Très chère Ccassandre24, merci beaucoup d'entendre chacun de mes appels "au secours" ! Je suis ravie que ça continue à te plaire ! ^^ Ce chapitre est pour toi ! (cœur) ^^

26 - «Et, si vous aboyez, tonnerres, Je rugirai» («Ibo», Hugo)

La semaine de la rentrée se déroula tranquillement. Je gardais une certaine fatigue à l'effort et j'espérais récupérer suffisamment pour le match contre les Poufsouffles qui devait avoir lieu le samedi prochain. L'interdiction de monter sur un balais et de faire des acrobaties devait être levée lundi. Le soir même, nous nous retrouvions pour recommencer les entraînements. J'avais pris confiance en nous : après tout, nous avions cent cinquante points d'avance devant Serdaigle et bien plus vis à vis de Poufsouffle !

La célèbre réserve des Serpentards fit qu'aucun de mes co-équipiers ne me posa de question sur le pourquoi de mes blessures. Dunn, qui attendait impatiemment depuis deux semaines que l'on reprenne, n'épargna personne lorsqu'il s'agissait d'envoyer des cognards. C'était définitivement un excellent batteur... si bien qu'il en éclipsait le deuxième, Yanis Rogers qui avait du mal à trouver sa place sur le terrain. Sa violence, parfois à la limite de la légalité, comme pouvait l'être Macus Flint, faisait que je devais régulièrement le cadrer.

Quant à Caleb Harding, notre gardien, il continuait sa lente mais solide progression. Désormais, en plongeant vers le Souaffle, il ne fermait plus les yeux et ne crispait tout au plus que ses épaules. Arabella Gibson et Adeline Walton, elles, avaient pris confiance en elles et réussissaient désormais à prendre des initiatives encadrées par Zabini. J'observais d'ailleurs avec amusement et reconnaissance que ce dernier me ménageait : enguirlandant Dunn quand il en faisait un peu trop, renvoyant quelques cognards qui m'étaient destinés et encourageant les autres à sa manière. C'était un miracle que ce mec n'ait pas fini à Poufsouffle.

J'avais réservé le terrain un jour sur deux pour rattraper notre retard avec l'accord de McGonagall, malgré les protestations des autres équipes. Cet entraînement avait porté ses fruits : sans dire que nous étions devenus bons, nous étions à coup sûr moins mauvais. J'en étais presque... serein ?

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Au fil du temps, Hermione et moi nous octroyions plus de libertés. Ron avait étrangement bien pris la nouvelle de notre couple et même si le sujet était soigneusement évité entre eux, cela devait avoir grandement contribué à l'apaisement d'Hermione. Certes, Harry restait mon co-équipier pour les cours de potion mais sourires et regards complices étaient désormais tolérés. D'ailleurs, j'imaginais que notre couple devait sembler tellement absurde aux autres que nous en étions insoupçonnables.

Le samedi, nous avions repris nos habituels rendez-vous au sommet de la tour d'astronomie où, assise sur mes genoux et blottie contre moi, Hermione me racontait ses tracas et ses joies, tout ce qui bouillonnait en elle, en somme. De mon côté, je l'écoutais attentivement, tantôt modérant ses ardeurs en la taquinant, tantôt l'encourageant, relativisant ses angoisses et raisonnant avec elle. La moindre petite chose qui pouvait faire partie de sa vie me paraissait intéressante et capitale et ce qui pouvait ressembler à du bavardage avait pour moi plus d'importance que n'importe quel discours officiel. Lorsqu'elle s'intéressait à moi, j'essayais de répondre mais je restais toujours évasif malgré moi. Mon côté taiseux la faisait rire et elle me pressait gentiment en me posant toujours plus de questions.

Et entre nos sujets de conversation, lorsque nous nous embrassions de plus en plus passionnément, la soirée avançant, nous savions par nos soupirs montrer à l'autre que nous rêvions de plus.

A l'heure des séparations, par rituel, en bas de l'escalier de la tour d'astronomie, j'embrassais sa tempe avant de nous séparer juste à temps pour rejoindre nos dortoirs au moment de l'extinction des feux.

Mais ce jour-là, alors que mes lèvres effleuraient sa peau, elle se figea, crispant sa main dans la mienne. Je me retournais instantanément. Dean Thomas était devant nous. Que faisait-il là à cette heure ?! Il nous regardait avec un air effaré. Son temps de sidération passé, il recula de deux ou trois pas maladroits avant de se retourner en trébuchant pour se mettre à courir dans le couloir.

Sans réfléchir, je le rattrapais en deux foulées efficaces et le rabattis contre un mur, peut-être plus violemment que je ne l'avais prévu, sa tête heurtant la surface de pierre. Hélas pour lui, il en fallait plus pour m'émouvoir : je le saisis par le col sans ménagement.

Un peu sonné du coup reçu à l'arrière de son crâne, son regard effrayé faisait la navette entre Hermione restée à l'autre bout du couloir, figée, les mains devant la bouche comme pour étouffer un cri, et moi qui le tenais fermement. Je devais faire dix petits centimètres de plus que lui et cela suffisait pour me donner l'avantage.

-Ça va rester entre nous, lui intimais-je d'une voix tellurique on ne peut plus convaincante.

-Si non ? Demanda-t-il dans une tentative de défi, mais sa voix chevrotante ne trompait personne.

J'allais définitivement lui passer l'envie de se rebeller.

-Pourquoi penser au pire ? répliquais-je d'une voix mielleuse. Je forçais un sourire mauvais tout en resserrant ma prise sur son col. Hein, Thomas ? Il faut rester positif ! Tu vas tenir ta langue et tout va bien se passer. N'est-ce pas ?

