un membre de la famille. Mon fils était enthousiaste. Elle avait alors 16 ans.

Mitchell examina la photo. Angéla et son frère se trouvaient devant la Tour Eiffel et posaient.

- Ils étaient tous les deux soldats.

Il le vit à la seconde photo. Il était à nouveau en France, à Marseille. Tous les deux étaient en uniforme devant un drapeau français. Ils étaient tous les deux droits comme un i, le sourire aux lèvres.

- Elle ne m'en a jamais parlé.

- Une mission... conjointe s'est mal déroulée et un engrenage d'événement l'a tué. Ils étaient très proche, sa mort l'a affectée, beaucoup plus que nous... souffla la femme.

- Je suis désolé, madame.

- J'ai fait mon deuil il y a un moment, Lieutenant Colonel. Puis Angéla était encore en vie. Mais vous n'êtes pas venu pour remuer des vieux souvenirs.

- L'enveloppe fait donc parti d'un testament, reprit Mitchell.

- Oui, il était accompagné d'une énigme, affirma la mère. Mon mari et moi, nous avions mis du temps à la décoder. En soi, elle était simple mais il y avait tellement d'interprétations possibles. La réponse à l'énigme nous a fourni un code d'accès à tous les secrets qu'elle avait accumulés.

Elle se leva alors et se dirigea vers une porte.

- Venez, l'invita la mère.

Mitchell posa l'album photo sur un meuble et la suivit. Ils traversèrent une chambre mais ne s'y attardèrent pas. Elle entra alors dans un bureau sans fenêtre.

Mitchell fut stupéfait. Il y avait des tonnes de papiers éparpillés partout ainsi que des photos accrochées au mur. Trois ordinateurs tournaient, branchés à plusieurs dizaines écrans de différentes tailles. Juste derrière il y avait des grosses tours avec des lumières qui ne cessaient de clignoter. Ces machines semblaient être un serveur. Mais ce n'était pas tout. Des tableaux à feutre étaient éparpillés dans la pièce, remplis d'inscriptions et de calculs mathématiques ou de formules physiques. Une autre image se superposa, le bureau de Sam. Il y avait même des trous dans le mur...

- Qu'est ce ...

- Ces occupations, informa la mère. Un peu de tout : mission en cours, passée, passion voire obsession. Quand elle était en convalescence...

Mitchell observa le plafond sans l'écouter. Il était aussi marqué.

- C'est ici que vous avez obtenu... commença Mitchell.

Il imaginait bien que cet endroit pouvait cacher de nombreuses informations. Il semblait n'avoir aucune organisation dans le tri des informations présentes, tout semblait dans le désordre, un chaos.

- Non, au fond.

Mitchell retint son souffle. Il y avait un fond ? Encore plus. Ils allèrent au fond où il y avait une porte blindée. La mère passa devant lui et composa un code pour actionner les rouages de la porte. La porte s'activa en un déclic sec. La mère d'Angéla saisit la poignet et la tira vers elle. Mitchell vit alors de nombreux casiers alignés les uns à côté des autres de chaque côté d'un long couloir. Par contraste avec la pièce derrière lui, ici tout était bien rangé. Au bout de l'allée, un autre ordinateur fonctionnait en continu aussi.

- C'était le bunker de mon mari, il lui a cédé quand il a déplacé le sien ... Elle a accumulé de très lourds secrets dans cette pièce... Avant même sa naissance. Certains de ses secrets sont un héritage de ses parents... Je n'ai pas eu le temps de tout lire tellement il y a des informations. Il s'approcha près des casiers. Ces derniers semblaient neufs, aucune poussière. Des Post-il étaient collés sur certain, parfois au dessus sur le mur. Il lut sur l'un d'eux des noms. Il en reconnut certains : il y avait le sien. Il y avait même des amis à lui dont il avait perdu de vue. Le coeur de Mitchell s'accéléra. Angéla avait-elle enquêté sur lui ?

Il avança dans l'allée tout en déchiffrant les petits mémos. Des milliers de noms voir plus y étaient notifiés mais aussi des numéros. Des dates ?

Sur d'autres Post-il, il y avait des années comme 2001, 2011 même 1963. Ou bien des dates précises comme le « 5 Aout 1962 », « 22 novembre 1963 », « 31 Aout 1997 » ou bien « ? 30 Avril au 2 mai 2011 ? »... Ce dernier était énorme et entouré en rouge.

- Que signifient ces dates ? demanda Mitchell.

- Aucune idée mais j'ai une petite idée sur une de ses dates.

Elle montra le 22 novembre 1963. Mitchell ouvrit alors le casier concerné. C'était le deuxième et le troisième tiroirs. Il y avait des dossiers classés. Il y avait des rapports, des appels téléphoniques, des photos, des notes sur des vieux calepins, des vieux journaux ou des blocs note.

- Comment a-t-elle eu accès à ses informations ? chuchota Mitchell, regardant les photos.

- Aucune idée mais celui-ci est vieux. Ce sont des rapports qui devraient être à la réserve fédérale. Il n'y a pas de format numérique. Elle n'a pas pu piraté le système pour les obtenir. Peut être ses parents...

Mitchell la regarda.

- Ce n'est un secret pour personne qu'aucun système de sécurité ne lui résiste. Aucune donnée numérique n'est à l'abri avec elle mais ça...

- C'est énorme, conclut la femme. Un héritage sans doute de ses parents.

Il n'insista pas.

- Il provient sûrement de ses parents. Je reconnais l'écriture de sa mère, reprit la mère. Ce dossier concerne l'assassinat de J-F. Kennedy. L'enquête démarre un an avant avec l'écriture de sa mère et se poursuit jusqu'à maintenant.

Il le savait. Il connaissait cette date comme tout bon citoyen américain. Il ne préféra pas approfondir ses recherches même s'il en mourrait d'envie. Certains secrets ne devaient pas être dévoilés. Puis il aurait voulu en savoir sur les parents biologiques de son amie. Il fit taire alors sa curiosité et se dirigea vers une autre section, le concernant. Les dossiers y étaient.

Fin du Flash Back.

...

Deux jours plus tard.

Sam et Anéa avaient réussi à convaincre les frères russes de laisser partir Angéla. Anéa l'avait plongé dans un sommeil profond pour le voyage. Elle l'avait prolongé une fois arrivée à la base. Carolyn était en réunion autour d'une table avec différents docteurs dont un chirurgien plastique et un spécialiste des grands brûlés. Elle voulait établir une stratégie pour retirer l'amulette incrustée dans la peau d'Angéla. D'autant plus qu'ils devaient faire attention de ne pas endommager l'objet, selon les dires d'Anéa. De plus, les délais étaient serrés. Ils devaient opérer avant qu'elle mette fin au long sommeil d'Angéla.

A un autre endroit de la base, dans la salle d'entraînement. Mitchell lança un ballon de basket qui atteignit son but : le panier.

- Que est le plan ? demanda Mitchell. Après son opération ?

Il parlait à ses amis assis au bord. Ils en avaient assez de jouer et se reposaient. Mitchell lui ne pouvait pas rester là sans bouger.

- Je pourrais à nouveau prendre le contrôle de son corps comme avant et je la forcerais à se souvenir, proposa Anéa.

- Ce n'est pas la solution, intervint Vala tandis qu'elle balança son ballon contre le mur et qu'elle le rattrapa.

- Ce serait temporaire, précisa Anéa.

- Comme la première fois ? reprocha Vala.

Vala ne s'entendait pas avec Anéa. Elle détestait tous les plans de cette dernière et refusait systématiquement son aide.

- C'est LA solution, insista Anéa, qui commençait à élever la voix.

- Daniel ! Elle ne peut pas prendre le contrôle du corps d'Angéla à nouveau.

Elle cherchait toujours de l'aide envers ses amis quand Anéa devenait inquiétante, surtout Daniel. Ce dernier semblait avoir un bon contact avec l'Ancienne et savait modéré ses ardeurs et la convaincre.

- Ce serait égoïste, reprit Vala en lançant un nouveau le ballon contre le mur mais cette fois-ci avec plus de rage.

D'autant plus qu'elle rata la réception du ballon et Daniel ne semblait pas vouloir intervenir. Le ballon s'éloigna.

- Elle ne sera pas libre, poursuivit Vala en criant à son tour et en se levant pour aller chercher son ballon. C'est du déjà-vu. On tourne en rond comme ce film... L'histoire sans fin.

- ça suffit, hurla Mitchell.

Il s'était arrêté de jouer seul et avait coincé le ballon contre sa hanche.

- Cela suffit, répéta Mitchell plus doucement.

Il avait besoin de calme pour réfléchir.

- Que se passerait-il si... ? intervint enfin Daniel.

- Non Daniel ! supplia presque Vala.

Elle fut choquée qu'il ose demander. Elle regarda Mitchell qui ne savait pas s'il devait intervenir.

- Que se passerait-il si... ? répéta Daniel sans finir la phrase.

- Comme la première fois, répondit calmement Anéa, ignorant les regards piquants de Vala. Il y aura un combat entre nos deux esprits.

- Mais si elle a aucun souvenir, elle verra alors cette intrusion comme une menace. Elle ne se laissera pas faire comme la première fois, remarqua Sam.

- Et elle perdra cette fois-ci, conclut Vala.

Ils la regardèrent tous.

- Elle perdra car elle n'est plus elle-même. Elle n'est plus la combattante. Elle est brisée et Anéa a toute sa force... Mais regardez-là, elle rayonne de pouvoirs et de puissances, s'expliqua Vala.

