Chapitre XVI : Personne n'est libre

Corvinius Gaunt le Soigneur trouva utile son don des soins dans l'école. Il fut appelé là-bas par la Bête et la salua de ses sifflements. Il n'avait pas le Don suffisant pour la contrôler. Il fit construire les tuyaux de l'école là où les secrets sont échangés par les petites sorcières.

Des tuyaux, pourra émerger la Bête, la Suzeraine.

Page 66 du Codex de Serpentard.


Le lendemain, Mr Jedusor n'était pas là, tout comme son épouse. Eddy trouva Médusa et Salazar près de l'immense feu dans le salon. Chacun lisait un livre et semblait très concentré. À son arrivée, les jumeaux levèrent la tête. Ils ne s'étaient pas parlés depuis qu'il s'était retrouvé dans la cour avec Mr Jedusor et ce n'était pas un épisode qu'il était pressé de revivre.

—Tu vas bien ? lui demanda Médusa lorsqu'il s'assit sur un fauteuil. Les sortilèges de Père font toujours leur effet.

Elle semblait parler en connaissance de cause et lui offrait un sourire assuré. Eddy essaya de montrer à la jeune fille un visage confiant. Mais la vérité était que depuis la visite de la mère des jumeaux il était terrifié.

—Personne n'est venu hier ? demanda Salazar d'un air qui ressemblait terriblement à celui de son géniteur.

Non, j'ai dormi tout du long après ce qu'il s'est passé. Et toi ? Ce que tu as fait hier… c'était incroyable.

Salazar rosit un peu là où Médusa souriait derrière son livre. Sans doute avait-elle répété la même chose à son cadet toute la journée de la veille.

—Où est-elle ? demanda Eddy en songeant à la Maledictus. Vous avez eut l'occasion de lui parler depuis hier ?

—Non, murmura Médusa. Père est monté la voir avant de partir à l'école hier soir. Elle est restée avec mère toute la nuit.

La jeune fille semblait dévorée de curiosité derrière son livre de maléfices. Elle jouait avec son ruban d'un air songeur.

—Votre père est toujours absent le soir, réalisa Eddy.

—Comme Dumbledore est tout le temps en vadrouille, il faut bien quelqu'un au château la nuit, encore plus avec Grindelwald dans la nature, renifla Médusa. Notre mère suffit à nous protéger ne t'en fais pas pour nous.

Quelque part Eddy n'en avait aucun doute. Salazar avait repris son carnet et écrivait d'une main fébrile. Il lui adressa un clin d'œil radieux en replongeant dans ses notes. Son exploit avait éclairé ses traits d'une joie nouvelle. Quand son père et sa mère n'étaient pas présents, une sorte de sérénité prenait Sal en lisant ces gribouillis. Il avait un puissant pouvoir, et entre ses mains celui-ci serait bien utilisé. Hélas, cela ne semblait pas être dans les attentes des Serpentards.

Ils entendirent un craquement dans l'escalier et se retournèrent. Eddy crut avec effroi que Mrs Jedusor s'était levée pour leur adresser son cruel petit sourire dans l'ombre d'une arche. Mais c'était Nagini descendant doucement l'escalier de pierre. Mrs Jedusor lui avait donné une longue robe couleur crème au col serré. Elle semblait hésiter derrière son long rideau de cheveux noirs.

—Bienvenue dans le monde des humains, fit Médusa pour mettre fin au silence. Assieds-toi, je t'en prie. Cela fait combien de temps que tu n'as pas dormi en humaine ?

—Trop longtemps, avoua la sorcière avec toujours cette hésitation à utiliser le langage humain.

Elle s'assit néanmoins dans un mouvement gracieux sur le canapé près de Médusa. Nagini leur offrit un petit sourire crispé avant de darder sur Salazar des yeux embués.

—Je n'oublierai jamais ce que tu as fait. La Malédiction de ce sorcier ne pouvait être rompue que dans cette langue. À vous deux, vous m'avez ôté bien des tourments.

Elle gratifia Eddy d'une mimique en se frottant les mains, l'air très mal à l'aise. Sans doute qu'elle n'avait plus l'habitude de se tenir sur ses jambes, habillée et de converser réellement avec des humains.

—Quel âge avez-vous ? demanda Eddy incertain de ce qu'il devait dire face à cette sorcière inconnue. Votre altesse, rajouta-t-il ensuite maladroitement.

Nagini esquissa un petit rire qui ressemblait à un sifflement et les jumeaux l'accompagnèrent dans son gloussement étrange.

—Il faut avoir encore un peuple pour être princesse de quelque chose. Les miens ont disparus depuis longtemps, pendant la première guerre des moldus si je ne m'abuse. Je suis née un peu avant, en 1906.

Elle avait donc la soixantaine, mais ne les faisait vraiment pas. On aurait dit qu'elle avait à peine vingt ans. Peut-être que rester sous sa forme de serpent l'empêchait de vieillir normalement ? Tinny apporta une tasse de thé à Nagini. Eddy remarqua que le contenu de la tasse était rouge sang. Médusa s'était penchée sur le contenu de la tasse, aussi intriguée que lui.

—Il faut un temps d'adaptation à mon estomac, expliqua lentement Nagini face à leur intérêt. Tout ce que j'ai essayé de manger hier n'est pas passé, les humains mettent trop de condiment et d'assaisonnement que je supporte mal. Comme ça, ça passe bien mieux. C'est du sang de grenouille.

Sans doute était-elle la plus gênée de ce fait car au milieu du marais de Serpentard, manger des grenouilles au petit déjeuner avait l'air aussi normal que coutumier. Eddy se rapprocha du feu. Il faisait encore un froid humide et glacial dans la vieille bâtisse. Même Nagini tremblait de froid en ramenant sa robe crème sur son long corps fin.

Duddy apporta à Eddy un verre de lait et un carré de chocolat :

—Madame nous a demandé de vous apporter ceci à votre réveil. Elle pense qu'un peu de sucre vous fera du bien.

S'il comprenait plus ou moins la boutade soutenant cette attention, Eddy s'en saisit néanmoins. Il n'avait pas beaucoup mangé ces derniers jours et cela se ressentait sur son corps fatigué. Il but son verre de lait accompagné de la friandise en se demandant si Mrs Jedusor serait capable de l'assassiner par l'intermédiaire des elfes.

Nagini finissait son thé au sang, les yeux plongés dans l'âtre immense de la cheminée, tandis qu'Eddy observait l'immense pièce en pierre. À chaque coin, des écoinçons sculptés représentaient des basilics vengeurs semblant cracher leur venin, des statues de serpents et des bas-reliefs de reptiles ornaient le manteau de la cheminée. Eddy remarqua une photographie couchée sur le manteau de la cheminée.

Médusa remarqua son intérêt et se leva pour la remettre en place.

—Elle a dû tomber avec tout le bazar que vous avez fichu hier avec votre rituel.

Elle releva la photographie, Eddy s'en approcha malgré lui, brûlant d'intérêt.

C'était une photo de Mr Jedusor à son mariage avec son épouse. Tous les deux étaient habillés de noir et semblaient se trouver dans une sorte de monastère de ce qu'Eddy discerna dans le décor. Ils étaient plus jeunes tous les deux, sans doute à peine la vingtaine et Nagini se trouvait entre eux. Mr Jedusor avait un air plus famélique et dangereux, tout comme son épouse. Ils vrillaient tous les deux le photographe d'un regard sauvage et impérieux comme s'ils l'avaient assassiné après son office (ce qui était sans doute le cas). Il n'y avait sur cette photo, ni amour, ni tendresse, juste une sorte de lien profond et noir entre eux alors qu'ils se tenaient par la main pour quitter l'autel.

Eddy se demanda si ses parents avaient eu une photo pour leur mariage. Sans doute l'avait-il fait brûler avec sa caravane étant petit. Cette pensée amère raviva la douleur dans son cœur.

—C'est une des seules photos de famille, avoua Médusa sans se rendre compte de son trouble. Mère dit que ce jour là elle s'est trouvé quelque chose qu'elle n'attendait pas. Je ne sais pas trop ce qu'elle entend par là, mais d'une certaine façon je trouve ça joli.

La jeune fille éprouva de la gêne à rester près de lui et retourna s'asseoir près de Nagini, mais Eddy n'avait pas envie de quitter la chaleur du feu. Il sentait que sa magie, tout son corps et son âme avaient besoin de chaleur à cet instant précis. Il s'assit à quelques centimètres à peine de l'âtre et Salazar le rejoignit avec ses carnets.

Mr Jedusor parut quelques instants plus tard dans le salon. Il avait le teint blafard et fatigué. Il s'avança vers eux et tous se figèrent. Nagini jeta un coup d'œil inquiet à Salazar et elle faillit lâcher sa tasse quand Mr Jedusor se pencha vers elle.

