ccassandre24 : Merci beaucoup pour tes encouragements qui me font vraiment chaud au cœur ! Ça m'encourage beaucoup ! C'est un vrai plaisir en tous cas ! A bientôt !

Guest : Merci beaucoup pour tous ces compliments ! J'espère que la suite continuera à te plaire ! Pour ce qui est de Nott, je n'y ai pas vraiment réfléchi... ^^ Un jour peut-être !

8 - «J'ai des ailes. J'aspire au faîte ; mon vol est sûr ; J'ai des ailes pour les tempêtes et pour l'azur !» («Ibo», Hugo)

C'était novembre, le premier lundi des vacances d'automne et Ron, Harry et Hermione s'étaient retrouvés tôt ce matin pour partir ensemble. Afin de préparer le procès, le Magenmagot souhaitait faire une reconstruction de leur séquestration et de leur torture dans le manoir des Malfoy. Ils prirent un petit déjeuner copieux dans un silence concentré, se préparant, se remémorant ce qu'ils allaient devoir dire ou faire.

Ron mangeait avec un geste machinal. Lui si gourmand, ce matin-là, il se remplissait pour se remplir, car la journée s'annonçait difficile. Si douloureuse et froide qu'il fallait être plein pour un peu moins ressentir le vide qui le dévorait déjà. Il observa Harry qui regardait dans le vague en soufflant sur son thé et Hermione qui tartinait son scone d'une main tremblante. Dean Thomas et Luna les rejoignirent assez vite et partagèrent leur silence. C'était à ça que ressemblaient les héros de la guerre ! Ron prit le dernier scone qu'Hermione avait tartiné de beurre à l'avance et lui recouvrit de confiture à la myrtille puis lui tendit d'un geste maladroit. Elle lui sourit et cela réchauffa son cœur.

Une fois fini de manger, ils montèrent dans le bureau de McGonagall. Elle voulait leur parler avant leur départ. Elle les attendait debout, regardant par la fenêtre. Elle leur proposa des biscuits à la cannelle et une tasse de thé. C'était sa manière à elle de les couver. Elle ne s'offusqua pas de leur refus et leur sourit malgré l'inquiétude qui la rongeait. Sentant qu'ils ne voulaient pas s'attarder, elle alla chercher la poudre de cheminette et leur rappela :

-Dire « Manoir des Malfoy » devrait suffire.

Chacun prit une poignée et, se plaçant côte à côte dans la cheminée, ils récitèrent ensemble l'adresse funeste. Le voyage dura quelques secondes où ils sentirent leur corps se tordre dans tous les sens pendant qu'un paysage brouillé défilait sous leurs yeux.

Lorsqu'ils arrivèrent, ils furent surpris par l'agitation qui régnait dans le grand hall du manoir. Experts en enchantements, sortilèges et magie noire s'affairaient en tous sens. Magistrats et aurors discutaient avec animation. Très vite, ils ressentirent la présence de détraqueurs qui gardaient, au fond de la salle, les accusés. D'autres témoins se trouvaient là et chuchotaient entre eux tout en appréciant la taille imposante de la pièce. Ron ne manqua pas de repérer Malfoy fils, face à une fenêtre, qui gardait résolument son regard fixé sur l'allée principale bordée d'ifs parfaitement taillés, comme s'il était seul au monde. Les bras croisés contre sa poitrine, son col roulé noir se fondait dans les murs décorés de tapisseries violet sombre.

Ron sentit la colère monter en lui. Cette posture détachée et hautaine… C'était bien Malfoy ça… Il était outré de constater qu'il gardait sa superbe en toute circonstance. N'y aura-t-il pas un moment où ce prétentieux perdrait la face ? Ses souvenirs étaient en train d'être pillés, le manoir de ses ancêtres souillé, la superbe de sa famille, ses valeurs et ses traditions bafoués… Malgré cela, il restait droit, presque impassible comme le chêne qui, bien que déraciné après une tempête, agonisant, susurre à l'oreille du roseau rageur « je suis toujours un chêne et toi un pauvre roseau ». La jalousie grignotait sans cesse la sérénité fragile du jeune homme roux.