Silence.

- Pas si elle se souvient, enchérit Anéa, brisant le silence. Son esprit est plus fort que le mien, mémoire ou pas. Elle l'a déjà prouvé.

- Et si elle prend peur et que son esprit disparaît au contraire, demanda Mitchell comprenant les réticences de Vala. Ou qu'elle abandonne au lieu de se battre.

Anéa le regarda. Elle ne pouvait pas imaginer qu'Angéla abandonne un combat ou qu'elle le fuit. Puis elle eut une idée.

- Astyan, souffla Anéa.

- Quoi Astyan ? demanda Mitchell.

- Astyan possède aussi une partie de sa mémoire. Il a déjà forcé son esprit quand il l'a soignée.

- Elle lui a fait confiance alors qu'elle ne le connaissait pas, comprit Daniel.

- Bingo ! cria Anéa.

Vala la regarda avec les gros yeux. Comment faisait Anéa ? Comment avait-elle pu s'adapter aux coutumes terrestre et aux expressions humaines aussi rapidement ? Ah oui c'est vrai, elle avait parasité une terrestre et lui avait volé quelques souvenirs au passage.

Anéa la regarda sévèrement mais Vala ne baissa pas le regard. Daniel observa leur petit manège muet. Daniel savait qu'Anéa pouvait lire dans les pensées et que celles de Vala n'étaient pas toujours correctes. Il allait devoir lui dire de faire attention à ce qu'elle pensait. Vala avait quelques amertumes car ses amis voyaient tous Anéa comme la sauveuse alors qu'elle avait foutu la vie de leur meilleur amie en l'air.

- Mais il y a un hic, reprit Anéa essayant d'ignorer les pensées désagréables de Vala envers elle.

Vala jubila alors.

- Bah voyons, il y en a toujours un, rétorqua Vala malgré elle.

- Astyan ne voudra jamais intervenir.

- Il a fourni l'amulette, pourtant, remarqua Daniel

- Oui mais il était contre...

« je ne vois pas pourquoi » pensa Vala avec désinvolture.

- Il lui a promis de ne plus violer son esprit, rajouta Anéa, en regardant Vala.

Elle avait du lire encore dans ses pensées.

...

Elle se réveilla. Elle eut une sensation étrange. Son esprit était réveillé mais son corps ne lui obéissait pas. Ses sens fonctionnaient pourtant. Elle pouvait voir ses mains. Elle leva avec difficulté sa main et l'examina. Sa peau était vraiment pâle. Non, elle était transparente comme le reste de son corps. Elle se glissa sur le côté et examina la pièce. Elle ne reconnaissait pas l'endroit.

Elle eut un étourdissement quand elle croisa son visage encore allongé sur le lit. Elle s'écarta vivement et put voir son corps réel encore dans le lit allongé et endormi. Mais que lui arrivait-il ? et où était-elle ? Elle n'était plus chez les russes. Il n'y avait aucune fenêtre en vue. Seulement des lumières à néon. Une grande baie vitrée et des tas de machines médicales.

Elle approcha son visage proche de son double. Elle sentit le souffle sortir de sa propre bouche contre sa joue. Puis elle entendit un bruit sourd rythmique et lointain. Elle ne connaissait pas son origine. Elle s'approcha des machines et tendit l'oreille. Le bruit bourdonnait dans ses oreilles et commençait à être désagréable voire même douloureux. Le son ne provenait pas des machines. Puis elle examina plus son corps. Venait-il de là le bruit ?

Elle s'avança à nouveau vers le corps. Oui, le bruit venait de là. Il était plus important. Elle posa l'oreille sur la poitrine de son corps. Le bruit était plus intense et régulier. Ce rythme s'accéléra, comme si on tapait sur un tambour. Il devint enivrant, presque hypnotiseur. La tête lui tournait. Elle ferma les yeux et se laissa balancer par ce bruit rassurant : les battements d'un coeur. Soudain toujours les yeux fermés, elle vit deux grands yeux rouge cerclés d'or. Effrayée, elle recula. Peu à peu, elle s'éloigna du corps car le bruit devenait horrible. Elle recula alors que le bruit lui intimait le contraire, d'avancer.

Elle voulait s'échapper de cette pièce, fuir mais elle était enfermée. Il y avait aucune issue dans cette pièce si sombre, si silencieuse. L'envie de fuir devint une urgence pour elle. Puis son dos toucha la grande baie vitrée froide. Elle se retourna presque surprise car le contact était froid et fluide. Cette nouvelle distraction lui fit oublier la menace grondante. Elle effleura de la main la baie, curieuse. A son grand étonnement, la vitre n'était pas solide.

Le bruit atroce s'intensifia, encore plus menaçant. Elle se décida alors, la main toujours tendu, elle insista légèrement et passa à travers sans effort.

Libre, elle déambula dans des couloirs, parfois elle croisait des ombres noires mais elle ne pouvait pas les distinguer avec précision. Elle avança au hasard sans savoir où elle devait aller. Elle voulait juste fuir le bruit. Elle se laissa guider par son instinct et enchaîna divers couloirs identiques les uns aux autres jusqu'à une porte blindée.

Elle passa aussi à travers sans difficulté pour atterrir dans une large salle où un anneau gris trônait en son centre. Dans cet anneau, il semblait avoir de l'eau bleu clair. Elle fixa l'eau, comme hypnotisée.

Elle se demandait comment l'eau pouvait tenir à la verticale sans glisser ni couler. Elle s'y approcha donc, curieuse. L'eau semblait défier toutes les lois de la physique. Elle pouvait voir cet eau de chaque côté de l'anneau. Elle monta alors les marches et gravit la pente vers l'anneau. Enfin sans hésitation, elle franchit la Porte des Etoiles pensant échapper au bruit et à ses deux grands yeux.

...

« Code bleu »

L'alarme indiquait un code bleu. Lam Carolyn se précipita vers la salle d'isolement. Pourtant elle venait de la quitter et tout se passer pour le mieux.

Code bleu signifiait que sa patiente faisait probablement un arrêt cardiaque. Elle se rua dans la salle avec son équipe.

- Que s'est-il passé ? cria Carolyn pour se faire entendre dans le chaos.

La question était pour Daniel, assis de l'autre côté de la baie vitrée. Elle se dirigea directement vers le lit le stéthoscope déjà à la main.

Daniel avait posé sa main sur la baie vitrée.

- Je ne sais pas, balbutia Daniel. Rien.

Carolyn jeta un coup d'œil vers celui-ci. Il semblait perdu.

- J'ai cru sentir... marmonna ce dernier.

- Chariot de réanimation ! ordonna Lam. Vite, je ne sens presque plus son pouls.

- Que se passe-t-il ?

Anéa venait d'apparaître au côté de Daniel. Au moins, elle respectait les protocoles de soins des patients qu'elle avait établi. Elle n'était pas apparue dans la salle auprès d'Angéla et laisser Carolyn faire son travail.

- Elle fait un arrêt cardiaque, lui apprit Daniel.

Il avait repris ses esprits.

- Impossible, elle va bien, murmura Anéa, ne comprenant pas.

Elle jugea du regard le médecin qui venait de choquer le corps de son ancien hôte pendant qu'une infirmière utilisait le soufflet pour simuler l'assistance respiratoire. C'étaient des gestes précis et chronométrés. Soudain, le regard d'Anéa se tourna sur la gauche. Daniel ne vit que le mur.

- La Porte, chuchota Anéa.

...

Angéla se retrouva de l'autre côté : un désert chaud l'attendait. Le soleil brûlait à plus de 50°C. Elle voulut immédiatement rebrousser chemin, fuir cette endroit sordide. Elle se retourna rapidement et ne trouva plus la Porte. Elle s'était envolée, il ne restait que le désert. Mais où était-elle ? Le Sahara ? Le Colorado ? Rien à l'horizon pouvait lui donner un indice sur le lieu.

Quelques choses n'allaient pas dans ce désert. Le sable commençait à se soulever comme un début de tempête de sable alors qu'il n'y avait pas de vent. La tempête de sable montait en puissance et devenait de plus en plus bruyante. En temps normal, une tempête de sable ne faisait pas autant de vacarme et n'hurlait pas de rage. Elle hésita, elle ne savait pas comment agir. Fuir ? Où ? Car où pouvait-elle se cacher ? Elle prit tout de même les jambes à son cou. Et courir dans un désert n'était pas chose aisée.

Malgré tout, sa foulée était régulière et légère comme si elle survolait le sable. Le bruit s'approchait de plus en plus alors que la tempête semblait encore loin. Le nuage de sables prenait juste de la hauteur. Angéla continua à courir tout en gardant un œil à l'arrière. Soudain une colonne de feu déferla dans le ciel. Les flammes étaient trop lointaines pour l'atteindre, pourtant elle ressentit leurs chaleurs. Quand allait-elle se réveiller de ce cauchemar ? Car cela ne pouvait qu'être un cauchemar et ne pouvait être réel.

- Ah enfin ! Petit homme, tu es venue à moi, gronda une voix caverneuse.

Angéla grimpa en haut d'une dune. Arrivée en haut, elle trébucha et tomba la tête la première de l'autre côté. Elle avait placé les mains devant par réflexe pour se protéger le visage. Ses mains rencontrèrent un gazon fraîchement tondu. Elle jeta un coup d'œil vers l'arrière. Le désert avait disparu. Pourtant la menace était toujours là. Elle se leva maladroitement pour poursuivre sa fuite. Elle était dans un parc. Elle arriva près d'un lac entouré d'arbres. Des personnes pique-niquaient à l'ombre de ces derniers.