—Je suis heureux de voir que tu vas mieux Nagini. Tu sembles avoir meilleure mine. Bois davantage.

Il avait parlé avec une fausse sollicitude et donnait des ordres un peu comme si la jeune femme devant lui était encore sa servante. Eddy aurait pu trouver cela curieux, mais il trouva encore plus dérangeant de voir la femme s'exécuter et finir sa tasse d'un trait.

—Va retrouver Méroé, je dois leur parler.

Alors qu'Eddy retenait un frisson d'appréhension près du feu, Nagini eut un petit froncement de sourcil :

—Méroé n'est pas dans la chambre. Elle n'était pas là quand je suis descendue.

À cette réponse, le visage de Jedusor se plissa. Il darda un instant son regard dans un coin de la pièce puis disparut en brume sombre et opaque. Eddy vit filer la brume vers la cour carrée et dans les pièces du prieuré. Médusa et Salazar avaient l'air extrêmement confus.

—Mère n'est plus là, je ne sens plus sa présence depuis hier soir, avoua Salazar.

—Elle n'est pas là, confirma Mr Jedusor en réapparaissant.

Son visage était tendu en une étrange expression. Eddy aurait pu penser à de l'inquiétude mais quand Jedusor se tourna vers lui, cette expression se mua en quelque chose de féroce qui le fit trembler.

—Nagini, dehors, siffla-t-il en s'approchant de lui.

La jeune femme ne se le fit pas dire deux fois. Elle était tellement mal à l'aise en la présence de Mr Jedusor qu'elle disparut aussi vite que si elle s'était téléportée. Eddy avala sa salive de travers alors que Salazar lui saisissait le bras. Médusa avait aussi une attitude presque défensive envers lui alors que son père approchait d'une démarche lente de prédateur.

—Il semble que mon épouse soit passée vous voir cette nuit, Mr Lee, comprit Jedusor. Sa compagnie vous a-t-elle plu ?

Cette question douceâtre ne déclencha que des frissons de crainte dans son dos. Médusa lui jeta un regard à la fois inquiet et furibond.

—P-pas vraiment, murmura finalement Eddy car le professeur attendait une réponse de sa part.

—Alors c'est que vous avez un instinct de conservation à peu près certain, lui confirma son professeur avec toujours un ton doucereux tranchant avec ses yeux écarlates.

D'un coup Jedusor le saisit par le col pour l'arracher des bras de Médusa et Salazar et plongea son regard dans le sien. En une seconde il eut l'impression de voir sa vie défiler, il se focalisa furieusement sur le canard en plastique pour protéger ses pensées. Jedusor ne s'intéressait cependant qu'à un souvenir récent, celui de la nuit précédente. Il le vit assister à la discussion entre lui et Mrs Jedusor, ce qu'il lui avait traduit et sa réaction.

Brutalement, Eddy essaya d'écarter le professeur.

Sa magie paniquée répondit à l'intérieur de lui et repoussa brutalement Jedusor ainsi que Salazar et Médusa. Eddy retomba au sol sonné, tandis que Sal et Médusa tombaient contre une statue de pierre du manteau de la cheminée. Mr Jedusor à l'autre bout de la pièce s'était relevé, ses mèches de cheveux noirs devant ses yeux.

Eddy crut qu'il allait les tuer dans l'instant. Mr Jedusor se força à se calmer alors qu'Eddy avait sorti sa baguette.

—Dehors. Tous les trois dehors !

Un puissant sort les expulsa dans le couloir comme s'ils étaient montés sur des roulettes. Salazar, Médusa et Eddy retombèrent sur le sol de pierre glacée alors qu'on entendait le cri de rage de Mr Jedusor faire trembler tous les murs du prieuré.

Sans un mot, Médusa lui saisit brutalement le bras et traîna Eddy et Salazar vers sa chambre.

De là, elle sortit sa baguette et jeta furieusement plusieurs sortilèges pour la protéger.

—Que t'a dit notre mère ? demanda Salazar mal à l'aise et inquiet.

—Une… prédiction, répondit Eddy incertain de ce qu'il devait ou pouvait dire. Les mots romani que je lui ai dit… ce sont une prédiction… de votre grand-mère.

Eddy ne savait pas quelle était la prédiction totale proférée par la mère de Mrs Jedusor avant que son mari ne la tue, mais il n'était pas certain de vouloir le savoir. Chaque information qu'il apprenait sur cette famille semblait être une raison de plus pour l'anéantir lui.

—Une prédiction en gitan, murmura Médusa d'une voix sèche. Encore ces satanés gitans !

—Tu as du sang de gitan ! rétorqua Eddy sur le même ton.

—Je sais ! Mais ceux-là ont banni ma mère et t'ont fait du mal à toi aussi. Ça ne me donne que peu envie d'avoir de nouveau à faire à eux !

Elle parlait avec rage et colère mais Eddy ne lui en voulut pas vraiment. Ce qu'il avait révélé à Mrs Jedusor avait inquiété cette dernière au point qu'elle avait quitté son domicile sans prévenir personne. Il s'amusera mais détruira ou sera détruit.

Cette phrase concernait Mr Jedusor, il en était certain. La suite, il ne voulait pas la connaître.

Médusa alla rejoindre d'un pas rageur son frère sur le lit. Eddy se permit d'observer la pièce. Elle était un peu plus grande que sa chambre, dans les tons violets avec une énorme baignoire creusée dans la pierre sculptée au centre de la pièce. C'était une pièce propre et rangée, Eddy y sentait l'odeur douçâtre de Médusa. Jamais il n'avait été dans la chambre d'une jeune fille auparavant et cela le gênait un peu. Au regard que la jeune fille lui lança depuis son lit, sa gêne était bien partagée.

Pense à tes petits canards, siffla Médusa. Les petits canards, pas moi.

Son ton avait été tellement lugubre qu'il se força à le faire avant qu'elle ne lui ordonne par la force.

Ne sachant pas quoi faire, et piteux, il s'assit sur la valise fermée de la jeune fille au pied du lit de celle-ci et se mit à feuilleter un manuel de potion. Cela dura longtemps, sans que vraiment il ne se concentre. Il ne savait pas si Mr Jedusor allait revenir lui jeter un sortilège cuisant ou le torturer et cette appréhension ne le faisait pas tenir en place. La chambre de Médusa donnait sur un balcon ouvrant sur la mare brumeuse et glacée. Peut-être que s'il sautait et nageait à toute vitesse de l'autre côté il pourrait s'échapper de ce marais hanté ?

—Je te le déconseille, fit Salazar quand il croisa son regard. Il y a tellement de serpents venimeux dans l'eau que tu ne feras pas trois mètres. Nagini n'est pas le seul serpent ici. C'était juste la plus puissante d'entre eux.

—Que… que va-t-il se passer pour Nagini maintenant ?

Comment faire quand l'animal de compagnie d'une famille redevient une jeune femme traumatisée et affaiblie ? Eddy doutait que le moindre manuel sorcier puisse expliquer l'étrange situation des Jedusor.

—Je ne sais pas, avoua Médusa. Je ne pense pas que nos parents la laisseront…

—Elle est trop impliquée, réalisa Sal. Ils ne la laisseront jamais partir.

Cette pensée le figea, il devint blême et jeta ses carnets brutalement à travers la pièce. Eddy grimaça là où Médusa dut retenir un sursaut.

—À quoi ça sert ces pouvoirs si je finis par infliger encore plus de mal ? souffla Salazar terriblement malheureux. Elle n'est pas libre, elle ne le sera jamais. Comme nous tous.

Il s'en alla, penaud, sans récupérer ses carnets. Eddy le regarda partir tandis que Médusa soupirait.

—Je déteste ces grandes envolées lyriques. Personne n'est libre. Nagini pour l'affection qu'elle porte à notre famille, mon frère et moi par le sang, toi par ton serment. Chacun se fait très bien sa propre prison. Ça ne veut pas dire que les barreaux sont si désagréables.

Elle avait terminé sa phrase par une petite minauderie acide cherchant à rendre son laïus un peu moins violent par ces coquetteries. Pourtant elle avait une grimace et grattait férocement son bras gauche. Eddy se demanda ce qu'elle entendait par barreau à la voir gratter jusqu'au sang les grains de beauté de son bras.

La jeune fille s'était relevée et le toisait depuis son sommier d'un air inquisiteur en remettant la manche sur son bras qui la démangeait.

—Maintenant, dehors. Si mon père et les elfes te voient seul ici avec moi, je t'assure que tu passeras le reste de tes jours dans un cachot et peut-être que moi aussi.