Sans doute tétanisé, il ne répondit pas tout suite. Je le pressais d'avantage contre le mur tandis qu'il commençait à manquer d'air.

De mon côté, sans rien laisser paraître, je tentais de contrôler la panique qui commençait à m'envahir comme une nuée ardente. Il allait le répéter, je le sentais. Il allait le répéter et j'allais la perdre. J'étais bien incapable de lui en vouloir, à elle : une héroïne de guerre avec un demeuré de Mangemort, ça faisait désordre. Encore une fois, mon histoire, mon identité allait me dépasser et ruiner toute chance de bonheur.

-N'est-ce pas ? Répétais-je, plus menaçant que jamais, d'une voix rendue vibrante par l'énergie du désespoir.

Il hocha vivement la tête pour confirmer, incapable de parler. Je lui tapotais alors l'épaule sans délicatesse en relâchant la pression que j'exerçais sur sa gorge. Il fut pris d'une quinte de toux.

-C'est bien, ça ! Ça c'est mon Thomas ! repris-je d'un ton paternaliste.

Une fois remis, il s'enfuit dans le couloir en titubant, visiblement toujours un peu sonné. Je le regardais s'éloigner, accablé par un abattement général qui me fit vouter les épaules.

-Si non quoi ? Demanda une voix mal assurée.

Je sursautais presque : dans ma fureur, j'avais presque oublié qu'elle était bel et bien là. Elle me regardait avec un air effrayé, choquée sans doute par ma violence explosive. Et la honte de lui avoir montré ce visage, l'un des pires que je possède, me tordit les entrailles.

Crétin d'abruti.

-Si non on est foutus, répondis-je avec un air sombre, les yeux rivés au sol.

Mais contre toute attente, elle soupira de soulagement.

-Du bluff?

-Toujours, répondis-je en souriant malgré moi, légèrement rassuré par sa réaction. J'osais enfin un regard dans sa direction.

J'avais cette heureuse lâcheté, cette merveilleuse incapacité de joindre la parole aux actes qui me servaient toujours de garde fou. Elles avaient été mes armes les plus précieuses en temps de guerre.

Hermione força à son tour un sourire un bref instant puis retrouva son sérieux. Elle fit mine de ne pas voir la main que je lui tendais et mon cœur se pinça. Enfin, elle passa ses mains dans ses cheveux pour les plaquer contre sa tête puis croisa ses mains derrière son cou. Elle regardait le plafond, semblant réfléchir intensément. Elle soupira une nouvelle fois puis finit par reprendre la parole :

-On aurait peut-être du en discuter avec lui...?

-Oui, je m'en suis rendu compte lorsqu'il a détalé... Je le rattrape ?

Et j'étais sur le point de m'élancer, prêt à tout pour rattraper mon erreur, quand elle me retint par le bras.

-Non ! Imagine s'il te voit courir vers lui ! Il va paniquer ! Il va se dire que tu as changé d'avis concernant le sursis...

-Et si je marche à la place ?! M'exclamais-je, comme s'il s'agissait de l'idée du siècle.

Débile profond.

-Laisse tomber, s'impatienta-t-elle. J'essaierai peut-être de lui parler demain...

J'acquiesçais en silence. C'était sans doute la meilleure des solutions et j'étais impuissant.

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Le pire cauchemar d'Hermione était sur le point de se réaliser. Elle essayait de relativiser, de se dire que ce ne devait pas être si grave et que, de toute façon, ce secret ne pouvait pas être gardé éternellement mais rien n'y faisait : l'inquiétude qui aurait dû la ronger... n'apparaissait pas !

Dans son esprit compliqué, elle avait angoissé à l'idée d'angoisser, mais une fois retiré cet écran trompeur... il n'y avait rien ! Tout au plus une légère inquiétude et alors, il suffisait de réfléchir. Ron et Harry, les deux personnes les plus importantes dans sa vie étaient déjà au courant. Ginny aussi. Ce qui faisait deux Weasley, sa nouvelle famille, sur neuf... C'était un début. L'un des deux étant celui qui serait le plus rétif au changement. M. et Mme Weasley seraient bien capables, eux, de pardonner à n'importe qui et ils sauraient convaincre les autres.

Et l'avantage d'un secret révélé, c'est qu'on n'a plus à se tordre dans tous les sens, on n'a plus à souffrir et se frustrer pour le garder. Alors, finalement, elle en était presque à souhaiter que Dean Thomas craque malgré la très convaincante intervention de Drago... Un peu trop convaincante, même.

Car, dans cette histoire, c'était peut-être cette explosion brutale qui la préoccupait le plus. Bien cachée sous sa douceur, il avait cette violence qui menaçait. Une violence qu'elle avait toujours connue mais qu'elle avait oubliée depuis qu'elle se réfugiait dans ses bras. «Chassez le naturel du Mangemort et il revient au galop». Elle se fustigea aussitôt pour cette pensée. Drago n'était pas un Mangemort. Mais il avait été traumatisé, et il avait été élevé dans cette insécurité qui le faisait agir impulsivement. Voilà, c'était ça. Et puis, il le disait lui même : ce n'était que du bluff... Un bluff musclé mais du bluff quand-même...?

Elle ne voulait pas réfléchir à ça. C'était sans doute la dernière fois que cela arriverait.

Lorsqu'elle sortit de ses réflexions, il la regardait avec un air tendu, comme s'il attendait la réponse à une question. Sans doute lui avait-il parlé sans qu'elle ne l'entende.

-On se voit demain, se força-t-elle à sourire.

