Guest : Avec plaisir ! J'espère que ce chapitre te plaira ! :)

Avis à celles (et ceux) qui ne lisent pas les chapitres (M) : J'ai affiné mon code de manière à ce que vous puissiez suivre quand même correctement l'histoire. Chaque passage classé (M) sera annoncé "MMM" à la place de "000" à son début et à sa fin. J'ai ainsi modifié le chapitre 22 et 27.

28 - «Puissent tant de malheur accompagner ta vie, Que tu tombes au point de me porter envie» (Horace, Corneille)

On m'avait posté dans les toilettes des filles, seul endroit que les rayons de la lune pouvaient atteindre et qui était accessible discrètement par n'importe qui souhaitant me rejoindre pour une quelconque raison.

Sans baguette, je ne pouvais plus m'éclairer seul et il me semblait que ma vie entière était liée à cet astre changeant. La Pleine Lune avait eu lieu il y a deux jours. Ainsi, bien que gibeuse, elle diffusait une quantité de lumière suffisante pour qu'on puisse y voir à quelques mètres devant soi. C'était mieux que rien.

J'attendais, seul. Combien de temps j'avais pu attendre aujourd'hui ! J'étais exténué, fourbu et je ne devais mon état éveillé qu'à l'adrénaline qui parcourait mes veines et faisait battre mon cœur à un rythme beaucoup trop soutenu. Les autres s'étaient déployés dans les couloirs à proximité. Potter, accompagné d'Hermione, surveillait grâce à la carte du maraudeur tandis que Ginny faisait courir le bruit de ma présence ici.

Comme avant le match de Quidditch, je rassemblais ma détermination. J'étais prêt. A quoi, je ne savais pas trop. Mais une chose était sûre, je n'allais pas flancher malgré cette vulnérabilité qui me faisait horreur. En réalité, j'étais heureux d'agir. Il le fallait. Pour protéger Hermione des prochaines actions de ce malade et par pur besoin de vengeance personnelle. On ne brise pas la baguette d'un Malfoy ni ne s'en prend à sa famille impunément. Or, pour moi, Hermione était ma nouvelle famille. La lâcheté de celui qui m'avait privé de mon arme pour mieux me battre me répugnait. Même pour un Serpentard, c'était indigne.

Soudain, un bruit me sortit de ma torpeur. On avait ouvert la porte et on était entré. Je ne distinguais pas son visage. Pas encore. A sa carrure, je compris rapidement qu'il s'agissait d'un homme, assez grand. Aussi grand que moi. Nous étions peu à atteindre les 1m85 à Poudlard. Il était plus carré d'épaule cependant.

Je le reconnus au moment où mes déductions aboutirent.

-Weasley ?!

Ce dernier avançait vers moi, tandis que j'encaissais le choc. D'un autre côté, il ne devait rien y avoir de surprenant : il m'en voulait à mort et il avait bien raison. Pour lui, je devais être la pire personne sur terre. Je m'étais moqué de lui toute notre adolescence et je n'avais jamais osé lui demander pardon. Mon « camp » avait tué ou blessé une partie de sa famille et j'étais avec celle qu'il aimait. Je me souvenais sans mal la douleur que j'avais ressentie lorsque c'était lui qui posait ses mains sur elle, l'embrassait et respirait son parfum.

Alors, finalement, j'en étais presque à trouver ça équitable, ma baguette brisée en deux. C'était un bien moindre mal comparé à la perdre, elle.

Au fond de moi, une sorte d'étrange soulagement. Je savais que Ron était, malgré sa colère, quelqu'un de profondément bon. Bien plus que moi en tout cas. Alors, j'imaginais qu'il avait atteint son maximum en terme de malfaisance aujourd'hui et que jamais il n'aurait le cran de me tuer ou de me torturer. La torture, de toute façon, ne me faisait pas peur. Je connaissais mes limites et comment je réagissais face à la douleur. J'avais appris à la gérer.

Il continuait d'avancer vers moi sans dégainer sa baguette, retroussant tranquillement les manches de sa chemise. C'était d'une trivialité ! Il allait sans doute me refaire le portrait à la moldue comme en novembre. Ça aussi, ça me paraissait honnête. Par expérience, je savais qu'il arrivait sans mal à bien placer ses coups. Avec cinq frères, il avait dû se perfectionner. Moi, je n'avais strictement aucune compétence. Plus fin et léger que lui, dont la musculature pesante avait été largement développée par son poste de batteur, je supposais que j'allais essentiellement devoir esquiver.