Quelque part il la crut. Même s'il aurait encore voulu passer du temps avec la jeune fille, il était hors de question qu'il tente quelque chose ici. Alors qu'il se carapatait hors de la pièce, Médusa sembla sur le point de dire quelque chose mais elle se ravisa. La porte claqua derrière lui.

Il n'y avait personne dans la cour ni dans le couloir alors que l'après midi filait doucement. Eddy avait faim mais il se sentait comme un intrus ici. Il ne savait pas bien s'il devait retourner dans sa chambre ou essayer de retrouver Salazar. Il monta à l'étage là où était censée être la chambre de Sal. Autant mettre le plus de distance possible entre lui et Mr Jedusor mais il n'était pas très à l'aise à l'idée de s'aventurer dans la demeure glaciale. La porte de la chambre de Sal était ouverte mais il était absent quand Eddy jeta un coup d'œil à l'intérieur. C'était une grande pièce carrée aux larges fenêtres aux carreaux verdâtres. L'essentiel de la chambre était dans cette ambiance qui ressemblait un peu au dortoir de Poudlard mais en un peu plus chaleureux. De grands vivariums de batraciens et de reptiles étaient posés de part et d'autres de la chambre sur des piles vertigineuses de carnets. Sal devait en avoir rempli des dizaines et des dizaines. Il quitta l'étage à la recherche de son ami.

Mrs Jedusor en arrivant lui avait conseillé de ne pas s'aventurer seul dehors. Sauf que sous le soleil de l'après midi, sans brume dans les environs il ne risquait pas grand-chose, non ?

Il traversa la cour avec l'impression d'être épié et se retrouva le long du marais.

Effectivement, Sal ne lui avait pas menti, le marais grouillait de serpents en tout genre qui déjà sortaient pour attaquer l'intrus sur leur territoire. Alors qu'Eddy sortait sa baguette en essayant de se remémorer un sort pour catapulter les créatures, Salazar apparut.

Il était sur le dos d'un sombral et siffla quelque chose aux serpents qui retournèrent dans l'eau glaciale. De là, le jeune serpentard lui tendit sa main pour l'aider à monter. Eddy la saisit. Il n'était jamais monté sur un sombral. La carrure osseuse de la créature lui faisait presque mal à l'entrejambe. L'animal avait cependant un crin doux et chaud dans l'air glaçant de décembre. Sal fit trottiner doucement le sombral dans un manège fait de sable et de vase au milieu du marécage.

—Lui aussi il veut partir, murmura finalement Sal après un tour de manège. Tout le monde le veut ici, mais tout le monde reste. Tinny, Duddy veulent partir et Manille aussi voulait partir.

—Manille ?

—Notre elfe… celle qui a été tuée par Dumbledore et les Prewett.

—Oui, chuchota Eddy. Dumbledore m'en a parlé. Est-ce que c'est vrai ce qu'il m'a dit ? Il m'a… dit que tu lui avais demandé de l'aide pour vous enfuir.

Devant lui, il sentit Sal se tendre. Son dos droit et tendu ressemblait désormais à un arc qu'un archer fou tendait à l'extrême. Eddy dépité se dit qu'il avait encore été trop loin et que son camarade ne ressortirait pas de son mutisme de sitôt, mais il se détrompa :

—Oui. Je pense que mon père le sait de toute façon. J'ai senti de la compassion chez Dumbledore un jour où nous l'avons croisé. C'était un sentiment que je n'avais jamais connu dans ma famille. Je l'ai appelé, mais j'aurai dû me taire. J'étais un enfant, je ne me rendais pas compte. Son attaque a fait plus de mal que de bien, ensuite nous avons été totalement enfermés jusqu'à Poudlard.

Après ça, Salazar se tût et tâta le flanc du sombral pour l'inciter à courir plus vite. En quelques coups de sabots, ils étaient au galop et filaient dans le manège en faisant des tours de plus en plus rapides. Eddy ne voyait plus que des formes floues et du sable volant dans le soleil couchant. Si le sombral ne pouvait plus voler, il était redoutable de vitesse, mais lui aussi était bloqué dans le Marais de Serpentard. Sal tira doucement sur la crinière du sombral pour le ralentir.

Sal était toujours aussi tendu et Eddy ne savait pas quoi lui dire pour lui remonter le moral.

—Tu vois ce qu'on a fait avec Nagini ? demanda Eddy alors qu'ils descendaient de l'animal. On l'a aidée d'une certaine façon. Tous les deux. Toi avec ton pouvoir, moi en te donnant la puissance de mon Obscurus. Peut-être qu'en utilisant nos dons comme ça, je ne retournerai jamais dans la valise de Newt et que tu parviendras à quitter cet endroit ?

C'était un peu niais mais Salazar lui offrit une petite moue avant d'acquiescer. Il ramena le sombral en le guidant doucement vers le pâturage où il dormait avec ses congénères. La nuit tombait lentement et la brume envahissait désormais le marais. Eddy ne voyait pas à un mètre.

—Prends mon bras, lui dit Sal. Serpentard a enchanté ce marais pour que ceux qui ne sont pas de son sang s'y perdent.

Eddy se demanda combien de pauvres âmes damnées avaient perdu la vie dans cet endroit à travers les siècles mais encore une fois, il n'était pas sûr de vouloir une réponse. Il prit le bras de son ami qui le guida à travers la brume. Le prieuré apparut au bout de quelques minutes de marche et quelques fenêtres étaient allumées sur la façade grise.

Quand ils entrèrent dans le salon, Médusa récitait une leçon à son père. Ce dernier parut satisfait et fit s'asseoir la jeune fille d'un geste de la main alors qu'il jetait un regard froid aux deux nouveaux venus.

Nagini était assise à côté de Mr Jedusor, l'air pétrifiée en sirotant du bout des lèvres une tasse de thé qui devait avoir aussi du sang en accompagnement. Elle leur offrit à contrario de son voisin un doux sourire. Si elle le terrifiait à l'état de serpent, Nagini inspirait à Eddy une certaine confiance rien qu'à voir la crainte que semblait lui inspirer Mr Jedusor quand elle était humaine.

Alors que Mr Jedusor allait dire quelque chose, ils entendirent un frémissement derrière eux et tournèrent tous la tête. Mrs Jedusor était là, ôtant des lunettes de soleil et un châle de voyage tout en posant ses achats sur le sol.

Quand il vit son épouse, le sorcier se releva brusquement. Mrs Jedusor lui offrit un sourire éclatant. Si éclatant que ce ne devait être certainement pas dans ses habitudes car Salazar eut un frémissement près d'Eddy.

—Où étais-tu ? siffla Jedusor.

—Partie faire quelques emplettes pour notre invitée surprise, claironna Mrs Jedusor en pointant Nagini figée. Ma chère amie n'a rien pour se vêtir, ni même quoi que ce soit d'autres. Il lui faut bien quelques menus objets !

Elle avait entamé semblait-il une sorte de comédie un peu lugubre et hypocrite à laquelle Mr Jedusor paraissait hésiter entre suivre ou jeter un doloris. Il afficha un sourire de circonstance sur son visage en plissant les yeux.

—Je loue ton hospitalité et ton empressement, très chère. De là à sortir en pleine journée et à partir sans me prévenir.

—J'aurais la prévenance de t'avertir, la prochaine fois, répondit la Sangsombre avec un mince sourire rusé.

Tout deux se regardèrent en silence puis coulèrent un léger regard en arrière où se trouvait Eddy qui se sentit devenir nauséeux. Les deux avaient à nouveau cet air de prédateur. Si l'un pouvait le tuer pour nuire à l'autre, ils l'auraient fait sans hésiter, songea le jeune homme tétanisé.

Nagini se leva en tremblant pour se poster près de Mrs Jedusor. Peut-être espérait-elle calmer la situation ainsi, mais elle avait l'air désormais d'un petit moineau entre deux cobras en chasse.

—Merci, Méroé. Tu n'aurais pas dû. Je vais porter toutes ces courses dans-

—Laisse les elfes s'en charger, Nagini, siffla Mr Jedusor en la coupant. Bien, Médusa, Salazar, Mr Lee, préparez vos affaires. Vous rentrez à Poudlard avec moi ce soir.

Les jumeaux ne se le firent pas dire deux fois. Ils avaient déjà sauté sur leurs jambes et traînaient Eddy hors de la pièce. Alors qu'ils s'éloignaient dans le couloir, il entendit des chuintements de langue en fourchelangue mais ne voulut pas interroger ses camarades. Il rentra dans sa chambre et prit rapidement ses maigres affaires et son sac de voyage. En à peine deux minutes l'affaire fut réglée. Quand il sortit il vit que Médusa et Sal avaient été encore plus rapides que lui et tiraient leur valise dans le long couloir. Ils rejoignirent Mr Jedusor dans le salon dont il n'avait pas bougé d'un pouce depuis leur départ. Mrs Jedusor et Nagini étaient montées, Eddy entendait le son de leur pas feutrés au dessus d'eux.