-Oui, répondit-il en lui rendant un sourire timide.

Il esquissa un geste vers elle mais, chamboulée par les événements, elle n'était pas prête, encore, à le sentir contre elle.

-Alors à demain !

Elle lui fit signe de la main et se retourna pour rentrer vers son dortoir. C'est alors que les lumières s'éteignirent mais, malgré l'obscurité, elle sentait sur elle son regard qui la couvait.

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«Un héritier comblé !»

«Il semblerait que la déclaration d'amour de Drago Malfoy pour Hermione Granger lors de son audition au grand procès des Mangemorts ne soit pas resté sans réponse bien longtemps. Alors que tout le monde pensait que cette histoire serait impossible et que le cœur de notre infortuné Serpentard était à panser, nos deux tourtereaux vivaient une idylle bien cachés.

En effet, ce n'est pas sans surprise que nous avons pu voir Hermione Granger se rendre plusieurs fois à l'hôpital Ste Mangouste pendant la période où notre héritier préféré était lui-même admis pour une raison qui reste encore à élucider (Photo à l'appui). Une source proche nous a révélé qu'elle lui rendait effectivement visite ! Cette même source a d'ailleurs pu affirmer qu'elle les avait surpris se tenir discrètement la main dans la chambre de notre bel Apollon. Malgré nos tentatives, nous n'avons pas pu prendre contact avec l'un ou l'autre pour confirmer la rumeur, tous deux résident à Poudlard, mais une autre source anonyme confirme la nouvelle !

Désormais, il ne manque plus rien au bonheur de Drago Malfoy. Nous souhaitons toutes nos félicitations au nouveau couple.

Votre Servante,

Rita Skeeter.»

Ils étaient foutus. Fou-tus, décréta Pansy en son fort intérieur tout en buvant son jus de citrouille. Dans la Grande Salle, autour du petit-déjeuner, on n'entendait parler que de ça. Mais ce n'était pas seulement tout Poudlard qui était désormais au courant, c'était le monde magique dans son ensemble, via les ménagères de plus de quarante ans. D'un autre côté, le secret avait été largement fragilisé : McGonagall, Slughorn, les médicomages et infirmiers de Ste Mangouste... Ça commençait à en faire du monde. Rien d'étonnant, donc, qu'il y ait des fuites !

La question la plus cruciale était : comment tout ce peuple allait-il prendre la nouvelle ? Cela allait sans doute titiller ceux dont la passion était d'écrire des injures sur les murs de Poudlard. Et Miss Granger... est-ce qu'elle allait assumer ?

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Je rejoignais la Grande Salle pour un petit-déjeuner tardif. Les trois autres étaient partis devant, affamés.

Montant les escaliers, je ressentais dans mon corps l'adrénaline habituelle à celle d'un samedi matin de match. Aujourd'hui, nous affrontions les Poufsouffles. Le temps était pluvieux à souhait, conformément à ce qu'on pouvait attendre d'un mois de mars. Je me souvenais que quelques années auparavant, j'avais triché pour éviter de jouer sous la pluie battante. Aujourd'hui, j'étais capitaine d'une équipe de bras cassés, nous avions nos chances mais rien n'était joué d'avance. Pourtant, j'y allais paisible. Que peuvent les rafales de vent et la pluie glaciale contre un homme heureux ? Thomas avait tenu sa langue et Hermione avait recommencé à me réserver ses sourires discrets dès le lundi qui suivit l'altercation. J'avais hâte de la retrouver ce soir, comme à notre habitude, pour des réconciliations officielles, en bonne et due forme. Je supposais que le silence de Thomas avait fini par la rassurer alors... pourvu qu'il dure !

Quand je croisais Nott devant la grande porte, il avait deux scones aux pépites de chocolat dans la main. Sans rien dire, il me prit par le bras et m'éloigna à grands pas en me tendant les scones. Je me laissais faire, perplexe. Je me rendis compte que nous redescendions vers notre salle commune.

-Vous êtes foutus, selon Pansy, commença le grand brun sans cérémonie.

-Foutus ?

-Vous faites la Une de Sorcière Hebdo.

-Nous ? Hermione et moi ? demandais-je interloqué.

Nott ne prit pas la peine de répondre : c'était bien trop évident. Je restai figé : finalement, Dean Thomas aurait osé...? Il n'avait pas tenu une semaine, le petit salopard.

-Écoute, reprit Nott, dépêchons-nous de prendre tes affaires et allons aux vestiaires. Évitons les couloirs... Et cette nuit... Je suppose que nous devrons patrouiller.

-Et Hermione ?

-Avec Harry et Ron, dans leur salle commune.

-Il faut que je...

-Malfoy, crois-moi, ça va devenir invivable une fois que les rageux auront fini de déjeuner. Planquons-nous, c'est la seule chose à faire. Elle n'est pas seule. Et de vous deux, ce n'est pas pour elle que je crains le plus.

Une bouffée d'adrénaline supplémentaire me submergea, mais ce n'avait plus rien à voir avec le match. J'étais désormais prêt à parer toutes éventualités. Aucune peur ne me traversait mais une détermination sans faille bouillonnait dans mes veines. Nous arrivions déjà aux dortoirs qui étaient vides. Je pris mes affaires en vitesse et nous nous mîmes en route pour les vestiaires à toute allure.

Les rares personnes croisées me dévisageaient salement. Un pauvre tocard de Gryffondor me bouscula d'un coup d'épaule. «Crève, Mangemort !», cria une voix à l'autre bout du couloir. Impossible de savoir qui en était l'origine. Deux Serdaigles pouffaient en regardant en direction du coude que formait le corridor. Le lâche avait du prendre la fuite. Nott me prit le bras alors que j'allais vertement répliquer, bien décidé à ne craindre personne.