Voilà ce que nous allions faire : il allait m'empoigner et j'allais mollement répondre pour lui donner l'impression d'être en désaccord avec le projet pour qu'il en tire un maximum de satisfaction. En tant que sorcier, je ne mettais que très peu d'estime dans le fait de savoir éclater la tronche de mes semblables à mains nues. J'accordais bien plus d'importance aux duels... Ainsi, j'en concluais que le règlement de compte qui s'apprêtait à avoir lieu était le plus optimal pour nous deux : il se défoulait sans entacher mon honneur. Nullement impressionné, j'étais même satisfait : je n'avais pas envisagé que cette histoire se dénouerait aussi simplement.

Il s'arrêta devant moi. Par pitié, abrège ! Frappe moi !

D'un coup, son regard se fit plus dur et son visage se contracta de colère. Il éleva son bras droit.

L'impact de son poing contre ma pommette droite me sonna pratiquement et me fit perdre l'assurance de mes appuis. Le goût ferrugineux du sang envahit immédiatement ma bouche. Propre. Joli coup. Et efficace ! Je ne pus retenir un sourire appréciateur.

Masochiste, moi ? Non, mais je suis un esthète et je sais reconnaître à leur juste valeur mes adversaires. Je tiens cela de ma tante. J'entrepris de m'essuyer la bouche. Une coulée vermeille sur mon pouce.

-Ça te fait rire Malfoy ? Tu en veux encore ?

-C'est surtout à toi qu'il faut demander, rétorquais-je, prévenant, sans réprimer mon sourire.

-Espèce de taré.

Alors, il se rapprocha d'une grande foulée pour prendre de l'élan et me frappa à nouveau, à l'abdomen cette fois-ci. La violente décharge d'énergie se propagea dans tout mon corps et me coupa le souffle un instant. Je titubais jusqu'à l'un des lavabos auquel je me raccrochais pour ne pas tomber. Alors qu'il auscultait ses poings, il reprit avec tout le mépris du monde :

-Tu n'es même pas capable de la protéger.

-Tu le pourrais toi, peut-être ? Bien-sûr que non. Tu n'es déjà pas capable de la respecter, rétorquais-je en pensant aux insultes et aux dessins obscènes qu'il avait dessiné sur le tableau de nos vestiaires.

Alors qu'il allait m'empoigner, je décidais qu'il était temps de riposter. Oui, être avec moi signifiait pour elle mettre en jeu sa crédibilité, se faire insulter, moquer... Et je ne pouvais rien y faire. Je m'en voulais suffisamment pour ça mais moi au moins, alors qu'ils étaient en couple, je n'avais jamais déversé ma frustration sur elle. J'esquivais ses mains et profitais de l'ouverture pour fracasser mon poing contre sa joue. Ce dernier, par un heureux hasard, termina sa course contre son nez. Je l'avais ébranlé. Un peu. D'un doigt, il constata le saignement de sa narine. Il me lança un regard furieux.

-C'est toi qui me parle de respect, Malfoy ?

Pas faux.

Par surprise, il me poussa d'un coup de pied contre mon torse. Je heurtais de plein fouet le mur qui se trouvait seulement deux mètres derrière moi, à l'endroit-même où j'étais tombé de balais quelques heures plus tôt. La douleur que cela me provoqua me fit comprendre que je ne me relèverais pas à moins d'un miracle. Je tombais lourdement au sol.

J'essayais de me hisser sur mes avant-bras comme je le pouvais, malgré la douleur.

-Et c'est toi qui me parle de protection ? Repris-je, haletant, toujours à moitié étendu sur le sol. Le seul danger ici, c'est toi ! Si tu n'avais pas cassé ma baguette, si tu ne nous avais pas insulté, si tu n'avais pas bordélisé les vestiaires, à l'heure actuelle, elle ne serait pas dans les couloirs en train de patrouiller mais dans votre salle commune, bien tranquille, en train de lire Théories de la métamorphose transsubstantielle !

-Quoi ? Demanda-t-il, surpris, en m'empoignant pour de bon.