Sans un mot, Mr Jedusor saisit Médusa par l'épaule qui prit Sal par la main et ce dernier lui saisit le bras. Ils quittèrent le salon dans cet étrange puzzle et à peine eurent-ils franchi le hall que le professeur transplana. Eddy se sentit tiré dans tous les sens mais à peine quelques secondes plus tard, il retomba dans la neige glacée devant la grille de Poudlard.

Les lèvres de Mr Jedusor étaient fermées en une longue ligne serrée et furieuse. Quand Hagrid apparut avec une torche et qu'il les reconnut le Garde Chasse se figea.

—Dépêchez-vous, Rubeus. Je n'ai pas toute la nuit.

Il lui avait parlé d'un ton polaire qui fit sursauter le demi-géant. Il saisit les clefs dans sa poche d'une énorme main malhabile et commença à l'enfourner dans la serrure. Quand la porte fut ouverte Mr Jedusor traça sans même regarder Hagrid, tout comme Médusa. Salazar offrit à l'homme un sourire réconfortant mais Eddy ne sut quel air afficher. Il baissa la tête en raffermissant la prise sur son sac. Il était parti quelques petits jours de Poudlard mais cela lui donnait l'impression d'être une éternité.

Quand ils arrivèrent dans le Grand Hall, il n'y avait presque personne, sauf McGonagall qui avait été mise au courant de leur arrivée. Elle parut surprise de voir Eddy à la suite des Jedusor.

—Professeur Jedusor, Médusa, Salazar. Je ne m'attendais pas à voir revenir les enfants aussi rapidement. Pourquoi Mr Lee est avec vous ?

—Une affaire m'attend à Poudlard. Quant aux enfants, une ancienne amie est invitée dans ma demeure, nous n'aurons malheureusement que peu de temps à leur consacrer de ce fait. Pour Mr Lee, je l'ai croisé en montant, je suis sûr qu'il aura une explication tout à fait légitime à donner.

Ainsi piégé après les paroles de Jedusor et sous le regard inquisiteur de McGonagall, Eddy répondit en baissant les yeux :

—Tina et Newt ont eu une urgence. Ils sont repartis au Etats Unis. Ils m'ont laissé devant la grille juste avant les Jedusor.

L'explication était bancale mais McGonagall sembla s'en satisfaire.

—Parfait. Jusqu'à présent nous n'avions qu'à peine dix élèves le soir, cela remplira un peu ce château bien trop vide à mon goût. Le Professeur Dumbledore a laissé plusieurs notes à votre intention, Professeur Jedusor. Elles se trouvent sur votre bureau.

Sur ces paroles, la femme les laissa et monta les escaliers. Eddy la regarda partir tendu et anxieux alors que ses pas résonnaient dans le silence comme un glas lugubre. Médusa et Salazar étaient blêmes.

—Médusa, Salazar, retournez dans votre dortoir immédiatement. Je dois m'entretenir avec Mr Lee.

—Non, souffla Sal avec aplomb. Laisse-le tranquille !

Le professeur saisit brutalement son fils au niveau du cou et lui siffla quelque chose en fourchelangue. Eddy se sentit rugir et essaya de séparer le père et le fils. Mr Jedusor catapulta ses enfants à l'autre bout du hall et attrapa Eddy par le cou. Sous cette poigne glacée qui lui écrasait les cervicales, le jeune homme ne put à peine bouger.

—Je ne le répéterai pas une seconde fois. Hors de ma vue, tous les deux.

Médusa tremblante, tira son frère par le bras alors que Mr Jedusor le traînait dans l'escalier. Il eut le temps de voir le regard brillant et furieux de la jeune fille alors qu'elle disparaissait dans l'obscurité. Le jeune homme se dit qu'avec cet air qu'elle arborait, elle ne prévoyait pas d'autres petits moments dans l'obscurité avant un long moment. Mais il ne put s'appesantir sur le sujet car Jedusor fonçait dans l'escalier en lui tenant si fermement le cou qu'il pouvait à peine respirer. Deux fois lors de leur trajet, Eddy essaya de se dérober mais la poigne n'en fut que plus forte. Il avait l'impression que Jedusor utilisait sa magie sur lui, les bouts des doigts glacés de son professeur étaient devenus presque brûlants de froideur. Quand Jedusor le jeta dans sa salle de classe, Eddy se massa le cou. Il constata au touché qu'une trace de brûlure s'y trouvait effectivement.

Jedusor avait bloqué la porte et ne s'intéressait pas à lui. Il triait les papiers sur son bureau en bois d'ébène avec toujours cette expression furieuse. Eddy essaya de tirer la porte pour sortir mais à nouveau sa magie refusait de l'écouter.

—Laissez-moi sortir ! hurla l'adolescent.

—Vous savez très bien que je ne ferai pas une telle chose. Mais vous, pourquoi n'arrivez-vous pas à utiliser votre magie pour briser un simple panneau de bois ? La culpabilité bloque encore votre magie ? Touchant. Je n'ai que faire de votre culpabilité. Il y avait une personne qui ne devait pas être au courant des mots que vous avez traduit. Merci à vous.

Il adressa à Eddy une pantomime de grimace mais ses yeux étaient brûlants de rage. L'adolescent se força à déglutir. Est-ce qu'il ressentait de la culpabilité à avoir parlé à Mrs Jedusor ? Pas vraiment, mais l'inquiétude sur les traits de ses amis lui avait fait sentir que quelque chose avait changé dans leur foyer si étrange et morbide. Il ne savait pas à cet instant si c'était quelque chose de bien ou de mauvais. Jedusor jeta derrière lui ses papiers et se tourna vers Eddy en croisant les bras devant lui. Sa réaction face à sa femme avait alerté le jeune homme. Mr Jedusor était inquiet et pour une fois la situation avait l'air de lui échapper.

—Elle… elle a dit que la prédiction n'est pas complète, murmura Eddy.

—Je sais. Je ne vous ai donné qu'une partie et bien m'en a prit, s'exaspéra Jedusor. Sans doute qu'elle aurait eut connaissance de toutes ces paroles, que ma femme vous aurait englouti, Mr Lee. Savez-vous ce que sont les Sangsombres ?

Jedusor lui adressa ensuite un sourire sinistre.

—O-oui… Dumbledore m'en a parlé.

—Et Dumbledore s'en mord encore ses doigts noueux, j'en suis persuadé. Il émane de mon épouse une obscurité toujours grandissante. Je l'ai entraînée moi-même pour lui assurer un avenir plus serein. Je dois avoir une sorte de passion pour les monstruosités de cirque, un peu comme avec vous. Nous allons reprendre nos séances sous peu, même si votre avenir semble bien ombrageux tout à coup.

Eddy plissa les yeux face aux paroles sibyllines du professeur. Il baissa ensuite prestement le regard quand les deux rubis écarlates tombèrent sur lui.

—C'est pour vous protéger vous, que nous sommes partis. Encore une fois, vous me devez la vie et de vous éviter bien des ennuis. Vous m'êtes redevable. Durant nos petites séances, j'attends désormais un échange. Je vous aide à contrôler l'animal que vous êtes au fond de vous, et vous, vous m'apprendrez votre petite langue de manouche.

Eddy se figea. C'était une des dernières choses à laquelle il s'attendait de la part du professeur, mais la réaction de son épouse à cette phrase mal traduite avait sûrement éveillé son intérêt et son inquiétude.

—Je parle l'anglo-romani. La prédiction n'est pas exactement du même romani que le mien, lâcha-t-il les dents serrées.

—Peu importe. Votre langue n'est écrite dans aucun livre ni apprise ou que ce soit. Pour la connaître il faut être romani ou en connaître un.

—Ça… ça marche, parvint à articuler Eddy.

—Excellent. Je vous contacte bientôt. Une dernière chose, si j'apprends que vous avez essayé de quitter une nouvelle fois ce château pour retrouver les mendiants que sont les vôtres, je m'assurerais de vous enfermer assez longtemps pour que le concept de liberté vous devienne inconnu. Maintenant dehors.

Comme une vieille habitude, Jedusor le catapulta hors de la pièce. Eddy retomba durement sur le sol. S'estimant chanceux de s'en être sorti à si bon compte, il retourna pantelants vers la salle commune des Serpentards. Quand il arriva, il trouva Sal occupé à câliner Charme dans un pouf près du feu. Médusa n'était plus là et Charme adressa un miaulement aigre à son maitre.