-Pas de temps à perdre grogna-t-il entre ses dents. Dépêchons-nous. Tu auras sans doute le loisir de leur répondre après.

Nous poursuivîmes notre route en accélérant encore le pas. J'étais devant la porte du vestiaire sans avoir vu le trajet défiler. Avant de me quitter, Nott tenta de me réconforter :

-Ça va le faire... Tu... Ça va le faire.

Et il me laissa là après un signe de tête qui se voulait peut-être rassurant. J'entrais, tremblant de rage. N'y aurait-il donc pas de répit ? Surtout pour elle, qui venait de passer trois jours éprouvants il y avait tout juste un mois.

Les locaux étaient vides. Je me changeais dans le froid et le silence troublé par l'impact des gouttes de pluie sur le toit. Assis sur le banc en attendant les autres, je contemplais le tsunami qui s'approchait et allait m'engloutir certainement. C'était une catastrophe, un désastre. Et Hermione que je n'avais même pas pu entrevoir ! Nous n'avions pas pu nous parler depuis samedi dernier et je n'avais aucune idée de comment elle vivait cela. Est-ce qu'elle allait assumer ? Est-ce qu'elle allait prétendre le contraire et me quitter ? Je reconnaissais bien là, sournoise comme un serpent, ma crainte de l'abandon, mordant ma chair en enserrant ma poitrine. Malheureusement, je n'allais pas pouvoir voir Hermione avant un moment !

Je me levais et me mis à faire les cents pas, comme un lion en cage, pour tenter de tromper mon ennui et faire descendre la pression monumentale qui m'oppressait. L'attente était tout simplement insupportable. Sans occupation, je croyais devenir fou.

Vers quatorze heures, après une éternité selon moi, mes co-équipiers entrèrent sous la tente. D'abord, ce fut Arabella qui, en m'apercevant, se figea et rougit violemment avec une expression troublée. Elle fut suivie d'Adeline qui la poussa gentiment vers l'opposé de la pièce en chuchotant pendant tous leurs préparatifs. Arabella avait une mine triste et rien de ce que pouvait dire Adeline ne semblait pouvoir la consoler. Alors qu'elles avaient terminé leur équipement et que j'allais me rapprocher d'elle pour faire mon office de préfet, je fus arrêté par Zabini qui venait d'entrer à son tour, essoufflé et en retard. Il avait un air encore plus sombre qu'avant le match contre les Gryffondors.

-Ça va être une rude journée, commenta-t-il en me tendant un petit pain fourré au poulet et une part de tarte aux pommes.

J'acquiesçais en silence. Je m'assis à ses côtés pour sonder la situation et manger un peu malgré mon estomac noué. Je m'occuperai des filles plus tard. Zabini, en prise avec ses protèges poignets, reprit :

-Les gens n'osent pas encore s'en prendre à elle pour trahison, alors c'est toi qui va trinquer. Certains vont même jusqu'à dire que tu utilises l'Imperium ! Tu te rends compte ? C'est grave !

-Et elle...

Mais je n'eus pas le loisir de terminer ma phrase car déjà la trompette retentit pour nous signifier qu'il était temps d'enfourcher nos balais. Je devais alors prendre la parole pour encourager mon équipe. Il me fallut un moment pour concentrer mon esprit sur autre chose qu'Hermione.

-Bonjour à tous, commençais-je.

Je croisais un instant le regard d'Arabella qui baissa subitement les yeux, gênée. Est-ce qu'elle avait fait les frais de quelques crétins lobotomisés ? Si j'en choppais un, j'allais faire un carnage. Je repris, essayant de contenir ma haine :

-Je sais que...

Mais je fus interrompu une nouvelle fois par la trompette et l'instant d'après, la porte s'ouvrit. Un air humide et glacial s'engouffra dans la pièce en même temps que les acclamations des spectateurs. Heureusement pour nous, la pluie battante rendait leurs cris inaudibles. Finalement, je me contentais de répéter ce que m'avait dit Nott :

-Ça va le faire...

J'allais m'élancer mais je me stoppais net : on ne pouvait pas commencer comme ça. Je me retournais une dernière fois vers mes co-équipiers et repris :

-Je vous prie de bien vouloir m'excuser pour... l'agitation... Je vais essayer d'arranger ça.

-On les emmerde, répondit Dunn, fidèle à son caractère bourru.

Rogers et Zabini acquiescèrent de concert. Je les remerciais d'un sourire et décollais le premier. Les autres me suivirent à distance. D'un signe de tête, Zabini me signifia que je pouvais chercher le vif d'or tranquille et qu'il s'occupait du reste.

Cela ne faisait que cinq minutes que j'étais dehors et j'étais déjà trempé jusqu'aux os. Cependant, cette sensation désagréable ne fut que le cadet de mes soucis. Placé en hauteur avec l'attrapeur Poufsouffle, je scrutais les gradins pour trouver Hermione en attendant le coup d'envoi. Hélas, les trombes d'eau les occultaient et je ne pouvais que deviner les ombres des élèves et des professeurs.

Enfin, le Souaffle fut lancé. Il ne me restait qu'une seule issue pour la retrouver : attraper le vif d'or, le plus vite possible de préférence. Et j'avais mes chances contre ce nouvel attrapeur adverse que je dépassais en taille de plus d'une tête. Le match débuta dans un fairplay parfait. C'est l'avantage de jouer contre des gentils Poufsouffles. Je sondais le brouillard avec impatience, sans succès.

Allez, montre-toi, saloperie.

