"Maître ?
Qui Gon émergea difficilement du sommeil. Il eût le sentiment que cela ne faisait que quelques minutes qu'il dormait, mais évidemment, Obi Wan l'avait laissé se reposer plusieurs heures. Il se sentait d'une humeur massacrante, et ses courbatures n'arrangèrent rien. Il inspira profondément, et laissa glisser sa frustration à travers la force.
— Comment va Maître Ue ?
— Toujours pareil.
Qui Gon se leva, grimaçant intérieurement quand son dos et ses genoux grincèrent (seulement dans son imagination, mais il était presque sûr que son padawan l'avait entendu !). Asa n'avait pas bougé d'un cil. Le plus âgé des jedis soupira. Son inquiétude était curieusement un peu retombée, il était plus serein. L'effet du repos ? Ou d'avoir craqué ? Il s'en voulait toujours un peu de s'être laissé aller ainsi devant son apprenti. Mais celui-ci avait plutôt bien réagi, avec humanité. Qui Gon décida qu'il était inutile de se flageller plus, qu'il était temps de passer à autre chose.
— A-t-on des nouvelles des némoïdiens ? du chasseur de primes ?
Obi Wan secoua la tête en silence. Il s'était installé à côté d'Asa et lui tenait la main. Il semblait très inquiet, et Qui Gon se rendit compte que le jeune homme se faisait beaucoup de soucis pour la blessée
— Obi Wan ?
Il l'appela doucement, jusqu'à ce qu'il lève les yeux sur lui.
— Accordons un peu de crédit à Maître Yoda. Il dit que ça va aller, tenons-nous le pour dit.
Obi Wan esquissa un faible sourire.
— Oui, maître.
— Viens manger un peu."
Ils partagèrent un pain, toujours aussi insipide, et burent. Obi Wan reprit un chiffon pour faire boire un peu Maître Ue, tandis que Qui Gon se débarbouillait. Mais alors qu'il redressait la blessée, le padawan fronça les sourcils. Il y avait… un changement. Il ne pouvait mettre le doigt dessus, mais quelque chose avait changé.
"Maître ? Je crois qu'elle se réveille…
Qui Gon fut à ses côtés en deux pas. Il observa Maître Ue, circonspect.
— Qu'est-ce qui te fait dire ça ?
Obi Wan plissa les lèvres, et hésita.
— Une intuition ?"
Qui Gon faillit le tancer sur l'importance de ressentir le présent. Il savait son apprenti sujet aux prémonitions parfois, et il devait apprendre à s'en détacher, à ne pas se laisser influencer. Mais pour une fois… Il allait le laisser dans ce réconfort. Il observa son padawan passer un tissu mouillé sur le visage d'Asa avec soin et délicatesse. Il se faisait du souci, pour elle bien sûr, mais aussi pour lui. Quoi qu'il ait dit juste avant, il doutait que cette histoire finisse bien, et s'inquiétait du choc et des dégâts que provoquerait la perte de Maître Ue. Le jeune homme avait de toute évidence tissé un lien étroit avec elle.
Pourtant, les heures qui suivirent lui donnèrent tort. Oui, Asa se réveillait. Ce fut d'abord infime, à peine perceptible : quelques mouvements furtifs derrière ses paupières closes. Puis elle serra la main d'Obi Wan. Enfin, elle eût la force d'entrouvrir les yeux. Malgré la luminosité réduite, elle les referma aussitôt dans un petit gémissement de douleur.
"Asa ? Asa, vous m'entendez ?
Qui Gon n'allait pas la laisser se rendormir.
— Asa, parlez-moi.
— Je suis là…
Sa voix était rauque.
— Obi Wan, donne-lui à boire.
Le jeune homme obéit, et en profita pour la rafraîchir à nouveau. Il se sentait tellement soulagé ! Ses mains tremblaient, et il dut fournir un effort surhumain pour les maîtriser. Pas question que Qui Gon s'en aperçoive !