—Il est furieux, remarqua Sal alors qu'il se penchait pour caresser le fléreur. Il était très inquiet pour toi.

—Tu n'as pas à t'en faire, mon vieux. Je suis là, je ne bouge pas désormais.

Il laissa sa main à mi hauteur de la tête de Charme lui laissant le loisir de décider ou non s'il voulait de cette caresse. Le félin prit appuis sur les jambes de Sal pour monter sa tête au niveau de la main d'Eddy. Il enchaina ensuite avec un ronronnement de satisfaction puis une mimique de joie. Eddy ne parvint pas à cacher son sourire, Charme lui avait tellement manqué.

—Med est montée. Je te conseille de la laisser revenir vers toi, si tu ne veux pas une autre gifle bien sûr.

—Ça… ça ne te dérange pas ? demanda Eddy en s'asseyant à côté de lui un peu mal à l'aise.

—J'ai mis du temps à comprendre, elle a plus ou moins accepté de m'expliquer et me dévoiler ses pensées, répondit tranquillement Sal en caressant Charme entre ses deux grandes oreilles. Mais à part si tu es torturé à mort, garde ça pour toi. Médusa n'est pas prête à entendre une telle chose. Notre mère comme notre père nous ont un peu rendu bizarres face à ce sentiment.

Charme sauta de sur les genoux de Sal pour se lover contre Eddy. À cette odeur nostalgique et réconfortante, la culpabilité monta d'autant plus.

—Je suis désolé, pour ta mère, murmura Eddy. Elle m'a fichu la frousse de ma vie.

—Ne le sois pas. Quand on était petits et qu'on lui mentait, elle nous tirait les vers du nez comme ça. Ne t'inquiète pas tant. Nos parents vont discuter et sûrement trouver un point d'accord, ils font toujours ça. J'ai surtout peur pour Nagini. J'essayerai de lui envoyer des lettres.

Eddy songea à la jolie jeune sorcière piégée désormais dans les Marais Serpentard. Il espérait que l'affection affichée de Mrs Jedusor ne lui porterait pas préjudice. Dans l'étrange famille Jedusor, toute preuve d'affection ressemblait à une mise au peloton d'exécution quelque part.

Ils avaient manqué le dîner, mais ni Eddy ni Salazar ne semblaient d'avis de faire un détour par les cuisines. Ils montèrent se coucher et Eddy s'endormit à peine sa tête eut-elle atteint l'oreiller.

.

.

Ne pas penser à Eddy, ne pas penser à Eddy, ne pas penser à Eddy.

Ne pas penser à cet abruti de Edward Daniel Lee.

Pourtant Médusa y parvenait difficilement. Alors qu'il avait passé quelques jours chez eux, sa présence avait été comme un sortilège de démolition. Elle le sentait quelque part que quelque chose avait changé depuis lors mais ne voulut pas savoir quoi et ne s'appesantit pas dessus très longtemps. Tommy Eddison à Poufsouffle lui demandait de passer le saladier de mousse au chocolat.

La Grande Salle ne comptant en tout et pour tout que treize élèves en plus des professeurs, McGonagall avait proposé que tous se rejoignent à la table des professeurs pour rendre la fin des vacances plus chaleureuses. Son père n'avait pas émit de protestation et mangeait en silence à la place de Dumbledore. Personne ne s'était porté volontaire jusque là pour lui adresser la parole. Il émanait de lui une aura si froide et dangereuse que les rares élèves comme les quelques professeurs encore présents ne s'y étaient pas risqués.

Médusa avisa Sal et Eddy en train de parler avec le professeur Brûlopot qui mimait l'attaque d'un serpencendre avec son bras mutilé par dessus sa mousse au chocolat. Sal avait le regard rêveur à ces descriptions tandis qu'Eddy jouait avec son éclair au café d'un air tendu. Ils étaient les trois seuls Serpentard dans l'école, les autres élèves étant deux Gryffondors de sixième année, trois Pouffsoufles de deuxième et troisième année, et cinq Serdaigle de septième année qui commençaient déjà les révisions pour leurs Aspics en profitant du calme du château. Médusa observa les Serdaigles qui avaient de vilaines cernes sous les yeux. Elle y lut dans leur tête un méli mélo de formules et dates qu'ils avaient engouffré plus avidement encore que la tarte à la mélasse qu'ils dégustaient d'un air ravi.

—Ton Noël s'est bien passé, Jedusor ? demanda finalement un des Serdaigle quand il remarqua qu'elle les fixait.

—Je ne fête pas Noël, mais on peut dire que les fêtes se sont bien passées.

—Ne pas fêter Noël ? se récria un gryffondor en bout de table. Quelle drôle d'idée.

—C'est une fête moldue, grinça la jeune fille.

—Et alors ? répondit le Gryffondor. Les moldus mettaient bien des pantalons avant nous, les sorciers l'ont bien adopté. Ce qui est utile et sympathique devrait être partagé.

Médusa n'avait jamais mit de pantalon de sa vie mais préféra arrêter là la joute verbale. Elle leva les yeux au ciel et retourna à sa mousse au chocolat. Son père avait un instant levé les yeux quand elle avait parlé avant de retourner à son assiette vide. Il avait de lourdes cernes sous les yeux et semblait préoccupé. Médusa se demanda si leur mère en était la cause mais n'osa rien demander.

La table se vida des Serdaigles pressés de retourner réviser dans leur salle commune. La rentrée serait dans deux jours et ils comptaient manifestement prendre de l'avance sur leurs petits camarades. Médusa se décala légèrement pour se pencher vers son père.

—Notre invitée va bien ? chuchota-t-elle.

Son père leva les yeux de son assiette dorée et lui répondit d'une petite moue affable.

—Très bien. Je l'ai emmenée s'acheter une baguette hier, souffla-t-il si bas qu'elle put à peine l'entendre. Elle va vivre avec nous quelque temps.

Quelque part elle était rassurée et terrifiée pour la jeune femme. Médusa n'était pas mécontente d'avoir un peu de compagnie dans le prieuré Salazar mais l'idée que cette sorcière y devienne une captive lui donna la nausée. Elle repoussa discrètement sa mousse au chocolat, l'estomac noué.

Ce soir était un grand soir aussi. Ils allaient ouvrir la Chambre des Secrets. Leur père les avait prévenus par message plus tôt dans la journée. Après le repas il les y emmènerait en profitant de l'absence de Dumbledore. Médusa était excitée mais appréhendait ce moment. Salazar avait terminé d'écouter Brûlopot et semblait aussi un peu soucieux. Quand elle croisa le regard d'Eddy à côté de son frère, elle lut dans son esprit. Encore une fois son visage apparaissait sans cesse et le petit canard en plastique qu'il utilisait pour se protéger n'était pas suffisant. À chaque fois que le petit canard apparaissait, le visage de Médusa le supplantait presque instantanément. Elle adressa un regard furieux à l'adolescent qui se rembrunit.

Les Poufsouffles et les Gryffondors commençaient à se lever. Cela signifiait que c'était bientôt l'heure. Sal servit une excuse à Eddy pour qu'il accepte de partir devant. L'adolescent s'exécuta de mauvaise grâce, il jeta un coup d'œil à Sal puis à Médusa et marcha seul vers les cachots obscurs. Les jumeaux le regardèrent partir sans un mot et se dirigèrent vers le deuxième étage où leur père leur avait dit de l'attendre. En marchant aux côtés de son frère, Médusa repéra une expression tendue mais aussi très intriguée chez lui. Il avait peur mais voulait voir la Bête de Serpentard sans doute plus qu'elle. Au bout de quelques minutes devant la salle de classe de défense contre les forces du mal, leur père apparut. Il ne leur adressa pas un mot et leur demanda de le suivre dans le couloir d'un geste de la main. Ils ne marchèrent qu'une dizaine de mètres et leur père entra dans les toilettes de filles du deuxième étage.

Médusa n'était pas surprise quelque part, elle avait déjà lu le Codex de Serpentard et une allusion y était glissée. Elle ne put interroger son père car Mimi Geignarde voletait au dessus d'une cabine W-C avec un air curieux sur ses traits translucides.

—Tom ! C'est toi, s'extasia la fantômette. Tu sais, je ne te vois plus beaucoup ces derniers temps, même si ta salle de classe est à côté de mes toilettes.

—J'en suis désolé, Mimi, susurra leur père avec un air charmeur. J'ai hélas beaucoup de travail en ce moment.

—Je vois ça, murmura Mimi en jetant un coup d'œil curieux à Sal et Médusa. Que fais-tu avec eux ?

Médusa n'aimait pas Mimi et c'était quelque chose de réciproque. Elle savait comment la manipuler mais l'adolescente geignarde parvenait à l'irriter en quelques secondes. Voir cette gamine fantôme en train de jouer à une espèce de jeu de séduction scabreux avec son père lui arracha une grimace.