Je pris le parti de décrire des cercles autour du terrain pour me donner une illusion de contrôle. Mon inexpérimenté adversaire me suivait à la trace. Technique efficace de l'opportuniste. Enfin, dans l'ombre, après ce qu'il me semblait être des heures, un mouvement vif. Je me précipitais vers le centre du terrain, à raison. Le vif d'or papillonnait au ras de la pelouse. Alors que je n'étais plus qu'à deux mètres de lui, il monta en chandelle et je le suivis, escorté par mon brave Poufsouffle. Je glissais de mon balai trempé, et la pluie m'aveuglait.

Je perdis de vue la petite balle avant de me rendre compte qu'elle avait décrit un virage à quatre-vingt dix degrés vers la gauche. Je fis un looping un peu hasardeux pour suivre sa trajectoire. Le Poufsouffle continua sa course pour me surplomber. J'entendais de temps en temps des éclats de voix et je devinais que cela correspondait aux buts marqués mais il m'était impossible de savoir par qui. Je me résignais à ne découvrir le score qu'à la fin du match. Je n'avais aucune idée du temps écoulé depuis le lancement des balles mais le soir commençait déjà à tomber et les lumières du stade avaient été allumées.

Après quelques changements de trajectoire soudains et un ou deux cognards à esquiver par hasard, j'arrivais enfin à me rapprocher à nouveau du vif d'or. Il était encore une fois près du sol et je lâchais enfin la main pour l'atteindre. Je me penchais en avant jusqu'à sentir le contact de l'objet dans la paume. D'un geste brusque, je refermais ma main sur lui. Je perdis alors l'équilibre et me vautrais dans l'herbe boueuse.

Je le tenais ! Je me relevais précipitamment et le brandissais dans ma main pour signifier ma victoire en essuyant de l'autre la boue sur mon visage. J'entendis le bruit lointain et assourdi du sifflet de Mme Bibine puis, en réponse, les huées des spectateurs mécontents. Cela n'entacha pourtant en rien ma bonne humeur : nous avions gagné ! Les Serpentards descendirent de balais pour me fêter. Zabini fit mine de me prendre une jambe et Dunn l'imita.

Ils m'élevèrent du sol en riant sous les acclamations des autres joueurs Serpentards qui venaient célébrer avec nous la victoire. Notre deuxième place au classement était quasiment assurée ! Arabella resta en retrait mais Adeline lui prit la main et elles rejoignirent le groupe. Malheureusement, ce triomphe n'occupa pas mon esprit bien longtemps : depuis leurs épaules, j'eus tout le loisir d'observer la foule... en vain. J'attendis la fin des manifestations de joie, en cachant mon impatience. Je n'attendais désormais qu'une chose : prendre une douche pour me réchauffer et retourner au château.

-On les a eu ! C'était tellement un massacre ! S'exclama Rogers.

-Eux aussi ont perdu beaucoup de joueurs, modéra gentiment Zabini. En tout cas, reprit-il, il n'y avait pas meilleur moyen pour les faire enrager !

-Ah, les larmes des rageux, ma boisson favorite ! renchérit Rogers en feignant de déguster un liquide dans une tasse avec extase.

-En tout cas, Malfoy, tu leur a bien montré qui était le patron ! Avec tout ce qu'il se passe... Et Hermione Granger, quoi ! Sacré beau gosse ! poursuivit Dunn en m'agitant davantage sur son épaule gauche.

-Après avoir choppé Granger, le vif d'or n'était qu'une formalité ! Ajouta Rogers en riant.

-L'est pas attrapeur pour rien ! Rien ne résiste à ses doigts d'or ! S'esclaffa Dunn.

Je ne pus m'empêcher de pouffer avec eux de leurs blagues douteuses : on ne peut espérer grand-chose de délicat de la part de sportifs surfant sur l'euphorie de la victoire. Même Caleb, d'habitude si réservé, s'amusait des interventions des deux mufles, non sans rougir comme une pivoine.

-Alors comment c'est ? Relança Dunn.

-Comment c'est quoi ? demandais-je en feignant de ne pas comprendre, espérant qu'il n'oserait pas verbaliser ses attentes.

-Bah avec Granger !

Tous les regards convergèrent vers moi, curieux. Même Zabini semblait intéressé, malgré son effort de ne pas le paraître. Je fus pris d'un rire gêné.

-Je ne dirais rien, souriais-je.

-Ouh, ça, ça veut dire déjà beaucoup ! Répartit Dunn avec l'air d'en savoir lui-même un rayon. Mais encore ?

-Rien, me contentais-je de répondre, amusé de ses efforts.

-C'est sérieux alors ? Me demanda-t-il à voix basse, sur le ton de la confidence, comme s'il ne l'avait pas envisagé jusque là.

J'acquiesçais silencieusement.

-Merde alors ! souffla-t-il.

Hélas, ce bref moment solennel fut de courte durée :

-Il parait qu'elle est très douée... pour faire la morale ! Reprit-il à voix haute avec un clin d'œil plein de sous-entendu.

-Et qu'elle voudrait que tu susses... toutes tes leçons par cœur ! Hurla de rire Rogers.

-Est-ce que tu lui as montré ton grand manoir ?

-Vous êtes tellement des gamins ! Rit Zabini tandis que je leur faisais les gros yeux en désignant d'un discret mouvement de tête les innocentes troisièmes années qui gambadaient devant nous mais qui, malgré tout, devaient tout entendre.

En silence désormais, Dunn prit un air faussement choqué, levant les yeux et les mains jointes vers le ciel pour l'implorer de le pardonner lui et ses remarques scabreuses. Nous autres, brutes sans délicatesse, riions de ces manifestations blasphématoires.