A côté de lui, il sentit Hermione se tendre face à cette vision cauchemardesque. Dans un élan d'affection, surpris de lui-même, il lui prit la main.

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Hermione n'eut pas vraiment le temps de se perdre dans ses réflexions. A peine furent-ils arrivés qu'ils devinrent le centre de l'attention. Ils furent salués personnellement par tout un tas de personnes qu'ils n'avaient encore jamais vus. Exceptionnellement, cela lui allait très bien. Cela l'empêchait de penser à ceux qui se trouvaient au fond de la salle, gardés par des détraqueurs. Elle dégagea le plus doucement possible sa main de celle de Ron, qui lui paraissait inconfortable. Elle commençait à deviner les sentiments de son ami mais n'arrivait pas à lire clairement en elle… Elle voulait fuir et culpabilisait de ne pas correspondre au schéma que tout le monde attendait : deux héros de guerre ensemble, quoi de plus naturel ?

Très vite, tout le monde fut prêt pour reconstituer ce qu'il s'était passé en mars dernier. Toute l'assemblée fut alors invitée à sortir du manoir pour se retrouver devant l'imposant portail en fer forgé. Les détraqueurs restèrent en retrait pour ne pas interférer avec les victimes.

Dehors, les températures étaient douces. C'était un beau matin d'octobre. Les feuilles avaient pris leurs couleurs flamboyantes et la lumière se faisait rasante. Un oiseau esseulé chantait, bien caché dans le ramage épais d'un grand pin. Le manoir Malfoy avait l'air d'un bâtiment abandonné, hanté peut-être. Sa façade grise d'époque médiévale, dans un style très épuré pour ne pas dire austère se dressait dans un immense parc à l'anglaise. Hermione était surprise de retrouver ce lieu dans ces circonstances : une matinée paisible. Si ce château n'était pas rattaché à de terribles souvenirs, elle aurait été capable de le trouver magnifique bien qu'une certaine tristesse s'en dégageait. Ses pensées vagabondèrent alors qu'ils suivaient l'allée principale, à l'ombre encore basse de la haute haie.

Elle essaya de couper son esprit à toutes les réminiscences de son séjour dans ce manoir. Elles apparaissaient brusquement comme des flashs, des coups de béliers d'envahisseurs voulant massacrer son jardin intérieur. Elle ne prêtait même plus attention aux tremblements incontrôlables de ses mains.

Pour s'échapper d'elle-même, elle décida de se concentrer sur le fils des propriétaires de la vieille bâtisse, qui marchait à quelques pas devant elle. Combien de fois avait-il arpenté cette allée ? Dans quel état d'esprit ? Avait-il des souvenirs heureux, dans ce château ? Il marchait le dos droit mais en regardant ses pieds, comme s'il ne voulait croiser le regard de personne.

Personne n'avait été plus méprisé que Malfoy ce jour-là. Il avait été traité en véritable paria. Laissé à l'écart, personne n'avait été là pour lui, un peu comme lors de cette chute de balais pendant le match de Quidditch où on l'avait laissé s'écraser au sol. Son cœur se serra. Lui aussi, bien qu'entouré par ses amis Serpentards, devait se sentir seul. Comme elle.

Toujours devant elle, il avait relevé la tête et regardait le paysage. Il laissait sa main droite effleurer les jeunes feuilles des ifs, comme pour ressentir une caresse réconfortante. Elle se retint de faire ces deux foulées de course qui lui permettraient d'être à sa hauteur. Elle se retint de l'appeler. Elle se retint de s'élancer en avant pour lui prendre le bras, ou de lui prendre la main comme elle s'en était empêchée lorsqu'elle était allée le voir à l'infirmerie. Ce n'était pas le moment. Ce ne serait sans doute jamais vraiment le moment.

Une fois tous regroupés devant le portail, un des magistrats demanda à Harry de repréciser le contexte :

-Nous étions en forêt de Dean, dans la tente qui nous servait d'abri quand j'ai bêtement brisé le tabou qui avait été posé sur le nom de Voldemort.