-Bah, c'est un manuel qui s'efforce de relier les connaissances moldues actuelles en physique et l'existence de...

-Non mais... De quoi tu parles ? Ce n'est pas moi qui ait cassé ta baguette !

-Non bien sûr, et c'est pas toi non plus qui est en train d'en profiter pour me casser la gueule.

-En fait, Harry et Hermione n'étaient pas rassurés de te savoir seul. Alors je me suis proposé pour te protéger.

-Oh, Ronald, crois-moi, jusqu'ici tu t'en sors à la perfection.

Je vis dans ses yeux qu'il se retenait de m'en mettre une nouvelle. Il s'était calmé et sa poigne s'était radoucie. De mon côté, je mis également de l'eau dans mon vin. Je supposais qu'il n'avait pas que de mauvaises intentions à mon égard...? D'autre part, j'avais effectivement du mal à l'imaginer en train de peinturer les murs de Poudlard. Lui, insulter Hermione ? Jamais de la vie !

-Je pensais seulement t'en coller une, juste pour la forme, mais ton sourire de connard m'a fait vriller, m'avoua-t-il d'un air penaud.

-Ah...Alors... Je te prie de bien vouloir m'excuser, réussis-je à dire, gêné, les yeux rivés au sol.

J'avais aggravé les choses avec mon ironie, comme souvent. Un pouffement et je levais les yeux vers lui, surpris.

-«Je te prie de bien vouloir m'excuser», c'est un truc à elle, non ?

-Oui, avouais-je dans un sourire nostalgique.

-Je te déteste tellement, reprit-il après un temps, en me lâchant enfin pour s'asseoir à côté de moi, dos au mur.

-Heureux de te l'entendre dire. Sentiments partagés... Mais il n'empêche... Je suis vraiment désolé... pour tout ce que j'ai pu faire ou dire. Et j'espère qu'un jour... On se détestera moins.

Il me regarda pensivement puis regarda ses pieds :

-J'ai fini par comprendre que tu étais important pour elle et que... si je voulais la garder près de moi, alors je devais... te pardonner aussi.

-Quoi ?! Tu veux dire que c'étaient tes dernières beignes ?

Il acquiesça en silence.

-Si j'avais su, j'en aurais plus profité...

-Par pitié, Malfoy, ne me tente pas ! Faut vraiment que tu apprennes à te taire !

- Oui, pardon.

Un silence s'installa mais il fut bien vite rompu :

-N'empêche, moi aussi, je pense que je n'en ai pas assez profité : trop en colère...

Nous nous regardâmes pour pouffer de concert. Il me tendit une main et je la saisis, pour sceller notre pacte. Puis, il se servit de cette prise pour me relever en position assise et m'adossa contre le mur à côté de lui. Je ne pus retenir une grimace de douleur.

-Enfin Malfoy, arrête ta comédie : je t'ai à peine touché !

-De quoi tu parles ? J'ai rien senti. C'est juste ma chute de balais de cet après-midi.

Il acquiesça une nouvelle fois en silence.

-Joli match, il paraît... Selon Seamus. Tu as donné quelques frayeurs aux Professeurs en plongeant en piquet vers le sol.

Je souris.

-Merci. C'était un timing qui se jouait à un cheveux de troll.

-Les trolls n'ont pas de cheveux.

-Justement.

Il sourit à son tour.

Pendant ce temps, je relevais ma chemise pour constater les dégâts sous le regard attentif de mon ancien adversaire.

-Arrête de baver Weasley, ce n'est pas pour toi.

Ce dernier rougit violemment, en commençant par les oreilles.

-Va... va... Va manger du sable, plutôt ! Finit-il par articuler.

Les contusions sur mon flanc droit étaient noires et durcies de sang coagulé. Je devais avoir des côtes fracturées. Je n'osais demander à Weasley d'inspecter mon dos. Je sentais qu'il devait s'agir d'une vraie boucherie.

-Il dois aller à l'infirmerie.

-Quand tout ça sera terminé, j'irai.

-Si la ou les personnes arrivent pour...

-Clairement, je ne pourrais rien faire. Même pas fuir. Je me fie à toi, mon gars !

