Heyy ! Ça fait un petit bout de temps, non ? Malgré un rythme d'écriture plus régulier, ce chapitre m'a donné du fil à retordre ! (Et la vie aussi parce qu'une gastro et une tendinite au doigt, ça aide pas trop XD)
Mais nous y voilà avec le quatrième jour de cohabitation de nos deux protagonistes !
Je mets un warning parce qu'il y aura la présence de violences physique, de sang et de drogue.
Petit rappel de la journée précédente parce que ça commence à faire longtemps : Kagami rencontre à nouveau Kuroko, Kise appelle Kagami et l'invite à venir travailler quand il le sentira, Aomine se blesse artificiellement pendant une intervention, Aomine défonce Kagami sur Street Fighters, Kagami révèle à son père ce qui lui est arrivé et on apprend que Nash avait hacké le téléphone de Kagami.
Cette fois il y aura quelques changements de point de vue mais la plus grande partie sera sur Kagami.
Bonne lecture ;D
Shadow : Ça pour se disputer, ils se disputent XD La relation entre Kagami et son père est tendu mais ils communiquent toujours et c'est déjà une bonne chose, surtout que le père de Kagami est bienveillant et ça aide quand même beaucoup pour renouer les liens. Tu l'apprécies bien ce Kuroko ;) Il s'entend bien avec nos deux fauves, et les deux ont l'air de l'apprécier, c'est une bonne chose ;) Merci pour ta présence et tes compliments, je suis toujours contente de savoir que cette histoire te plait :D Bonne lecture ;D (PS : je savais que la review "Guest" était la tienne, ta signature "bye et biz" et reconnaissable ;))
Aomine
Je sortis douloureusement de mon rêve à cause de mon foutu réveil de malheur. Pour une fois que je faisais un rêve érotique, en plus. Ça devait faire un bon moment que ça ne m'était plus arrivé. Il faut dire qu'avec la discothèque de Kise je n'avais pas à me plaindre sexuellement, mais maintenant qu'elle était fermée…
Bref, je partis dans la salle de bain pour m'occuper rapidement de la partie de mon corps la plus réveillée ce matin, et rejoignis la cuisine. Je sortis une poêle et la posai sur la plaque de cuisson. Je la fis réchauffer en étalant de l'huile en cercle. Je craquai 3 œufs et les vidai sur la surface chauffante. Je me curai l'oreille avec mon auriculaire et soupirai de fatigue.
- Hey…
J'étais encore profondément dans les vapes et je sursautai presque quand j'entendis cette voix derrière moi. Je me passai une main sur le visage pour reprendre contenance et jugeai Kagami qui s'était accoudé au plan de travail à mon niveau.
- Qu'est-ce que tu fais debout aussi tôt, toi ? Va te recoucher, baka.
- J'attends que tu partes pour me recoucher. Ça sert à rien pour l'instant, tu vas faire du bruit et ça va m'empêcher de dormir.
- Moi faire du bruit le matin ? Je suis la personne la plus discrète du monde.
- Ouais, ben, je sais pas ce que tu faisais dans la salle de bain ce matin mais le claquement de la porte et le tirage de chasse d'eau, j'appelle pas ça de la discrétion.
- Tu veux pas savoir ce que je faisais dans la salle de bain ce matin, le prévins-je.
Il me lança un coup d'œil interrogatif et je soupirai en secouant la tête pour toutes réponses. Je cherchai rapidement la spatule en bois et la pris en main pour décoller un peu les œufs et les séparer. Une odeur de bonne nourriture venait chatouiller nos narines et fit grogner mon ventre.
Je sentais plus que je voyais Kagami jouer avec ses doigts. Il était plus silencieux que d'habitude et ça m'interpella. Je lui lançais un rapide coup d'œil et le vis tête baissée, les cheveux devant les yeux.
- Il y a un problème ?
Il releva la tête doucement et me regarda mettre du sel et du poivre sans cesser de triturer ses doigts.
- Mauvais rêve…
J'arquai un sourcil et reposai mon regard sur lui. Cette fois il le remarqua et joignit nos yeux.
- Cauchemar ?
- Ouais.
- Et c'est ça qui te met dans un tel état ? C'est pas la première fois que t'en fais, si ? demandai-je en prenant une assiette et en coupant le feu.
Il ne répondit pas tout de suite. Il laissa passer un moment en regardant dans le vide, face à lui. Finalement il avala sa salive et souffla, la gorge nouée :
- C'est plus flippant quand on sait que c'est réellement arrivé.
Je fis glisser les œufs dans mon assiette avec difficulté, en retournant deux œufs sur trois et en perçant le jaune d'un d'eux. Je mis mon assiette de côté et pris du bacon pour le faire griller. Kagami me regarda faire en attendant une réponse, et tout ce que je lui répondis fut :
- Ok.
Je n'avais rien à lui dire. Je ne savais pas quoi lui dire. Je suis incapable de réconforter les gens. Je n'arrive pas à compatir. Mes cauchemars ne sont que des rappels de la réalité, j'ai vécu avec ça toute ma vie. J'ai appris à vivre avec et même si les débuts étaient compliqués, maintenant je sais me reprendre en main après un réveil brutal.
Des personnes m'ont aidé à affronter cette épreuve, c'est sûr, et je pense que Kagami s'attend à ce que je fasse pareil avec lui. Mais je ne suis pas ces personnes, je ne suis pas doux. Je n'ai pas de compassion ou de conseils à donner. Quand quelqu'un ne va pas bien, je l'évite. J'ai déjà assez de soucis avec moi-même, si je commence à m'inquiéter pour les autres, je ne verrais jamais le bout du tunnel.
Oh, bien sûr que c'est mon job d'aider les gens. Mais c'est pour ça que je n'ai pas fait long feu pour les plaintes. Je suis efficace quand je dois intervenir ou utiliser ma force, mais je n'ai aucune patience avec les victimes. Kise m'a déjà dit qu'un jour je parviendrai à compatir avec les autres, quand j'aurais fait la paix avec moi-même. Encore une phrase qui me donne envie de me battre. « La paix avec moi-même », la blague, il n'y a pas un jour qui passe sans que ça soit la guerre dans ma tête.
Je reniflai par automatisme, pour faire du bruit et couper ce silence pesant. Je mis le bacon dans mon assiette et me tournai en évitant Kagami.
Je sortis des couverts et mis mon assiette sur le comptoir pour manger debout. Kagami resta derrière moi, en regardant dans le vide. Cette situation était gênante pour nous deux. Il était sûrement en train de m'en vouloir pour ne pas chercher à l'aider. Tant pis, c'est lui qui est déçu, pas moi. Je ne vais pas prétendre être quelqu'un que je ne suis pas.
Pourtant je me sentis presque mal, mon ventre se tordit. J'inspirai un grand coup pour faire partir cette sensation de mal-être indésirable. S'il avait un problème, il pouvait très bien s'en sortir tout seul, il n'avait plus cinq ans.
Je terminai mon repas après ce qui me parut des heures. Je mis toute ma vaisselle dans l'évier et partis me changer dans ma salle de bain. J'entendis les pas de Kagami dans le couloir et pendant quelques secondes je craignis qu'il entre dans la salle de bain. Je ne voulais pas qu'il me voie à moitié nu, déjà que mon propre regard sur ce corps me dégoûte, je n'en ai pas besoin d'un deuxième. Je me vêtis en vitesse, dos à ce miroir brisé, et fis rapidement ma toilette avant de retrouver la salle principale et partir.
J'étais sur le point de m'en aller quand j'aperçus ces petites feuilles fluorescentes et collantes. Je dégainai un stylo et écrivis un petit mot, comme à notre habitude, puis je partis pour de bon avant d'être en retard.
Kagami
Je n'avais pas réussi à me rendormir après mon cauchemar alors je me relevai dès le départ d'Aomine. Il était très tôt et l'on s'était couché passablement tard hier soir, donc autant dire que je n'étais pas au meilleur de ma forme.
Je me trainai jusque dans la cuisine pour me faire à manger et essayer de me réveiller un tant soit peu. Mes paupières se fermaient toutes seules et ma respiration était polluée par des bâillements incessants. Je remarquai immédiatement le post-it d'Aomine. Je fus presque étonné qu'il soit là après le comportement qu'il avait eu ce matin. Je pensais qu'il allait continuer à m'éviter et rester muet comme il le faisait si bien.
Yo Kagami,
J'espère que ta deuxième nuit s'est mieux passée que la première.
Ne marche pas aujourd'hui et prends tes médicaments.
À ce soir.
Je chiffonnai le papier dans mon poing. Sa fausse inquiétude commençait vraiment à me rendre malade. Oui, fausse. Si c'était vrai, il se serait inquiété pour mon état et il aurait cherché à me rassurer. Juste un « ça m'arrive aussi, ça passera » m'aurait suffi. Rien qu'un « le pire est derrière toi » ou « ça ne sert à rien de te torturer avec ça » était suffisant. Il y avait tellement de choses à dire ! Pourquoi il n'a même pas essayé de me remonter le moral ? Je veux dire, bien sûr que je ne m'attendais pas à ce qu'il soit aux petits soins avec moi, mais au moins un peu d'inquiétude. Je venais quand même de lui dire que je venais de revivre la scène de mon ex, psychopathe et drogué, en train de me planter la jambe, et lui tout ce qu'il trouve à dire c'est « ok » ! Je lui aurais parlé de la pluie et du beau temps qu'il m'aurait sorti la même réponse. Un irrespect comme j'en ai rarement vu.
J'avais vraiment l'impression d'être pris pour un con. Il fallait que je me barre d'ici avant de vraiment péter un plomb. Kise. Il fallait que j'aille chez Kise. Mais…
Je me pris la tête dans les mains, les coudes sur le rebord du plan de travail.
Nan, Kise et Aomine sont reliés. Si je vais chez le blond il va sans doute me parler du bleuté ou pire, essayer de nous réconcilier. Ça serait horrible. Si Aomine veut m'éviter, très bien qu'il le fasse, je ne vais pas perdre mon temps pour quelqu'un qui s'en fiche de moi.
Mais si je ne vais pas chez Kise, qu'est-ce qu'il me reste comme option ?
Je déglutis. Je savais très bien ce qu'il restait comme option. Aller chez moi.
Je savais que je devais y retourner. J'y avais déjà pensé quand j'étais à l'hôpital avant qu'Aomine ne se propose. J'avais peur d'y retourner, ça me terrifiait même. C'était là où avait eu lieu l'agression. Nash était entré. Lui, ce connard, cet agresseur inhumain, ce psychopathe drogué, ce malade impulsif, cet enfoi-
J'inspirai un grand coup. Mes mains tremblaient de rage et d'effrayamment. Je me laissai doucement tombé pour me retrouver accroupi avec les bras sur la tête. Pathétique, putain j'étais pathétique. Et qu'est-ce que j'étais épuisé… J'avais l'impression d'être retourné cinq ans en arrière, après avoir déménagé à Tokyo, seul dans une grande maison avec la tête remplie de mauvaises pensées. Je savais que je ne devais pas laisser mes démons prendre la possession de mon esprit, mais j'étais beaucoup trop fatigué pour les combattre.
Je desserrai la position dans laquelle j'étais et m'assis en tailleur. Je ne me sentais pas mieux, toujours aussi compressé et malade. Mais je ne pouvais pas rester dans cet état pendant toute la journée. Avec une force inconnue, je me relevai et préparai enfin mon petit-déjeuner.
Je rentrai dans ma routine de cuisine et ça me permit de m'aérer un peu la tête. Le fait de manger, lui aussi, me permit de retrouver un peu d'énergie. Mes pensées n'avaient pas disparu mais je réussis à prendre un peu de recul dessus et d'avoir un esprit moins négatif.
Je rejoignis la chambre pour m'habiller. Je ne concevais toujours pas la réaction d'Aomine mais j'étais moins dramatique. En fait, je pense que cette situation traîne depuis plus longtemps que ce matin. Aomine a parfois du mal à s'exprimer avec moi et ses réactions sont parfois contradictoires. Je pense que cette situation n'est pas la meilleure dans l'état où je suis, mais en même temps je lui fais confiance pour s'occuper de moi, comme la fois où il m'a aidé avec ma jambe souffrante.