A ce nom, un frisson parcourut l'assemblée mais Harry poursuivit son récit de manière imperturbable :

-Une douzaine de Rafleur ont encerclé notre tente, menés par Fenrir Greyback.

Il y eut une agitation dans le rang des accusés, laissés à l'écart pour l'instant. Fenrir était là. Son regard, son apparence laissaient voir toute la folie et la cruauté qui l'habitaient. Les aurors resserrèrent leurs rangs autour de lui. Le jeune homme poursuivit.

-Pour cacher mon identité, Hermione Granger m'a jeté un maléfice cuisant. Nous avons essayé de mentir mais la fouille de notre tente a révélé le nom de Miss Granger. A ce moment-là, mon esprit se connecta également avec l'esprit de Voldemort.

Le magistrat acquiesça d'un air entendu. Il reprit la parole :

-Faites venir M. Greyback, je vous prie.

Ce dernier approcha en boitant, l'air plus animal que jamais. Il humait l'air avec attention comme s'il pistait une proie. Soudain son regard finit par se poser sur Hermione dont le sang se glaça. Il eut alors un sourire repoussant et lécha ses babines sans quitter du regard la jeune femme qui eut un hoquet de dégoût.

-M. Greyback, reprit le magistrat qui peinait à cacher le haut le cœur que lui donnait l'accusé et son attitude, reconnaissez-vous les faits donnés par M. Potter ?

-Oui, répondit-il, toujours obsédé par Hermione.

-La loi stipulait que vous deviez les emmener au ministère. Pourquoi ne pas l'avoir fait ?

-Je savais qu'au ministère on me court-circuiterait. Je voulais mes dix mille gallions directement des mains du Seigneur de Ténèbres.

La magistrat n'arrivait pas à soutenir la vue de Greyback. Il s'adressait à lui en regardant fixement sa plume qui rédigeait avec efficacité le compte rendu. Il reprit :

-L'identification des autres rafleurs est encore en cours. M. Greyback, avez-vous des informations à nous communiquer à ce sujet ?

Greyback sembla ne pas entendre la question. Il restait obnubilé par la jeune sorcière. Il se mit à pouffer d'un rire rauque et étouffé. Le magistrat s'enfonçait dans son malaise. Il se racla la gorge et poursuivit :

-M. Greyback, vous avez donc tous transplanné devant ce portail, c'est bien cela ?

Greyback ne répondit pas à sa question. Un sujet bien plus appétissant occupait ses pensées. Le magistrat n'eut pas le courage de s'imposer. Il voulait que ce cauchemar finisse au plus vite. Après la guerre, une purge avait eu lieu au niveau de tous les ministères pour exclure tous les sympathisants de l'ancien régime. Le voilà donc, lui, projeté à ce poste de fin carrière alors qu'il venait tout juste de finir ses études. La boule au ventre, il réajusta machinalement sa robe et reprit :

-Qui vous a ouvert ?

-Narcissa Malfoy, finit par lâcher le loup garou après un temps.

-Vous saviez déjà qu'il s'agissait d'Harry Potter ?

-Nous avions encore un doute. Mme Malfoy voulait l'identifier avec l'aide de son fils, qui était là pour les vacances.

A ces mots, le magistrat, d'un signe de la main, fit avancer Narcissa Malfoy, elle aussi détenue. Il semblait attendre encore quelqu'un. C'est alors que le groupe de spectateurs se retourna et s'écarta devant Draco Malfoy. Il avait le visage fermé, la mâchoire crispée et un regard déterminé. Il fit deux pas mesurés vers le magistrat. Fenrir sembla se désintéresser de sa cible pour dépecer du regard le jeune homme. Hermione aurait voulu croiser le regard du Serpentard pour lui adresser un signe amical mais les yeux du grand blond restaient résolument fixés sur le magistrat.

-Que s'est–il passé ensuite ? demanda ce dernier.

-Mme Malfoy nous a fait rentrer dans son manoir.