—Inutile de t'inquiéter Mimi. Cependant, j'aimerai que tu ne restes pas ici ce soir. Tu serais bien mieux dans la salle de bain des préfets. J'ai cru comprendre que les Serdaigles sont en train d'y prendre un bain.

La fantôme voyeuse rougit légèrement et ne se le fit pas dire deux fois. Elle disparut dans une canalisation et une fois fut-elle partie que leur père eut un gloussement dédaigneux.

—Toujours aussi stupide depuis que j'ai mis fin à ses jours. Mais aisément manipulable.

—C'était ton premier meurtre, réagit Salazar en fronçant les sourcils.

—Exact. J'avais à peu près votre âge quand j'ai découvert la chambre. Venez.

Il s'approcha des lavabos et leur montra un petit graffiti gravé sur un lavabo que Médusa avait déjà remarqué par le passé.

—Corvinius Gaunt a caché la chambre là où les petites sorcières révèlent leurs secrets, débita Médusa en se rappelant l'extrait du Codex.

—Effectivement. C'est notre ancêtre qui a bâti les canalisations de l'école sur le modèle des moldus. Un mal nécessaire pour assurer à la bête de pouvoir circuler dans tout le château. Ecartez-vous.

Ils s'exécutèrent et leur père bloqua la porte des toilettes.

Ouvre-toi, siffla-t-il ensuite en fourchelangue.

Lentement, la vasque commença à s'enfoncer dans le sol de pierre dans un bruit sourd et un bruissement d'eau croupie. Médusa retint une grimace, ses chaussures étaient fichues. La vasque fut remplacée par un immense tuyau sombre qui paraissait descendre jusqu'au centre de la terre.

—Les femmes d'abord, dit leur père avec une grimace sarcastique.

Médusa hésita. Elle n'avait jamais fait une telle chose de sa vie et ne savait pas ce qui l'attendrait en bas. Elle s'approcha du tuyau sombre et jeta un regard à son père qui lui rendit une mimique confiante. Alors elle sauta dans le tuyau.

Sa chute dura un moment, la jeune fille tomba brutalement dans le tuyau en retenant un cri. Sur la fin, elle parvint à se réceptionner avant de finir la tête la première dans un tas de petits squelettes de rats. Son frère n'eut pas cette chance. En arrivant dans un cri juste après elle, il tomba dans ce mélange d'ossement et d'eau sale avec une grimace de dégoût. Ils étaient sous les égouts de l'école, l'odeur y était insupportable. Leur père ne tarda pas à arriver en glissant dans le tuyau debout comme s'il venait de faire une étrange descente de snowboard moldu. Rita avait parlé à Médusa de ce sport qu'elle pratiquait aux États Unis avec ses cousins et c'était l'image la plus parlante qui lui vint à l'esprit sur le moment. Sal se nettoyait du bout de la baguette en retenant un haut le cœur et leur père enjamba les squelettes et autres immondices laissées par le temps et les égouts.

—Nous sommes ici dans l'anti-chambre. Maintenant écoutez-moi bien. Quoi que je vous demande, vous m'écouterez sans hésitation aucune. Si l'un de vous me désobéit, vous en mourrez. Ai-je été suffisamment clair ?

Médusa et Salazar se lorgnèrent dans l'obscurité puis hochèrent la tête à l'attention de leur père. Il parut satisfait et leur ordonna de le suivre. Ils ne marchèrent pas longtemps éclairés par leur baguette. Au bout de quelques mètres, leur père leur montra une immense porte en arrondi décorée de serpents sculptés.

—À partir d'ici, je vous ordonne de fermer les yeux. Vous savez ce qui se trouve à l'intérieur. Si le Basilic croise votre regard mais que vous n'avez pas le don pour le contrôler, votre vie s'arrêtera lamentablement.

Sur ces indications, Médusa ferma aussitôt les yeux. Elle sentit son frère lui saisir férocement le bras.

Leur père ordonna à nouveau à la porte de s'ouvrir en fourchelangue et leur tint les bras pour les aider à émerger dans ce qui devait être la chambre des secrets. Médusa ne voyait rien mais sentait une odeur de vase, d'eau et de vieille pierre très réconfortante. Un instant elle eut l'impression d'être retournée chez elle.

Viens à moi, Monstre de Serpentard. Réveille-toi. Ton Maître t'appelle.

Médusa entendit un grincement de pierre puis lentement un long bruit de glissement et d'eau. Elle ferma davantage les yeux, transie.

À ssssson Maître vient la Bête, siffla la voix d'une énorme créature.

—Parlez-lui, ordonna leur père à leur intention. Nous verrons si vous avez le don de vous faire écouter.

Bonjour, finirent par dire Salazar et Médusa à défaut d'autre chose.

Bonjour petits héritiers du Maître, siffla la créature. Vous pouvez ouvrir les yeux, mon regard ne vous tuera point.

Quelque part, Médusa était hésitante, mais elle doutait que leur père permette au basilic de leur faire le moindre mal. Alors elle ouvrit les yeux. C'était un gigantesque serpent long de vingt mètres et dont le diamètre était aussi grand que Médusa. La créature ondulait lentement de ses anneaux en les dardant d'un regard jaune et puissant. C'était les plus beaux yeux que Médusa n'eut jamais vu. Salazar était plongé dedans comme fasciné. Il s'approcha pour caresser la créature.

—C'est une femelle, remarqua Sal en posant doucement sa main sur les écailles du Basilic.

—Exact, répondit leur père. Le Basilic est le Roi des Serpents. Elle est donc la Suzeraine.

—Elle préfère qu'on l'appelle Suzy, l'interpella Salazar en lisant dans les pensées de la créature. Comme disait Nagini, il faut avoir des sujets pour avoir un titre.

Leur père ne lui jeta qu'un regard froid et sec et même le basilic parut effrayé car il poussa un petit sifflement tendu. Médusa se décida à parler pour éviter toute confrontation.

—Comment peut-elle être encore en vie après plus de neuf cent ans sous le château ? Je sais que les basilics peuvent vivre très longtemps… mais neuf cents ans ?

—Les héritiers ayant suffisamment de pouvoir sont capables de la mettre en sommeil et la réveiller. C'est ce que j'ai fait il y a vingt cinq ans. À cette époque je ne comptais pas avoir de descendance et comptais juste utiliser son pouvoir plus tard.

Médusa hocha la tête et posa sa main sur le museau de « Suzy ». Elle avait le museau chaud, ses écailles ondulèrent de plaisir sous ses caresses. Salazar suivait le long corps du basilic en le gratifiant d'une caresse rêveuse alors qu'il marchait.

—Reviens ici, Salazar, ordonna leur père. La raison pour laquelle je vous permets de prendre possession de cet héritage est parce que désormais vous êtes adultes. Bientôt Dumbledore ne sera plus là pour protéger les Sangs de Bourbe et ce sera votre travail d'utiliser la Suzeraine afin d'accomplir les desseins de Serpentard.

Salazar avait l'air blême alors qu'il revenait vers eux. Il darda un coup d'œil triste au Basilic. Médusa ne savait pas où elle en était. Jeter ce monstre sur des élèves ? Cela lui procura un sentiment de puissance et de terreur mêlées.

—Quand… elle aura fini son œuvre, est-ce que nous pourrons la relâcher ? murmura Salazar. Elle est malheureuse ici, toute seule.

—Nous verrons cela, esquiva leur père. Je vais refermer cette chambre désormais. Bientôt vous l'ouvrirez vous même sur mon ordre mais pas avant. Suis-je clair ?

—Oui, fit rapidement Médusa.

Salazar parvint à hocher la tête. Quand il se détourna d'elle, la Suzeraine poussa un petit sifflement pitoyable qui fit frissonner Médusa.

Retourne dormir, ordonna leur père en sifflant à la créature. Bientôt viendra ton heure.

Elle s'exécuta alors que la porte se fermait derrière eux. Médusa était troublée comme Salazar. Ils avaient senti chez ce « monstre » un mélange confus de solitude et de soumission. Médusa ressentait ce sentiment parfois, alors comme le Basilic avant elle, elle attaquait pour satisfaire d'autres besoins et occulter ceux-là.

.

.

Les élèves devaient être dans le Poudlard Express depuis un moment déjà quand Médusa émergea. Elle se frotta les yeux puis la tête. La nuit d'avant elle n'avait pas réussi à trouver le sommeil jusqu'à l'aube. Ou du moins ce qui devait être l'aube quand on ne pouvait l'apercevoir à travers le lac noir et profond. Étant seule dans son dortoir, elle se dirigea vers sa douche sans aucune grâce. De là, elle entreprit de s'y noyer plusieurs minutes afin de se vider la tête. Quand elle eut accompli ce petit rituel de noyade sans grand succès, elle se sécha et s'habilla d'une robe de sorcière mauve et assortit son ruban dans les cheveux à sa tenue.