Je pense donc que je devrais essayer de prendre l'option « rentrer chez moi » au sérieux. Mais peut-être pas retourner immédiatement chez moi, y aller petit à petit. Pourquoi pas vérifier mes lettres pour commencer ? Peut-être que j'en ai reçu du commissariat sur l'avancée de l'enquête.
Je m'assis sur le canapé mais je n'avais aucune envie de jouer. Je mis juste le dos de ma tête sur le haut du dossier en soupirant. Je voulais vraiment bouger pour faire partir ce surplus d'angoisse et d'énervement et en même temps j'étais tellement exténué que je pouvais rester comme ça toute la journée. J'aurais pu me rendormir, tout simplement. Mais non, parce que ça voulait dire refaire potentiellement un cauchemar. Avec toutes les pensées négatives que j'avais en ce moment, c'était presque inévitable. Et j'avais eu ma dose pour la journée. Me réveiller en sueur, mon cœur serré et battant la chamade, mes membres tremblants, le souffle court, l'épine dans la poitrine et les larmes aux yeux ? Très peu pour moi, merci.
Des pensées bien plus sombres et négatives venaient toquer à la porte de mon cerveau mais je faisais tout pour ne pas les laisser entrer. On sombre bien plus facilement que l'on revient à la surface, je le savais pertinemment. Il fallait que je me change les idées et vite.
Je me rappelai soudainement une discussion avec Aomine hier. Ne m'avait-il pas parlé du jeu NBA2K ? Je me relevai avec empressement, pressé d'enfin trouver quelque chose pour m'occuper. Je revins à la cuisine pour vérifier les poubelles, là où j'avais fait le tri de la table basse. J'ouvris d'abord le sachet rempli des magazines d'Aomine mais, malheureusement, il n'y était pas. Je regardai rapidement la poubelle noire, remplie de détritus alimentaires et autres, et décidai de vérifier dedans que si je ne trouvai rien autre part. Je rejoignis la chambre pour vérifier son bureau ou son armoire… Bingo ! Je l'avais posé avec un tas de feuilles sur son bureau. Je pris le CD et le remplaçai par Street Fighter. Je m'installai confortablement et pris une manette.
J'avais l'option de créer mon personnage ou de faire des simulations de matchs entre équipes de la NBA. Je choisis la deuxième option, la première aurait pris trop de temps. Je pris l'équipe des Miami Heats pour commencer et je les fis jouer contre les Cavaliers. Je pouvais maitriser chaque joueur un à un pour faire les meilleurs enchainements et gagner mon match. J'en fis beaucoup, la passion et la concentration m'obnubilèrent complètement et j'arrêtai mon jeu seulement quand mon ventre se rappela à moi.
J'étais bien content d'avoir ce jeu avec moi. Le basket, et le sport en général, me manquait beaucoup depuis mon hospitalisation. Sentir ses membres se contracter, ses jambes fléchir, ses pieds s'ancrer dans le sol, puis dans une dernière poussée, s'envoler haut dans le ciel et faire entrer ce ballon orange et rugueux dans l'arceau. L'excitation et la satisfaction étaient les mêmes à chaque fois, je ne me lassais jamais. Le jeu n'était évidemment pas la réalité, mais la joie qui me prenait à chaque fois que je réussissais à faire une belle action était amplement suffisante dans mon état.
Sur ces belles pensées, je me préparai un bon repas consistant pour me donner la force de faire ce que j'avais entrepris de faire aujourd'hui. Une fois ma nourriture avalée, je rejoignis l'entrée pour m'habiller d'un manteau, mis mes chaussures, me redressai, ouvris la porte, pris le premier métro, descendis quelques minutes plus tard et marchai encore un peu. J'inspirai profondément, et déglutis. Devant moi, mon appartement.
Aomine
Malgré un réveil douloureux et une mésaventure avec Kagami, ma matinée se passa bien. Surtout parce que Ryo m'a annoncé dès mon arrivée dans le bâtiment : « Le p-patron voudrait vous voir… » suivit d'excuses sans fin. Je crus d'abord que j'avais commis une erreur quelque part et j'étais déjà prêt à me défendre corps et âme pour prouver mon innocence. Mais heureusement, la nouvelle fut positive. J'allais avoir une augmentation de salaire, entre autres grâce à mon aide le jour des plaintes. Ça refit ma journée, à deux doigts de sourire au bureau… Enfin, n'abusons pas, il faudrait un miracle pour que je sois heureux même après avoir aperçu la tronche de Wakamatsu.
C'est avec une attitude un peu plus détendue que je poursuivis ma matinée. C'était une journée plutôt sportive et je sentis les courbatures de la séance de sport hier. Il faut dire que je n'avais pas chômé, je prends le sport très au sérieux. Ça me permet d'ailleurs de garder un corps musclé malgré une activité sportive pas très régulière. Heureusement pour moi, je ne sentais pas trop ma blessure de l'intervention d'hier.
J'aurais pu me plaindre de l'intensité de mon travail, mais aujourd'hui c'était plutôt bénéfique. Pour une raison inconnue, je repensais constamment à la « discussion » avec Kagami ce matin, ou à la non-discussion justement. J'avais un mauvais pressentiment. Mais je ne laissai pas ces pensées furtives prendre trop de place dans mon cerveau, à l'inverse je me concentrai sur les missions que l'on me donnait. M'oublier dans une tâche pour ne pas avoir au reste, c'était pour cette idée que j'avais commencé à travailler. J'avais tellement, tellement de choses auxquelles penser, à construire, à déconstruire, à reconstruire, à gérer… Je n'en voyais plus le bout et j'aurais vraiment fini par craquer si cette opportunité n'était pas venue à moi. Alors oui, je crache beaucoup dessus et je me plains, parce que ça reste du travail et ça ramène son lot de problèmes aussi, mais avant tout c'est mon échappatoire, et c'est aussi important que de respirer pour moi.
- J'ai appris que t'avais vu le patron aujourd'hui ? Qu'est-ce que t'as encore foutu ? me demanda Wakamatsu en me sortant de mes pensées tandis qu'on entrait dans une voiture de police.
- J'ai aidé aux plaintes récemment.
- Laisse-moi deviner : tu t'es énervé ?
- Même pas. Il faut croire que ces mois passés avec un abruti comme toi m'ont immunisé de tous les autres abrutis sur Terre.
- C'est qui que tu traites d'abruti, là ?!
Je lui lançais un coup d'œil plus qu'explicite qu'il capta après quelques secondes. Il serra les mains sur le volant et prit une grande inspiration pour me crier toutes les choses qu'il détestait chez moi mais je le coupai avant qu'il n'en ait eu l'occasion :
- J'ai eu une augmentation.
- Pourquoi ? demanda-t-il en ayant apparemment oublié le sujet de la discussion.
- Parce que je travaille bien, j'imagine.
- Mouais, heureusement qu'on te paye pas pour ta ponctualité.
- J'vois pas pourquoi tu dis ça, je suis très ponctuel quand je dois prendre ma pause de midi.
- Pour en revenir, en revanche, c'est autre chose.
Je lui lançai un regard noir et il me répondit de la même manière. C't'abruti. Il sait que je mérite cette augmentation mais ça le tuerait de me le dire. Enfin, je ne sais même pas s'il se rend compte que je la mérite, en fait. Il fait partie de ceux qui considèrent que j'étais bien trop jeune et pas assez éduqué pour entrer dans la police au moment où je l'ai fait. Il n'a pas complètement tort, mais il n'empêche que depuis mon entrée dans les rangs de la police, j'ai progressé et j'ai gravi les échelons. Mais j'imagine qu'un abruti comme lui ne peut pas le comprendre.
Une fois que notre petite intervention fut finie, nous retournâmes dans notre office. Étonnement, le procureur était là. Je l'avais déjà vu auparavant mais c'était très rare qu'il se retrouve ici dans le commissariat. C'était un homme d'âge mûr, du nom d'Harasawa. Il me paraissait très calme d'apparence mais il ne me donnait pas envie de le prendre de haut pour autant. Dans son costume-cravate, il parlait à Imayoshi en jouant avec ses cheveux. Wakamatsu se courba immédiatement pour le saluer, je fus moins réactif mais le suivi dans son geste. Toujours avec une mèche de cheveux entre deux doigts, il nous salua poliment.
- Les garçons, nous héla Imayoshi. Vous pouvez prendre votre pause.
Nous hochâmes la tête de concert et quittâmes la pièce après avoir pris nos affaires. Je partis dans ma supérette habituelle pour m'acheter un sandwich et manger sur le chemin.
Kagami
Je montai les marches une à une avec appréhension. Mes mains tremblaient, j'avais la nausée, mon corps était tendu, et mon cœur battait douloureusement dans ma poitrine, comme s'il pesait une tonne. Tous ces signes auraient dû me mettre la puce à l'oreille et m'indiquer que cette décision n'était pas une bonne idée. Mais je n'écoutais rien, je voulais réussir à monter jusque chez moi et ouvrir ma boite aux lettres. Tant pis pour tous les signaux, j'avais une idée en tête et il fallait que je m'y tienne. Si je ne le faisais pas maintenant, quand est-ce que j'allais le faire ?
J'atteins enfin mon étage. Ma respiration tremblait et j'avais du mal à reprendre mon souffle normalement. N'importe qui pouvait comprendre que j'étais en détresse s'il me voyait. Je vis mon paillasson avec écrit « Welcome » ce qui confirma bien que j'étais devant chez moi. Pourtant, à ce moment précis, je me sentais tout sauf le bienvenu. Je pris de longues et grandes inspirations pour me calmer et sortis mes clés. Avec mes doigts tremblants, ce n'était pas une mince affaire mais je réussis à les prendre sans les faire tomber. Je pris quelques secondes pour prendre la plus petite clé qui était destinée à ouvrir ma boite aux lettres. Je l'insérai difficilement dans la fente et la tournai. Il y eut un déclic et ça s'ouvrit…
Il y avait des lettres. Et c'est tout. En même temps, je m'attendais à voir quoi ? C'était une boite aux lettres, rien de plus normal. D'un coup, toute la pression que j'avais accumulée se relâcha. Un léger rire nerveux quitta même mes lèvres. Je me passai une main dans les cheveux en prenant les lettres. Sans grande surprise, certaines provenaient de la police, le reste était des pubs ou la banque. Je les pris une à une pour en vérifier l'expéditeur, puis refermai la petite porte.
Je restai là, quelques secondes, penaud. Je me demandais ce que je pouvais bien faire maintenant. Il était bien tôt pour déjà repartir. J'aurais eu l'impression d'être venu pour rien. Finalement, il ne s'était rien passé, j'étais juste venu prendre des lettres. Tout ce stress pour ça ? C'était pathétique. En même temps, c'est ce que j'avais prévu de faire, non ?
Je remis la clé dans ma poche et fis mine de partir, avant de m'arrêter brusquement. Comme poussé par une force intérieure, je me tournai vers ma porte d'entrée, la main sur mon trousseau de clés. Je n'arrivais pas à aligner une idée claire, mais dans mon esprit, entrer chez moi était la chose à faire actuellement. Peut-être que c'était pour me prouver que j'étais brave. Peut-être que c'était parce que je craignais de perdre le courage de revenir une prochaine fois. Il n'empêche que ma main se dirigea par elle-même vers la serrure.
L'adrénaline avait pris le dessus et je n'étais même pas tellement inquiet, ni stressé, ni effrayé. Je ne ressentais rien, j'étais en automatique. Après deux tours, un déclic retentit dans ce couloir silencieux. Je lâchai ma prise pour rejoindre la poignée. Il ne me restait plus qu'un mouvement à faire pour que je rentre chez moi. Je pris une grande inspiration en sentant mon cœur s'emballer, et abaissai la poignée.
Soudainement, à la vision même de cette entrée sombre, tous les souvenirs me revinrent.