Alors la troupe fit le chemin inverse jusqu'au grand hall qui servait de salle de réception et de grand salon. Hermione sentait que les choses sérieuses allaient commencer : ces murs, ce sol, ses bourreaux… Elle se répétait que Bellatrix était morte et qu'au moins elle n'aurait pas à l'affronter. C'était un mal pour un bien.

Le magistrat demanda à ce que les principaux acteurs reprennent les places qu'ils occupaient lorsque le trio était arrivé. Des aurors placèrent Lucius Malfoy près de la cheminée. Le fils ne put se résoudre à venir à proximité de son père et pris de pitié, le magistrat n'insista pas. Le père de Drago, qui visiblement avait perdu une partie de ses moyens, oscillait entre les supplications à son fils et les menaces. Plusieurs fois les Aurors durent le retenir tantôt de se jeter à ses pieds, tantôt de le battre. Hermione doutait que dans sa vie elle aurait à voir une scène aussi pathétique que celle-ci. Elle serra les dents mais ne put contenir une larme traîtresse qui s'écrasa sur ses joues creusées par la tension.

-Que s'est-il passé ensuite ? demanda le magistrat à Fenrir.

-M. Malfoy est venu jusqu'à nous et Mme Malfoy a demandé au jeune M. Malfoy de venir.

Père et fils s'approchèrent alors du trio et du magistrat. Drago avait de nouveau entrepris de fixer le magistrat avec détermination.

-J'ai demandé au garçon ce qu'il en pensait mais cette petite vermine ne voulait pas répondre clairement. Il évitait de regarder Potter. J'étais certain qu'il ne nous disait pas la vérité. Même son père n'a pas réussi à lui faire cracher le morceau. Faut voir pourtant la dérouillée qu'il s'est pris ! Entre nous, Malfoy, continua Fenrir, j'ai toujours su que ton fils était…

-Merci M. Greyback pour vos précisions ! hurla le magistrat désireux d'éviter tous débordements.

Il regardait Drago Malfoy d'un air gêné mais ce dernier avait pris sa posture méprisante qui semblait le couper de tout ce qui pouvait l'atteindre. Ce masque de marbre, bien que convaincant, ne dupa pas Hermione.

-Miss Granger, M. Weasley, vous qui avez vu la scène, avez-vous quelque chose à rajouter ?

-Non.

-M. Drago Malfoy ?

-Non.

-M. Drago Malfoy, aviez-vous reconnu vos camarades ?

-Oui, à la minute où je les ai vus rentrer dans la pièce.

-Que la mort t'emporte ! hurla sa mère, échevelée. Après tout ce que nous t'avons donné !

Toute noblesse avait quitté cette femme qui pourtant semblait avoir gardé un air digne quelques minutes auparavant. Fenrir fut pris d'un fou-rire incontrôlable. Quant au père, il essayait de se jeter sur son fils en s'étouffant dans sa propre rage.

-M. Drago Malfoy, poursuivi le magistrat, visiblement incertain de la bonne poursuite de la reconstitution, étiez-vous conscient que trouver M. Potter allait être bénéfique pour votre famille ?

-Oui.

-Pourquoi alors ne pas l'avoir dénoncé ?

-Je voulais qu'il réussisse à vaincre le Seigneur des Ténèbres.

-Ce n'est pourtant pas la position de votre famille…

-J'ai appris à me détacher de leurs opinions… Beaucoup de mes actions en faveur du camp du Seigneur des Ténèbres ont été menées par ignorance ou par crainte, aucune par conviction.

-Vous regrettez donc ?

-Amèrement, répondit Drago après un temps. Son regard fuyant croisa furtivement celui d'Hermione.

-Merci M. Malfoy.

Voyant que Fenrir était le plus ouvert à la discussion, le magistrat l'interrogea de nouveau. Ce dernier raconta l'irruption de Bellatrix et comment il avait emmené Harry et Ron dans les cachots. Il narra enfin la partie de l'histoire qu'il connaissait : la torture d'Hermione par Bellatrix puis la « dérouillée », comme il l'aimait l'appeler, de Drago par son père, furieux des incertitudes de son fils. Ils retracèrent leurs mouvements, un auror jouant le rôle de Bellatrix.