Il acquiesça en silence, l'air grave, mesurant peut-être la bêtise de m'avoir à ce point estropié. Il fixait désormais avec résolution la porte, tenant fermement sa baguette. Je savais qu'il serait bon. Je lui faisais confiance. Je n'avais pas le choix de toute façon ! Le silence s'installa dans notre attente. Soudain :

-Comment tu as fait ? me demanda-t-il sans quitter la porte des yeux.

-Fait quoi, Weasley ?

-Pour qu'elle tombe amoureuse de toi.

-Une bonne dose de philtre d'amour matin, midi et soir.

-Sérieusement.

-Tu crois vraiment que je vais t'expliquer comment la faire tomber amoureuse de toi ? T'as de l'espoir. Heureusement pour moi, le charisme simple et pur ne se retourne jamais contre son sorc...

-Malfoy...

Jamais je ne vis une expression plus misérable sur un visage. Je déglutis difficilement : il ne pouvait pas me regarder comme ça ! Comme si j'étais le responsable de tout... Je soupirais, vaincu, déchiré par la culpabilité..

-Honnêtement, je ne sais pas. J'ai du mal à y croire moi-même. Enfin, je veux dire, je ne vais pas t'apprendre à quel point j'ai pu être antipathique... Et pourtant...

Je repris après un temps de réflexion :

-Tout ce que je sais, c'est que je me suis excusé, je lui ai beaucoup parlé, je l'ai beaucoup écoutée aussi. Et surtout, surtout, j'ai prié. Prié de toutes mes forces. Et j'ai souffert.

-Tu ne peux pas avoir souffert plus que ce que moi je souffre.

-Je sais. Je sais ce que tu ressens. Je l'ai ressenti, aussi. Mais je ne peux rien. Alors... je ne sais pas.

Il reposa sa tête contre le mur, relâchant sa garde.

-Je suis tellement pitoyable ! Pleura-t-il.

-Non...

-Et j'entends les gens la blâmer... Alors que c'est juste moi... qui ne suis pas assez bien.

-Écoute, un jour tout ira mieux. Demain, déjà, et puis, après demain et après-après demain... Avec les Serpentards, c'est ce qu'on se dit toujours quand un malheur nous touche. Et ça marche.

-Comment ?

-Je ne sais pas non plus... Il suffit d'y croire je pense. C'est comme si c'était... ta propre prophétie. Tu... Tu vas y arriver. J'en suis sûr.

-Parfois, j'ai juste l'impression...

Mais il ne finit pas sa phrase : la porte s'était ouverte. Ron s'était levé prestement et marché au devant de moi, la baguette tendue, essuyant ses larmes d'un geste vif.

-Qui est là ?

On ne répondit pas. A la place, on se contenta de faire un pas en avant, en prenant garde à bien rester dans la pénombre.

-Répond, cria Ron.

-Ron ? Qu'est-ce que tu fais là ?

-Je le protège.

Un rire face à l'absurdité.

-Tu le protèges ? Toi ? Après tout ce qu'il t'a fait ?

-Sors. Tu n'as rien fait. Tu peux encore retourner dans nos dortoirs.

Un Gryffondor ?

-Non. Je suis là pour finir ce que j'ai commencé.

-Briser une baguette, ce n'est rien, encore. Tu pourrais t'en sortir avec un simple blâme...

-Poudlard, je m'en fiche. Je pourrais vivre dans le Londres Moldu. Mais lui, je veux juste qu'il souffre.

-Il a assez souffert...

-Tu te fous de moi ? Maintenant, il se pavane avec Hermione dans les couloirs. Je les ai vus l'autre jour.

Dean Thomas ? Un frisson me parcourus. Lui aussi avait de quoi en vouloir aux Malfoy. Il s'était retrouvé dans les cachots du manoir. En tant que né-moldu, il avait évité une mort certaine en s'échappant de justesse grâce à Dobby, notre ancien elfe de maison. Finalement, j'étais une nouvelle fois assez d'accord sur le principe. Mais un autre jour, par pitié !... Hélas, je doutais qu'il veuille prendre rendez-vous.

-Allons, Ron, pousse-toi. Debout Malfoy !

-Il ne peut pas...

-Comment ça, il ne peut pas ?

-Eh bien... on va dire que je t'ai précédé...

Un pouffement appréciateur.

-Je ne comprends rien à ton histoire : je croyais que tu devais le protéger... ?

-Oui... Mais tu sais comment est Malfoy... Tu sais comment je suis... Bon... Ça a dérapé.