- Fuyez ! hurla Angéla à leur adresse. Cachez-vous !

Le sol trembla. Les gens commençaient à s'inquiéter. Elle repéra un arbre particulier. Il lui était familier. Elle s'y dirigea. C'était un Chêne d'Espagne qui avait effectué plusieurs marcottages avec ces branches et ses racines donnant des clones.

- Fuyez cria à nouveau Angéla alors qu'elle dépassait des enfants qui jouaient au freezbe. Les enfants arrêtèrent de jouer et rejoignirent leur parent qui les appelaient. L'objet volant continua alors sa course, seul. Elle s'approcha d'avantage de l'arbre et aperçut les personnes qu'elle cherchait.

- Maman ! Papa ! Courez !

Sa mère se leva rapidement alors qu'Angéla se précipitait dans ses bras.

- Il arrive, prévint Angéla, toujours dans les bras de sa mère.

Sa mère regarda à l'horizon, avec calme.

- Chérie, va évacuer les gens, ordonna sa mère à son mari qui les avait rejoins.

Elle prit alors le visage de sa fille entre ses mains.

- Regarde-moi. Tout va bien se passer, la rassura sa mère alors que les hurlements retentirent au loin.

- C'est de ma faute, pleura Angéla. C'est moi qui l'ai emmené ici.

- Chuuut, murmura sa mère en la serrant à nouveau dans ses bras tout en caressant ses cheveux. Non, tu n'y es pour rien. Viens... Suis-moi. Promets-moi de faire ce que je te dis...

Angéla était sous le choc et n'osa pas résister.

- Promet-le moi, insista-t-elle.

Angéla acquiesçât. Sa mère lui saisit alors la main doucement au moment où son père revint. Il fit signe de la tête à sa mère. Ses parents n'avaient pas besoin de communiquer entre eux. Leurs échanges étaient muets.

- Allez-y, dit son père.

Il embrassa longuement sa femme. Puis il semblait rebrousser chemin vers la menace. Angéla comprit qu'il ne les accompagnait pas. Elle voulut protester.

- Papa, supplia Angéla.

- Tu avais promis, la réprimanda gentiment sa mère en la regardant avec tendresse.

Son père s'approcha d'Angéla et l'embrassa sur la tête. Il lui sourit pour la rassurer avant de se retourner.

- Je vous rejoins.

Sa mère augmenta la pression de sa main et la tira gentiment puis avec plus d'insistance. Pendant que son père s'éloignait, Angéla ne put s'empêcher de le suivre du regard. Sa mère l'entraînait à l'opposé. Angéla ne résista pas mais elle ne la suivit pas volontairement. Elle vit son père s'arrêter au milieu du parc. Mais que faisait-il ?

Soudain, un arbre s'arracha du sol à quelques mètres de lui puis d'autres plus loin le suivirent. Les troncs se dirigeaient vers son père.

- Viens, insista sa mère.

Elle comprit que son père mobilisait son pouvoir : le vent. Enfin elles franchirent l'orée d'une jeune forêt alors que des ondes apparaissent sur le lac. Angéla perdu de vue son père... A jamais.

- Où m'emmènes-tu ? demanda Angéla.

- A un endroit en sécurité.

Elle semblait pourtant réfléchir.

- Comment es-tu revenue ici ? demanda sa mère.

- Revenue ?

- Est ce que j'ai parlé tout haut ?

Angéla ne savait pas où elles allaient. Sa mère continuait à la guider, sûr d'elle. Ils sortirent enfin de la forêt pour arriver en plein centre ville. A ce moment, ils entendirent un hurlement et un craquement sinistre.

- Papa, cria Angéla alors qu'elle rompit le contact avec sa mère et qu'elle tenta de rebrousser chemin.

Sa mère la rattrapa de justesse.

- Non, tu as promis, rappela sa mère.

- Mais...

- Il va bien, coupa sa mère.

- Non, il...

- Il va bien. Je le sais... il est ici.

Elle montra son cœur.

- Continuons.

Elles arrivèrent à une bouche de métro.

- On se terre sous terre, comprit Angéla, perplexe.

- Il a des ailes. Il ne peut pas y aller.

- Des ailes ? Mais qu'est ce que c'est ?

- Tu ne sais pas ?

Elle l'entraîna dans les escaliers. Angéla la suivit. Mais arrivée au milieu de l'escalier, sa mère se plia en deux et s'écroula au sol. Elle hurla de douleur.

- Quoi ? Maman... demanda Angéla, avec inquiétude.

Elle l'avait rejoins. Sa mère releva la tête, toujours à genou au sol. Une larme coulait sur sa joue.

- Non...Non, Non...

Angéla recula.

- Non, tu as promis, dit sa mère en se redressant.

Elle avait le visage crispé.

La terre trembla et le mur derrière Angéla s'écroulait alors qu'elle essayait de remonter. Angéla se retourna vers sa mère. Elle avait ressenti le pouvoir de celle-ci : la Terre.

- Non... pleura Angéla.

Elle comprit que sa mère lui avait bloqué la seul issue vers l'extérieur. Cette dernière se releva malgré la douleur due à la perte de sa moitié. Elle enserra sa fille et embrassa ses cheveux là où son mari avait déposé ses lèvres avant de les quitter.

- On doit poursuivre, chuchota sa mère.

...
Cela faisait 5 fois que Carolyn utilisait les électrochocs pour faire repartir le cœur d'Angéla, sans résultat. Le cœur ne semblait pas vouloir repartir. Carolyn jetait des coups d'œil vers Anéa qui n'avait pas réagi. Elle semblait occuper ailleurs et ne semblait pas vouloir intervenir. Mitchell avait rejoins le groupe.

Anéa avait l'air distraite et préoccupée mais par autre chose que sa patiente. Tout à coup, Angéla se réveilla et se redressa en position assise, essoufflée comme si elle avait couru. Paniquée, cette dernière arracha ses perfusions. L'amulette autour de son cou se mit à luire. Avec une grimace, elle tira dessus pour l'enlever de sa poitrine. Adieu la manière douce et la chirurgie plastique. Enflammée, elle insista, tira de toutes ses forces et jeta l'amulette contre le mur avant de s'écrouler sur le lit. Carolyn et les infirmières se regardèrent étonnées. L'inquiétude s'était envolée.

- Angéla est de retour, sourit Anéa.

- Comment ? demanda Daniel, stupéfait.

Il s'était levé et s'était rapproché de la vitre.

- Il l'a forcé, s'expliqua Anéa sans en dire plus.

Mais qui ? se demanda Daniel. Il regarda Carolyn prendre les constantes d'Angéla. Elle avait l'air moins inquiète. Puis, ils entendirent un hurlement de joie qui fit trembler les murs et exploser les vitres. Daniel se protégea le visage alors qu'Anéa irrigua un bouclier pour les protéger tous les trois. Pendant que Carolyn se pencha sur la tête de sa patiente. L'alerte rouge se déclencha. Il semblait avoir un problème à la surface de la base. Mitchell et Daniel se regardèrent. Une attaque extérieure de la base était rare.

...

- On doit poursuivre, lui chuchota la mère d'Angéla.

Puis elle attira sa fille à sa suite, plus en profondeur dans la bouche de métro. L'endroit était étrangement vide, alors que la ferveur de l'endroit aurait dû les submerger. L'endroit était aussi sombre, quelques néons clignotaient faiblement. Aucun bruit et aucun train. La terre trembla. Elles regardèrent le plafond comme si elles pouvaient voir à travers. Le plafond s'effrita et des petits débris tombèrent au sol. Elles continuèrent et allèrent dans un recoin calme, à l'abri des débris. Elles s'accroupirent entre un distributeur de boisson et une porte de sortie. Les mains d'Angéla tremblaient.

- Ok, écoutes-moi, reprit-elle.

La femme avait pris la tête de sa fille entre ses deux mains pour la forcer à la regarder et plaquait les cheveux de sa fille.

- Tout va bien se passer, ok ?

Elle acquiesça. Que pouvait-elle faire d'autres ? Sa mère regarda discrètement vers les escaliers qu'elles venaient de descendre.

- La bête ne pourra pas nous atteindre sous terre. Il faut élaborer un plan.

Car elles ne pouvaient pas se terrer indéfiniment sous terre.

- Elle ne s'arrêtera pas, elle me cherche ! couina Angéla.

Sa mère ne la contredit pas.

- C'est moi le problème, reprit Angéla.

- Comment es-tu revenue ? De quoi te souviens-tu ? demanda-t-elle à Angéla.

- De... La douleur. Du froid.

- Oui...

Elle l'encourageait à poursuivre.

- D'un cimetière.

- Ok, tu t'es réveillée dans un cimentière et ensuite ?

- Je... hésita Angéla. Tout est flou. J'avais si mal... Je ne me sentais pas à ma place. Je voulais mourir... Oh mon dieu, je suis morte !

- Non, tu étais en transition. Tu as été ramenée à la vie.

- Comment ? demanda Angéla.

Tout cela l'a dépassé.

- Je ne sais pas. Cela est impossible, murmura sa mère.

- Suis-je à nouveau morte ?

- Non, tu es en vie maintenant. Tu as été rappelée.

- Mais je ne veux pas, je veux rester avec vous, supplia presque Angéla, en effleurant la main de sa mère encore sur son visage.