Le père, le fils et Hermione furent invités à revenir se présenter devant le magistrat pour corroborer les faits. Lucius avait retrouvé, l'espace d'un instant sa posture droite et méprisante malgré son apparence miteuse. Il semblait vouloir écraser le magistrat de sa supériorité mais ce dernier n'en parut pas affecté. Drago, de son côté, gardait la même attitude fière et décidée, presque intimidante. Leur ressemblance fut alors frappante. C'était un véritable combat à qui aurait le plus de prestance. Hermione croyait entendre Drago dire « Je ne suis plus un petit garçon, tu ne m'intimideras plus. »

Alors qu'elle s'avançait d'un pas incertain vers eux, Hermione crut défaillir, dévorée par le souvenir de la douleur. Elle entendait les voix lointaines des protagonistes :

-M. Lucius Malfoy, quels sont les sorts qui ont été utilisés contre Miss Granger et votre fils ?

-Le doloris.

-M. Drago Malfoy, est-ce vrai ?

-Oui.

-M. Malfoy, avez-vous pris part à la torture de Miss Granger ?

-Non, j'étais bien assez occupé avec mon fils.

Hermione revit en souvenir le moment où le père avait saisi son fils pour l'entraîner hors de la pièce alors qu'elle-même endurait le sort impardonnable. Comme aspirée par cette vision presque réelle, elle se sentit partir en arrière jusqu'à ce que son dos soit retenu par quelque chose. A moitié inconsciente, elle se sentit s'élever dans les airs. Elle entendait Ron qui hurlait son nom, exactement comme dans son souvenir.

Dans un dernier effort, elle vit Ron retenu par Harry et des aurors : il s'agissait de ne pas créer trop d'agitation dans une pièce contenant beaucoup trop de criminels. Malfoy père lui-même hurlait comme un fou des insultes :

-Drago, comment oses-tu toucher cette Sang-de-Bourbe ?! Ne finiras-tu donc jamais de me décevoir ?

Fenrir partit de nouveau dans un fou-rire :

-Ton fils est un traître à son sang, Lucius !

C'est alors qu'Hermione perdit définitivement connaissance.

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Le magistrat, complètement débordé, était sur le point de pleurer. Harry ne savait pas ce qui avait fini par lui donner la nausée : le cynisme de Greyback ? La violence explosive de Lucius Malfoy contre son fils ? Pour la première fois, Harry, orphelin, se sentait plus chanceux qu'une autre personne. Si Malfoy fils essayait de garder sa superbe, le masque de suffisance distanciée avait failli se fissurer plusieurs fois. Une chose était sûre, le Serpentard avait fait preuve de beaucoup plus de courage que ne l'aurait cru capable Harry. Il avait essuyé tant d'insultes et de menaces… Il était peut-être temps de faire un pas vers lui ?

Harry, avec un auror, essaya de retenir Ron qui voulait voler au secours d'Hermione inconsciente. Drago l'avait rattrapée à temps et la portait à bout de bras, la tête de la jeune fille reposant contre son épaule. Il la couvait des yeux, comme si plus rien d'autre ne comptait. Il se tenait droit, avec dignité, et dégageait l'aura d'une personne forte et déterminée. C'était ça le vrai Drago, lorsqu'il n'était plus enchaîné à ses craintes et ses remords. Cette scène semblait complètement hors temps, déconnectée de tout ce qui pouvait se passer, malgré les cris de Ron, les insultes de Lucius Malfoy, le rire tonitruant de Fenrir. Le magistrat essayait de rétablir le calme en élevant une voix qui restait inaudible dans le brouhaha qui régnait dans la pièce. Ce tableau fit une étrange impression à Harry. Voir Drago agir ainsi le surprit et le fit frissonner. Une partie de lui avait compris quelque chose qu'il n'était pas encore prêt à accepter.

Les aurors eurent raisons des acclamations de leurs prisonniers.