-Et tu penses que t'es le seul à avoir le droit de t'amuser ce soir ? Allons, pousse-toi.

-Non, Dean. Il ne faut pas.

-Ne m'oblige pas, Ron.

En guise de réponse, Ron se mit dans une posture de défense. Un premier éclair rouge de stupefixion sortit de la baguette de Dean, contré aussitôt par Ron. Alors, une tempête de sorts se déchaîna. Dean se faisait très agressif tandis que Ron se contentait de neutraliser les attaques, attendant sans doute les renforts. De mon côté, je priais pour ne pas être touché par un maléfice perdu. Je n'étais pas en état de me déplacer en lieu sûr.

Il étaient bons. Ron était peut-être meilleur. Plus sûr de ses gestes, plus précis, mais Dean avait l'avantage de la rapidité. Il avança de quelques pas et Ron fut forcé de reculer jusqu'à se retrouver acculé contre le mur qui nous avait servi de dossier quelques minutes plus tôt. Davantage contraint dans ses mouvements, Ron se fit moins adroit. J'essayais de me tasser sur moi-même pour ne pas le gêner mais en vain. Déconcentré, il ne réussit pas à esquiver à temps un sort de ligotage. Il se retrouva lié des pieds à la tête et tomba en glissant contre le mur.

J'avais toujours su que la concentration était son point faible. Ça, et la confiance en soi.

Bon, eh bien... Ça allait être mon tour maintenant. Contrairement à Ron, je suspectais Dean d'être parfaitement capable d'user des sortilèges impardonnables.

Ron se tortillait dans tous les sens pour se défaire de ses liens, inutilement bien sûr.

-Dean, sois pas bête ! Essaya-t-il une dernière fois sans plus trop y croire.

Mais ce dernier fit comme s'il n'avait rien entendu.

000

Dean était ravagé par la colère. Malfoy... Rien que ce nom le révulsait. Comment pouvait-il oser se tenir dans les murs de Poudlard alors qu'il avait tout fait pour sa chute ? Il avait traqué l'Armée de Dumbledore, ouvert la voie aux Mangemorts, comploté contre leur directeur... Que fallait-il de plus ? Ce n'était qu'un sombre connard.

Et pourtant quelles conséquences pour lui ? Aujourd'hui, Monsieur se retrouvait à nouveau admis à Poudlard, troisième de la classe, aux rennes du domaine familial avec en prime la jolie Hermione Granger à son bras... Sa victoire était complète. Même Harry... Même Ron lui avaient pardonné ! C'était insupportable !

Et lui, Dean, il se retrouvait à côté, perdu dans la masse de ses souvenirs et de ses angoisses. Son père sorcier les avait abandonnés lui et sa mère moldue alors qu'il n'était qu'un enfant. Les Sangs-Purs avaient voulu sa peau. Le monde magique entier lui semblait hostile. Alors il le quitterait... Mais pas sans un dernier coup d'éclat.

-Debout, Malfoy, répéta-t-il.

-Je ne peux pas, Ron te l'a dit.

-Ça c'est se qu'on va voir ! Impero !

Alors, une sorte de fourmillement parcourut son corps, de son cerveau jusqu'à sa baguette, à travers ses muscles, ses veines et même ses tendons.

Lève-toi.

Malfoy, comme un pantin désarticulé, se leva. Il avait toujours cette foutue arrogance dans son regard et il se promettait de la lui faire passer. Un fois debout, la posture du Serpentard était étrange.

Tiens-toi droit.

Le corps de Malfoy se cambra sous le regard perplexe de son hôte.

-Le maléfice de l'imperium, c'est pour contrôler la volonté, pas donner des capacités sur-humaine. On t'a dit que je ne pouvais pas me tenir debout... Alors tu devras te contenter de ça, crétin.

Dean médita un instant. Il avait tellement rêvé de ce moment ! Mais le problème était qu'il n'avait aucune idée de quoi faire maintenant. Le faire se noyer dans le lavabo ? Le faire se défenestrer ?

-Écoute, essaya Malfoy, je suis désolé, je n'aurais pas du te parler comme ça. Je comprends ta colère...

-Tais-toi, tu n'as même pas idée.