- Je pense que c'est impossible. Tu ne fais plus partie de ce monde ni de l'autre. C'est pourquoi tu es pourchassée, expliqua sa mère.

- Mais par quoi ? s'étrangla Angéla.

- Je vais me battre à côté de toi mais c'est un combat perdu d'avance.

Angéla regarda avec horreur sa mère en analysant cette réponse. Sa mère allait aussi se battre et perdre comme son père. Angéla ne pouvait pas l'accepter. Pas encore une fois. Mais dans tous les cas, elle perdrait. Elle allait tout perdre.

- Est-ce la mort qui me pourchasse car je suis une intruse ? demanda Angéla.

Sa mère rit doucement.

- Non, ne soit pas naïve. La mort n'est pas incarnée par une personne. C'est ton avatar qui essaye de te récupérer.

- Mon avatar ?

Elle connaissait bien sûr la signification de ce mot. Elle avait un avatar pour surfer sur la toile. Elle en utilisait un dans ses jeux vidéos préférés. Un de ses avatars s'était d'ailleurs fait une sacré réputation sur internet.

- Je ne comprends pas.

- C'est toi, expliqua sa mère. Ta moitié. Et apparemment elle est énervée et en colère.

- Non, ce n'est pas possible.

Elle n'y croyait pas, elle ne comprenait pas tout.

- Quand tu es morte, tu as dû laisser ton avatar dans l'autre monde. Il réclame ton retour.

- Je ne comprends pas maman. Je ne peux pas revenir à la vie. Je suis morte.

- Pourtant tu l'as fait. Et tu ne peux pas mourir sans ton avatar, tu comprends ?

Sa mère le fixait du regard.

- Mystique, chuchota Angéla, avec un flash de lucidité. Il était ton avatar.

- Oui, affirma-t-elle avec douceur.

- Il était mort quand je suis rentrée de cette fameuse nuit. Je les cherchais partout pour pleurer, avec lui et me consoler... J'ai trouvé son corps inanimé.

- Sur le fauteuil de mon salon privé près du feu de cheminée, finit sa mère. Il adorait cette place, à mes côtés.

- Il est mort en même temps que toi, comprit Angéla.

- Il était âgé, lui aussi. Il avait fait son temps.

- Mais vous avez été assassiné !

- Notre temps était aussi écoulé.

Elle parlait de son mari aussi. Elle avait accepté sa mort depuis longtemps.

- Alors mon avatar n'est pas mort.

- Non mais il aurait dû. Je ne sais pas ce qu'il s'est passé. Ton avatar doit être particulier. Que représente-t-il ?

Angéla ne répondit pas.

- Tu ne sais pas qui il est ?!

- Non !

Elle ne connaissait même pas son existence.

- L'avatar apparaît à la première pleine lune de tes 18 ans. Avant cet âge, tu as eu de brefs entretiens comme le premier jour de tes règles ou ta première expérience de l'amour...

- Non , je n'ai pas eu de contact avec un chat.

- Ce n'est pas forcément un chat comme moi. C'est un avatar qui ressemble et qui te suis partout. C'est un confident, un ami qui connait tout de ta vie.

- Aucun animal me suivait.

- En es-tu sûr ?

- Oui ! Je l'aurai su si un pigeon ou une souris me suivait, ou peu importe quel autre animal.

Sa mère semblait soucieuse. Elle regarda le plafond. Sa vue semblait percer le béton.

- Et papa ? Il en avait un ?

- Non, ce don vient de ma famille, ton grand père... Cela a l'air gros, remarqua sa mère alors qu'un rugissement fit vibrer les murs.

- Quel animal peut voler, grogner et cracher du feu ? se demanda Angéla.

- Cracher du feu ? répéta sa mère en tournant brutalement la tête vers elle.

- Oui, je l'ai vu, confirma Angéla.

- Le vent ne peut rien faire contre le feu, murmura sa mère. Ecoutes. Réfléchis. Ce n'est pas forcément un animal, cela peut-être un objet ou quelque chose d'imaginaire. C'est rare mais possible.

- Comme la souris verte, comprit Angéla. Ou un vase.

Elle se souvenait d'une souris verte dans son enfance qui hantait les couloirs de leur maison. Son grand père lui avait demandé de ne pas la chasser et de la laisser tranquille.

- Oui mais ce n'était pas l'avatar de ton grand-père. Juste une de ses expériences stupides, rit sa mère. Tu as pu imaginer ton avatar. Tu t'es nourri de tes rêves. Que faisais-tu avant tes 18 ans ?

Une expérience stupide ? Angéla s'interrogeait sur l'utilité de modifier la couleur d'un animal.

- J'ai fait mes débuts dans l'armée. Je me suis engagée à la veille de mes 18 ans dans l'armée de Terre.

- Donc cela doit être quelque chose de fort. Quoi d'autres ?

- Les voitures... J'ai appris à m'occuper de ma première voiture.

- Dans tes loisirs. Qu'allais-tu voir au cinéma ? que lisais-tu ? Que faisais-tu de tes temps libres ?

- Je ne sais pas... Je lisais souvent le livre de conte de fée offert par grand-mère. Je jouais beaucoup aux jeux-vidéos.

- Les contes, murmura sa mère. Quel genre de jeux vidéos ?

- RPG...

- C'est quoi ? Quel thème ?

- Jeu de rôle. Fantastique- fantaisie...

- Un dragon, coupa sa mère.

Elle venait de comprendre. Elle était fière et en même temps horrifiée.

- Quoi ?!

- C'est un dragon, répondit sa mère.

...

Un hurlement fit tremblait les murs et les vitres s'éclatèrent. Daniel s'était reculé par réflexe alors qu'Anéa les protégeait déjà. Les alarmes s'affolèrent. Carolyn se releva en jetant un coup d'œil à Mitchell qui était déjà au téléphone rouge à donner des ordres ou demander des informations. Puis elle examina Angéla. Celle-ci était réveillée, son visage figé, les yeux blancs.

Angéla se leva brutalement en position assise. Carolyn s'écarta et retint une infirmière en la bloquant du bras. Cette dernière était prête à immobiliser la patiente. Angéla se tourna vers elles sans les voir puis se leva, les ignorant. Et elle quitta la pièce.

- Ne la touchez pas, ordonna Lam. Laissez la faire.

Les infirmières alors ne s'interposèrent pas. Carolyn était curieuse de voir où Angéla allait. Mitchell regarda Angéla quitter la pièce et raccrocha le téléphone alors que la conversation n'était pas terminée. Il fit signe en silence, aux gardes de s'écarter et de baisser les armes. Mais il demanda tout de même à deux hommes de l'accompagner. Daniel se retourna vers Anéa qui avait le sourire aux lèvres.

- Que cela signifie-t-il ? demanda Daniel, un peu en colère, en pointant le doigt vers elle.

- Elle est de retour, répéta Anéa.

- ça vous l'avait déjà dit, cria presque Daniel. Mais tu vois qu'elle n'a pas toute sa tête... Qui l'a forcée ?

- Sa moitié.

Puis elle passa devant lui, suivant de loin Mitchell.

- ça, ce n'est pas normale, insista Daniel.

Il parlait du comportement d'Angéla et de ses yeux.

...

Vala sortit de l'ascenseur et tomba sur...

- Angéla ! dit Vala surprise de la voir.

Celle-ci passa devant elle sans la regarder et entra dans l'ascenseur. Sans appuyer sur un bouton, l'ascenseur se referma et sembla monter à la surface.

- Ce n'est pas normal, entendit Vala.

- Que se passe-t-il ? demanda Vala. J'ai vu...

Alors que Mitchell parlait dans une radio tout en surveillant la montée de l'ascenseur, Vala la rejoint.

- Angéla va bien, lui répondit Anéa, rassurante.

- Bien ? répliqua Vala. Elle ne semblait pas dans un état normal. Ses yeux...

Anéa haussa les épaules.

Mitchell remit la radio à un de ses hommes et lui demanda de surveiller l'avancée d'Angéla alors qu'il monta l'échelle de secours vers la surface.

- Que se passe-t-il ? demanda Landry qui venait d'arriver auprès du groupe.

- Angéla, renseigna Lam. Elle s'est réveillée après une attaque cardiaque.

Landry regarda Daniel.

- Elle semble... commença celui-ci.

- En mode zombie, finit Vala en faisant des guillemets avec ses doigts.

- Ce n'est pas un zombie, contredit Anéa. Elle n'est pas un mort-vivant.

Ils la regardèrent. Elle ne semblait pas avoir compris le clin d'oeil. En tout cas, Landry espérait que s'en était un.

- Yeux blancs, en mode automatique, résuma Vala.

Daniel affirma avec son silence.

- C'est temporaire, confirma Anéa.

- Un zombie, vraiment ? répéta Landry.

- C'est juste qu'elle ne semble pas elle-même. Que se passe-t-il en surface ? demanda Daniel.

- Une attaque, supposa Vala.

Elle avait appris tous les codes de sécurité de la base.

- Non pas tout à fait, nos radars ont identifié un objet volant non identifié.

- Un OVNI ! dit Vala.

- Non, Vala. Pas de vaisseau ni un avion civil, informa Landry.

- Alors quoi ? demanda Daniel.

Est ce que cette apparition avait un rapport avec le comportement d'Angéla ?

- D'après les premiers rapports, ce serait un animal et nos radars seraient déréglés, leur expliqua Landry. Des scientifiques travaillent déjà dessus.