— Asa ? Comment vous sentez-vous ?
La jeune femme ouvrit les yeux, plus assurée cette fois.
— Vous voulez une réponse honnête ou rassurante ?
Qui Gon sourit. Il retrouvait là l'Asa qu'il connaissait.
— Je dois examiner votre blessure.
Asa savait que ça ne servait à rien, mais elle n'avait pas la force de protester. Elle le laissa faire. Qui Gon retira le drap avec précaution, La blessure était noire, brûlée, mais pas infectée. Ceci dit, ça n'avait pas non plus l'air très confortable.
— Vous avez mal ?
Elle posa sur lui un regard fatigué. Il se mordit les lèvres, gêné.
— Ça finira par guérir, ne vous en faites pas.
Mieux valait la laisser tranquille.
Elle somnola plusieurs heures. Elle gémissait parfois, dans son demi-sommeil, et bougeait un peu, pour chercher une position plus confortable, que le matelas rudimentaire ne lui refusait. Qui Gon et Obi Wan la veillaient en silence. Ils avaient tenté de discuter de tout ce qui était arrivé, d'établir des hypothèses, en vain. Ils disposaient de trop peu d'informations.
Alors que la nuit tombait, Administrateur vont les voir.
"Maître Ue, je vous amène votre robe, et vous informe que des représentants de la Fédération du Commerce souhaitent vous voir.
— Maitre Ue n'est pas en état de…, commença à protester Qui Gon, mais Asa l'interrompit.
— Laissez-moi un peu de temps pour me préparer, nous vous préviendrons quand je serai prête.
Administrateur s'inclina et s'en alla, sans égards pour la mine contrariée de Qui Gon.
— Asa, ce n'est pas du tout raisonnable !
— Ils ne veulent probablement qu'une entrevue, je tiendrai.
Sa voix était plus ferme, mais les grosses cernes noires qui soulignaient ses yeux démentaient sa confiance. Elle tenta de se redresser, et Obi Wan lui vint en aide. Il la laissa souffler une fois qu'elle fut assise. L'effort l'avait épuisée. Qui Gon tenta une nouvelle fois de la raisonner :
— Comment pensez-vous tenir debout ?
— Je vais puiser dans mes réserves.
Son ton sec ne tolèrerait pas de nouvel argument.
— Maître, nous sommes là pour assister Maître Ue, mais c'est elle qui prend les décisions, objecta doucement Obi Wan.
Le plus âgé soupira. Son padawan était plus sage que lui.
— Je suppose que tu as raison…
En attendant, il fallait aider Asa à s'habiller. Gêné, Qui Gon ne put faire qu'avec sa nudité, que ses sous-vêtements cachaient à grand peine. Obi Wan, lui, ne paraissait pas plus embarrassé que ça, et passait lentement une manche sur le bras bleui de celle qui était devenue, il fallait se l'avouer, sa patiente. Qui Gon n'aidait pas beaucoup, hypnotisé par le corps massacré d'Asa. Elle était bien sûr couverte d'écorchures et d'hématomes, mais ce ne fut pas ce qui le fit frissonner. Ce n'était que des traces mineures qui disparaîtraient avec le temps. Non, c'était plutôt les autres qui l'impressionnaient. Un long serpent blanchâtre entourait sa colonne vertébrale. Une brûlure ? Comment pouvait-on se brûler à cet endroit ? Ses bras étaient couverts de traces très rondes, trop régulières pour être accidentelles. Diverses griffures et cicatrices parsemaient sa peau. Et c'était sans compter cette maigreur effrayante. Lui-même avait sa part de cicatrices, combats gagnés ou perdus, inscrits pour toujours sur son corps. Le bacta faisait toutefois des miracles et sa peau n'était en rien comparable à celle d'Asa.
Qui Gon se dit qu'il comparaît trop ce corps à un corps humain. Les critères de bien-portance pouvaient être différents… mais, Force… ce corps n'avait absolument pas l'air bien portant. Et ceci en occultant la terrible blessure noircie qui ornait la poitrine de la Jedi.