-M. Malfoy, emmenez Miss Granger dans un endroit calme.

Tremblant, le magistrat demanda à l'assemblée de se calmer et ordonna que l'on passe à la suite de la reconstitution, dans les cachots.

Harry dû accepter à contrecœur de laisser Hermione seule. Il se fit une raison : être avec le Serpentard ne pouvait de toute façon pas être pire que rester dans une pièce remplie de tortionnaires.

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Je pouvais être fier de moi. Je pouvais être fier de moi, je pouvais être fier de moi. Je pouvais être fier de moi ! me répétais-je pour essayer de contenir mes larmes sans y parvenir pourtant. C'étaient de gros sanglots qui s'écrasaient sur mes joues comme des bombes. Je venais de déposer le plus délicatement possible Hermione sur mon lit et avais tiré la couverture sur elle afin qu'elle ne prenne pas froid. J'essayai de reprendre contenance en préparant le feu dans la cheminée.

Ressaisis-toi, ressaisis-toi, ressaisis-toi bon sang ! Arrête de pleurer ! Alors que je m'invectivais à retenir mes larmes, l'image de mon père m'ordonnant exactement le même effort, alors que je n'étais encore qu'un enfant me revint en mémoire. C'est alors que la vague d'émotions submergea la digue construite pourtant depuis ma tendre enfance. Tout me devint alors incontrôlable : je n'arrivais plus à être maître de moi. J'étais comme un soldat vaincu sur un champ de bataille où il avait déjà tout sacrifié. Je m'abandonnais alors, impuissant, pour contempler et cueillir tout ce qui devrait fleurir malgré moi.

Mais comment démêler ce que je pouvais ressentir ? C'était l'euphorie d'une libération : j'avais réussi à tenir tête à mon père malgré ses menaces et ses insultes. D'un autre côté, je ressentais aussi le vertige de la solitude que m'imposait cette indépendance. J'avais choisi un chemin que désormais je devrais emprunter seul. Enfin, je n'étais plus l'affreux rejeton d'une idéologie nauséabonde : j'étais à faire, neuf et transparent. Je savais qu'une longue traversée du désert m'attendait mais j'étais trop éloigné du bord pour pouvoir reculer. De toute façon, je n'en avais aucune envie. Tout ce qu'il me restait à faire, c'était avancer. Retrousser mes manches et me mettre au travail pour construire le nouveau moi.

Cette perspective me donna du courage. J'étais plus déterminé que jamais à découvrir qui j'allais pouvoir être.

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Hermione ouvrit lentement les yeux. L'endroit où elle se trouvait lui était parfaitement inconnu. Elle comprit qu'elle était allongée dans un lit à baldaquin aux broderies vert et argent. Les murs étaient recouverts de tentures vert sapin. Malgré les couleurs sombres, la pièce restait très lumineuse grâce à une immense fenêtre qui était en face du lit. A sa droite, une petite table de chevet sur lequel étaient discrètement accrochées sur le côté des photographies sorcières. L'une d'elle montrait Malfoy, Crabbe et Goyle qui prenaient une pose d'enfants sages. Une autre laissait voir Zabini et Parkinson trinquer en entrechoquant leurs bièraubeurres dans un pub… Le Chaudron baveur sans nul doute. Enfin, une dernière montrait Malfoy rire aux éclats pendant qu'un Nott boudeur répétait en boucle le geste de cacher l'objectif de l'appareil. Toujours à sa droite, le mur du fond était recouvert d'une conséquente bibliothèque. Un bureau parfaitement ordonné trônait au centre de cet espace. A la gauche d'Hermione, des fauteuils et une cheminée contre lequel était appuyé un Malfoy pensif, les yeux perdus dans les flammes.

A bien regarder, Hermione se rendit compte qu'il avait pleuré. Que faire ? -Un Malfoy ne pleure pas.-un Malfoy pleure seul et ment. Elle ressentit le même élan que lorsqu'ils marchaient dans l'allée du manoir. Elle voulait lui montrer son soutien mais elle ne savait pas quoi dire... car dans ce genre de situation, il est difficile de ne pas être maladroit. Elle se leva en douceur et marcha jusqu'au jeune homme. Délicatement, elle lui prit la main droite et posa sa joue contre son omoplate. A ce contact, il se crispa.