- Ce n'est pas possible, intervint Sam. Nous avons fait une vérification il y a deux jours. Je l'ai faite moi-même. Nos détecteurs réagissent pour des objets supérieurs à 3 tonnes.

- Ce n'est pas un animal alors, remarqua Daniel.

- Ou alors un très gros, enchérit Vala.

- Qui vole ? Impossible, corrigea Sam.

- C'est pourquoi nous avons maintenu l'alerte et qu'une équipe travaille dessus, expliqua Landry. Je vous cherchais.

...

Angéla arriva à la surface face à la lumière du soleil faisant contraste à l'obscurité de la base souterraine. Elle respira un grand bol d'air. Elle était enfin libre. Une ombre passe juste au dessus d'elle. Elle leva les yeux mais au lieu de voir un nuage passé devant le soleil éclatant, elle vit une grosse bête écaillée la survolée. Elle reconnaissait cette silhouette car c'était sa moitié. Maintenant elle le savait et pensait le connaître depuis toujours. Elle leva alors les bras vers le ciel comme pour accueillir dans ses bras le reptile volant. Elle se mit à rire. Elle admira le reptile. Ce dernier la survola plus loin et se retourna en étendant ses ailes membraneuses. Puis il piqua vers elle en allongeant son long cou recouvert d'écailles, toutes griffes sorties. Une lumière envahit son corps.

...

Mitchell remonta la dernière barre de l'échelle avant l'extérieur. Il arriva donc à la surface. Angéla avait disparu. Il examina les alentours tout en enjambant le trou descendant en profondeur. Des soldats le suivaient de près et sortirent par d'autres issues. Ils quadrillèrent la zone immédiatement.

- Colonel, l'alerte est levée. L'objet non identifié a disparu de nos radars, dit un des soldats.

- Merci.

Il prit son téléphone.

- Angéla a disparu. Réunissez toutes les données de la sortie 12.

...

Elle marchait dans la rue, elle avait atteint la ville la plus proche. Elle avait emprunté des vêtements étendus dans un jardin. Elle portait donc des vêtements n'étant pas à sa taille : un tee-shirt beaucoup trop grand ainsi qu'un jogging trop grand qui tombait sur ses hanches. Elle était toujours pieds-nu mais cela ne la dérangeait pas. Elle croisa de nombreuses voitures dans la rue et quelques habitants. Elle était enfin arrivée près de la civilisation. Elle marcha droit devant le sourire aux lèvres.

...

Comment a-t-elle pu disparaître ? demanda Anéa.

-La zone a été quadrillée par nos satellites et nos hommes, leur apprit Landry. On l'a voit sortir de la zone par la forêt Est. Nous estimons qu'elle se trouve proche de cette ville.

Il pointa du doigt une zone sur une carte accrochée au mur.

- La ville la plus proche, comprit Mitchell.

A partir de là, elle pouvait être n'importe où car il y avait non seulement de nombreux bus mais aussi une gare routière. Sans compter les poids lourds qui la traversait.

- Que s'est-il passé ? demanda Landry voulant tout savoir. Ce qui nous intéresse c'est comment on en est arrivé là ? et pourquoi ?

- Elle a reprit connaissance, expliqua Lam. Après une bradycardie. Elle semblait alors aller mieux. Ces derniers relevés le confirment aussi.

- Et je ne ressens plus sa présence, rajouta Anéa.

Elle semblait perdue dans ses pensées. Elle regardait la Porte des Etoiles proche de la baie vitrée.

- On ne peut pas la localiser alors, dit Vala.

- On n'a pas besoin d'Anéa, on n'a d'autres techniques, remarqua Landry.

- Ah oui, les caméras, comprit Vala.

- Et les autorités, rajouta Anéa.

- Non, on ne peut pas les utiliser, intervint Daniel.

- Pourquoi on ne peut pas mettre toutes les chances de notre côté ? demanda Anéa ne comprenant pas.

- Parce qu'on ne peut pas demander aux autorités de chercher des morts, expliqua Landry.

- Sauf si je lui crée une nouvelle identité, proposa Sam. Mais il me faudrait deux heures pour une identité solide.

- Ok, faites le maximum Colonel, se décida Landry. Vous trois allez sur le terrain avant qu'elle ne fasse des dégâts... Attendez ! Soyez prudents. Des soldats ont cru voir un dragon volé au dessus de la base. Retrouvez la rapidement avant qu'elle lâche un dragon sur la ville ou qu'il soit à la une d'un journal.

...

Angéla n'avait pas de but précis. Sa mémoire revenait et elle était submergée par ses souvenirs. Elle avait fait du auto-stop pour s'éloigner de la campagne. Elle avait ainsi fini par arriver dans une ville assez importante. Elle avait laissé parler le conducteur tout au long du trajet et lui faisait la conversation : ils avaient parlé de base-ball.

Maintenant, elle déambulait dans la rue. La circulation était dense. Si on lui adressait la parole, elle n'entendait rien, son esprit était bien trop occupé à analyser les différentes brides de ses souvenirs. Toute sa vie défilait. Elle heurta un homme qui venait à contre-sens.

- Excusez moi j'étais dans mes pensées, dit Angéla.

L'homme la scruta du regard et sourit. Apparemment l'examen était positif, malgré son aspect négligé.

- Il n'y a pas de mal.

Puis il poursuivit son chemin.

- Désolé, murmura Angéla le sourire aux lèvres.

Elle tenait à la main un portefeuille. Elle lui avait subtilisé sans même s'en apercevoir. Apparemment elle n'avait pas perdu la main. Elle était toujours aussi douée. Elle fouilla le portefeuille et trouva du liquide. Elle prit qu'un billet de 20 dollars. Quand elle croisa une boîte aux lettres, elle y déposa son vol.

Le billet en poche, elle s'engouffra dans une rue plutôt agitée. Toujours pensive elle s'arrêta près d'un attroupement. Les gens semblaient jouer à un jeu de cartes. Elle examina les règles de jeu attentivement alors qu'un souvenir revenait à la surface : une partie de jeu de Poker. Ici ce n'était pas ce type de jeu. Elle décida d'y participer. Le jeu paraissait simple. Le but était de trouver une certaine carte, la dame parmi les autres retournées. La technique était de bien suivre la carte et de ne pas la quitter des yeux. Tout en faisant attention aux mains du joueur. Elle attendit son tour puis elle posa sa mise. Toute sa mise était posée sur la table. Le mec fit son numéro habituel. Elle l'ignora et pointa du doigt une carte. La foule autour d'elle applaudit quand il retourna la bonne carte. Elle continua à jouer quelques minutes.

Au bout d'un moment, elle arrêta le jeu malgré les arguments du joueur et les protestations du public. Le joueur voulait bien sûr se refaire et regagner son argent.

Une nouvelle fortune en poche, elle poursuivit son chemin, le sourire aux lèvres. Elle s'était fait 800 dollars. Elle sourit. Apparemment elle n'avait pas aussi perdu la main aux jeux de cartes. Elle s'arrêta à un centre commercial pour y faire des emplettes.

...

Mitchell sortit de sa voiture garée dans une station service, la plus proche de la base militaire. Des voitures étaient déjà sur place dont celle du général O'Neill. Daniel avait reçu un appel de son ami alors qu'il tentait d'établir avec son équipe un plan. Daniel n'avait pas donné de détails à ses amis car il n'en avait pas. Mitchell se demandait alors ce qui avait pu attirer ses collègues dans cette station. Daniel connaissait cette station. Il y passait souvent et ses amis avaient dû intervenir une fois. Son ami en question, Jack interrogeait le patron de la station. D'autres interrogeaient des hommes de passagers dont un fermier. Daniel se dirigea vers Jack qui allait voir ce fermier. Jack avait fini d'interroger son témoin et l'invitait à partir avec un policier pour faire sa déposition. La police avait banalisé la station.

- Que se passe-t-il ? demanda Daniel. Est-ce Angéla ?

- Pas vraiment, grogna Jack, un peu agacé. Nous avons eu un gros problème ici. Trois témoins ont cru voir un dragon survolé la zone.

- Un dragon, répéta Mitchell en enlevant sa casquette.

Ils étaient tous en civil.

- Nous l'avons entendu près de la base, dit Vala. Donc c'est possible.

- Donc vous allez me confirmer que c'était un dragon ? soupira Jack.

Sa retraite était beaucoup plus agitée que prévue.

- Mais ce n'est pas possible, dit Mitchell. Le seul qu'on a vu était un hologramme, rappela Mitchell.

- Un hologramme très réaliste, affirma Daniel.

- Tellement réelle qu'il a fait ça, montra Jack.

Le toit de la station service était brûlé. Pourtant aucun feu ne s'était déclaré.

- Cela n'a pas brûlé, le fer a juste fondu, informa Jack. Puis venez...

Il les accompagna derrière la station essence où des policiers surveillaient la zone : un champ.

Ils entrèrent dans le champ.

- Puis il y a ça, ajouta Jack.

Mitchell s'approcha de trois rayures profondes dans le sol.

- Un tracteur ? demanda Vala innocente.

Mais elle n'y croyait pas.

- Non ce ne sont pas des marques de pneus mais on dirait trois traînées de tige en fer, décrit Mitchell.

- Ou des griffes, remarqua Jack.

- On peut sans doute dire aux autorités qu'il y a eu une fuite de gaz pouvant provoquer des hallucinations. Ou bien une substance chimique... proposa Daniel.

- Daniel ! Mais les dragons n'existent pas ! Et ceci a l'air réel, dit Jack.