Nash qui ouvre la porte pour me lancer violemment par terre. Lui qui me prend par les cheveux en approchant son haleine répugnante près de mon nez. Mon cri de douleur quand il les tira. J'étais paralysé, complètement paralysé par sa présence. Oh oui j'avais peur, j'étais terrorisé. Ce fut à ce moment-là qu'il me donna un premier coup dans mon ventre. Un coup de pied qui me fit me plier douloureusement et je dus me retenir pour ne pas vomir. Les larmes commençaient déjà à se former aux coins de mes yeux. Je priai pour que ça se termine bientôt, ou que je finisse par m'évanouir, quand il abattit une rafale de coups dans mon ventre. Je ne pus me retenir de rendre cette fois, et un filet de bave glissait encore à la conjointure de mes lèvres quand il me releva par le col. Je crus d'abord qu'il allait me donner un coup de poing au visage mais il n'en fit rien, à la place il me traina jusque dans mon salon. J'étais encore sonné de ma précédente attaque et je ne compris pas pourquoi Nash commençait à s'agiter. Il se frotta la tête avec ses poings, rendant ses cheveux longs encore plus en pagaille. Il se frotta les veines des bras, le cou, poussa des gémissements plaintifs… Je ne comprenais rien à ce qui m'arrivait. Je me souviens qu'après un long moment il sortit quelque chose de sa poche. Il en versa le contenu sur la table et approcha son visage de la ligne qu'il avait faite. Je compris ce que c'était, seulement quand il y colla sa narine et qu'il inspira profondément. Je compris et je me tendis encore plus.
J'étais avec un putain de drogué violent qui ne me voulait en aucun cas du bien. Je compris l'ampleur de la situation. Je pris mon courage à deux mains, puisant dans les dernières ressources de courage qui me restait, et me relevai, prêt à m'enfuir. Mais ce beau courage ne dura pas longtemps quand j'entendis un « DON'T MOVE ! » derrière moi. Mon corps se crispa, ma tête vibra, ma mâchoire se serra, mes yeux me piquèrent… Je me rebaissai docilement, retenant difficilement un sanglot. J'étais à sa merci, je n'avais pas du tout évolué en six ans. Sa voix rauque et puissante exerçait toujours la même influence sur moi. J'étais faible, tellement faible, pathétique. À quoi bon traverser le monde pour finalement revenir au même point ?
Nash respirait profondément derrière moi, comme s'il essayait de se maitriser de faire une connerie. Je ne bougeai plus, essayant de me tuer intérieurement pour ne pas avoir à sentir la douleur quand il le fera en vrai. Je l'entendis gémir à nouveau. Mais qui était-il ? Comment avais-je pu imaginer un quelconque avenir avec lui ? Quand est-ce que ça avait mal tourné ? Il renifla bruyamment puis un rire effroyable sortit de sa gorge. J'en eus des sueurs froides. Je me faisais tous les scénarios possibles dans ma tête en priant pour qu'aucun ne se réalise. Mais mes prières ne furent pas entendues, et je le compris quand le bruit d'un tiroir qui s'ouvre parvint à mes oreilles. Il prit un couteau, je n'eus pas besoin de le voir pour le savoir. L'éclat clair de l'objet en acier se refléta dans mes yeux. Il tituba jusqu'à moi et s'agenouilla à mes côtés. Ma respiration se coupa. Plus rien ne passait dans mon esprit quand je compris que mon heure était venue. La dernière chose que je vis était ses yeux fous, vitreux et veineux. Puis il planta un couteau dans ma cuisse et mon cri fut la dernière chose qu'il obtint de moi avant que je ne m'évanouisse.
J'avais des hauts le cœur. Le souvenir tournait en boucle dans ma tête. J'avais le tournis, je n'arrivais plus à me relever. Je tirai sur mon col parce que j'avais l'impression d'étouffer. Je n'arrivais pas à reprendre mon souffle, c'était comme si le monde tout entier s'écrasait sur moi et compressait mes poumons. Je sentais mon cœur battre à vive allure dans ma cage thoracique. Mon ventre me faisait mal comme si quelqu'un le tordait.
Dans un dernier geste de désespoir, je pris mon téléphone et appuyai sur le premier numéro apparaissant. Les battements de mon cœur résonnaient dans mes tympans et j'eus du mal à entendre la voix qui s'éleva. Je ne reconnus pas tout de suite qui était au fil mais peu à peu mes sens me revinrent.
- Aomine ? soufflai-je.
- Kagami ? me répondit-il, confirmant mon hypothèse. Qu'est-ce qu'il t'arrive ?
Je déglutis difficilement. J'avais du mal à organiser mes pensées. Je reniflai et essuyai mes yeux en cherchant une réponse à lui donner.
- T'es où ? s'enquit-il à mon absence de réponse.
- Euhm… Aomine ?
Je pris une inspiration avant de lâcher la bombe.
- Tu vois la rue de la Tour ?
Un silence me répondit. Un silence pesant où je n'entendis même plus le bruit de sa respiration.
- Kagami, dis-moi que tu te fous de ma gueule.
Je paniquai à cette réaction. J'avais passé cet appel pour me rassurer et avoir une discussion saine avec quelqu'un, pas pour énerver Aomine. Il n'était peut-être pas la bonne personne a appelé dans ce genre de situation.
- Aomine, j'aurais pas dû t'appeler, j-
- T'es tout seul ?
- Oui je suis seul, je voulais juste venir réc-
Je ne pus terminer ma phrase car des sonneries me firent comprendre que l'appel était fini et qu'Aomine avait raccroché. Je soupirai et décollai l'appareil de mon oreille. Ma tête me faisait mal comme si on creusait à la pioche dedans. Je mis mes genoux sur mon torse et baissai la tête. Je n'en avais plus rien à faire de paraitre faible ou fragile, je voulais juste me protéger de toutes mes pensées, de tous mes souvenirs.
Je ne sais pas combien de temps avait passé quand j'entendis des pas dans les escaliers. Entre une éternité et quelques secondes, probablement. Je desserrai ma position quand la porte s'ouvrit brutalement. Aomine dut entendre les battements de mon cœur ou il vit tous les démons de cette obscurité se diriger vers un point, il n'empêche qu'il sut où j'étais dès qu'il entra. Il n'alluma pas la lumière, heureusement, et garda seulement la porte ouverte. Il vint vers moi avec une expression inquiète que je ne lui connaissais pas.
Quand il fut près de moi, je compris qu'il n'était pas seulement inquiet, mais aussi concerné. Comme s'il avait quelque chose à voir avec mon angoisse. Je fronçais les sourcils à cette observation tandis qu'il filet de lave s'écoulait doucement dans mon cœur meurtri. Ses yeux balayaient les miens tour à tour et son odeur rassurante parvint à mes narines pour débloquer ma gorge. Mes membres tremblaient moins et ma respiration ainsi que mes battements du cœur se calmèrent petit à petit. Il s'assit en face et je m'assis en tailleur, les genoux tremblants.
- Pourquoi t'es là ? souffla-t-il en glissant sa main sur ma nuque, ce qui me provoqua une pluie de frissons.
- Je voulais juste récupérer les lettres du commissariat, puis…
Je ne continuai pas ma phrase, le laissant comprendre par lui-même. Je réussis à plus ou moins caler ma respiration sur la sienne. Il massa doucement mon cou de son pouce, sûrement inconsciemment. J'avais tellement envie d'aller dans ses bras et m'accrocher à sa chemise pour pas qu'il me lâche. Son corps était tellement imposant, j'étais sûr qu'il pouvait me protéger de tous les dangers. Il était rassurant physiquement, j'avais besoin de lui en ce moment.
- Puis t'es rentré ? termina-t-il.
J'hochai simplement la tête. J'aurais pu le prendre comme un reproche mais sa voix chaude et calme me prouvait le contraire. Il essayait seulement de comprendre parce qu'il était inquiet.
- La prochaine fois n'y va pas tout seul. Une crise de panique ça peut vraiment être grave, il faut que tu fasses gaffe.
- Oui, je sais…
- Tu te sens mieux ?
- Hm, bof. Mais je veux partir d'ici.
- Alors allons-y.
Il lâcha ma nuque pour se relever. Je le suivis et m'étirai, j'étais courbaturé à cause de mes tremblements et à cause de ma position de tout à l'heure. Mon cœur s'était peu à peu calmé. Je me sentais toujours à l'étroit dans ma poitrine, comme si mes côtes s'étaient resserrées pour m'empêcher d'utiliser pleinement mes poumons. J'avais l'impression que ma tête était un épais brouillard, j'avais du mal à aligner mes pensées.
On sortit de cette maison cauchemardesque et on rejoignit la moto d'Aomine à l'extérieur. Il me passa son casque et nous montâmes sur le véhicule. Il démarra et je m'accrochai à sa taille plus que nécessaire. J'avais besoin d'être sûr de sa présence. Il me fallait quelqu'un là, maintenant, tout de suite, et j'étais heureux que ça soit lui.
Il suivit le chemin de la maison et je fus rassuré de retrouver ce lieu. Finalement, j'y avais déjà fait mes traces. Trois jours cloitrés ici sans avoir l'autorisation de bouger, ça fait des liens, surtout avec ce canapé en cuir rouge. Et j'étais épuisé, j'avais envie d'aller dormir.
On s'arrêta enfin. Je descendis du véhicule sans prononcer un mot, et enlevai mon casque. Il le rangea à l'arrière de sa moto, dans son top case. Je baillai et retirai mes chaussures en entrant, suivis par Aomine qui entra avec moi. Je crus qu'il allait directement retourner au travail mais il resta avec moi.
- Tu vas pas travailler ? demandai-je en m'affalant sur le canapé.
- Nan, pas pour l'instant, c'est ma pause de midi.
J'hochai silencieusement la tête. On resta de longues secondes ainsi. Dans le calme de sa maison, à peine dérangé par le bruit des automobiles dehors. La pression était redescendue et maintenant j'avais l'impression qu'une horde de bisons m'était passée dessus, j'avais juste envie de m'allonger et ne plus bouger jusqu'au lendemain. J'étouffai un bâillement et fermai doucement mes yeux. Mes paupières pesaient des tonnes, c'était impossible de les tenir debout. J'entendis Aomine retenir un bâillement lui aussi puis un soupir s'échappa de ses lèvres.
- Je sais que ce n'est pas forcément le meilleur moment pour le dire, mais sache que je vais avoir une augmentation.
- Vraiment ? Cool pour toi, souris-je faiblement.
Il acquiesça.
- Le salaire d'un policier n'est pas souvent très élevé, donc je suis fier.
- C'est logique, je serais fier aussi à ta place. Tes collègues sont pas trop envieux ?
- Non. En tout cas, j'avais pas l'impression.
- C'est bien. Je me souviens que là où je travaillais avant, une personne avait eu une augmentation un jour et le jour d'après tous ses amis se sont mis à parler dans son dos en disant qu'il ne le méritait pas. C'était vraiment une ambiance de merde.
- C'est pour ça que t'as arrêté ?
- Entre autres. J'ai jamais réussi à être pleinement satisfait dans un job. Ça m'énerve parce que c'est aussi la seule chose qui ne m'a pas été attribuée d'office par mon père.
- C'est-à-dire ?
- Il m'a trouvé tous les autres contacts dont j'avais besoin pour que je n'ai pas à m'occuper de quoique ce soit en arrivant à Tokyo, mais je lui ai dit de ne pas me trouver de travail parce que je voulais le faire moi-même, et voilà où j'en suis.
- « Tous les autres contacts », tu veux dire que t'as déjà un avocat par exemple ?
- Ouais, par exemple, pourquoi ?
- Il faudrait peut-être que tu penses à l'appeler, non ? Tu regarderas tes lettres pour être sûr, mais je crois que ça va pas tarder à être obligatoire.
- Ouais, t'as raison, il faut que je pense à le faire. Mais plus tard, là je suis trop fatigué.
- J'imagine.
Il posa son regard sur un point devant lui, ne cherchant pas à ajouter quelque chose. Il avait un beau profil. Et j'étais beaucoup trop fatigué.
Je fermai de nouveau mes yeux, n'ayant pas la force de faire quoique ce soit d'autres. Seule ma respiration est celle d'Aomine s'entendaient dans cette pièce. Je craignis de m'endormir en sa présence quand il me demanda :
- T'as prévu de faire quelque chose cette après-midi ou tu vas juste dormir ?