— Qui Gon.
Obi Wan lui adressait un regard sévère. Son maître rougit, ennuyé d'être pris à un voyeurisme malsain. Obi Wan finit d'arranger la robe, noua la ceinture récupérée sur l'ancienne, et tendit sa canne à Asa. Il recula d'un pas, prudemment, pour observer sa protégée.
— De quoi ai-je l'air ? Demanda-t-elle, en esquissant un pauvre sourire.
— Prenez deux semaines de vrai repos et reposez-moi la question.
— Ouch… ça ne doit pas être terrible alors…
En effet, il émanait d'elle une détresse certaine. Son aura même était terne. Elle était debout depuis dix minutes et avait déjà l'air à bout de forces.
— Allons-y, qu'on en finisse."
Ils sortirent, à petits pas lents. Administrateur les attendait.
"Nous avons installé les Nemoïdiens dans le bâtiment à côté.
Asa laissa un soupir de soulagement s'échapper de ses lèvres. Il n'y aurait que peu à marcher. Obi Wan se plaça à côté d'elle et, d'autorité, lui prit le bras en soutien. Qui Gon fit de même, et, entourée de ses deux gardes du corps qui l'a tenaient solidement, Asa parcourut la dizaine de mètres qui la séparait de ses interlocuteurs.
Ils la lachèrent juste avant qu'elle ne passe ne franchisse la porte. Devant les Némoïdiens, il fallait éviter toute forme de faiblesse. Cette race était pleutre, la moindre chose les effrayait, mais ils savaient également exploiter les faiblesses de leurs ennemis ou associés d'une façon quasi automatique. Cette qualité leur avait sans doute valu d'établir le monopole commercial de la Fédération du commerce. En attendant, l'urgence était de ne pas leur permettre de garder Asa trop longtemps pour de probables futilités. S'ils étaient derrière cet attentat, et Qui Gon le soupçonnait fortement, même s'il ne connaissait pas leurs motivations, ils savaient dans quel état Asa se trouvait, et cette rencontre n'avait lieu que pour les éprouver.
"Messieurs.
Les Némoïdiens se retournèrent de concert.
— Je suis Maître Asa Ue, la négociatrice.
— Vous avez été longue à venir nous voir.
L'impolitesse des commerçants fit serrer le poing à Obi Wan. En retrait de deux pas derrière Asa, il savait qu'il devait se taire. Mais Asa ne se laissa pas impressionner.
— Vous n'êtes pas sans savoir que j'ai été retardée.
— Nous ne sommes pour rien dans cette attaque ! Cria l'un d'entre eux.
— Et qui sont ces gens ? demanda un autre, en désignant du menton les deux Jedis masculins.
— Ils sont là pour assurer ma sécurité. Ce sont également des Jedis.
L'information fit taire les négociants. Trois maîtres Jedis ? C'était plus que ce qu'ils avaient prévu. Ils échangèrent des regards lourds de sous-entendus qui n'échappèrent à aucun des trois sus-cités.
— Si cela vous convient, nous commencerons les négociations dans deux jours.
— Deux jours ! Pourquoi attendre autant ? C'est irrespectueux !
— J'ai encore besoin de parler avec les Neftiens, de voir les lieux que vous voulez exploiter et de comprendre l'importance des minerais que vous voulez extraire.
— Nous réclamons une compensation pour ce temps perdu.
— A savoir ?
— Les discussions auront lieu à bord de notre vaisseau.
Qui Gon changea d'appui sur ses pieds. Elle ne devait pas accepter. C'était à coup sûr un piège. Asa resta silencieuse quelques secondes. Avait-elle vraiment le choix ? Les Némoïdiens étaient capricieux et bien capables de partir aussi sec si elle refusait. Cette exigence était certes malvenue, mais elle devait penser aux besoins des Neftiens avant son bien-être.
— C'est entendu. Je me présenterai à vous au matin du troisième jour."