Il n'en avait pas fini avec ses preuves, il sortit de sa poche un sachet de scellé.

- Il y a une vidéo, précisa Jack. Cette preuve, on ne peut pas l'ignorer.

Daniel sortit le téléphone portable et démarra la vidéo.

- Elle est déjà sur Twitter et Facebook.

Daniel pianota le portable pour remettre la vidéo encore une fois et le plaça au milieu pour la faire voir aux autres. C'était une vidéo amateur qui filmait une voiture où une jeune femme en mini-jupe prenait de l'essence. Puis ils entendirent un grognement. Vala reconnut celui-ci. Alors la caméra pivota vers le ciel où une ombre survola l'auteur de la vidéo. Enfin, on distingua bien la silhouette d'un dragon.

Mitchell regarda Daniel.

- Il a l'air énorme, siffla Mitchell.

- Ce n'est pas réel, souffla Daniel.

- Cette vidéo l'est, remarqua Jack.

Tout le monde se regarda.

- Et Angéla ?

Car au départ, ils étaient là pour elle.

- Un auto-stoppeur l'a prit il y a une heure. Ils remontent sur la nationale. Je m'occupe des trois témoins et des vidéos du dragon, leur informa Jack. Retrouvez-là rapidement. Car si Angéla est liée au dragon et qu'il la suit. J'imagine les dégâts que peut faire un dragon en pleine ville. Et où est Anéa ?, jura Jack en les quittant.

Daniel regarda à nouveau la vidéo.

- Là nous avons deux problèmes alors : une morte et un dragon. On dirait une mauvaise blague, souligna Vala.

Ils retournèrent alors vers leur voiture. Mitchell tentait de joindre Sam. Ils avaient besoin finalement de son aide alors qu'il entendait un étranger :

- Y a-t-il un film en tournage à proximité car le dragon semblait tellement vraie. Le film sera une vraie réussite. Il était énorme comme un immeuble...

Daniel le regarda ne sachant pas quoi dire.

- Trouvons là vite, dit Vala.

Mitchell prit l'appel.

...

Angéla avait arpenté la rue au hasard avec son nouveau look. Elle avait effectué une vraie métamorphose pour changer totalement d'identité et d'apparence. Mais elle n'avait toujours pas de but. Elle avançait juste où son instinct la guidait.

Maintenant, elle était dans un car, la tête collait sur la vitre gelée. Elle se laissait bercer par le ronronnement régulier du moteur du car. Ses pensées divaguaient toujours alors que ses souvenirs revenaient à elle, de plus en plus nombreux. Elle avait besoin de les analyser sans s'inquiéter de son entourage. Elle avait l'impression de se redécouvrir, de réapprendre son identité. Elle faisait le tri de tous ses souvenirs, des flashs ce qui engourdissaient son esprit. Elle était perdue sous le flot d'information.

...

Mitchell conduisait depuis plus d'une heure alors que Daniel avait reçu un appel de Sam.

- Ok, nous allons à cette adresse...Oui oui, on vous tient au courant... Nous y sommes presque... dans 20 minutes.

Puis il raccrocha.

- Je te transfert l'adresse exacte sur le GPS, informa Daniel.

- Quelle est la destination ? demanda Vala curieuse.

Elle se demandait où Angéla pouvait se cacher.

- Un centre commercial, répondit Daniel.

- Cool !

Elle se frotta les mains. Décidément, elle appréciait de plus en plus cette femme. Rien de mieux qu'un shopping pour se remonter le moral ou passer le temps.

- Sam vérifie certaines caméras comme les distributeurs de banque ou les caméras de circulation. Elle assure qu'elle était là-bas mais il y a une partie de son emploi du temps qui reste obscur.

- On visionnera les caméras sur place, proposa Vala. Comme les boutiques.

- Oui, c'est l'idée, soupira Daniel. Sam nous envoie une liste de cibles potentiels. Elles seront notre priorité.

- Le centre commercial a-t-il un accès aux transports ? questionna Mitchell.

- Oui, hélas. Trois lignes de bus qui desservent deux gares et un réseau autoroutier.

- Et elle a maintenant plus de deux heures d'avance sur nous.

- Oui, elle peut-être loin maintenant si sa mémoire est revenue.

- Oui si elle est elle-même, dit Vala. Et elle l'est d'après Anéa.

Mitchell et son équipe tournaient en rond. Les témoins dans les magasins ne donnaient rien. L'analyse des vidéos était complexe. Parfois, ils repéraient la jeune femme et ses achats. Mais ils ne connaissaient pas le contenu de ses achats car elle payait tout en liquide et les commerçants avaient que de vagues souvenirs. Car c'était le week-end, et il y avait beaucoup de clients. Ils avaient donc repérés une ou deux fois Angéla dans des magasins de vêtements. Elle avait même pu s'acheter des billets mais les vidéos ne donnaient rien. Pas encore. Car pas de carte bleue, pas de traces. Ils surveillaient alors différentes lignes de bus et les futurs trains qu'elle pourrait prendre. Mais elle aurait pu aussi faire de l'auto-stop. Malheureusement, elle avait pu passer les mailles de leur filet. De plus, Mitchell savait qu'elle était douée pour changer de look. A chaque fois qu'il repérait une femme brune sur les vidéos, il pensait la reconnaître. Mais à chaque fois, c'était une fausse alerte.

Ils avaient ainsi visionné une 30aine d'heures d'enregistrement. Vala avait passé sa pire journée de sa vie, à quelques minutes du paradis sur Terre, le centre commercial et ils n'étaient pas beaucoup plus avancés.

...
Toujours dans le bus, la tête posait sur la vitre. Elle subissait le retour de sa mémoire. Une larme coula sur sa joue alors que des souvenirs douloureux refaisaient aussi surface. Elle fut sortie de sa léthargie par une annonce sonore : c'était le terminus. Elle avait atteint sa destination. Elle se leva et suivit les quelques voyageurs encore présents vers la sortie du bus vers l'avant. Elle salua de la tête le chauffeur pour le remercier et affronta le soleil éclatant. Elle suivit les autres voyageurs vers le point d'information. Elle demanda un plan de métro et un plan de la ville. Le guichet lui conseilla quelques musées et autres endroits à visiter. Mais ce n'était pas son but. Un de ses souvenirs lui trottait dans la tête et ne cessait de revenir en boucle. Elle voulait revivre ce souvenir, d'où sa destination. Tout en lisant le plan de métro et de la ville en parallèle, elle se dirigea vers la bouche de métro la plus proche. Elle cherchait sa cible sur le plan de la ville et le meilleur moyen de transport.

Quelques heures plus tard, vers 20 heures, le soleil s'était couché depuis un moment. Les travailleurs qui rentraient du boulot avaient été remplacés par des fêtards ou des touristes. Elle sortit enfin de la bouche de métro arrivée à destination. Une foie sortie à l'air libre, elle rabattit sa capuche de son long manteau en cuir sur la tête, pour se protéger du vent glaçant. Elle admira le bâtiment ancien qui se dressait devant elle. En réalité, il y avait plusieurs bâtiments anciens disposés en U, cachant d'autres juste derrière. Des tas d'étudiants fourmillaient. Certains discuter sur les marches du bâtiment juste en face. D'autres sortaient d'un cours tardif ou bien de la vieille bibliothèque qui trônait sur la droite. Ou même de la cafétéria au fond à gauche un peu caché. Dans celle-ci, il y régnait une bonne ambiance de fête : un match de basket était diffusé à la télévision. D'ailleurs, certains étudiants allaient terminer leur soirée en boîte de nuit la plus proche. Elle remonta l'escalier qui montait vers le bâtiment juste en face. Elle savait que celui-ci refermait trois grands amphithéâtre. Elle passa devant les doubles portes d'un des trois. Elle se vit assisse sur les tables les jambes croisés, ou bien au tableau en train d'écrire à la craie des formules. Puis elle regarda le couloir qui emmenait vers les couloirs de TD. Elle se voyait assise contre le mur à pianoter sur un ordinateur portable ou bien à griffonner des croquis sur des pages blanches. Elle savait qu'elle avait passé de nombreuses heures dans ces lieux. Mais elle ne cherchait pas à revivre ses souvenirs. Elle ressortit du bâtiment par l'arrière et se dirigea vers la gauche, vers le bâtiment caché par la bibliothèque. Un nouveau bâtiment regroupait plusieurs salles de TD mais aussi la salle informatique. Des étudiants étaient encore présents, connectés à leur session, ils étaient tout de même rares.

Elle s'installa à l'écart et se glissa derrière un ordinateur discrètement, tout en regardant ses voisins éloignés. C'étaient plutôt des hommes assez jeunes. Le sourire aux lèvres, elle fit craquer ses phalanges avant de commencer à pianoter sur le clavier avec frénésie. Elle réussit à ouvrir une session.

...

Un jeune homme inconnu se gara sur son parking privé en marche avant. Il sortit de sa voiture et se dirigea chez lui avant de jeter un dernier coup d'œil à sa voiture. Il était bien garé au milieu, et diminuait ainsi la probabilité de prendre un coup de portière. Il rentra dans le hall de son immeuble et se dirigea vers son appartement qui se trouvait au RDC. Il posa son sac dans son entrée. Il enleva sa veste et l'accrocha à un porte-manteau. Il se dirigea, comme tous les soirs, vers son bureau informatique. Il vérifiait juste que tout allait bien sur ses écrans d'ordinateur à 8 coeurs. Mais ce soir quelque chose clochait. Une ses alertes s'était déclenchée. Soucieux de connaître l'origine de cette alerte, il s'approcha de son plus grand écran.