- J'avais prévu de faire un tour à la discothèque pour les aider à travailler mais ça dépendra de mon état. Pour l'instant je vais juste dormir, j'ai pas la force de faire quoique ce soit d'autre.
- Ouais, en plus tu t'es réveillé tôt ce matin, il vaut mieux que tu récupères.
- La faute à qui ?
- À ton sommeil léger.
- J'aurais plutôt pensé à l'abruti qui a fait un boucan pas possible dans la salle de bain.
- Je pensais que c'était ton cauchemar qui t'avait réveillé ?
- Mh, mouais aussi, admis-je en faisant la moue.
Il émit un petit son satisfait et passa son bras derrière le dos du canapé avec un sourire narquois. Je levai les yeux au ciel et m'allongeai encore plus profondément dans le canapé. Je bâillai à nouveau, à m'en décrocher la mâchoire.
- Arrête de bâiller c'est contagieux, se plaignit Aomine en essayant d'en bloquer un.
Je me moquai doucement, sentant le sommeil m'emporter petit à petit.
- Bon, je pense que je vais retourner travailler, repose-toi bien.
- Travaille bien, te blesse pas, soufflai-je.
Je n'entendis même pas la porte claquer, Morphée m'avait déjà accepté dans ses bras. Je m'endormis comme un sac, encore tout habillé, sur le lit improvisé d'Aomine.
Je me réveillai quelques heures plus tard. Je pris un moment pour me rappeler qui j'étais, où j'étais, qu'est-ce que je faisais là, et quel jour on était. Quand tout me revint enfin, je me permis de m'asseoir doucement. J'avais le dos en compote mais j'étais définitivement mieux. J'avais juste faim. Un grognement me le confirma. Je me frottai les yeux et m'étirai de tout mon long. Le soleil était presque entièrement couché et après un coup d'œil à mon téléphone je vis qu'il était 17h, c'était fou à quelle vitesse se couchait le soleil au Japon. Je me relevai douloureusement. Ma petite virée chez moi n'avait pas plu à ma jambe. Mais c'était une douleur passagère, je sentais que j'avais encore la capacité de bouger. Et ça tombait bien parce que j'avais toujours prévu de rejoindre Kise et le reste du groupe à la discothèque. Je regardai dans les tiroirs mais je ne voyais rien qui pouvait me remplir rapidement l'estomac sans avoir besoin de cuisiner. Je me pinçai les lèvres en réfléchissant, chose que je faisais rarement, et décidai de prendre à manger sur le chemin.
Je mis donc mes chaussures, enfilai mon manteau, vérifiai que j'avais tout dans mes poches puis je partis. Il faisait frais et des frissons me parcoururent l'épiderme quand le vent se leva. L'air était mouillé et je craignais qu'il pleuve mais de toute manière j'avais une capuche.
Je fis un rapide tour au konbini du coin sans tomber sur la petite tête bleue habituelle. Ce drôle de type. Je pris un paquet de chips goût curry et une banane pour manger un peu équilibré. Je mangeai ce magnifique goûter sur le chemin pour rejoindre le métro. C'était l'heure de pointe où les gens terminaient le travail et j'eus du mal à me faire une place. Ma carrure athlétique me permettait de faire bouger les gens sur mon passage mais une fois dedans, je me sentais très compressé. Mais la station où je m'arrêtais n'était pas fréquentée par les hommes d'affaires donc je n'eus pas à me faire transporter par une foule en furie pour sortir du véhicule. Je marchai encore quelques mètres avant d'arriver devant mon lieu de travail. Finalement, je n'étais venu travailler ici qu'une seule fois, et je me sentais encore un peu tendu à l'idée de retrouver mes collègues.
Pour être parfaitement honnête, je me sentais coupable de ce qu'il s'était passé. Si je n'avais pas réagi comme un pauvre pantin et que j'avais repoussé Nash au moment où je l'avais vu, rien de tout ça ne serait arrivé. Je serais retourné travailler le lendemain et la dispute n'aurait pas eu lieu. La discothèque aurait été en parfait état et Kise et les autres n'auraient pas eu à travailler. Je savais que Nash était celui à blâmer dans cette histoire. Mais au fond de moi, je m'en voulais.
Un panneau avec écrit « fermé » résidait sur la porte. Il y avait des éclats de voix mais je n'entendis pas exactement ce qu'il se disait. Je toquai à la porte pour m'annoncer mais le son d'un marteau vint couvrir le bruit. Je réitérai mon action mais il se produisit la même chose. Je soupirai d'agacement et j'ouvris la porte.
- Désolé on est ferm-
Tous les yeux étaient sur moi. Je détournai les yeux avec gêne, embarrassé de sentir autant d'attention sur moi. Je soufflai un faible « Hey… » en frottant l'arrière de ma tête.
- Kagamicchi ! s'exclama enfin Kise. Mais qu'est-ce que tu fais là ?
Je lançai un regard à Takao, Hayama et Kiyoshi et remarquai que tout le monde avait un grand sourire et un regard bienveillant. Mes lèvres s'étirèrent dans un sourire également et je décrochai ma main de mes cheveux pour l'enfoncer dans la poche de mon pull.
- Je suis venu travailler, quelle question !
Tout le monde ria à mon entrain et ils posèrent ce qu'ils avaient dans leur main pour venir me parler. Je m'avançais dans le centre de la salle en regardant ce lieu en chantier. Ça me faisait bizarre de voir cet endroit aussi vide alors que la seule fois où je l'ai vu il était encore rempli de tables, chaises, accessoires pour les verres et pour les remplir, de la peinture sur les murs… Il y avait encore beaucoup de travail mais ils avaient déjà enlevé tout ce qu'ils voulaient, c'était un début.
- Shin-chan t'as autorisé à travailler ? me questionna Takao.
Je me tournai vers lui avec surprise, encore coincé dans mes pensées. Puis après un temps de compréhension je fronçais les sourcils :
- C'est qui « Shin-chan » ?
- Midorima Shintaro, c'est ton docteur, non ?
- Oh ! Ah, oui, c'est mon docteur… Il m'a conseillé de rester le plus longtemps possible sans bouger, mais je sens que je vais déjà mieux puis il faut bien que je rapporte ma pierre à l'édifice, je travaille ici aussi maintenant.
- Bien sûr que tu travailles ici, tu n'as pas besoin de mettre ta blessure en danger pour nous le prouver, s'enquit Kiyoshi.
- Il a raison, Kagamicchi ! Tu devrais écouter les conseils de Midormiacchi !
Pourquoi tout le monde appelait Midormia aussi familièrement ?
- Vous en faites pas, je sais ce que je fais, puis si je me sens mal j'irai m'asseoir dans un coin en attendant que ça passe.
Je voyais leurs yeux hésitants et je commençai à m'inquiéter de me faire virer et devoir rester sur ce canapé encore toute la soirée.
- Allez les gars, ça fait des jours que je marche pas, c'est juste pour quelques minutes !
Kise soupira et abandonna :
- Bon, d'accord, de toute façon, maintenant que tu es ici je vais pas te renvoyer… Mais promets-moi de te poser dès que ça ne va plus.
- Promis.
Il replaça rapidement son sourire enjoué comme s'il n'était pas en train de me disputer il y a quelques minutes. Il changeait vite d'humeur, ça me perturbait un peu.
- Parfait ! Je vais te chercher une tenue de ce pas !
Il revint avec un ensemble bleu foncé. Takao en avait un orange, Kiyoshi était en violet, Hayama en gris et Kise en bleu plus clair, azur. Je rejoignis Takao pour l'aider à peindre le haut du mur parce qu'il avait un peu de mal avec sa petite taille. Nous étalâmes la peinture en silence pour commencer, légèrement dérangé par la perceuse de Kise. Kiyoshi et Hayama faisaient l'autre bout de notre mur en silence également. Puis quand Kise arrêta enfin ses travaux, mes deux collègues d'en face se mirent à parler donc je me décidai à faire de même.
- Hey, Takao.
- Ouaip ?
- Pourquoi tu appelles le docteur Midorima aussi familièrement ? Vous vous connaissez ?
- Ah, ça ! ria-t-il. On se connait un peu, oui. C'est une longue histoire mais je peux te faire un petit résumé si tu veux.
- Je veux bien, pourquoi pas.
- On s'est rencontré il y a quelques années, parce que nos sœurs allaient dans la même école. C'était la seule personne de mon âge qui était là à chaque fois donc j'ai décidé d'aller lui parler. Je peux dire que taper la discussion ce n'est pas trop dans ses habitudes et il y a eu plein de blancs super gênants !
Il se plaignait mais en même temps il avait un grand sourire comme s'il se rappelait de bons vieux souvenirs. Sa bonne humeur était contagieuse et je me retrouvai aussi avec les lèvres étirées, à l'attente de la suite.
- Puis avec le temps on a découvert qu'on avait Aomine en connaissance en commun et ça nous a un peu rapprochés. En tout cas, il était plus ouvert à la discussion. Puis à force de parler et parler j'ai appris à le connaître et maintenant on est ami. On se voit parfois en dehors des jours où on va chercher nos sœurs mais ça reste difficile parce qu'on n'a pas vraiment un emploi du temps qui se concorde.
- Ouais, c'est sûr, il commence quand tu termines et inversement…
- Ouais, c'est dommage… Mais on s'en sort quand même, puis je peux toujours lui écrire de temps en temps. Même s'il est pire en dialogue par message qu'en vrai, haha !
Je ris avec lui. Il était bon vivre et, tout comme Kise, de bonnes ondes émanaient de lui. La bonne humeur et les conversations n'étaient pas vraiment dans mes qualités mais j'imaginais que c'était plutôt important dans le métier de barman. Alors qu'on s'attend moins d'un vigile qu'il nous tape la discute avant d'entrer. Définitivement, moins je communiquais dans mon travail, mieux c'était.
- Oh, d'ailleurs, reprit Takao qui n'en avait apparemment pas fini de me parler de Midorima. Tu vois le jour où tu es venu travailler ?
- Ouais, je me souviens. Tu avais dû partir en avance, non ?
- Exact ! Ma sœur était tombée dans les marches en voulant chercher un verre d'eau et elle s'est cassé le nez-
- Oh merde ! le coupai-je, inquiet. Elle va bien ?
- Oui, oui, ne t'en fais pas ! Elle a eu mal sur le moment mais l'hôpital l'a prise en charge et maintenant elle se repose tranquillement à la maison. Elle est même plutôt contente parce qu'elle reçoit plein de cadeaux de ses copines et qu'elle n'a pas besoin d'aller en cours ! Enfin, bref… Elle est allée à l'hôpital et tout le blabla et DEVINE QUI M'A ÉCRIT LE LENDEMAIN ?
- Midorima ?
- Oui ! Alors qu'il n'écrit jamais le premier message habituellement ! Il a vu mon nom de famille dans un registre et il s'est inquiété. T'imagines ? Il a dit qu'il s'inquiétait !
J'émis un petit rire décontenancé. Je ne comprenais pas ce qui le rendait si heureux mais j'avais vraiment l'impression qu'ils étaient vraiment proches. Quoiqu'il en soit, Takao avait l'air d'avoir beaucoup d'affection pour le vert. Je vins à me demander si ce n'était que de l'amitié parce qu'il semblait donner beaucoup d'importance à cette relation mais je décidai de garder cette idée pour moi, je ne pouvais pas juger trop vite.
- Salut la compagnie, fit une voix grave et nonchalante dans mon dos.
Je me tournai en sachant déjà sur qui j'allais tomber, et ça ne manqua pas : Aomine se tenait dans l'entrée. Il amena avec lui un vent frisquet et une odeur de cigarette. Il lança un regard circulaire à la salle et s'arrêta sur moi. La puissance de son regard me déstabilisa quelques secondes avant que je reprenne contenance en le saluant d'un signe de tête tandis que Kise criait son nom.
- Comment ça va ? lui demanda-t-il en le rejoignant.
- Bien, bien… Vous faites la peinture ?
- Comme tu peux le voir, sourit Kise en posant les poings sur ses hanches.