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Alors que j'étais en train de prendre de grandes résolutions pour ma vie future en espérant que cela suffise à panser mes plaies, je sentis qu'on me prenait la main et qu'on se reposait sur mon épaule. Instinctivement je me rigidifiais, honteux, comme souvent, d'avoir été surpris dans un tel état. C'était bien évidement Hermione, ce qui me mettait davantage mal à l'aise encore. Je me retournai vivement et m'écartai d'elle d'un bond. Je pris la parole sans trop savoir ce que je disais, trop confus par la situation.

-Tu es réveillée, c'est bien ! Tu as l'air… très bien !

J'avais réagi trop brutalement et je sentis que je l'avais brusquée. Elle était au bord des larmes, sans doute du trop-plein d'émotion de la journée.

Alors, d'une force et d'une inspiration sorties de nulle part, je franchis le pas qui me séparait d'elle pour saisir sa main et l'attirer vers moi. Je la pressais contre moi. Entre mes bras, elle me paraissait si frêle, si fine qu'elle en devenait vulnérable et je voulais faire de mon corps un barrage pour la protéger. En réponse, elle saisit mon pull et s'y cramponna.

-Tout ira mieux maintenant, c'est promis, dis-je pour tenter de la calmer.

C'était la deuxième promesse que je lui faisais. J'avais tenu la première en disant toute la vérité lors de cette reconstitution, et j'aurais tout donné pour que la seconde se réalise à son tour.

Mon corps entier brûlait de la sentir ainsi contre moi et mon cœur battait si fort que je le croyais sortir de ma poitrine. Quant à mes pensées, c'était un véritable feu d'artifice où se mêlaient les fusées de l'incrédulité et de la stupéfaction, de l'audace et de l'incertitude, de la joie et de la crainte.

Sonné par toutes les sensations que cela provoquait en moi, je resserrais mon étreinte avec force et fermais les yeux en me perdant dans sa chevelure. J'y glissais une de mes mains, lissant ses boucles, m'immisçant entre ses mèches. Sa chaleur mélangée à la mienne, son souffle léger contre mon cou, la douceur de ses bras autour de moi, son parfum... tout y était enivrant. J'étais inondé par ce besoin d'elle, cette soif que je pensais incapable de s'éteindre : je voulais me fondre, me dissoudre en elle.

Alors, troublé par mon désir mais incapable d'y résister, je m'emplissais de son parfum comme si je pouvais faire en sorte qu'il fasse partie de moi. Il me rappelait... le muguet, je crois. J'avais l'image très nette d'une forêt au mois de mai, le feuillage d'un vert lumineux et les petites fleurs blanches triompher de l'humus sombre.

Soudain, l'image de Fenrir humant l'air me frappa l'esprit. Je me raidis d'un coup. Est-ce que... j'étais comme lui ? Je ne pouvais contester qu'une part animale de moi agissait à cet instant. Fréquenter les Mangemorts aussi longtemps avait certainement pourri, vicié une partie de ce que j'étais. En me délectant de cette étreinte, j'étais Fenrir. Dégoûté de moi-même, je gagnai la lutte contre mon instinct et brisai mon enlacement. Pour adoucir, presque justifier cette séparation, je rompis le silence :

-Je vais rajouter du bois au feu.

Elle se frotta les bras, comme si elle avait froid.

-Rapproche-toi de l'âtre, la maison est froide en cette saison.

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Qu'est-ce qui venait de se passer ? Il l'avait vraiment prise dans ses bras ? Et elle avait répondu à son étreinte ? La peur de s'attacher à lui la prit. Hermione n'aurait jamais cru cela possible : être réconfortée par Malfoy ! Et s'il finissait par la rejeter ? Hermione se rassurait comme elle pouvait : l'ancien Malfoy était méchant mais pas manipulateur. Jamais il ne se jouerait d'elle, n'est-ce pas ?