- Ce n'est pas vrai, souffla l'homme abasourdi.

Sans quitter des yeux son écran, il prit son téléphone et le coinça à l'oreille tandis qu'il tentait d'appeler quelqu'un. Ses mains tremblantes tentaient d'entrer des commandes sur son ordinateur.

A la fenêtre de chez lui, une silhouette l'observait. Il la remarqua mais l'ombre se recula quand l'inconnu essaya d'en voir d'avantage. Mais que se passait-il ?

- Oui, Boss... je ne me sens pas très bien ce soir, je ne viendrais pas demain... hésita l'inconnu car il était tombé sur le répondeur de son patron.

...

Angéla ne resta pas longtemps devant son écran, dans la salle informatique. Elle avait atteint son but très rapidement. Elle n'avait pas perdu la main. Elle était déjà sur le chemin de sa prochaine cible, dans la ruelle.

...

Le même jeune inconnu était agité devant son ordinateur. Il était au téléphone. Cette fois-ci, il avait eut un interlocuteur, mais pas son boss : une amie.

- Oui, Abby... Je sais, c'est incroyable... Quoi Abbs, non, je n'ai pas eu le boss ... Pourquoi ? ... Non, il doit le savoir... Sinon on se fera tuer... Non, tu ne peux pas faire ça. On n'a jamais réussi à gagner ce donjon... Tu ne peux pas... Non Abbs Attends !

Il regarda son portable qui était devenu à nouveau muet. Abby avait apparemment raccroché.

Penché sur son ordinateur, il s'installa plus confortablement dans son fauteuil.

- Mais que fais-tu Abbs ? marmonna-t-il alors qu'une fenêtre apparu laissant apparaître la jeune femme.

Un message apparut : « Prêt ? ». Il saisit son casque de gamer.

- Non, non... Je ne le suis pas, jura l'homme. Que veux-tu faire ?... Oh non.

Il avait enfin lancé le jeu et envoyé son avatar sur la partie en réseau.

Il répondit au message un peu affolé : « Tu ne peux pas y aller comme ça... »

Il pianota avec rapidité sur son clavier des nouvelles commandes. Il voulait que son personnage rejoigne celui d'Abby.

« Tu vas te faire descendre ».

Toujours pas de réponse. Son avatar, un guerrier nain, niveau 72 était son joueur du moment. Il devait rejoindre une druidesse, le personnage d'Abby. Celle-ci ne répondait pas car elle était trop occupée à essayer de survivre : elle était en train d'attaquer un immense portail. Ce portail était un mystère pour eux deux pourtant c'étaient des spécialistes du jeu. Il se demandait d'ailleurs si cette partie du jeu n'avait pas été rajoutée par un joueur. Un joueur qui avait son personnage réfugié dans ce donjon. Il l'avait vu quelques fois ouverts mais c'était de plus en plus rare. Hélas, il savait pourquoi. Ils avaient essayé avec sa guilde de l'attaquer sans succès.

Son nain rejoint enfin la druidesse qui était en train de perdre le combat alors qu'une lumière vive les aveugla et inonda son écran d'ordinateur et probablement celui d'Abby. Son second écran lui aussi commença à s'affoler. Son processeur s'échauffait et il y avait un problème dans la régularité de la tension dans les différents composants de son ordinateur.

- Abbs qu'as tu fait ?!

...

Quand il réussit à se reconnecter sur sa partie, il se dirigea directement au dernier point de sauvegarde, là où son avatar était mort. Abby était déjà là, devant le portail mais la verdure avait disparu de l'écran. Tout était de cendres.

- Que s'est-il passé ? demanda l'homme.

- Son compagnon est sorti, répondit Abbs à travers son personnage.

- Et le PNJ, tu l'as vu ?

- Non... Oups, j'ai fait une bêtise, le système est compromis.

- Tu ne jouais tout de même pas au travail, Abbs ? lui reprocha l'homme. Abby ?

...

Angéla était assise sur un banc face à un arrêt de bus. Elle laissait le froid l'envahir. En réalité, si elle le voulait, le froid pouvait ne pas avoir d'effet sur elle car un feu intérieur pouvait brûler, inépuisable.

Elle resta assise, immobile alors qu'elle se souvint du pacte qu'elle avait fait et de son dernier combat. Avec regret, ce pacte signifiait qu'elle allait à nouveau oublier le visage de ses parents. Ils restaient encore une parcelle de leurs visages et elle s'y accrochait. Elle allait oublier tout ce qu'elle avait vécu ces derniers souvenirs dans la mort. Peu à peu, les traits de ses parents disparaissaient malgré ses efforts pour les graver à jamais dans sa mémoire. Elle vivait d'ailleurs un des souvenirs qu'elle essayait de retenir : elle était près de sa mère.

Flash Back.

- Je dois affronter un dragon ! dit Angéla.

- L'affronter ? Non, tu ne peux pas. C'est ton ami, Dana, répondit sa mère.

Dana, ce mot résonna dans son cœur. C'était son prénom de baptême. Son premier nom qu'elle avait abandonné il y a bien longtemps. Depuis elle avait eu de nombreuses identités.

- Mais... Il va nous détruire, n'est ce pas ?

Angéla voyait le dilemme dans les yeux de sa mère.

- On peut se battre si tu le désires mais c'est un combat perdu d'avance.

Elle l'avait déjà dit.

- Mais on ne peut pas re-mourir, remarqua Angéla ne comprenant pas la peur de sa mère.

- Non, en effet, marmonna sa mère alors qu'elle examinait avec attention son environnement.

Pourtant il n'y avait rien à examiner, c'était un banal couloir menant à un quai de métro.

- On doit trouver de quoi se défendre.

Elle se leva, déterminée. Angéla la suivit de près. Elle avait peur que sa mère se volatilisa comme son père. Mais elles ne trouvèrent rien comme arme ou qui s'en approchait. Elles arrivèrent près du quai et descendirent les dernières marches. Soudain, elles entendirent un bruit assourdissant. Angéla connaissait ce son. Elle regarda le tunnel où des lumières s'approchaient. Le métro arrivait. Il s'arrêta à quai. Bien sûr, il n'y avait pas de passagers. Elles se regardèrent un peu étonnées puis elles se précipitèrent à l'intérieur alors que le signal annonçait la fermeture des portes et le départ du métro. Sa mère s'avançait vers l'avant du métro en passant entre les différentes places assises. Sa mère voulait voir où elles allaient. Elle s'accrocha à une barre en fer verticale, pour éviter de tomber et de s'écraser contre les parois du métro.

- Quoi ? demanda Angéla alors que sa mère s'arrêta brusquement.

Sa mère fixait la barre en sol et ne lui répondit pas. Elle regarda le haut de la barre. Angéla sentit qu'elle utilisait ses pouvoirs quand elle secoua d'un coup sec la barre qui céda en haut et en bas. Elle la saisit fermement.

Sa mère avait trouvé une arme.

Elle fit de même avec un autre barreau alors qu'elles s'enfonçaient dans les rames de métro. Puis lui tendit l'arme improvisée. Angéla soupesa la barre. Elle était longue et déséquilibrée mais ce n'était mieux que rien. Sa mère alors avança vers l'avant du métro.

- Quel est le plan ? demanda Angéla, la suivant de près.

- Un plan ?

- Il en faut bien un, dit Angéla.

- Parce que tu en as toujours un, Dana ? interrogea sa mère, avec le sourire.

- Euh...

Angéla ne savait pas quoi répondre.

- On fonce la tête baissée... dans le tas comme tu aimes bien dire, répondit sa mère. Ça te va ?

- Foncer dans le tas ?

- Oui, je sais que c'est dans tes cordes, sourit sa mère.

- Oui, ça me va, accepta Angéla en regardant son arme improvisée.

Car elle ne comprenait pas en quoi ses barres allaient les aider à battre un dragon. D'ailleurs quelle arme avait une chance de battre un dragon en colère ? Et elle n'avait pas une arme nucléaire sous la main. Et combattre le feu avec le feu n'avait jamais été efficace.

- Peut-il nous faire vraiment du mal ? demanda Angéla, curieuse.

Sa mère la jugea du regard.

- Un avatar ne peut pas faire mal à son propriétaire. Il est là pour le protéger. Nous ne pouvons pas re-mourir, mais je peux souffrir face à lui, répondit sa mère après réflexion. Même si je suis ta mère.

Angéla s'arrêta, une larme coula sur sa joue. Sa mère s'arrêta.

- Je ne veux pas souffrir à nouveau...

- Tu...

- Je souffrirai s'il te faisait du mal, coupa Angéla.

- On n'y est pas encore, je sais me battre aussi... Pas de la même manière que toi mais je me débrouille, lui apprit sa mère. Suis-moi.

Elle reprit son chemin sans même regarder si sa fille la suivait. Angéla hésita mais quand elle regarda en arrière, ce chemin ne lui disait rien qui vaille non plus.

Elle rattrapa en quelques enjambées sa mère. Elle venait de passer la porte du premier wagon. Elle ralentit le pas, méfiante.

- Cela fait trop de temps qu'on ne l'a pas entendu, remarqua sa mère.

- C'est peut-être bon signe.

Sa mère la regarda étrangement, comme si sa fille avait dit une grosse bêtise.

- Ok, je n'y crois pas non plus, avoua Angéla.