-Tu sais, je vois bien que tu manques d'inspiration. J'ai personnellement pas mal d'idées en tête mais je me garderais bien de te les dire. Voilà ce que je te propose : la semaine prochaine on se cale un petit quart d'heure de folie «à la Weasley». Même endroit, même heure ?

-Tais-toi ! Tu n'as jamais su te taire Malfoy ! MAIS UNE FOIS DANS TA VIE, TAIS-TOI !

-D'accord, d'accord je vais me taire...

Un silence, enfin. L'esprit de Dean était complètement paniqué par le champ des possibles.

Euh... Fais couler de l'eau !

Le corps de Malfoy s'anima alors et ouvrit les robinets d'un lavabo en grand. Est-ce qu'il avait compris ? Est-ce qu'il avait compris ce qui l'attendait ? Il aurait aimé voir la peur sur son visage, une appréhension avant son supplice... mais rien. Il avait ce regard toujours indifférent et ce léger sourire moqueur qui traînait sur ses lèvres. Même dans ce moment, il se sentait écrasé par sa supériorité. C'était comme s'il s'apprêtait à simplement se laver la figure ou se brosser les dents. Dean s'attendait presque à ce qu'il teste la température de l'eau ! Ce bâtard.

Et bien s'il n'avait pas compris, cet imbécile heureux, il allait lui faire comprendre !

-Tu sais ce qu'il t'attend Malfoy ?

-Oh pitié, ne crois pas que tu sois très imaginatif.

Cette ironie, encore ! Ce mec allait définitivement le rendre fou !

-Dean, tu peux encore reculer tenta de nouveau Ron.

-Non, il ne peut pas, contra Malfoy. Il est allé trop loin déjà : il en a trop souvent rêvé. Il ne peux pas nous entendre. Et on ne peut rien pour le sauver.

Dean pouffa d'un rire sans joie :

-C'est toi, Malfoy qui aurait bien besoin d'être sauvé.

-Plus maintenant. Ça a été le cas. Mais le travail a été fait.

-Ah ? Tu penses que tu n'as pas besoin d'aide ?

Plonge la tête dans l'eau.

Combien de temps on met pour se noyer ?

-Remonte-le, Dean !

Remonte.

Malfoy ressortit sa tête de l'eau, reprenant une longue inspiration, sa tête ruisselante trempant son uniforme.

-Et là ? Toujours pas besoin d'aide ?

-Tu me parais être en bien plus mauvaise posture que moi, Dean. Je meurs ? Et alors ? Comprends-moi bien : j'ai passé ces deux dernières années en me répétant à chaque minute que j'allais mourir incessamment sous peu. Je joue déjà dans le temps additionnel. Tu ne peux pas me faire peur. Mais toi, à Azakaban toute ta vie pour avoir usé du sortilège de l'Imperium... Ça te plairait Greyback en voisin de cellule ?

-Tais-toi, répéta encore Dean, la bouche sèche.

-Dean, reprit-il, je sais ce que tu as enduré : la traque dans les bois par les rafleurs, les cachots du manoir... Pendant que moi, j'étais bien tranquille à l'étage du dessus... C'est ça Dean, n'est-ce pas ? Mais sache que même si je n'étais pas en cellule avec vous, je n'étais pas plus libre. J'ai pu tout au plus... mentir pour sauver Potter...

Plonge.

Des spasmes commençaient à parcourir le corps de Malfoy.

-DEAN ! Hurla Ron.

Remonte.

Malfoy sortit prestement la tête de l'eau et fut pris d'une longue quinte de toux. Après quelques minutes, il put respirer normalement, haletant, le souffle profond et chuintant.

-Tu as le droit de me détester. J'étais un connard. J'espère avoir changé mais je n'ai pas la prétention d'être devenu parfait. C'est juste que... ne gâche pas ta vie pour de la colère. Laisse-la s'effriter...

Il reprit un coup sa respiration, dans un râle sonore.

-Je suis vraiment désolé de savoir que tu souffres autant... Et pour tout ce que j'aie pu faire et qui t'a fait souffrir, je te prie de bien vouloir m'excuser. Si je ne t'en ai pas prié avant... C'est par pur lâcheté.

-Tu... tu...

-Rien de ce que tu pourrais faire ne saurait m'impressionner. Lâche l'affaire, je suis une très mauvaise victime. Passe à autre chose.

-Comment est-ce que tu fais ?