Pansy et Nott nous rejoignirent sur le terrain et nous regagnâmes les vestiaires accompagnés des rires et des chants de notre petite troupe. Arabella et Adeline rentrèrent dans les locaux les premières mais elles en ressortirent bien vite avec une expression effarée sur leurs visages. Alors, tous mes sens se mirent en alerte. Dunn et Zabini retrouvèrent aussi leur sérieux et me déposèrent immédiatement.

Nous nous précipitâmes vers les vestiaires : je devinais aisément des inscriptions sur les murs et nos affaires vandalisées. Je me préparais au pire et pourtant, le souffle me manqua lorsque je vis avec quelle violence nos affaires avaient été saccagées. Les choses avaient volé à travers la pièce et les étendards de Serpentard avaient été partiellement brûlés. Nous restions interdits, figés de stupeur devant ce champ de bataille. Qui...? Comment...?

Dunn fut le premier à réagir et à rejoindre l'endroit où il avait laissé initialement ses affaires. Les autres suivirent son exemple dans un silence pesant. Ils retrouvèrent leurs habits à travers la pièce. Rien d'important n'avait été volé. Quant à moi, j'essayais de contenir une fureur qui me dépasserait sans doute. Les insultes à mon égard ne m'étonnaient pas et je commençais à savoir composer avec.

En revanche, je n'étais plus le seul visé personnellement. Sur le tableau qui nous servait à élaborer nos stratégies, la photo de nous deux sortant de l'hôpital Ste Mangouste, présente dans le Sorcière Hebdo, avait été collée et Hermione avait été copieusement insultée de traîtresse et de prostituée, le tout agrémenté de dessins obscènes nous représentant. Je me précipitais à l'endroit où j'avais laissé mes affaires pour trouver ma baguette et effacer ces horreurs. Mais elle avait disparu, évidemment. Pansy s'en chargea puis remit à sa place tous les objets tombés. La salle fut comme intacte en un clin d'œil. Il ne restait que les étendards brûlés.

-Accio baguette de Drago Malfoy, tenta Nott.

Hélas, rien ne se passa.

-Je crois... Que c'est ça... intervint Adeline, d'une petite voix.

Elle tenait dans sa main, comme s'il s'agissait d'un petit oiseau blessé, ma baguette brisée en deux, les morceaux restant encore reliés par le crin de licorne qui se trouvait à l'intérieur.

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Drago ne réagit pas tout de suite, assimilant difficilement la nouvelle. Pansy, quant à elle, sentit son cœur tomber à travers elle. Briser la baguette d'un sorcier était peut-être la pire chose qu'on pouvait lui faire. La pire insulte, la pire attaque, la pire humiliation. C'était le sort qu'on réservait aux prisonniers d'Azkaban !

Privé de sa baguette, la magie de ce sorcier puissant qu'était Drago Malfoy s'exprima différemment. Un vent puissant traversa la pièce, faisant s'éteindre les flambeaux et claquer les étendards. Les deux troisièmes années se recroquevillèrent sur elles-mêmes, terrifiées tandis que les autres se raidirent, inquiets de ce qui pouvait arriver. Certains objets se mirent à trembler, comme s'il subissaient maladroitement le sort du Wingardium Leviosa. Lui, avait fermé les yeux comme pour contenir l'explosion.

-Drago, risqua Pansy, luttant contre la peur qu'elle pouvait ressentir.

-Laisse-le, gronda Nott entre ses dents. Qu'il explose. Il a été suffisamment patient comme ça. Ils veulent du Mangemort ? Ils en auront, et pas qu'un seul.

-On sera trois, ajouta Dunn, fulminant de rage.

-Quatre, poursuivit Rogers sur le même ton.

-On ne peut pas ! s'écria Pansy. Et ça veut dire quoi «ils en auront ?»... Blaise ! Implora-t-elle.

Ce dernier ne répondit pas et détourna son visage, si bien qu'elle ne put le voir.

-On ne peut pas, pleura-t-elle, le cœur broyé par le désespoir de voir ses amis et celui qu'elle aimait courir à leur perte. ON NE PEUT PAS !

Elle avait face à elle, quatre démons et un cataclysme. Elle allait devoir se battre. Elle recula d'un pas, protégeant de ses bras les deux troisièmes années mais ce dernières ne se démontèrent pas. Elles sortirent leurs baguettes, et Caleb Harding, resté en retrait jusque là, les imita. Ils étaient prêts à en découdre. Nott éclata d'un rire sans joie.

-Vous protégez ceux qui vous insultent ?

-C'est vous qu'on protège, répartit avec calme Arabella. On ne peut pas. Répéta-t-elle.

-A nous quatre, nous sommes bien plus doués et puissants que les trois quart des élèves, reprit Dunn.

-Tu es bien sûr de toi, Asher, répondit Pansy avec un rictus.

-En tout cas, je le suis bien plus que toi, s'approcha-t-il, menaçant.

-Alors qu'est-ce que tu attends pour le prouver? provoqua-t-elle, presque soulagée de détourner son attention des autres élèves de Poudlard.

-Ne la touche pas, intervint Blaise en pointant sa baguette à son tour vers le cinquième année.

Mais sortant de nulle part, un trait de lumière rouge toucha Dunn en plein cœur et ce dernier se pétrifia avec une expression de fureur peinte sur le visage. Tous, sauf Drago qui restait dévoré par sa magie, se retournèrent vers Adeline.

-J'hésiterais pas à recommencer, menaça-t-elle de sa toute petite voix haletante, rendue suraiguë par l'angoisse. Elle pointait désormais sa baguette vers Nott.