Elles regardèrent l'avant. C'était un métro sans conducteur. Ce qui signifiait qu'on pouvait voir où allait le métro. Le métro se dirigeait vers la lumière, une partie de la ligne était à l'air libre. La lumière les aveugla quelques instants avant qu'elles s'y habituent. Le métro poursuivit son chemin dans une prairie vallonnée. Enfin il s'immobilisa signalant le terminus de la ligne au milieu de nulle part.

Les portes automatiques s'ouvrirent et restèrent ouvertes. Sa mère n'hésita pas à avancer et à sauter du train. Elle l'attendit patiemment. Angéla hésita plus car elle voulait analyser la situation avant de se jeter en avant. Elle passa la tête et observa les lieux, que des prairies. Puis elle sauta à son tour. A peine, le pied posé sur la terre qu'elle entendit un hurlement. Sa mère s'était déjà retournée vers l'origine. Comment sa mère arrivait à réagir aussi vite. Elle avait des réflexes aussi, pourtant elle mettait toujours plus de temps à réagir. Etait-ce la présence de sa mère qui la rendait si molle ?

Elles s'écartèrent du métro.

- Là, montra sa mère.

Angéla regarda dans la direction. Un nuage sombre se dirigeait vers eux. Sauf que ce n'était pas un nuage mais bien quelque chose de vivant. Elle sentit le bras de sa mère l'écartait doucement en arrière, alors que sa mère faisait barrage de son corps pour protéger sa fille.

La silhouette prit forme au fur et à mesure qu'elle s'approchait : un dragon. Il se posa à quelques centaines de mètres d'eux, en repliant ses ailes contre ses flancs. Angéla sentit la tension envahir le corps de sa mère. Le dragon tendit le cou vers l'avant en hurlant.

- Ce sera une première pour moi, marmonna sa mère.

Soudain elle cria :

- Dispersion.

Puis elle courut vers la droite. Angéla réagit presque immédiatement en partant vers la gauche. Comme elle s'y attendait, la tête du reptile se tourna vers elle. Elle vit du coin de l'œil la progression rapide de sa mère. Elle devait utiliser à nouveau ses pouvoirs pour se déplacer plus rapidement. Après hésitation, elle se décida à puiser dans ses pouvoirs. Des pouvoirs qu'elle avait toujours nommé anomalies. Elle se concentra d'avantage tout en courant à couvert. Elle resserra son étreinte sur la barre en fer. Elle sentit son pouvoir venir à elle, et se concentrait vers la barre. Le fer était un parfait conducteur mais il ne permettait pas de stocker et de canaliser son pouvoir juste de le diriger. Ses mains se mirent à crépiter alors que la tête du dragon s'approchait vers elle. Elle entendit :

- Viens à moi, petit homme.

Ses mots résonnèrent au plus profond de son âme. Elle s'arrêta figée, voulant répondre à l'appel. Quand elle vit, tout à coup, sa mère virevoltait en hauteur et frappait avec la barre dans le creux entre l'aile et le flanc. Le dragon se retourna violemment face à la douleur et bouscula sa mère dans le vide. Angéla voulut crier mais rien ne sortit. Elle était figée alors que le dragon commençait à attaquer sa mère de tous les côtés. Cette dernière esquivait les attaques en plongeant, sautant, passant de justesse sur le côté d'une patte, ou de la queue. Mais elle ne pouvait pas éviter les coups éternellement. Elle avait déjà la joue en sang, et une douleur au bras droit, sa main forte. Angéla essaya de réagir mais elle ne put que crier :

- Non, arrête. Je laisse tomber.

Angéla laissa tomber l'arme dans un bruit sonore. La barre rebondit plusieurs fois sur le sol, roula et s'immobilisa plus loin. Le dragon venait de donner un coup de griffe dans l'air alors que sa mère se fit propulser au loin. Il se retourna alors immédiatement vers elle, avec intérêt. Il ignora alors à partir de ce moment sa mère. Elle gisait sur le sol. Elle essayait de relever la tête pour continuer à se battre même à bout de force. Elle n'était plus la belle femme aux cheveux soyeux et dorés mais pleins de poussières et fatiguée.

Le dragon se redressa alors qu'Angéla restait immobile à regarder sa mère lutter pour sa fille. Des larmes coulaient sur ses joues alors qu'elle sentait qu'elle n'allait plus revoir sa mère.

- Ta place n'est pas ici, gronda le dragon alors qu'il écarta les ailes.

Une lumière rouge vive s'accumula au fond de la gorge et remonta. Puis il cracha vers elle un flot de feu hardant.

Fin du Flash Back.

...

Un homme sifflotait dans sa voiture alors qu'il rentrait chez lui. Il venait d'aller en urgence rejoindre Abby pour réparer les dégâts informatiques qu'elle avait causés.

Des heures durant, ils avaient redémarré les protocoles.

Quelques heures auparavant.

- Abby qu'as tu fait ? demanda l'homme en rentrant dans un laboratoire scientifique dans le centre du NCIS, près de Washington.

- Mc Gee, Mc Gee, elle est revenue...

Abby était dans un état de surexcitation. Timothy vit plusieurs gobelets géants de caféine. Tous les ordinateurs étaient en ébullition, les écrans grésillaient, les alarmes sonores hurlaient. C'était le chaos pourtant cela ne semblait pas affecter le maître des lieux : Abby Sciuto.

- Elle est revenue, continua Abby, en sautant dans les bras de Timothy.

- Qu'as tu fait ?

- Elle est rentrée dans notre système, tout est figé, dit Abby avec le sourire.

Timothy s'écarta d'Abby et la saisit par les épaules.

- C'est une catastrophe, Abby ! On va se faire tuer. Ils vont voir que nous étions connectés... Et jouer sur ton lieu de travail...

Il s'était placé à ses côtés. Ils pianotaient tous les deux sur le clavier avec rapidité.

- Je tente de localiser le Maître...

Timothy s'interrompit et saisit Abby par les épaules pour qu'elle lui fasse face.

- Abby, stop ! Ce n'est pas possible, tu le sais. Elle est morte !

- Mais...

- Ce doit être un protocole de sécurité, coupa l'homme. Il doit y avoir une explication.

Abby fondit en larme et Timothy la serra dans les bras.

- Elle me manque tellement ! pleura Abby.

- Je sais, à moi aussi... Réparons nos bêtises.

Il s'écarta et scruta le visage de la jeune femme. Elle acquiesça.

- Tim, penses-tu qu'elle soit capable d'avoir laissé un protocole de connexion automatique à une partie.

Timothy s'arrêta puis reprit.

- Elle n'aurait jamais fait ça.

-C'était trop risqué, dirent en même temps les deux personnes.

Puis ils s'interrompirent.

- Tu penses à ce que je pense, demanda Abby.

- Je ne sais pas à quoi tu penses mais ce que je pense est impossible, répondit Timothy.

- Ou complètement dément, surenchérit Abby.

Quelques heures après. Timothy et son ami avaient réussi à rétablir la situation avant que leurs patrons ne remarquent quelque chose. Il rentrait chez lui, juste après s'être assuré qu'Abby allait bien. Il vérifia qu'il ait bien fermé sa voiture quand il remarqua une silhouette sur un banc. C'était une silhouette figée dans la pénombre. Les lampadaires éclairaient à peine le banc. Il sentit que quelque chose n'allait pas.

- Est-ce que ça va ? demanda Timothy en s'approchant vers le banc tout en analysant les environs.

C'était un réflexe qu'il avait acquis après de nombreuses années d'expérience en tant qu'agent. Il semblait qu'il était seul avec l'inconnu. Cette silhouette était fine et portait un long manteau qui retombait sur son visage. L'inconnu ne lui répondit pas et ne broncha pas. Il s'aventura encore plus loin, et commença à approcher sa main vers son arme sans s'en rendre compte.

- Est-ce que ça va ? répéta-t-il.

Il s'installa à côté. La silhouette ne ressemblait pas à un clochard. D'ailleurs elle semblait à peine respirer. Un instant, il crut qu'elle était morte. Il approcha en tremblant sa main vers le haut du manteau pour le rabaisser. Mais sa main fut arrêter dans son élan quand une main jaillit pour la saisir brusquement. Son geste stoppa net. La main était froide et décharnée. Timothy résista et poursuivit son geste malgré l'avertissement. Il enleva la capuche et fut frappé de stupeur quand il reconnut la personne. Il recula en trébuchant à moitié et cette fois-ci il sortit son arme et la pointa vers la silhouette. C'était une femme, qu'il connaissait très bien. Il s'approcha prudemment tout en la visant de son arme. Il voulait détailler le visage : c'était bien elle. Le problème, c'est que cette personne devait être morte. Pourtant elle était bien là devant lui. La femme fixait le vide, des larmes coulaient sur ses joues. Ses yeux étaient rouge à force de pleurer sûrement. Elle était très amaigrie et ses cheveux... étaient bleus. Il sourit intérieurement. Elle ne pouvait pas s'empêcher de se faire remarquer. Le code couleur de ses cheveux reflétait toujours son humeur. Là elle était en crise. Elle était en pleine remise en question. Et apparemment la remise en question était douloureuse. Il rangea son arme immédiatement.

- Angéla, chuchota Timothy ne voulant pas l'effrayer.

Même s'il savait qu'elle n'était effrayée de presque rien, mais à ce moment-là, elle avait l'air si fragile.

- Angéla, répéta à nouveau Timothy.

Puis elle tourna la tête vers lui, toujours les larmes aux yeux.


Fin du chapitre.