-Dean, j'ai été élevé dans la douleur. Crois-moi, tu n'as pas idée. Lâche l'affaire, je te dis... Tu as ta place dans ce monde. A toi de la construire.

Cette dernière phrase, prononcée peut-être au hasard, eut l'effet d'un électrochoc pour Dean.

Hélas, il n'eut pas le temps de répondre car soudain, la porte s'ouvrit avec fracas.

-M. Thomas, M. Malfoy ! S'écria McGonagall d'une voix blanche.

A sa suite, toute la clique : Harry, Hermione, Ginny, Parkinson et Nott. Dean s'était figé : il était foutu et il se rendit compte que contre toute attente, il ne s'en fichait pas.

-On... vérifiait la plomberie, répartit Malfoy du tac au tac, comme si c'était lui le fautif. On dirait qu'il y a une fuite.

-Enfin, M. Malfoy, une fuite ne pourrait pas vous mettre dans cet état, répliqua l'ancienne directrice de Gryffondor.

-C'était...

Malfoy prit un temps pour réfléchir, les yeux dans le vague, comme si son cerveau avait planté (rapport à l'informatique, un truc de moldu).

-Une très grosse fuite.

En arrière-plan, Dean put voir Ron acquiéscer vivement, d'un mouvement frénétique de la tête.

-Et je peux savoir pourquoi M. Weasley est ligoté des pieds à la tête ?

-C'est parce que... il avait froid.

Dean commençait à s'inquiéter : est-que le Serpentard n'avait pas été privé d'oxygène un peu trop longtemps ?

-Très froid même, compléta Ron.

-Et les impacts sur les miroirs ?

Ça y est, conclut Dean. C'en était fini de lui... Mais c'était sans compter la répartie de Malfoy, qui prit un sourire charmeur :

-Ça, c'est parce que je suis beaucoup trop beau.

Harry plongea son visage dans ses mains, de lassitude, complètement dépassé par la situation. Hermione et Parkinson semblaient mentalement péter un câble et se retenir de hurler. Ginny fronçait les sourcils pour tenter de comprendre pendant que Nott était hilare. McGonagall, elle, se faisait plus stricte et froide qu'un vent polaire.

-Vous allez tous m'accompagnez à mon bureau, je vous prie.

Le regard de Dean fut capté par celui de Malfoy. Un regard qui signifiait "bouge-toi et déconne pas".

-Fais-moi marcher jusqu'à là-bas et maintenant, c'est à toi de te taire, lui intima-t-il dans un souffle.

-C'est pas comme si tu t'étais vraiment tu...

-C'est pas la question, trancha le blond d'une voix autoritaire.

Marche.

Alors le corps de Malfoy se mit en mouvement, de sa démarche étrange. Lorsqu'il passa devant Hermione, cette dernière se jeta dans ses bras. Par dessus, la tête de la sorcière, le Serpentard lui lança à nouveau un regard lourd de sens. Dean se pétrifia : il avait compris qu'il avait mis le doigt dans un engrenage qui finirait par le broyer en entier. Pour ne pas faire repérer l'Imperium, il allait devoir tout lui faire faire. Même... ça... Sans quoi Malfoy s'écraserait au sol.

Prend-la dans tes bras, ordonna-t-il en se maudissant intérieurement. Et euh... fais-lui un bisou sur le cuir chevelu.

Il se souvenait que jadis, Ginny adorait ça.

000

Nous progressions lentement, à mon rythme hasardeux dans un silence de mort. Je sentais Hermione au bord de la crise de nerf, retenant ses larmes à grand coup de reniflements. Elle tenait ma main avec force et je croyais l'entendre ruminer. "Calme-toi Hermione, calme-toi ! Oh et puis non ! Je vais les tuer, je vais les tuer, je vais tous les trois les tuer ! Lui, je vais le tuer parce que... Lui, je vais le tuer pour avoir... et lui il va prendre cher pour..."

Une force impérieuse, à laquelle je commençais à m'habituer me fit lâcher sa main pour passer mon bras sur ses épaules. Elle s'y blottit comme si sa vie en dépendait. C'était une bonne idée.

-Qu'est-ce qu'ils t'ont fait ? Chuchota-t-elle du bout des lèvres, d'une voix étranglée. Je l'entendis à peine.