Mauvais calcul, pensa Pansy. Il maîtrisait trop bien les sortilèges informulés. Ce dernier pouffa du même rire que lorsqu'elle s'était interposée pour lui bloquer le passage. Cependant, il semblait essayer de se contenir. Il se débattait intérieurement, fermait ses paupières avec force comme pour les souder, les rouvrait, regardait le plafond, passait ses mains dans ses cheveux, pressait ses paumes contre ses yeux, les faisait glisser sur sa bouche, comme s'il réfléchissait, puis se détendait les bras, comme s'il venait de faire un effort physique. Il faisait quelques pas, puis revenait en arrière, leur tournait le dos... Finalement, shoota dans un tabouret qui vola à travers la pièce et hurla de toutes ses forces, à fendre l'âme.

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Pendant ce temps, Arabella s'était doucement rapprochée de Drago, faisant taire l'angoisse qui lui tordait les entrailles. S'il l'avait toujours impressionnée, désormais il lui faisait peur. Mais cette dernière n'était rien en comparaison de l'adoration qu'elle avait pour lui. Elle savait pourtant qu'il serait toujours inaccessible : de cinq ans son aîné, il ne devait jamais s'intéresser à elle. Et la concurrence était rude. Elle avait bien vu son rapprochement avec Hermione Granger et la révélation de leur relation ne l'étonna pas.

Hélas, malgré toutes ses résolutions à l'oublier, elle n'y pouvait rien : plus il s'éloignait, plus elle souffrait et la nouvelle de leur couple lui avait transpercé le cœur, au moins aussi violemment que si elle avait été prise par surprise. C'est à dire que lorsqu'il s'agit d'un premier amour, on ne sait pas être raisonnable et on se dévoue entièrement, éperdument, absolument en s'oubliant... complètement. Son cœur semblait tomber dans un puits sans fond et une fois son cœur perdu, elle avait froid.

Elle ne voulait pas ça ! Pourquoi est-ce que tout n'était pas aussi simple que lorsqu'elle était une petite fille ? Pourquoi grandir faisait aussi mal ? Des frissons la parcourait de part en part... de peur, de froid, quelle importance ? Elle aurait voulu lui chuchoter «je t'aime» dans une réalité parallèle et figer ce moment pour ne jamais avoir de réponse mais à la place, elle lui prit le visage entre ses mains. Elle réussit à articuler malgré l'émotion :

-Drago... Elle t'aime : est-ce que ce n'est pas suffisant ?

Et juste pour cette fois, parce que c'était de circonstance, hésitante, elle le prit dans ses bras. Après un temps, les objets cessèrent de trembler. Il ouvrit les yeux et se dégagea.

-Hermione, marmonna-t-il pour lui même.

Il posa un instant les yeux sur la jeune fille, lui pressa l'épaule, comme un remerciement et, d'une démarche décidée, quitta les vestiaires, toujours en équipement de Quidditch, trempé et recouvert de boue. Elle, resta là, sans bouger, pendant que les autres, hormis Dunn pétrifié et Adeline, prirent le parti de le suivre. Elle attendit patiemment que tous aient quitté la pièce pour pleurer dans les bras de son amie.

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C'était comme si j'avais eu une absence. Décidément, il n'y avait rien qui ne me serait épargné dans cette vie ! La perte de ma baguette m'avait profondément affecté, il est vrai, mais Arabella m'avait remis sur le droit chemin. La seule chose qui devait importer était Hermione. Je quittais alors précipitamment les vestiaires pour la retrouver, savoir comment elle allait et si on l'avait... Je coupais court à ces pensées : je ne voulais rien imaginer car c'était trop insupportable. Je doutais que les dortoirs des Gryffondors aient pu être mis à sac mais je craignais des insultes en son encontre dans les couloirs. D'autre part, j'espérais, pour Dean Thomas, ne pas le croiser car mes menaces risquaient de ne plus rester du bluff très longtemps.

Je remontais la longue colonne d'élèves qui rentrait tranquillement vers Poudlard sans prêter attention aux moqueries et aux insultes. J'étais dans une sorte de bulle inaltérable et je n'allais pas m'arrêter tant que je n'avais pas atteint mon but. Le froid, la faim, l'endolorissement de mes muscles, mon dos meurtri par la chute, la pente qui se faisait plus raide... rien ne parvenait à me faire ralentir. Je passais outre toute sensation de souffrance et revêtais mon masque de marbre. Soudain, on me poussa violemment, mais je ne me retournais pas. Je continuais ma route, déterminé. Qu'ils m'insultent, qu'ils se moquent ! J'étais bien au-dessus de tout ça. Ma superbe ne saurait pâtir de ces basses attaques. Surtout, il y avait plus important : je devais la retrouver sans attendre, qu'importe le prix !

Mais j'avais beau dépasser les élèves et arriver jusqu'à la grande porte d'entrée, je ne la voyais pas. Peut-être n'était-elle pas venue assister au match ? Malgré ma déception, je me raisonnais : il n'y avait rien d'étonnant à cela et c'était sans doute la meilleure chose à faire. Où pouvait-elle être ? La tour d'astronomie ? Même s'il était peut-être encore un peu tôt, nous étions toujours un samedi ! Alors j'y portais mes pas sur le champ, plein d'espoir. Je montais les marches quatre à quatre le cœur battant. Elle n'y était pas. Les toilettes des filles ? Je dévalais les escaliers pour en remonter de nouveaux jusqu'au deuxième étage. Je surgis dans la pièce, vide. Où pouvait-elle être ? Mon espoir de la voir seule vola en éclat.