- Cool.
Il fit un signe de tête vers moi puis descendit les yeux sur ma jambe. Je compris sa question muette et levai mon pouce pour toute réponse. Il hocha la tête, satisfait de ma réponse. Il inspira profondément et tapa ses mains l'une dans l'autre.
- Bon ! Donne-moi un ensemble, je vais vous aider.
- Vraiment ?! Trop bien ! En noir, ça te va ?
- Comme si j'en avais quelque chose à faire, sérieux…
Cette réponse suffit au jaune qui s'en alla chercher un habit qu'il donna au bleu. Les duos étaient maintenant : Kiyoshi et Hayama, Kise et Aomine, puis Takao et moi. Tout se passa tranquillement et dans l'amusement jusqu'à ce qu'on entende des cris de l'autre côté. En effet, Aomine et Kise se prenaient le chou.
- Mais arrête de faire des ronds avec le pinceau, ça se voit sur le mur après ! Fais des lignes droites ! s'exclama Kise en montrant l'exemple.
- Mais c'est juste que j'économise la peinture, regarde il y en a encore plein sur ton pinceau quand tu le replonges !
- On s'en fiche de la quantité qu'on utilise, je veux de la qualité !
- De la qualité, mon cul ! T'aurais déjà pu choisir une autre couleur ! La discothèque est déjà super sombre de base, si tu mets du noir les gens vont se prendre les murs ! Tu feras moins le malin quand ils te créeront une fenêtre à force de se le prendre !
Nous rigolâmes tous à cet argument insensé sauf les deux concernés qui continuaient à se chamailler. Plus leur dispute avançait, moins ça avait de sens. On admirait ce conflit incompréhensible en rigolant.
- C'est toujours comme ça avec eux, m'informa Takao.
On continua de peindre en rigolant aux chamailleries des deux autres. Je n'imaginais pas Kise aussi colérique mais apparemment quand Aomine décide de faire tourner quelqu'un en bourrique il y parvient à tous les coups. Un emmerdeur de première. J'étais bien placé pour le dire. Il n'empêche, je dis ça mais tout à l'heure chez moi il a été d'une patience et d'un calme que je ne lui connaissais pas. Forcément, il a dû me prendre en pitié mais je connais certaines personnes qui ne l'auraient pas fait. Mais même avant aujourd'hui, son inquiétude quotidienne pour ma jambe prouvait qu'il avait un bon fond. Enfin, je l'espère. C'était une personne complexe et je sentais que j'allais avoir du mal à le comprendre même après un long moment passé à ses côtés.
L'ambiance était bonne enfant. On rigolait tous, on buvait aussi de nombreuses bières parce qu'Aomine s'était exclamé : « Elle est où la récompense de ma présence ? » et comme par miracle Kise avait apporté tout son stock d'alcool. Bon, j'abuse un peu, mais il y en avait vraiment beaucoup et j'avoue que j'eus du mal à m'arrêter d'en prendre. Surtout qu'au début j'avais décidé de suivre la descente d'Aomine qui malheureusement était une chute sans fin. Il avait définitivement plus d'expérience que moi dans ce domaine. Et il fallait dire que je n'aimais pas trop l'alcool, en tout cas pas au point d'en prendre autant tous les week-ends. Une bière par jour était amplement suffisant.
Même après avoir terminé la peinture, nous prîmes encore trente bonnes minutes pour tout remballer. Kise exposa sa vision de ce qu'il voulait faire à Aomine qui critiquait à peu près tout. Nous parlâmes d'Halloween qui approchait, aussi. Apparemment tous les membres de la discothèque voulaient participer et chacun parlait de son déguisement. Kise souhaiter être un vampire, ce qu'Aomine jugea comme pas original, Takao voulait être un squelette, Hayama un pirate, et Kiyoshi un loup-garou, sous les conseils de Kise.
- Au lieu de tous nous critiquer, tu serais quoi, Aominecchi ?
- J'sais pas moi, j'ai pas l'intention de participer de toute façon.
- Et toi, Kagami ? s'enquit Hayama.
- Je sais pas non plus, je suis pas très fan des déguisements…
- En clown tueur, il a déjà les cheveux, se moqua Aomine.
Je lui lançais un regard noir et il haussa un sourcil en réponse, me lançant le défi de faire quelque chose. Je relevai la tête, prêt à lui lancer la pique du siècle mais Kise me coupa avant.
- Tu pourrais être le Joker, faut juste que tu te fasses une teinture.
- Demande ça à Midorima plutôt.
Il leva les yeux au ciel puis sourit et les reposa sur Takao.
- Comme ça tu te déguises en Harley Queen et moi je me déguise en squelette.
Le plus petit secoua la tête en rigolant. Je mis quelques secondes à faire le rapprochement à cause de l'alcool.
- Harley Queen c'est pas la petite-amie du Joker ?
- Kagami arrive sur Terre, attention, se moqua à nouveau Aomine.
- La ferme, toi, répliquai-je.
- Il rigole, je me déguiserai jamais en Harley Queen. Puis de toute façon Shin-chan travaille pendant Halloween.
- Est-ce qu'il y a des jours où il travaille pas en même temps…
- T'es mal placé pour dire ça.
- J'ai des week-ends ! s'énerva le bleu.
- Midorimacchi aussi.
Il leva les yeux au ciel en s'ouvrant une nouvelle bière. Kise soupira et Hayama laissa échapper un rire, il avait l'air vraiment friand de leurs joutes verbales. Comment ne pas l'être en même temps ? C'était drôle de voir Aomine énerver les gens, du moment que ça n'était pas moi.
- C'est ta combientième bière ? demanda Kiyoshi.
- J'sais plus. Mais pas assez pour que je sois soûle.
- J'espère bien, il faut pas que tu finisses bourré, tu dois encore rentrer chez toi et te faire à manger, lui rappela le blond.
- T'en fais pas pour ça, je rentre en métro et c'est Kagami qui cuisine.
- T'as pas accepté qu'il vienne chez toi pour l'exploiter, non plus !
- Je l'exploite pas ! s'emporta Aomine.
- Nan, vraiment, il m'exploite pas, c'est mieux comme ça, je préfère ne pas m'empoisonner avec sa nourriture, affirmai-je.
- Tu vois ? Toujours à me critiquer de toute façon, se plaignit-il en prenant une nouvelle gorgée.
- C'est culotté de ta part, intervint Takao.
Il le foudroya du regard mais ça n'impressionna pas le noiraud qui continuait de le défier du regard. Je pensais qu'Aomine était seulement très proche de Kise, mais quand je le voyais interagir comme je me rendais compte qu'il était bien plus ami avec le reste du groupe que ce que je pensais. J'étais vraiment l'intrus ici. Cette pensée fugace suffit pour me déstabiliser un moment.
Mais un bras passé autour de mes épaules me ramena sur Terre. Je regardai ce bras à la main mate et appartenant à cet homme au profil froid mais décontracté. Sourcils froncés, nez droit, lèvres charnues, mâchoire prononcée… Et yeux bleu roi, nuancés plus clairs autour de l'iris, froid, triste, mélancolique mais fort et protecteur.
- On y va Kagami ? demanda-t-il en se tournant vers moi.
Je fus obligé d'arrêter ma contemplation à cause de la proximité de nos visages. Je ne l'avais jamais vu d'aussi près, il avait une beauté pesante, qui faisait accélérer mon cœur mais ralentir mon souffle. Je reculai mon visage du sien avec gêne.
- Allons-y.
Nous rejoignîmes le froid sec de la nuit. Nous étions en automne mais l'air frais pointait déjà le bout de son nez. Le vent piquait ma peau à découvert et je ne pus retenir un frisson qui fit frémir tout mon corps. Aomine, qui était toujours accroché à moi, le remarqua et m'interrogea du regard.
- T'as froid ?
- Un peu, ouais, prononçais-je entre mes dents serrées pour éviter qu'elles claquent.
- T'aurais dû prendre un manteau plus chaud.
- Ouais, dans mon immense garde-robe, ironisai-je parce que je n'avais presque aucun habit à moi chez Aomine.
- La tienne, non. Mais la mienne, oui. J'ai remarqué que t'avais commencé à voler mes pulls.
- Je ne les vole pas, je te les rends. Puis à partir du moment où je fais tes lessives, je considère que j'ai le droit de t'en piquer un ou deux.
- Tu sais faire des lessives, toi ?
- Nan, sans blague, j'ai quand même vécu tout seul pendant les trois-quarts de ma vie.
- Ça veut rien dire. Je connais des gens qui vivent tout seuls et qui sont pas des pros du ménage.
- Tu parles de toi là, fais pas semblant.
- Tu sais pas si je fais bien du ménage, tu m'as jamais vu le faire !
- Justement, les gens qui font bien le ménage le font régulièrement.
- Je ne te connaissais pas donneurs de leçons, ça fait un nouveau trait de ta personnalité que je déteste.
- J'imagine qu'avec ton cerveau de moineau c'est pas dans tes capacités de donner des leçons.
- Cerveau de moineau ? T'es mal placé pour me dire ça, baka.
- Tu penses que je suis aussi bête que toi ? Tu te berces d'illusions !
- Je sais bien que tu n'es pas aussi bête que moi, vu que tu l'es plus.
- On va se battre, mec.
- J't'attends.
Il me sourit et enleva son bras d'autour de ma nuque et se mit en position de combat. Je l'imitai et nous retrouvâmes en face à face, les poings serrés à hauteur de notre front, au beau milieu d'un arrêt du métro.
- Tu sais te battre, Kagami ?
- I'm from America, of course I know how to fight.
Il baissa sa garde à cause de son incompréhension et j'en profitai pour lancer mon poing en direction de sa mâchoire. Malheureusement, j'avais sous-estimé ses réflexes et il m'évita in extremis. En moins de temps qu'il en faut pour le dire, il mit une main sur mon épaule et l'autre sur mon poignet pour me passer mon bras dans le dos et me faire une clé de bras. Dans la manœuvre, il pressa l'arrière de mon genou avec le sien et me fit tomber au sol.
- Ne jamais sous-estimé un policier, chuchota-t-il dans le creux de mon oreille.
J'en eus le souffle coupé. C'était vraiment impressionnant, il avait effectué ces gestes avec une telle fluidité, ça se sentait qu'il était un policier. Son corps au-dessus du mien, collé au sol, j'en avais des frissons. Mais je me repris vite en main, il ne fallait pas qu'il aperçoive mon trouble.
- Tu peux me lâcher, maintenant ? Parce que je peux te dire que le sol du métro n'est vraiment pas propre.
Il rit avec fierté et me lâcha. Je me relevai par moi-même parce qu'il n'avait apparemment pas l'intention de me tendre la main pour m'aider. Au même moment j'entendis des pas rapides se dirigeaient vers nous. Je relevai la tête et découvris deux policiers.
- Hey ! Vous deux ! C'est interdit de se battre dans un lieu pu… Aomine ?
Je regardai tour à tour le grand brun qui venait de parler puis Aomine. Ce dernier se détendit en reconnaissant la personne.
- Hey Susa ! Qu'est-ce que tu fais ici ? T'es de nuit ?
- Nan, mais je dois faire un peu d'heures sup' pour pardonner mon retard de ce matin.
- T'étais en retard ? De combien de temps ?
- Bah, j'ai dû arriver vers midi, quelque chose comme ça… T'avais pas remarqué ?
- Oh, moi, tu sais, je fais pas très attention à qui est là ou pas…
- Ben quand même ! J'étais pas là pendant la moitié de la journée ! s'exclama l'édit Susa avec un air affligé sur le visage.
Aomine, dans sa nonchalance habituelle, haussa les épaules avec un air ennuyé sur le visage. Il avait vraiment l'air de se préoccuper de rien.
- Et pourquoi t'étais pas là ce matin pendant autant de temps ? T'as loupé le réveil ?
L'autre policier pouffa à sa proposition alors qu'Aomine semblait on ne peut plus sérieux. Quatre heures de retard au boulot à cause d'un réveil, il fallait vraiment le faire exprès.
- Nan, j'étais à l'hôpital, répondit-il en lui lançant un regard complice.