«Rien», allais-je répondre instinctivement mais je me ravisais au dernier moment. Je m'étais promis de ne plus rien lui cacher. En plus, ce n'était pas crédible.

-Je te raconterai tout. Mais pas maintenant, lui répondis-je de ma voix la plus douce.

-Nous sommes arrivés beaucoup trop tard. On a deviné que Ron te fracassais... Mais on voyait Dean arriver. On ne pouvait pas... Il fallait qu'on en ait le cœur net !

-Je ne t'en veux pas, Hermione. Vous avez fait au mieux.

-Tu crois que je ne te sens pas trembler de douleur ?

-C'est bientôt terminé, tentais-je de la rassurer.

Alors, prise une nouvelle fois par ses émotions, elle se jeta à nouveau dans mes bras.

-J'ai tellement eu peur !

Ma bouche embrassa son front et ma main caressait sa joue. Ce n'étaient pas exactement mes manières, mais j'espérais que cela reste inaperçu.

-Demain, on passe la journée ensemble, proposais-je : il n'y avait plus de raison de je reste cloîtré dans nos dortoirs désormais.

Elle acquiesça en silence en rougissant tandis que nous nous faisions houspiller par McGonagall.

000

Nous arrivâmes enfin devant l'escalier menant vers le bureau de la directrice.

-M. Malfoy, vous montez avec moi. Les autres, vous restez ici.

A nouveau, la force prodigieuse me fit avancer jusqu'à la première marche qui s'éleva jusqu'au palier supérieur. Enfin, elle me fit m'asseoir, alors que McGonagall n'avait pas encore fini de formuler son invitation.

-Je vous prie de bien vouloir m'excuser, répétais-je pour la 857e fois de la journée. J'avais très mal au dos.

-Ça ne m'étonne pas. En réalité, vous tenez à peine debout, n'est-ce pas ?

-Ma chute de balais de cet après-midi doit être plus grave que ce que je pensais.

Elle prit un temps pour me dévisager. Puis soupira en envoyant d'un coup de baguette sa théière préparer une tisane. Comme la dernière fois, une tasse s'imposa dans ma main.

-Êtes-vous certain de savoir ce que vous faites, M. Malfoy ? Vous croyez peut-être que je ne sais pas ce qui se passe exactement sous mon nez ?

Je déglutis difficilement.

-Écoutez, je ne peux rien faire si vous ne me dites rien.

-Alors ne faites rien. Tout ça... C'était juste une erreur de parcours.

-Votre baguette, les insultes.

-Pour ma baguette, avec votre permission, j'irai en acheter une lundi, comme vous me l'aviez proposé plus tôt. Quant aux insultes, il en faut plus pour m'atteindre.

-Vous ne faites pas ça pour régler le problème par vous même, n'est-ce pas ? Une vendetta serait punie aussi sévèrement que les faits eux-mêmes...

-Non, souriais-je. Je pense simplement que la personne s'est perdue... Et qu'elle a droit à une nouvelle chance... comme moi. Et, comme disait mon père, on ne se débarrasse pas d'un ennemi en le combattant... mais en lui faisant contracter une dette.

Le pli soucieux qui barrait son front disparut en partie : si elle devait cautionner la première de mes motivations, en accord avec ses valeurs Gryffondoresque, la deuxième, qui tenait plus du Serpentard, ne devait pas lui plaire.

-Si vous pensez avoir la situation en main alors... Il n'y a rien qui puisse vous retenir ici.

-Merci professeur.

Un temps passa où nous nous regardâmes dans le blanc des yeux.

-Vous ne pouvez plus vous lever, n'est-ce pas ?

-Non.

Elle leva les yeux au ciel, grommelant qu'elle n'avait jamais rien vu de tel de toute sa vie, et pourtant Merlin savait qu'elle en avait vu des choses. Elle me fit léviter, à mon grand soulagement : la marche forcée avait bien usé ma résistance à la douleur. J'étais éreinté.

-Je vous accompagne à l'infirmerie.

J'acquiesçais en silence. Alors que nous étions sur le point de quitter la pièce, je sursautais, pris d'une illumination.

-Professeur...

-Oui... ?

-Je pense que j'ai compris la prophétie me concernant...

Elle me regarda avec attention.

-Dites-moi.

-Médicomage.

Ce fut à son tour d'acquiescer.

-Ça me semble parfait pour vous.