Je fis une pause en m'appuyant du plat de mes mains sur un lavabo. Cela soulagea un instant la douleur qui irradiait dans mon dos. Mon reflet faisait peur à voir. J'avais toujours de la boue sur le visage et mes cheveux. J'étais trempé et laissais une traînée terreuse derrière moi. C'était ça, l'héritier Malfoy. Quelle blague ! Un sang pur sale, qu'on pensait pouvoir humilier en toute impunité et à la baguette cassée ! De quoi rendre fier mon père.

Mais je ne devais pas m'arrêter là. Compte tenu de l'heure, il ne restait qu'un seul endroit... Le pire sur terre selon moi, beaucoup trop rouge et or à mon goût. Beaucoup trop peuplé surtout. Mais je ne pouvais plus attendre.

Croiser quelques crétins dans les couloirs était une chose, frapper chez l'ennemi en était une autre. Qu'à cela ne tienne ! Je n'étais sans doute plus à cela près et les efforts de discrétion étaient désormais inutiles de toute façon. J'avais déjà atteint le couloir qui verrait ma honte et m'avançais, déterminé, vers ma perte.

-Mais enfin, ce ne sont pas vos dortoirs, s'exclama la grosse dame.

-Je sais.

-Allons, allons, rentrez chez vous ! Vous feriez mieux d'aller vous changer !

-Il faut seulement que vous ouvriez, je n'entrerai pas.

-Impossible !

Mais alors qu'elle protestait la porte s'ouvrit sur un groupe de première année qui s'en allaient sans doute en avance au réfectoire. Il se stoppèrent net devant moi, les yeux écarquillés.

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Un silence gêné se fit d'un coup dans la salle commune. Tous finirent par comprendre que le problème venait du couloir. En effet, dans l'encadrement de la porte apparut Drago Malfoy, trempé et boueux. Mais qu'est-ce qu'il faisait là dans cet accoutrement ?! Se demanda Parvati Patil. C'était comme s'il venait tout juste de descendre de balais... Pourtant, cela faisait bien une heure que le match était terminé ! Il avait une expression et un aspect tellement... misérable ! Et pourtant, il gardait toujours, en toute circonstance, ce fameux charisme qui mettait toutes les filles de Poudlard d'accord. C'était une sorte de distinction intemporelle, une présence à la fois délicate et puissante, une posture à la fois recherchée et négligée... Que tous ces trolls de Dean, Seamus, Ron et compagnie en prennent de la graine !

Sa pâleur et ses cheveux blonds salis par la boue lui donnaient un air d'ange déchu ou de chevalier blanc revenant d'un champ de bataille. Son regard couleur acier, qui avait le don d'envoûter ou réduire en poussière n'importe qui, parcourait la salle avec attention. Pendant ce temps, tous les Gryffondors présents retenaient leurs souffles, Parvati y compris. Non, décidément, rien ne pouvait altérer le magnétisme du Serpentard, pas même la boue ou la pluie... au contraire !

Après avoir détaillé des pieds à la tête le visiteur, les regards convergèrent vers ce qui devait être sans doute la raison de sa venue. Elle rougit violemment, et regarda de tous côtés, comme voulant disparaître. C'était un crime d'être aussi coincée ! Il était tellement beau ! Et touchant ! Parvati, elle, n'aurait pas hésité. La vie n'avait rien de juste !

-Hermione, appela-t-il d'une voix sourde et fatiguée.

Comme s'il était nécessaire de préciser pour qui il était venu ! Essoufflé, il essayait de reprendre une respiration normale.

Ron fit mine de faire un pas en avant mais il fut stoppé net par Harry et Ginny. Ainsi, ils étaient de mèche !

-Casse-toi, retourne dans ton manoir ! Cria une voix. Mais cette dernière reçut peu d'écho car même ceux qui haïssaient Drago Malfoy, avaient, à cet instant, succombé à la tension dramatique du moment.

Hermione finit par se lever lentement, comme engluée dans un autre espace temps. Lui, se rendit compte soudainement de la gêne qu'il était en train de provoquer. Comment avait-il pu ne pas y penser ? Se présenter devant les dortoirs de Gryffondors... il voulait mourir ou quoi ?! En tout cas, il ne manquait pas d'audace.

Il recula d'un pas.

-Pardonne-moi.

Et il fit mine de se retourner et s'éloigner pour de bon dans le couloir.

-Attends ! S'exclama-t-elle en courant à sa rencontre. Et, dans un même élan, elle se jeta dans ses bras. Lui, surpris, la réceptionna de justesse et la serra dans ses bras avec force en enfouissant son visage dans ses cheveux. Cet instant aurait pu durer une éternité, Parvati ne s'en serait pas aperçu. Tout ça n'avait rien à voir avec de l'Imperium, un filtre ou une manipulation quelconque : c'était juste une histoire étrange, incongrue, invraisemblable qui n'arrangeait pas ceux que la guerre avait rendus amers. Cependant, Parvati espérait que même les plus méfiants, après avoir vu la scène, ne lui chercheraient plus de mauvaises intentions et accepteraient l'évidence... Ça crevait les yeux enfin !

Il posa une de ses mains sur la tête de la jeune femme dans un geste familier, qui semblait être souvent répété, et caressa sa chevelure abondante. Au bout d'un moment, ils s'écartèrent et il posa son front contre le sien. Alors, toujours comme s'ils étaient seuls au monde, elle l'embrassa. C'est à ce moment que la porte, lassée de rester ouverte, se referma. Le silence de l'instant se prolongea un moment puis, une explosion incrédule, de joie, de colère, de dégoût, d'envie.