Aomine fronça les sourcils au début puis l'information remonta à son cerveau et il rejoignit son collègue dans un sourire. J'étais complètement perdu. Depuis quand les gens sont contents quand ils vont à l'hôpital ?
- Pour ta sœur ?
Il acquiesça avec enjouement et ça m'inquiéta encore plus, ce type était-il un psychopathe ? Il est heureux que sa sœur soit à l'hôpital ? Dois-je m'inquiéter et fuir cette conversation ?
- Et l'accouchement s'est bien passé ?
Ah… Ouais, c'était logique. Maintenant qu'il le disait… Mais je ne pouvais pas deviner, moi ! Bon, j'aurais pu m'en douter mais j'étais trop fatigué pour réfléchir. Ne pouvait-il pas directement dire qu'il était tonton au lieu de tourner autour du pot ? Normal que je me questionne sur sa santé mentale, son sourire faisait peur ! Quand un policier parle de l'hôpital c'est rarement pour de bonnes nouvelles. Quoique, quand n'importe qui parle de l'hôpital c'est souvent pour de mauvaises nouvelles.
- Kagami ?
Je relevai la tête et tombai dans les yeux d'Aomine qui me dévisageait. Je regardai rapidement autour de moi et je remarquai qu'ils avaient continué de parler et que je n'avais rien entendu. Oh, mince, et s'ils avaient parlé de moi sans que je les écoute ?
- Vous disiez quoi ?
- Tu tiens vraiment pas l'alcool, mon pauvre. J'étais en train de te présenter. Kagami, voici Susa, un collègue policier, et Susa, voici Kagami, un ami.
- Enchanté Kagami, me sourit Susa en me tendant la main.
- De même, enchanté, répondis-je avec une poignée de main.
Aomine m'avait présenté comme son ami. Je pense qu'il n'a pas tellement fait attention aux mots qu'il utilisait. Ses amis étaient Kise, Takao, Hayama et Kiyoshi. Je n'avais rien à faire dans cette liste. Nous nous connaissions depuis peu, alors qu'il connaissait les autres depuis plusieurs années. Peut-être qu'il n'avait pas partagé sa maison avec eux, et que notre intimité le faisait penser à une sorte d'amitié. Mais je ne pense pas qu'il me tienne dans son cœur, je suis juste un colocataire provisoire. Mais maintenant, le fameux Susa va penser que je suis proche de lui. Je devrais potentiellement rétablir la vérité, lui dire que nous sommes de simples connaissances. Mais étions-nous de simples connaissances ? Je veux dire, il a quand même pris sa moto pendant sa pause de midi pour me rejoindre dans mon appartement et me rassurer parce que je paniquais au souvenir de mon ex qu'Aomine a justement envoyé en garde-à-vue. Ouais, peut-être pas de simples connaissances.
- Kagami, dépêche c'est le nôtre ! s'écria le bleuet en s'élançant dans le métro.
J'avais été violemment tiré de mes rêveries et le choc fut brusque. Je fis un signe de main à Susa et rejoignis rapidement cet homme impatient qui me pressait du regard. Je montai juste au moment où les portes se refermaient. Il me jugea du regard et secoua la tête, je fronçai les sourcils et l'interrogeai des yeux face à son apparent jugement envers moi. Ignorant ma question muette, il alla s'asseoir sur un siège et je le rejoignis pour m'installer à côté.
- On a pas fait de leçon d'anglais, avec tout ça…
- On est pas obligé d'en faire tous les jours non plus.
- Bien sûr que si. Comment tu veux t'améliorer si tu côtoies pas la langue tous les jours ?
- Mouais, et tu veux m'apprendre quoi aujourd'hui ?
- Pff… J'sais pas.
- Ah ben super, on est bien avancé avec ça.
Je bâillai un coup en essayant de me rappeler des choses qui étaient importantes en anglais et aux États-Unis. Je me remémorai les discussions que j'avais à l'époque et j'eus une idée :
- Les insultes ?
- Oh, ça devient intéressant. Mais si je commence à insulter les touristes du pays, ça va pas le faire.
- Tu te débrouilles.
- Je dirais que c'est toi qui me l'as appris.
- Pardon ? articulai-je avec une expression choquée. Tu me trahis comme ça ?
- Faut assumer les conséquences de ses actes.
- À la limite je m'en fiche, je dirais que j'étais bourré.
Il ricana. Nous commençâmes la leçon et je remarquai qu'il avait bizarrement beaucoup plus de facilité à dire les mots grossiers que le vocabulaire que je lui apprends d'habitude. Tous les passagers nous regardaient de travers mais je m'en fichais. C'était amusant parce qu'on utilisait des exemples de choses ou de personnes que nous pouvions insulter et il se mettait à s'énerver contre toutes les choses qui lui passait par la tête. En revanche c'était moins amusant quand il s'est mis à m'insulter. Et comme d'habitude nous avons fini par nous battre… nous battre oralement, pas physiquement, j'avais bien compris qu'il était meilleur que moi en bagarre tout à l'heure. Je ne m'annoncerai pas vaincu devant lui, mais je devais reconnaître que son niveau était très légèrement supérieur au mien.
Nous sortîmes enfin, sous le regard noir de tous les autres voyageurs. L'air humide me frappa à nouveau et des frissons me parcoururent l'échine. J'aurais vraiment dû prendre un manteau. Je m'accoudai quelques minutes à la rampe en haut des marches. Je sentais que ma journée productive commençait à me donner certains symptômes indésirables.
- T'as mal à la jambe ? Tu veux qu'on rentre en taxi ?
- Non, on est juste à côté de chez toi, ça sert à rien.
- Je préfère rentrer en taxi que devoir te porter ou appeler l'hôpital.
Je soupirai, il n'avait pas tort et ça m'énervait, je me rendais une nouvelle fois compte de mon incapacité à faire une activité physique régulière.
- Ok, mais c'est moi qui paye.
- On verra bien.
- Aomine !
Il haussa les épaules et sortit son téléphone pour appeler la centrale de réservation la plus proche. Je m'asseyais sur un petit muret en pierre et frissonnai en attendant que le taxi arrive. Aomine me rejoignit quelques minutes après en sortant une cigarette.
- Dans dix minutes, ça te va ?
- Ouais.
Il prit son briquet et alluma le bout de sa cigarette, une main l'encerclant pour ne pas que le vent éteigne la mèche. Il inspira une taffe et l'expira du côté inverse du mien. Il avait dû comprendre que l'odeur de la fumée me dérangeait, alors il avait agi en conséquence. Ce n'était peut-être rien, mais ça me fit plaisir.
- Tu veux mon briquet pour te réchauffer ? se moqua-t-il alors qu'un nouveau frisson me parcourut.
- C'est ça, ouais, et je vais faire du feu comme les hommes préhistoriques aussi ?
- Si tu veux, t'as déjà le cerveau d'un homme préhistorique après tout.
- La ferme, t'es mal placé pour me dire ça « monsieur je sais pas parler anglais ».
- Tu crois que l'anglais ça existait à la préhistoire, ducon ?
- Qu'est-ce que t'en sais ? Ça se trouve ils parlaient anglais.
- Mais n'importe quoi, ils faisaient des dessins dans des grottes pour communiquer !
- Mais t'es con ou quoi ? Ils vont pas faire des dessins pour dire « casse-toi de là, y'a un bison qui te fonce dessus » !
- En même temps t'as pas besoin de le dire ça, je pense que tu le remarques assez rapidement quand il y a un bison qui te fonce dessus.
- Nan, mais t'as compris ce que je voulais dire…
- Mouais, réflexion de merde encore une fois.
- Ta bouche. J'ai raison, tu veux juste pas l'avouer.
- Nan, j'ai raison et c'est toi qui veux pas l'avouer.
- Vas-y, crois en ton rêve, on sait qui a raison.
- Et c'est évidemment moi.
Il inhala la nicotine et recracha la fumée. Je voulais lui dire que fumer aussi souvent était inquiétant pour sa santé mais je pense qu'il en était conscient. Il mit un son auriculaire dans l'oreille en bâillant.
- Arrête de bâiller c'est contagieux, me plaignis-je en l'imitant.
- Faible nature.
Je lui envoyai mon poing dans l'épaule et je le fis bouger même si j'avais senti qu'il avait des muscles plutôt saillants. À quoi ressemblait son corps ? Ses habits amples m'avaient fait penser qu'il était un peu grassouillet mais en le tenant par la taille à moto, j'avais compris que je m'étais trompé. Il prétendait être invincible au basket, c'est qu'il devait être athlétique.
- Tu regardes quoi, là ?
Je revins à la réalité en remarquant que mon regard s'était posé sur ses cuisses pendant que je réfléchissais. Mes joues s'échauffèrent quand je rejoins ses yeux.
- Nan, mais- C'est pas ce que tu crois ! Je réfléchissais, j'ai pas fait attention à où allait mon regard.
- Tu réfléchissais ? Ça t'arrive de réfléchir ?
- Ahah, ris-je jaune. Trop drôle.
- Je sais, encore quelque chose où je suis meilleur que toi.
- Je suis bien plus drôle que toi.
- Ah ouais ? Et pourquoi tout le monde rigolait quand je disais quelque chose, tout à l'heure ?
- On se moque de ta débilité.
- T'es cent fois plus débile que moi et pourtant personne ne rigole quand tu parles.
- Je suis plus intelligent que toi et je fais rire les gens que quand je le veux.
- Tu vois, moi j'ai même pas besoin de me forcer pour faire rire les autres.
- T'es vraiment un-
- La ferme, le taxi est là.
- Tu me dis pas de la fermer comme ç-
Il n'attendit même pas la fin de ma phrase et il rejoignit la voiture qui venait de se garer en face de nous. Il grimpa à gauche et je me mis à droite, derrière le conducteur. Aomine indiqua son adresse et la voiture démarra. Un nouveau bâillement m'échappa. C'est fou comme les sièges étaient agréables. Je reposais ma tête en arrière avec un gémissement de contentement. Il ne fallait pas que je ferme les yeux sinon j'allais m'endormir.
- Ah, ouais, Kagami, il faut pas que t'oublies de prévenir ton avocat pour ton hacking, la police voudra sûrement examiner ton téléphone.
- Mh… Ouais… Il faut que je fasse ça…
- Tu m'as entendu ?
- Ça doit être ça…
Je baillai une dernière fois et fermai mes yeux. Je ne les rouvris plus pendant une bonne dizaine de minutes.
- …gami. Kagami !
- Ah ?
- On est arrivé, sors de là.
Je repris conscience en regardant autour de moi. Un siège, une voiture, une porte ouverte, le bitume… Oh, merde je m'étais vraiment endormi. Je palpai mes poches pour trouver mon argent quand Aomine m'arrêta :
- J'ai déjà payé, c'est bon.
- Hein ? Mais j'ai dit que je voulais le faire, le réprimai-je en sortant du taxi.
- T'avais qu'à rester éveillé.
Je pris le chemin jusqu'à la porte de chez Aomine mais des points noirs vinrent cacher ma vue et me firent tituber. Aomine se retourna rapidement en sentant qu'il y avait du mouvement derrière lui. Il me prit par le bras et me le passa derrière son cou.
- Je peux marcher tout seul, me plaignis-je.
- Tu peux surtout tomber tout seul, et c'est pas très conseillé.
Je grognai mais acceptai sa présence et avançai avec lui. Son odeur enivrante venait chatouiller mes narines et je ne pus me retenir d'inspirer longuement pour le sentir le plus possible. On s'arrêta et Aomine sortit ses clés d'une main, l'autre étant dans mon dos.
- J'ai faim…
- Moi aussi, je crève la dalle. Le problème c'est que t'es plus trop en état de cuisiner et je pourrais jamais nous faire un repas comme toi.
- T'es trop nul, le jugeai-je.
- Je te retourne le compliment, me répondit-il en enlevant prestement mon bras de ses épaules pour que j'enlève mes chaussures dans l'entrée.
