Après avoir passé des heures à taper un texto, l'effacer, recommencer… Bill était content par la distraction qu'offrait la présence de Kara. Depuis la mort de son cadet, il s'était énormément rapproché de celle qui aurait dû être sa brue. Il aimait sa franchise et son humour, ce qui trouvait vraiment de manque chez Lee. La jeune femme venait d'acheter un loft et lui avait demandé de l'accompagner pour l'inspection. Il aimait pouvoir aider ses enfants avec ce genre de petits services et passer du temps avec eux. Et ça lui évitait de passer son samedi à trop tourner en rond.
Bien sûr, il n'avait pas pu s'empêcher de penser à Laura. Kara l'avait remarqué et n'avait cessé de le taquiner. Il était reconnaissant qu'elle n'ait pas pressé le sujet outre mesure, il n'était pas encore prêt à parler de sa rencontre. Il n'avait rien à cacher mais il ne voulait rien divulguer non plus. Il avait été diner avec une tres belle belle (et très intelligente) femme, avait apprécié sa compagnie et ils s'étaient embrassés. Il ne pouvait pas décemment dire qu'il envisageait à nouveau de se marier, pas après deux dates. Il ne pouvait pas non plus exprimer ses craintes: Elle était une personnalité publique et il n'était pas sûr de ce que cela signifiait au quotidien. Il ne pouvait surtout pas dire qu'il avait peur que Laura et Lee ne s'entendent pas. Il avait déjà assez de mal à se l'avouer alors l'exprimer… non, il écouta Kara parler de tout et de rien. C'était suffisant, pour le moment.
2140, 2142, 2148. Ah, voilà, 2150! Bill venait d'arriver chez Laura. Il prit un instant pour s'assurer que l'encolure de son veston soit bien mise, que sa braguette soit bien fermée. Il se sentait bien plus nerveux que 48h auparavant. Il savait ce qu'il avait à perdre, désormais. Il avait même investi dans des habits la veille: deux jeans et cinq t-shirts. Il inspira profondément et regarda autour de lui. C'était une rue typique du centre historique de la métropole: étroite, à sens unique, de grands arbres sur les trottoirs des deux bords. Un peu plus au nord plusieurs immeubles étaient dotés d'escaliers en forgé autour desquels du lierre s'entortillait. C'était de toute beauté. L'immeuble de Laura était fait de briquettes rouges délavées et était légèrement en retrait par rapport à la rue. Une plate bande de jonquilles et tulipes longeait le petit portail noir. Le vélo de la propriétaire était accroché à un poteau sous le perron. Il frappa une fois, puis une deuxième. Il remarqua la sonnette qu'il activa. Il n'entendit pas de carillon à l'intérieur et en conclut qu'elle ne devait pas fonctionner. Il cogna à nouveau, toujours pas de réponse. Il regarda à travers la vitre à sa gauche et vit une source de lumière au fond de la maison. Il devait y avoir un jardin ou une terrasse de l'autre côté.
Un peu agacé, il alla dans la ruelle et trouva aussitôt le jardin. À travers la palissade, il devinait les pages d'un livre et les cheveux auburns de Laura. Il l'appela doucement, ne voulant pas la surprendre. Trop tard! Il comprit qu'elle était dans un hamac quand il vit les arbres vaciller et qu'il entendit sa compagne jurer. Quelques instants plus tard, le portillon s'ouvrit. Il entra dans le jardin et s'arrêta juste devant elle. Ils se regardèrent un instant, pas certains de savoir quoi faire. Elle fit le premier pas. Elle posa une main sur sa poitrine et, montant sur la pointe des pieds, lui donna un baiser sur les lèvres. Quand elle se recula, il prit note de sa tenue et comprit qu'elle n'était pas prête du tout. Il fronça les sourcils, de nouveau agacé quand un réveil se mit à sonner. Ils firent tous deux un bond avant de se mettre à rire. Laura se baissa et éteint une véritable antiquité. Il n'avait pas vu de tel réveil depuis son enfance.
« Tu es drôlement en avance. » fit-elle remarquer en lui montrant l'heure. Perplexe, il regarda l'écran de son cellulaire:13h30 alors que le réveil indiquait 12h30.
« On a changé d'heure cette nuit » Taquina-t-il, comprenant la méprise. Il la vit blêmir et se confondre en excuses, jurant avoir mis un réveil pour être sûre d'être prête pour son arrivée. Il lui sourit, ce n'était pas important, il était prêt à l'attendre. Il la regarda avec amusement décrocher son hamac, qu'elle plia avec habilité et habitude et ramasser l'oreiller et la couverture qui étaient dedans. Elle jeta le tout sur la table du salon, peu soucieuse du désordre. Il ramassa le verre d'eau qui était posé à terre ainsi que le livre, notant qu'il s'agissait en fait du sien. Au lieu de l'énerver, il constata que l'idée de partager un même livre avec cette femme l'enthousiasmait. Elle s'excusa de nouveau, consciente d'avoir été prise la main dans le sac.