S'ils n'étaient qu'une douzaine d'élèves dans l'école, Médusa ne pouvait supporter l'idée de ne pas être vue à son avantage. Son éducation stricte lui avait toujours fait savoir que les apparences étaient importantes pour conserver un soupçon de normalité.

Mais quelle était la normalité quand votre père vous demandait de bientôt jeter un monstre affamé sur des élèves sans défense ? Ça, elle n'était pas sûre qu'une famille au monde ait ce genre de dilemmes.

Elle descendit dans la salle commune et fut heureuse de la trouver vide. Elle se lova dans un fauteuil avec son livre de potion avancé qu'elle avait emprunté dans la réserve. Sous les craquements du feu elle se concentra un moment sur une recette de potion de Felix Félicis, puis trouva le fléreur d'Eddy en train de l'observer à l'entrée du dortoir. Quand leur regard se croisa, l'animal émit un feulement aigu avant de quitter la salle commune à toute vitesse.

Médusa ne savait pas où se trouvait son frère et Eddy mais n'avait pour le moment pas la moindre envie de les rejoindre. Elle quitta cependant son fauteuil pour aller manger dans la Grande Salle. Son père les avait quitté après avoir refermé la chambre et n'était pas là ce matin ou plutôt ce midi. Car le déjeuner était servi à la table des professeurs. McGonagall y présidait avec le Professeur Belline en divination. Les rares élèves arrivaient doucement. Médusa ne leur accorda pas un regard et se mit en bout de table. Ce soir le château serait à nouveaux fourmillants d'étudiants inconscients du danger à venir.

Alors que Médusa s'apprêtait à manger, elle vit entrer Salazar et Eddy. Ils avaient un peu de neige sur leur robe alors qu'ils s'attablaient près de la jeune fille.

—Vous êtes encore allés dans la forêt interdite ? s'agaça la jeune fille.

—Dans le parc, se borna à répondre son frère. Les botrucs sont en train d'éclore à cette période de l'année.

En levant les yeux au ciel, la jeune fille commença à manger son ragoût. Le fléreur Charme arriva en trottinant dans la Grande Salle et monta sur les genoux de son maître qui l'accueillit d'une grattouille.

—Je n'ai jamais vu un fléreur aussi attaché à son maitre, remarqua un Serdaigle que Médusa connaissait de nom, Felix Brown. Il est tout le temps collé à toi.

—C'est un de mes meilleurs amis, confirma le rouquin en enfournant ses fèves braisées d'un coup de fourchette dans sa bouche. Mais il a un sacré caractère je te préviens.

Quand le serdaigle tenta d'approcher sa main, Charme lui cracha dessus et alla se lover sur les genoux de Salazar en gratifiant Médusa d'un regard noir.

Les serdaigles à côté de son camarade rigolèrent et ce dernier retourna à son assiette. Salazar jouait mollement avec sa purée en grattant Charme. Il avait l'air fatigué. Sans doute que comme elle il n'avait pas dû beaucoup dormir cette nuit. Elle remarqua qu'à son bras se trouvait un curieux bracelet fait de cuir, de perles et d'une petite plume. Quand elle songea à interroger son frère, Dumbledore apparut à l'entrée de la Grande Salle. Il vint tranquillement vers la table des professeurs comme Charme l'avait fait juste avant.

—Professeur Dumbledore, fit McGonagall en lui rendant sa place. Nous ne vous attendions pas avant ce soir. Je suis heureuse de vous voir si tôt parmi nous.

—Moi de même Minerva, ne vous levez pas je vous en prie. Je suis juste venu vous saluer, je dois retourner à mon office que j'ai trop longtemps délaissé ces derniers temps.

Il gratifia les professeurs et élèves d'une œillade enjouée. Cependant, quand son regard s'attarda sur Médusa, Eddy et Salazar assis côte à côte, il parut un peu soucieux. Le professeur saisit une poignée de bonbon dans une coupelle argentée. Il se pencha ensuite vers Salazar qui retint un frémissement. Alors que Médusa allait sortir sa baguette comme un réflexe, Eddy lui tint le bras sous la table.

Dumbledore gratifia Charme d'une caresse et se détourna de Salazar.

—Il m'avait semblé le croiser dans les couloirs à Noël. Mais comme vous n'étiez pas présent dans le château à ce moment là, j'ai sûrement dû me tromper, Mr Lee. La fatigue ou la vieillesse jouent parfois de vilains tours. Bon appétit à tous.

Dumbledore leur tourna le dos et partit en enfournant ses bonbons alors qu'Eddy semblait imiter la couleur du potage aux tomates que Médusa entamait. Elle retint un ricanement et l'adolescent ne lâcha pas pour autant son bras. Alors sèchement, elle se dégagea et avala d'un trait sa soupe. À nouveau elle ressentait le pressant besoin d'échapper à la présence d'Eddy. L'adolescent lui adressa justement un regard et lui souffla discrètement :

—Retrouve-moi tout à l'heure, escalier sud. J'ai quelque chose pour toi.

Elle avait laissé Echo à la maison, et il n'y avait personne dans le château, le risque était donc moindre. Elle donna rapidement son accord d'un mouvement de tête. Médusa crut bien mourir de honte quand McGonagall adressa un doux regard à leur duo. Elle retourna dans son bol et ne releva plus la tête du repas. Salazar et Eddy quittèrent la Grande Salle dans les premiers. Médusa les regarda partir jusqu'au hall où ils se séparèrent. Sal retournait dans le parc avec Charme et Eddy empruntait l'escalier. Alors Médusa quitta la table à son tour et prit l'escalier pour se rendre au point de rendez-vous.

L'escalier sud était un petit escalier en colimaçon au quatrième étage. Excentré de toute salle de classe, les élèves le prenaient rarement. En général on pouvait y croiser quelques fantômes en train d'errer mais ce n'était pas le cas aujourd'hui. En se grattant le bras gauche, elle s'engagea vers l'escalier et peine fut-elle arrivée à la première marche qu'une main la happa dans l'obscurité. Deux mains saisirent ensuite son visage pour l'embrasser avec douceur. Elle ne voyait pas de qui il s'agissait mais le savait très bien. Eddy l'embrassait comme si c'était la dernière chose qu'il allait faire dans sa vie, elle y répondit un moment, envahie par la douceur et la ferveur du jeune homme puis le repoussa. Non, c'était une très mauvaise idée de continuer ce petit jeu dans le noir.

—J'ai… quelque chose pour toi, murmura Eddy un peu vexé d'être écarté. Même si je suis en retard, Joyeux Anniversaire.

Il lui tendit un long collier qui était un peu dans le même style que le bracelet de Salazar. C'était une sorte d'attrape rêve des natifs américains, fait de cuir et de plumes mêlés de corail et de perles.

—Newt m'a appris à faire ce genre de bijou. Ça porte chance et prospérité.

—Tu m'as fait un collier ? articula Médusa trop éberluée.

C'était la première fois qu'on lui offrait quelque chose de fait main. En général pour son anniversaire son frère lui offrait un livre, Bella et Rita des vêtements. Ce petit pendant avait l'air un peu piteux face aux présents qu'elle recevait habituellement mais la jeune fille ne s'en sentait surtout pas digne. Après avoir passé tous ces moments ensembles, après avoir utilisé ce bonheur là pour produire un patronus, ce cadeau cristallisait quelque chose qu'elle ne voulait pas admettre.

—Je sais que ça ne vaut pas les colliers que vous avez reçu ton frère et toi… mais je me suis dit que ça pourrait te plaire.

Médusa tritura le collier doré qu'elle portait autour du cou depuis son anniversaire. S'il était joli, il était sans commune mesure avec ce présent qu'Eddy lui tendait.

—Je ne peux pas accepter, murmura la jeune fille. Ecoute… je ne sais pas comment dire ça, Eddy… Mais il faut qu'on arrête tout ça.

Elle sentit l'adolescent se tendre dans l'obscurité.

—Pourquoi ?

—Pour tout un tas de raison, mais la première est que si mon père l'apprend, je suis morte et toi aussi. Ce n'est pas possible. Il est là toute l'année à nous surveiller et il t'a aussi dans le viseur, cela va se savoir.

—Mais c'est toi qui es venue me chercher ! À chaque fois ! s'énerva Eddy. Ce que nous faisons n'a pas à regarder ton père. On ne fait rien de mal.