Je rejoignis le canapé, mon endroit favori, et m'y étendis de tout mon long. Je posai ma tête sur l'oreiller qu'Aomine utilisait pour dormir. Il était moelleux, un peu rêche, mais confortable. Et surtout, il avait l'odeur d'Aomine. Je collai mon nez contre ce nuage et inspirai à pleins poumons le parfum épicé de cet homme. C'était une odeur qui me plaisait tellement, je ne saurais pas l'exprimer mais j'avais l'impression que ça répondait entièrement à mes sens olfactifs. C'était une odeur que je voulais sentir à l'infini.
- Tu vas rester longtemps à renifler mon oreiller ?
Je retirai mon nez de cet objet du bonheur avec regret. Je me redressai lentement et vis tout de même des taches noires me bouchant la vue. Mes yeux fonctionnèrent à nouveau après un certain moment et je pus apercevoir Aomine, appuyé sur le comptoir, avec tous les placards ouverts derrière lui. Le pli sur son front m'indiquait son agacement.
- Y'a un problème ?
- 'Tain, on est pas sorti de l'auberge avec toi…
- Pourquoi ?
- J't'ai demandé pour que tu cuisines avec moi, mais dans l'état où tu es, ça va pas le faire.
- Mais si… Fais confiance à chef Kagami !
Je me levai de mon paradis en cuir pour rejoindre mon apprenti cuisinier qui avait l'air perdu dans ses aliments. Je m'assis sur le comptoir et observai la nourriture sur le plan de travail.
- What you gonna do ?
- Hein ?
- Qu'est-ce que tu vas faire ? traduisis-je.
- Ah, euh… Du riz ?
- Ouais… Jusque-là ça me parait logique.
- Avec des légumes ?
- Ok, ris-je à son air dubitatif. Et ça s'appelle comment ?
- Un takikomi gohan.
- Oh, c'est intéressant ! Tu as tout ce qu'il faut ?
Il se mit à compter ses ingrédients et vérifia rapidement s'il avait les bonnes quantités avec mes conseils.
- Et tu commences par quoi ?
- Je rince le riz ! s'exclama-t-il en tapant dans ses mains, tout content de connaître les étapes.
- Attends ! Est-ce que tu t'es lavé les mains ?
- Ah ! Non… Mais c'est pas grave, elles sont pas sales, répliqua-t-il en détaillant ses mains.
- Tu le vois pas mais elles sont sales de la peinture, du métro, du taxi, et de toutes les autres choses que tu as touchées dans la journée.
- Pff… Ouais, bon, si ça te fait plaisir.
Il suivit mon ordre et commença le repas sous mes conseils et mes commandements. Je fus surpris de sa médiocrité culinaire. J'avais frôlé des crises cardiaques à de nombreuses occasions et Aomine n'arrêtait pas d'agir comme si tout était sous contrôle. Il n'était pas mauvais dans la théorie, mais dans la pratique il était beaucoup trop maladroit et imprudent. C'était miraculeux que la maison n'ait pas brulé depuis tout ce temps. Je comprenais mieux la tonne d'emballages de repas tout-faits qu'il y avait sur la table basse du salon, mieux valait qu'il se tienne loin d'un plan de travail. Nous mîmes les couverts et nous remplîmes nos assiettes pour pouvoir enfin manger et remplir nos ventres vides.
- C'était rude, mais je suis fier de moi, se félicita-t-il en posant ses mains sur ses hanches.
- Moi aussi je suis fier de moi, c'était pas gagné.
C'était un miracle d'avoir réussi à le maitriser. On allait soit finir empoisonné soit la maison allait brûler.
- Dis tout de suite que je suis nul ! s'offusqua-t-il.
- T'es nul.
Il poussa un cri étouffé et fit semblant de me lancer un verre au visage. Je ris de sa réaction et il en fit de même. Je ne savais pas trop pourquoi mais je me sentais vraiment euphorique tout d'un coup. Et Aomine aussi paraissait plus détendu. Une voix au fond de moi me disait que c'était à cause de l'alcool mais je ne voulais pas croire que j'avais tant bu. On se mit à table et nous goutâmes le plat préparé par mon apprenti cuisinier.
- Le riz est trop cuit, les légumes aussi, il y a que la viande qui est bien, analysai-je.
- Gnagnagna… Jamais content.
- Je suis très content quand c'est moi qui cuisine.
- Oh, 'scuse nous Monsieur Je-sais-parler-anglais-et-cuisiner !
- Je t'excuse.
- C'était ironique, baka.
- I know, Aho.
Il fronça les sourcils, dans l'incompréhension face à ce que je venais de dire. Je fis un sourire vantard, bien content de savoir faire quelque chose mieux que lui. Il comprit ma réaction et leva les yeux au ciel et prenant une nouvelle bouchée de shiitakés trop cuits.
- Et sinon, ta journée de travail ? demandai-je.
Il inspira en cherchant une réponse à me donner puis expira en réalisant qu'il n'y avait rien à dire. J'observai cette réflexion interne en enfournant du riz dans ma bouche. Il ne lâcha pas son plat des yeux tandis qu'il cherchait toujours une réponse à ma question.
- Punaise, je savais pas que ma question était aussi compliquée.
- Nan, mais j'essaie de me souvenir de ma journée, sauf qu'il ne s'est tellement rien passé que je m'en rappelle plus. Juste un collègue qui m'a fait chier mais ça c'est tous les jours…
- Même un truc tout nul, quelque chose qui t'as fait réfléchir, j'en sais rien moi !
- Nan, y'a rien, soupira-t-il.
- Bon. J'avoue que j'aurais dû me douter que tu ne réfléchissais pas au travail, ça aurait été trop demander.
- Eh, ça veut dire quoi, ça ? s'emporta-t-il.
- Ça veut dire que t'es con et que tu ne réfléchis pas.
- Sacrément culotté.
- J'réfléchis !
- Tellement que tu te retrouves à devoir m'appeler parce que tu fais une crise de panique dans ton ancienne maison alors que tu n'y es pas retourné depuis plus d'une semaine parce que tu savais très bien que tu allais angoisser comme tu l'as fait.
- Fallait bien que j'y retourne un jour !
- Tu t'es pas dit que tu pouvais attendre que le sang soit nettoyé ou y aller accompagné ?
- En même temps si le type qui me sert de coloc m'avait montré un peu d'empathie ce matin, peut-être que j'aurais pas fait cette décision !
Un silence pesant me répondit. Je venais clairement de lui dire que c'était à cause de lui que j'avais voulu retourner chez moi et que donc j'avais fait cette crise de panique. Il mâcha avec virulence et se tourna à demi vers moi pour me répondre.
- Si tu veux de l'empathie, c'est pas vers moi que tu dois te tourner.
- Ah ouais ? Et je me tourne vers qui alors ? Mon père ? Mon petit-copain ? demandai-je sarcastiquement.
Il secoua la tête tandis que je le dévisageai en fronçant les sourcils. Il était bien marrant à me dire ça comme si je ne le savais pas. Ce n'est pas une personne vers qui se tourner quand on cherche de l'empathie, c'est sûr, mais s'il n'y a personne d'autre à qui je peux parler comme je l'ai fait ce matin, vers qui je me tourne ? Puis, même s'il ne fait pas preuve d'empathie, il a quand même souvent été là quand j'en avais besoin : chez moi pour me sauver de Nash, à l'hôpital pour me tenir compagnie, ici pour s'occuper de ma blessure, chez moi pour me rassurer… C'est normal qu'instinctivement je vais vers lui quand je vais mal.
- Tu te tournes vers Kise, quelle question ! Vers qui je me tournais après mon coma ?
- Qu'est-ce que j'en sais ? Tu ne m'as pas parlé de cette partie de ta vie.
- C'est trop tôt pour que je te le raconte.
- Parce que ce que l'on s'est raconté la dernière fois, c'était pas trop tôt ?
- Si, bien trop tôt. Mais justement cette fois je vais pas réitérer l'expérience.
- Parce que tu regrettes la dernière fois ?
- Pas vraiment, ça me laisse indifférent, j'ai juste suivi le mouvement. Puis comme ça j'ai pas à m'expliquer sur tous mes agissements. À part pour ce matin, apparemment.
- C'est bon, j'ai compris, je ne compte pas sur toi quand j'ai besoin qu'on me remonte le moral, citai-je en faisant la moue.
-Tu vois que t'as compris. Je vais prendre des bières, t'en veux une ?
- Mh.
Cette conclusion ne me plaisait pas. Il pouvait bien fournir un effort pour au moins me dire un mot pour me réconforter, non ? C'était trop ? Il ne savait pas le faire ? Enfin, ça ne servait à rien de forcer, à part me faire encore plus de mal. La prochaine fois j'irai parler de mes problèmes à Kise.
Je bus rageusement la bière qu'Aomine venait de poser devant moi. C'était peut-être exagéré d'en reprendre encore une mais je ne me sentais pas bourré, c'est que ça devait le faire. Pourtant, le fait que j'eus soudainement chaud alors qu'on était en automne en fin de soirée, aurait dû me mettre la puce à l'oreille.
- T'as encore faim ? me demanda Aomine.
Je me tournai vers lui alors qu'il récupérait les assiettes sur la table basse. De profil. Il était beau. Vraiment beau. Je ne savais pas comment ça se faisait mais sa bouche me parut tout à coup très attirante. Ses lèvres étaient bien arrondies, douces, molles. Bien appétissantes.
- Kagami ? Tu veux manger quelque chose ? répéta-t-il.
- Toi, répondis-je de but en blanc.
Il fronça immédiatement les sourcils et me dévisagea avec un air choqué. Sa tête était à pleurer de rire, il avait l'air tellement désemparé !
Un rire incontrôlable m'échappa. Je mis ma main devant ma bouche pour essayer de me contenir mais rien n'y faisait, son regard perdu était la chose la plus comique que j'avais vue de toute la journée. Il arqua un sourcil en me voyant me tenir les abdos sous la puissance de mon hilarité.
- « Toi, supplément ketchup s'il te plaît », répétais-je en suffoquant de rire.
Je m'esclaffai une fois de plus en me remémorant la scène.
- T'as vraiment beaucoup trop bu, toi.
Je secouai la tête avec des larmes aux yeux. Je n'arrivais plus à m'arrêter et j'étais pris de soubresaut alors que mon rire resté coincé dans ma gorge.
- Ah si si, je t'assure que tu as trop bu. C'était même pas drôle en plus. Je vais terminer ta bière si ça te dérange pas…
- Hey ! C'est la mienne ! me plaignis-je en reprenant ma bouteille avant de la serrer dans mes bras.
- Oh, punaise, si je savais que tu étais aussi atteint, je ne t'en aurais pas donné une nouvelle.
- Atteins de quoi ? Je suis même pas bourré.
- Non, non, Kagami tu n'es pas bourré. Tu es simplement en train de pleurer de rire tout en tenant une bière dans tes bras comme si c'était un doudou.
- Ouais voilà, je suis pas bourré.
Il claqua sa langue à son palais avant d'insérer son bras entre mes biceps pour sauver l'alcool. Ou plutôt pour me sauver, moi, de l'alcool. Je ne me laissai pas faire et resserrer ma prise. Pourtant, sa force ne se laissa pas impressionner et avec plusieurs coups dans mes bras, il réussit à faire un trou suffisamment large pour retirer son bras et sa bière sans problème.
- Attends, tu fais quoi ? interrogeai-je en le voyant se lever avec la bouteille.
- Arrête de parler sinon je te verse le contenu sur la tête, répondit-il excédé. Je la vide dans l'évier comme ça j'ai pas à boire encore plus.
- T'as peur de finir bourrer ? me moquai-je.
- Ouais.
J'entendis le liquide frapper la surface métallique de mon évier. Je me redressai et regardai par-dessus le dossier pour regarder le bleuté.
- Vraiment ?
- Moi aussi j'ai une limite à ne pas dépasser avant d'être vraiment bourré. Et j'ai pas spécialement envie de me lever demain avec un mal de tête alors que je dois bosser.
- Logique, j'imagine.
Il mit la bouteille à côté des plaques de cuisson, pour penser à la jeter dans la poubelle verte, au moins il savait faire ça. Il se gratta l'arrière de la tête en regardant ses placards d'un œil dubitatif.