« J'espère que tu n'as pas perdu ma place. » dit-il d'une voix faussement sévère en ouvrant le tome. Il constata que son marque page était toujours présent vers la fin du livre. Une carte postale l'avait rejoint vers le milieu.
Il suivit la maîtresse de maison à l'intérieur. Il regarda autour de lui pendant qu'elle s'affairait à lui faire un café. Il aima aussitôt l'endroit. Elle avait une cuisine assez grande pour y être à deux, ornée de boiseries blanches. Un comptoir de bois massif séparait la cuisine de la pièce de vie. Un canapé gris, qui avait l'air extrêmement confortable, avec un fauteuil assorti encerclaient une table basse en bois brut. Contre un mur, une immense bibliothèque regorgeait d'ouvrages. Une table assortie au comptoir de cuisine avec des chaises modernes en tissus gris garnissait le coin salle à manger. Hormis pour les meubles, il fut surpris de voir la pièce si peu décorée.
« Je vais me changer. Bois ton café, je reviens dans 5 minutes. » s'excusa-t-elle en avançant vers l'escalier menant à l'étage. Elle s'arrêta en chemin, fit demi-tour, vint l'embrasser à nouveau et repartit avec un petit rire. Le sourire aux lèvres, café en main, il déambula dans l'appartement. Il aimait la lumière qui s'infiltrait dans la grande pièce de vie. Il n'aurait jamais pensé cela possible de l'extérieur. Il découvrit un bureau et une autre bibliothèque de part et d'autre de la porte d'entrée. Les deux pièces étaient beaucoup moins lumineuses mais semblaient très cosy. Une tasse avec un sachet de thé reposait sur le bras du fauteuil de cuir dans la bibliothèque. Il pouvait facilement y imaginer Laura.
Il entendit des pas dans l'escalier et elle réapparut. Il avait insisté sur le fait qu'elle n'avait pas besoin de se changer mais était ravi qu'elle l'ait fait. Il l'avait trouvé charmante dans son legging noir. Il n'avait pu s'empêcher de remarquer comme il mettait en valeur ses jambes et son derrière. Désormais, elle était ravissante! Elle avait enfilé une robe de lin rouge foncé. De larges boutons noirs séparaient les pans du vêtement, attirant l'œil vers l'avantageux décolleté. La taille était cintrée, mettant en avant ses hanches et son buste. Elle était à couper le souffle. Il remarqua qu'elle rougissait et se sentit honteux de l'avoir ainsi regardé. « Cette couleur te va très bien. » Se contenta-t-il de dire. Elle lui fit un petit sourire gênée et avança vers la salle de bain qui se trouvait en face de la cuisine. Elle ne ferma pas complètement la porte.
« Es-tu venu en vélo? » demanda-t-elle en appliquant du mascara. Il jeta un regard vers son interlocutrice, se sentant à la fois de trop et en même temps tout à fait à sa place. C'était un drôle de feeling.
« J'ai prévu de louer un Bixi. Je n'ai pas de vélo à moi, ici. » Il entendit un bruit de tissus et la vit farfouiller dans un petit sac d'où elle sortit un tube doré.
« C'est parfait, il y a une borne juste au coin de la rue. » Dit-elle avant d'appliquer son rouge à lèvres. Elle enfila un élastique autour de son poignet et quitta la salle de bain. « Je suis prête. » Dit-elle, triomphalement. Il n'avait même pas eu le temps de boire 1/4 de son café!
Elle décrocha son sac à main et une veste de la patère dans l'entrée, attrapa ses clefs et l'invita à la suivre. Dans la rue, ils échangèrent des banalités en allant vers la borne de vélo en libre service. Il la vit coincer le guidon de son vélo contre sa hanche afin de pouvoir marcher les mains libres afin d'arranger ses cheveux. Il sourit de sa débrouillardise mais prit le vélo. Il en profita pour l'observer du coin de l'œil. Elle démêla ses longs cheveux avec ses doigts avant de les discipliner en une longue tresse. Elle prit l'élastique qui était sur son poignet et noua ses cheveux avec. Elle passa une main sur le dessus de sa tête, s'assurant de ne pas avoir de bosses et, quand elle fut satisfaite du résultat, elle plaça la tresse sur son épaule gauche et enfila son casque.
Il était époustouflé. C'était une révélation pour lui. Il n'avait jamais vu de femmes qui se préparaient aussi vite, qui savaient être élégantes sans être chiante. Il imaginait une vie simple et facile à ses côtés, et ça le réjouissait.