—Je sais. Mais ça le regarde malheureusement, murmura Médusa. Ce n'est plus possible.

Elle lui rendit le collier qu'il refusa de récupérer. Elle ne voyait pas son visage caché par l'ombre de l'escalier mais ce devait être un air triste et désespéré car il reprit d'une voix tremblotante :

—Non, garde le. On ne reprend pas un cadeau.

Le voir si bouleversé fit mal à la jeune fille, mais cette douleur se transforma chez elle en hargne. Elle jeta le collier au fond de la poche de sa robe et s'écarta. Pourquoi Eddy Lee était-il si compliqué ? Si pleins de sentiments ?

—Va-t'en, rétorqua l'adolescent en s'avançant.

Quand il sortit des ténèbres Médusa remarqua son expression. Il avait mis sur son visage une sorte de masque lugubre qui n'était pas sans rappeler celle que son père pouvait avoir. La jeune fille fronça les sourcils et tourna les talons devant cette aura mauvaise. Elle avait encore plus mal que lui, mais savait mieux se contrôler. Alors qu'elle s'éloignait, un bruissement dans le couloir attira son attention. Avec de bons réflexes, Médusa sortit sa baguette à temps. D'un commun mouvement les fenêtres du couloir explosèrent. Médusa parvint à s'abriter derrière un bouclier et cria. Le fantôme d'Helena Serdaigle apparut d'une salle de classe vide à ces bruits tonitruants.

Quand Médusa se retourna vers Eddy, il avait l'air statufié par ce que sa magie explosive avait fait. Si Médusa ne s'était pas abritée, elle aurait pu être blessée. Elle lui jeta un regard venimeux.

—Va te faire soigner, Lee !

—C'est en cours, siffla l'adolescent.

—Si tu crois un seul instant ses paroles, c'est que tu es bien sot en plus d'être malade.

De là, elle le quitta et lui laissa le soin d'expliquer toute la situation à la Dame Grise qui regardait les éclats de verre d'un air lugubre. Elle retourna d'un pas vif vers son dortoir.

Le soir venu, les élèves arrivèrent pour le début d'année. Médusa s'attabla près de Rita qui venait d'arriver. Elle parut ravie de la revoir, et avait pris quelques couleurs au cours de l'hiver.

—Med, ma chérie, c'est un bonheur de te revoir. Je suis allée chez mes cousins dans le Montana faire du ski. Il faudra un jour que les sorciers essayent ce sport.

—Un sport qui consiste à descendre une montagne pour la remonter toute la journée ? parvint à se moquer Médusa. Sans façon. Je préfère le Quidditch.

—On peut aimer l'un et l'autre, assura Rita. Et toi tes vacances ?

—Bien passées, se borna à répondre Médusa. Nous sommes rentrés plus tôt à Poudlard.

Elle jeta un coup d'œil à travers la Grande Salle remplie. Tous les professeurs et élèves étaient de retour. Dumbledore présidait la tablée des professeurs et son père était là, les yeux baissés sur sa bague noire avec laquelle il jouait machinalement. Médusa reporta son regard vers Bellatrix en train de discuter avec Rosier et Lestrange et elle repéra son frère et Eddy en bout de tablée. Comme d'habitude, les Serpentards laissaient l'Obscurial seul la plupart du temps et ne lui adressaient que peu la parole, persuadés qu'il pouvait exploser d'un moment à l'autre. Ils n'avaient pas tort en un sens. Médusa avait vu qu'Eddy était capable d'exploser très facilement ces derniers temps. Elle regretta qu'il ait cessé son traitement sous la tutelle de son père. Cela ne présageait rien de bon. Il avait cependant promit dans le serment inviolable de ne pas utiliser Lee contre Dumbledore, alors qu'espérait-il faire de cette bombe à retardement ?

—Dumby a une sale mine, remarqua Skeeter en la sortant de ses pensées. Il n'a toujours pas retrouvé Grindelwald comme tous les aurors d'Europe.

—C'est vrai. Je me demande où il est. Sans doute bien caché.

—Ou alors c'est que quelqu'un le cache ? proposa Rita. Je veux dire, on ne disparaît pas comme ça de la surface de la terre alors qu'on est le sorcier le plus recherché du monde.

Médusa savait qu'il existait de nombreux moyens de se cacher, alors que Grindelwald un des plus grands mage noir du siècle y parvienne ne la surprenait pas vraiment. Les plats apparurent, et Médusa mangea en cherchant à capter le regard de Bellatrix. Depuis qu'elles s'étaient affrontées au Derby, la jeune fille avait une aura encore plus sombre. Elle tâtait régulièrement sa marque invisible sur son bras et y jetait un regard presque langoureux. Médusa retint une grimace en frottant son propre bras férocement.

—Ça va ? Qu'est-ce que tu as là dessous ? demanda Rita en fronçant les sourcils.

—Rien qui ne te concerne, siffla Médusa.

Elle avait parlé sèchement mais si sa curieuse camarade commençait à fouiller dans les affaires de leur famille, elle n'y survivrait pas contrairement à Eddy. Rita pinça les lèvres et retourna à sa dinde rôtie sans un mot. Médusa en fut encore plus agacée.

Alors que le repas touchait à sa fin, Rosier se leva et se dirigea vers elle. Médusa retint un roulement des yeux agacés.

Depuis qu'il lui avait fait disparaître les os du bras et qu'elle s'était vengée de lui, le garçon l'évitait la plupart du temps. Il lui parlait courtoisement en baissant les yeux quand ils étaient dans les vestiaires de Serpentard mais ne l'approchait plus en public. Elle aurait aimé que cela continue.

—Hey, Médusa, fit Rosier avec un petit sourire. J'ai programmé un entraînement d'urgence après demain à 18h. Bellatrix a rendu sa place de batteuse. Je dois faire passer des sélections demain, tu veux m'accompagner ?

—Bella ne joue plus au Quidditch ? s'alarma Rita.

—Non. Apparemment elle n'a plus le temps pour ces gamineries, répondit le capitaine de l'équipe d'un ton égal. Donc je répète Médusa, veux-tu m'accompagner pour la sélection ? Etant donné que tu es batteuse il faut trouver une complémentarité avec le futur sélectionné.

—Je m'en passerai, siffla la jeune fille. Va renifler des Éruptifs et laisse-moi retourner à mon dortoir en paix. Je serais là à l'entraînement, c'est tout.

Rosier lui adressa un mince sourire étonnement confiant. Il lui flatta le dos et s'en alla en susurrant :

—Alors j'ai hâte d'y être. Prends soin de toi.

Médusa retint un frisson mais ne put cacher sa grimace. Alors qu'elle se levait, Rita semblait avoir oublié sa rancœur envers elle pour y préférer les potins.

—Toujours aussi gogol celui-là. Il ne veut pas comprendre que tu as d'autres fléreur en tête.

Un éclair roux passa devant les jeunes filles mais n'adressa pas un regard à Médusa. Cette dernière se mordit la lèvre alors qu'Eddy retournait au dortoir à la suite de Salazar. Rita plissa les yeux.

—En parlant de fléreur, il te fait la tête celui-là ?

—Je t'en parlerai plus tard. Pas ici, s'esquiva Médusa. J'aimerais parler à Bella. Je ne lui ai pas parlé depuis le Derby.

—D'ailleurs tu as disparu où ? Je vais saluer Célestina Moldubec une seconde et quand je me retourne vous avez disparu Sal et toi.

Médusa préféra ne rien répondre. Elle repéra au fond du couloir la chevelure indisciplinée et bouclée de Bellatrix. Elle était en train de discuter avec Rodolphus. À leur approche la jeune femme se crispa et serra la mâchoire.

—Tu as arrêté le Quidditch, murmura Médusa en ne sachant comment l'aborder depuis leur combat.

—Oui, ce sont des enfantillages. Désormais de plus grandes affaires attendent notre sang, rétorqua dédaigneusement Bellatrix. Toi aussi tu devrais arrêter ces bêtises et te concentrer sur ton avenir.

Lestrange gloussa et prit la main de sa fiancée. Elle portait depuis le Derby une magnifique bague en rubis et or blanc délicatement ouvragée.

—Joli bague, constata Rita. Les fiançailles sont officielles, donc.

—Oui, assura Rodolphus. Nous nous marierons dès que Bella aura ses ASPICs. Rêve que ça t'arrive un jour Skeeter.

Il tira Bellatrix derrière lui. Le regard qu'elle leur lança oscillait entre la folie furieuse et une étrange expression que Médusa avait vu chez Nagini alors que ses parents se toisaient. Celle d'un petit oiseau perdu entre deux feux.

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J'espère que vous avez aimé ce chapitre :) à bientôt pour la suite et merci à Elaia pour ses corrections !