- Avant que tu partes dans ta phase d'hystérique, je te demandais si tu avais encore faim.
- Ouais. On a encore des trucs à manger ?
- On peut se resservir en gohan si tu veux mais t'en auras plus pour demain midi.
- Oh, t'inquiètes pas, je ferai quelque chose d'autre.
- Tu sais tout cuisiner ? me demanda-t-il en revenant vers moi.
- Peut-être pas tout mais beaucoup de choses. Pourquoi ?
- Quand j'aurai ma fiche de paie, je pourrais acheter des aliments pour que tu me les cuisines ?
- Tu veux que je devienne ton cuistot privé ?
- Pourquoi pas.
Je l'entendis remplir nos bols derrière moi. Je considérai la question : je n'avais rien à gagner, mais je n'avais rien à perdre non plus à part passer un petit bout de temps derrière un plan de travail, ce qui n'était pas une mauvaise chose. Le problème était surtout que j'avais l'impression de passer pour une boniche si je faisais ça.
- J'ai rien à y gagner ? demandai-je pour être sûr.
- Bah, tu pourras cuisiner sans acheter les ingrédients.
Un point pour lui. C'était vrai que l'argent n'était pas vraiment mon point fort en ce moment, contrairement à lui qui venait d'avoir une promotion. C'était un point non-négligeable.
- Deal.
- Deal.
Nous entamâmes la seconde partie de notre repas. Nous restâmes silencieux. Aomine m'avait dit qu'il n'avait rien à raconter sur sa journée et il connaissait déjà le déroulement de la mienne. Puis j'étais trop fatigué pour tenir une discussion, mes quarante-sept bâillements en étaient la preuve. Une fois le repas fini, Aomine se désigna pour essayer de laver la vaisselle. Le mot « essayer » me fit très peur et je me proposais pour rester à ses côtés. Il refusa en prétextant qu'il faisait ça parce que j'étais blessé et il m'envoya me changer à coups de pied au cul.
Je me mis en pyjama rapidement en évitant de toucher à ma blessure. J'étais prêt à rejoindre le lit quand j'entendis Aomine m'appeler. Je le rejoignis en boitillant et le vis avec la vaisselle sèche empilée sur le plan de travail.
- J'ai rien compris à ta façon de ranger, expliqua-t-il en me voyant approcher.
- Qu'est-ce que t'as pas compris ? Tout est très clair.
- Le bol, tu le mets où ?
- Bah au-dessus de toi, répondis-je en ouvrant l'édit placard. Avec tous les autres bols.
- C'est pas logique du tout, les bols on les utilise trop souvent pour les mettre aussi haut.
- Qu'est-ce que tu me racontes ?
- Bah, moi je rangeais par ordre d'importance, plus on utilise l'objet, plus on le met proche de nous.
- Et c'est comme ça que tes bols et tes casseroles se retrouvent mélangés.
- C'était pas mélangé, tout était logique.
- Ce qui est logique c'est de mettre tous les bols ensemble, tous les verres ensemble, et toutes les casseroles ensemble.
- Bah vas-y, range, de toute façon je comprends rien.
Et il s'en alla. Sans scrupule. Il avait quand même décidé de nettoyer parce que j'étais blessé, et finalement, je suis celui qui dois travailler. Quel empoté. Je serais presque tenté de tout laisser comme ça et lui dire de se débrouiller mais j'avais trop peur de tout retrouver mélangé si ça arrivait, ou pire : pas rangé. Donc je m'en occupais, comme il le voulait, et ça m'énervait. Je me séchai les mains et retournai dans « ma » chambre. Sur le chemin, je croisai Aomine qui sortait de la salle de bain. Je ne me retins pas de lui dire ce que je pensais :
- Espèce d'imbécile.
- Quel imbécile ? Je suis blessé aussi, je te rappelle.
- Hier tu me disais que c'était rien.
- Ça c'était hier, répliqua-t-il en haussant les épaules.
Je secouai la tête et le laissai rejoindre sa couche. Je m'allongeai sur le lit avec automatiquement une puissante envie de dormir. J'étais déjà épuisé depuis une heure et la vue de cet oreiller bien moelleux, cette couette chaude et propre et ce doux drap, achevèrent de m'endormir.
Mais la vie n'est pas si simple. Pensais-je vraiment que je pouvais revivre un traumatisme dans la journée et ne rien avoir la nuit ? Bien sûr que ça ne se passe pas comme ça. Aussitôt mes yeux fermés, un songe défila derrière mes paupières.
Une porte, la mienne. À côté, une boîte aux lettres, au nom de Gold Jr. J'ouvris la petite porte et mon cœur fit un bond dès que l'intérieur m'apparut. Du sang, rougeâtre et visqueux, qui dégoulinait sur le sol. L'odeur me coupa la gorge et fit monter des larmes dans mes yeux. Je n'eus même pas le temps de réagir qu'un cliquetis me fit sursauter.
La porte s'ouvrit doucement. Qui était chez moi ?! Il n'y avait que du noir de l'autre côté. De la brume noire, comme si un fantôme y flottait. La porte se retrouva grande ouverte. Il n'y avait personne. Juste ce nuage sombre. J'avais l'impression que mille yeux me fixaient de l'autre côté. Mon cœur s'affola. Toutes mes cellules me criaient de ne pas entrer mais mon corps agissait de lui-même.
Un pas, deux pas…
VLAM !
La porte claqua toute seule. Mon corps se tendit brusquement et mon cœur arrêta de battre pendant ce qui me parut des heures. Quand il reprit, les pulsations étaient encore plus fortes, et je crus qu'il allait sortir de ma poitrine.
Mon souffle était erratique, des larmes de panique glissèrent sur mes joues. Je suppliai mes jambes d'arrêter d'avancer mais elles n'écoutaient pas. Il faisait froid, gelé. Mes membres tremblaient. Je m'enfonçai encore et encore dans les profondeurs. Je ne voyais plus rien autour de moi pourtant j'étais encore persuadé de sentir des yeux me scruter. J'avais la boule au ventre, j'étais terrifié.
Soudain, une main attrapa violemment mon poignet. La main était plus froide que de la glace, elle me brûla. Mon cœur arrêta de battre. Des yeux hagards, infectés de sang, cernés, enfoncés dans leurs orbites. Des cheveux sales, gras, qui reposaient lourdement sur son front. Une peau blafarde, sèche, au teint cireux. Il me dévisageait.
- Taiga… souffla-t-il du plus profond de sa gorge.
Je poussai un cri brusque en sursautant. J'avais de la sueur sur le front et le long de la colonne vertébrale. Ma poitrine se soulevait en un rythme saccadé. Mon cœur s'était transformé en marteau cognant douloureusement dans mes côtes. J'essuyai brièvement mes larmes en revoyant le visage de Nash.
J'étais tellement sous le choc que je n'entendis même pas la porte s'ouvrir. Je relevai la tête quand j'entendis ses pas sur le parquet. Aomine était là, sourcils froncés dans la pénombre. Je tendis le bras et allumai la lampe de chevet à côté de son lit. Nous dûmes tous les deux fermer les yeux pour nous habituer à la lumière mais je sentais Aomine continuer à avancer pour finalement s'asseoir sur le bord du lit. Il prit un mouchoir à côté de la lampe et me le passa. Je le pris honteusement, peu fière de pleurer devant lui. Je m'essuyai le nez et les yeux en vitesse et priai pour qu'il dise quelque chose, parce que cette situation me gênait beaucoup trop.
- C'était un cauchemar comme ce matin ?
Je jetai le mouchoir à la poubelle. Mes yeux refusaient de rencontrer les siens. J'avais peur qu'Aomine fasse preuve de pitié à mon égard, ce serait beaucoup trop gênant.
- Un peu, soufflai-je.
Je craignais que ma voix se brise en un sanglot alors je n'osais pas parler trop fort. Ma gorge me faisait affreusement mal.
- Tu veux en parler ? demanda-t-il en se penchant en arrière pour essayer de capter mon regard.
J'obtempérai et rencontrai ses iris. Ses yeux bleu nuit, vide et pourtant je ressentais dans les plis de son front et dans la courbe de ses sourcils, une certaine forme de protection.
- J'ai pas trop envie d'en parler, avouai-je en secouant la tête.
- Un verre d'eau ?
Sa voix était détachée, accueillante. Elle n'était pas emplie d'inquiétude au point qu'on se sent oppressé, comme celle de mon père. Je n'avais pas l'impression d'avoir fait quelque chose de mal ou d'anormal. C'est peut-être trop tôt pour le dire, ou trop positif, mais en ce moment j'avais l'impression qu'Aomine acceptait mes démons. Et ça me soulageait.
- Je veux bien.
- D'acc, je t'apporte ça.
Il s'en alla et je pris un nouveau mouchoir en parti pour essuyer mon front couvert de sueur. Il n'avait vraiment pas l'air de se préoccuper de ce moment de faiblesse. J'étais rassuré. Je me passais la main sur le visage pour reprendre contenance. La tête de Nash apparut. J'eus la boule au ventre et une envie de vomir. Aomine revint.
- Tiens.
Je pris le verre d'eau froid dans mes mains et avalai son contenu avec difficulté.
- Merci, soufflai-je.
- Ça va aller ?
J'haussai les épaules. Je n'en savais rien. Je me sentais bien fatigué à cause de l'émotion mais je craignais de voir Nash réapparaitre dès que mes yeux étaient clos. Je ne me sentais pas en sécurité avec mon esprit.
Je relevai les yeux et joignis ceux du bleuté. Il attendait patiemment une réponse. Je m'y accrochai. Je voulais trouver la réponse dans ses yeux. Je me sentais mieux dans ses yeux que dans les miens. Malgré leur vide absolu, il y avait toujours une intention quand il me regardait. Une forme ou une autre qui m'indiquait s'il se moquait ou s'il s'intéressait à moi. Autant son regard vantard et railleur me donnait envie de le baffer, autant son intérêt protecteur actuel me réchauffait le cœur.
Je secouai la tête.
- Tu peux rester dormir avec moi ? Au cas où je fais un autre cauchemar.
Aucun trait de son visage ne bougea, il s'attendait à cette réponse. Il acquiesça.
- Si tu veux. Je vais chercher mes affaires dans le salon et je reviens.
Il partit avec le verre d'eau et je replongeai dans les draps. Le lit n'était pas petit et nous n'allions pas être collés, ce qui était une bonne nouvelle. Je me mis du côté de la fenêtre pour qu'il puisse se mettre du côté de la porte comme ça il n'avait pas à faire un détour pour se lever le matin. Il revint quelques minutes plus tard avec son oreiller. Il s'installa dos à moi en soupirant, il devait être aussi fatigué que moi. Son odeur s'installa en même temps que lui. Ça me rassura.
- Je peux éteindre ? demanda-t-il, déjà la main sur l'interrupteur.
- Vas-y.
- Bonne nuit.
- Bonne nuit.
Aomine ne fut pas dérangé le moins du monde de dormir avec moi. Il s'endormit rapidement et je fis de même, aidé par son souffle lourd.
Et une nouvelle journée de bouclée !
Pour la scène de la peinture dans la discothèque, les vêtements étaient inspirés par le générique de fin de le saison 2 de Kuroko no Basket, si je me souviens bien... Après chaque épisode il y avait une image et ces images mis bout à bout faisaient une petite histoire amusante ! Vous pouvez trouver la vidéo sur YouTube : [Kuroko no Basket] Let's Play Basketball, pour ceux que ça intéresse !
Sinon, on sait enfin ce qu'il s'est passé le soir de la séquestration de Kagami. Il va forcément avoir besoin de quelqu'un pour l'aider à surmonter ça, mais Aomine en sera-t-il capable ?
Aomine répète qu'il ne peut pas aider Kagami à aller mieux mais il se retrouve toujours à le faire d'une certaine manière. Ne serait-il pas en train de se sous-estimer ? Ou a-t-il tout simplement pitié de lui et se sent forcer de le faire ? J'imagine que vous avez votre petite idée, mais voyons comment ça évolue :)
Passez une bonne journée/soirée/nuit et je vous dis à la prochaine pour le cinquième jour, bises ;D
