Chapitre que j'apprécie un peu moins que les autres, mais bon. Vous me direz ce que vous en pensez !


À cinq heures du matin, les portes principales du château s'ouvrirent sur un Draco guilleret, gambadant gaiement avec son panier d'osier à la main et sa cape remontée sur sa tête pour épargner à ses sublimes cheveux la brume du matin. Rien n'aurait pu le rendre plus heureux que son rendez-vous en amoureux avec Harry et il était bien décidé à faire tout ce qu'il pourrait pour le faire tomber sous son charme ! C'était vraiment injuste qu'il soit le seul à ressentir tout ça. L'amour était si beau. Il voulait inonder Harry du sien.

S'installant face au lac, Draco secoua la petite nappe à carreaux qu'il avait dénichée dans les cuisines avant de l'étendre sur le sol. Elle avait la taille parfaite. Pas trop grande. Comme ça, ils seraient assis l'un à côté de l'autre et Draco pourrait se blottir dans ses bras en prétextant avoir froid. Il consulta sa montre. Encore sept heures avant le déjeuner. Ça risquait d'être ric-rac niveau timing, mais c'était jouable.

À midi pile, Draco s'installa au milieu de la nappe et attendit l'arrivée d'Harry avec une grande excitation en ignorant superbement tous les jaloux qui passaient devant lui en le scrutant.

À midi cinq, blessé qu'on ait osé lui poser un si grossier lapin, Draco attrapa une pierre et la jeta dans le lac. Elle perça la surface et coula, coula, coula. Jusqu'à tomber sur la tête du calamar géant qui se réveilla aussitôt. S'élançant à la surface, il sortit de toute la longueur de ses effrayants tentacules gluants qui faisaient fuir les élèves en cri horrifiés, mais ne tomba que sur un garçon assis par terre, les bras ballants et pleurant si fort qu'il pourrait faire déborder le lac.

- Bah, qu'est-ce qu'il a celui-là ? Glouglouta le calamar.

- Y est pas enu, répondit Draco d'une voix nasale en pleurant plus fort encore.

Le calamar plissa les yeux pour distinguer la bulle qui sortit du nez de Draco avant d'éclater. Les humains faisaient vraiment des choses bizarres. Même si ce n'était pas dans ses habitudes de calamar, Pludsuqh, de son petit nom, était intrigué par ce garçon qui parlait sa langue. Et puis il l'avait déjà vu dans la drôle de bulle devant laquelle il passait de temps en temps pour faire peur aux humains. Il s'accouda donc à la petite île au milieu du lac.

- Raconte-moi tout, bubulla-t-il.

Alors Draco se lança dans un long discours compliqué. Il avait du mal à parler avec la morve qui lui coulait du nez et lui chatouillait le duvet. Mais Pludsuqh était très gentil et il l'écoutait avec toute son attention. Il ne disait rien de tout, il ne faisait qu'hocher la tête de temps en temps. À la fin de l'histoire, Draco avait arrêté de pleurer. Ses yeux étaient rouges, ils piquaient et n'ayant aucun mouchoir sous la main, il attrapa un coin de la nappe pour se moucher bruyamment dedans.

- Je vais t'aider, décida Pludsuqh.

- M'aider ? Répéta Draco en le regardant.

Le calamar acquiesça. Il prit une seconde, se frottant son visage de son tentacule pour réfléchir. Draco attendit patiemment, plein d'espoir.

- J'ai trouvé ! On va le capturer.

Pludsuqh semblait sûr de lui, alors Draco accepta. Peut-être que c'était une bonne idée. Et si Harry ne pouvait pas s'enfuir alors il pourrait avoir une vraie conversation ! Les yeux illuminés d'un millier d'étoiles, Draco clama au calamar à quel point il l'adorait. Le calamar ne cacha pas sa fierté et son appréciation des commentaires élogieux de Draco. Il bomba sa tête avec un sentiment d'invincibilité. Mais l'heure n'était pas aux flatteries. Ils avaient un rendez-vous à mettre en place !

Le pique-nique fut déplacé sur l'île, pour plus de sûreté et d'intimité, et une fois que tout fût en place, ils guettèrent Harry. L'idée qu'avait eue Pludsuqh était vraiment formidable ! Dès qu'ils avaient aperçu Harry et qu'il avait été suffisamment près, le calamar avait surgit du lac en éclaboussant tout le monde et l'avait attrapé avec son tentacule pour l'amené jusqu'à Draco. En bon ami qu'il était, un calamar ne fuyant jamais son devoir, Pludsuqh avait décidé de prêter main forte à Draco jusqu'au bout. Il gardait Harry dans son tentacule.

- C'est tout gluant, gémit Harry.

- Il ne fait pas exprès, répondit Draco pour excuser son nouvel ami. Ouvre la bouche !

Tout sourire, Draco approcha une cuillère de sa bouche. C'était un cauchemar. Harry était encore en train de dormir et de faire cet horrible cauchemar où il n'avait plus de dents et devait manger de la purée et des yaourts.

- C'est impoli de refuser de la nourriture offerte ! S'offusqua le calamar devant le manque de coopération d'Harry.

Mais comme Harry ne parlait visiblement pas le calamar, il appuya sur Harry, qui eut un haut-le-cœur, comme on presse une poule en plastique ou un jouet pour chien qui couine. Parce qu'Harry couinait.

- D'accord, d'accord ! Comprit Harry.

- Aaaaah, l'accompagna Draco.

Harry consentit à ouvrir la bouche et se laissa nourrir. Quand il n'était pas assez rapide ou assez gentil, d'après ce qu'il avait réussi à comprendre, le calamar le pressait comme un citron. Si maintenant Draco se faisait aider par les créatures du lac noir, il n'allait plus pouvoir l'éviter longtemps. Peut-être qu'il avait même les elfes de maison à son service ! Et si les chaussettes qu'il avait perdues avaient été volées par un elfe qui les avait ramenés à Draco ? Peut-être qu'il avait une boite cachée sous son lit avec ses chaussettes dedans, et peut-être aussi les cheveux qu'il laissait sur sa brosse ou son oreiller. Est-ce que Draco savait pratiquer le vaudou ? Cette hypothèse lui fit si peur, et le déjeuner fut si horrible que dès qu'il eut les pieds sur la terre ferme du parc, il prit la fuite. Il courut à en perdre haleine – et surtout l'équilibre, comme peuvent en attester toutes les armures qu'il a renversé sur son passage – jusque dans la salle sur demande. Il avait besoin de se ressourcer dans son havre de paix. De retrouver sa muse pour soulager ses tourments. Il retrouva son merveilleux trésor avec un délice interdit. Se pâmant devant son plus beau profile qui soulignait si bien la grâce de ses traits, il fit un bond quand un cri résonna dans la pièce.

Mortifié, Draco s'évanouit dans cette pièce couverte du sol au plafond de représentation de sa cousine Nymphadora.