Mais tout allait trop vite : en presque deux mois, ils avaient déjà échangé tellement de choses ! Hermione frissonna sans savoir si c'était de froid ou de crainte. Elle essaya de chasser toutes ses angoisses : pour l'instant, la présence rassurante de son ancien ennemi lui faisait du bien. Il savait être là. Maintenant, elle avait besoin de lui. Alors, quand il fut question d'aller chercher du bois pour ravitailler un feu pourtant ronflant dans la cheminée, elle fut prise d'une nouvelle panique toute sotte : seule dans ce manoir ! Et s'il ne revenait pas ? Il fallait qu'elle trouve quelque chose à dire et vite ! Il fallait le retenir, sans quoi il lui semblait qu'il pourrait disparaître à jamais.

-Ça va ? Demanda-t-elle dans la précipitation.

-C'est fait, éluda-t-il.

-Tu as très bien fait. Compléta-t-elle. Tu peux être fier de toi.

Il marqua un temps de surprise et rougit d'un coup. Enfin, il répondit d'un sourire chaleureux qui illumina son visage d'ordinaire si sombre en acquiesçant d'un signe de tête. La jeune femme sourit à son tour. Ce sourire, c'était peut-être sa manière à lui de dire que tout allait bien, ou, en tout cas, que tout n'allait pas trop mal.

C'était étrange, cette attirance qu'elle avait pour lui. Il l'avait toujours intriguée, malgré toute la haine qu'elle avait pu ressentir pour lui. Il venait d'un milieu tellement différent du sien ! Ses yeux couleur acier avaient le don de la transpercer de part en part, comme s'il réussissait à lire en elle. Et la chose était simple mais difficile à s'avouer, même encore maintenant : il était beau. Les traits délicats d'une statue grecque, le corps élancé et un fier port de tête. C'était une beauté glacée, comme sa mère mais contrairement à elle, il savait sourire, ce qui donnait un tout autre éclat à son visage. Malgré la détresse qu'il pouvait ressentir, il dégageait l'impression d'être solide sur ses appuis, inébranlable.

Soudain, un bruit confus les fit sursauter :

-Tu es là ! Hurla Ron après avoir ouvert la porte sans ménagement.

Hermione eut une étrange impression d'intrusion, comme si une bulle venait d'éclater. Ron regardait avec un air méfiant le Serpentard. Le visage de ce dernier se referma aussitôt.

-Nous t'avons cherché partout !

-Vous avez fouillé chez moi ? Demanda Drago entre ses dents, semblant ulcéré : cet endroit aura été un vrai moulin à vent toute la journée.

-Nous vous avons vite trouvé : le manoir n'est pas si grand et nous avons vu de la lumière filtrer sous la porte, répondit Harry, visiblement désireux d'arrondir les angles. La reconstitution est terminée, nous rentrons au Terrier pour le reste des vacances.

Drago acquiesça d'un brusque signe de tête.

-Je vous accompagne jusqu'à la sortie, finit-il par dire, en bon hôte de maison.

En bas, tout le monde avait disparu : plus d'accusé, plus de magistrat, plus d'auror, plus de détraqueur… Seuls Dean Thomas et Luna attendaient patiemment en bas de l'escalier monumental, tous deux visiblement éreintés.

-Que vas-tu faire maintenant ? demanda Harry alors qu'il s'apprêtait à sortir.

-Je ne sais pas, répondit le Serpentard d'un air rêveur. Le match Canons–Harpies devrait bientôt commencer, non ? Reprit-t-il d'un air ironique en consultant sa montre, feignant de ne pas comprendre la vraie portée de la question.

Harry, soucieux de ne pas insister sur un sujet que Malfoy ne voulait pas aborder, lui tendit la main :

-On se voit au retour des vacances… Merci Malfoy.

Drago acquiesça en silence tout en rendant sa poignée de main à Harry. Hermione lui sourit mais il ne lui répondit pas, l'air déjà lointain.

Le trio se tint la main et transplana. Hermione vit le visage de Drago se brouiller puis disparaître.