Ccassandre24 : Je suis très heureuse que cette fanfiction, malgré la résolution des arcs les uns après les autres, continue à te plaire ! Le but des prochains chapitres sera justement de mettre progressivement en place l'arc post-Poudlard, qui commencera "officiellement" chapitre 38. Je suis actuellement en train de peaufiner le chapitre 42 qui se déroule en octobre de l'année suivante. J'ai bon espoir de couvrir l'ensemble de leurs trois années d'études (Oui, pour faire médicomage, trois ans, ça suffit... parce que... magie !...?) et peut-être un début de vie "d'adulte", si mon inspiration est au rendez-vous ! J'ai déjà une idée mais à voir comment je réussirai à l'exploiter...
J'ai de moins en moins d'avance et je risque de "me rattraper" vers la fin du mois de mai si je continue ainsi. Le rythme de publication d'une à deux fois par semaine me tient à cœur car je pense que c'est plus agréable pour vous. Je pense donc faire une franche pause de publication pendant les vacances scolaires prochaines (du 22/04 au 07/04). Pour pouvoir reprendre à peu près sereinement jusqu'aux vacances d'été, pendant lesquelles je pense faire une nouvelle pause, peut-être un peu moins drastique... une fois toutes les deux semaines peut-être... à voir !
Guest : C'est toujours un plaisir ! :)
Puisque je suis lancée dans le blabla, je voudrais remercier celles (et ceux ?) qui me suivent et qui ont mis cette histoire dans leurs favoris ou dans leurs alertes. Ça me fait vraiment plaisir de voir que vous vous êtes attaché(e)s à cette histoire ! :) N'hésitez pas à faire un petit coucou ! :)
Bonne lecture !
29 - «L'amour est libre il n'est jamais soumis au sort» («Adieu», Apollinaire)
Théodore,
Théodore, il est peut-être un peu tôt pour le dire... après tout, on ne s'est encore jamais vus... vraiment... mais je crois que je t'aime.
Je sais qu'on doit se voir le premier samedi des vacances... Mais si tu ne ressens pas les mêmes choses que moi alors, je préfère que nous nous voyions pas.
Abigail
000
-Allez debout là-dedans ! s'exclama Pansy en entrant en trombe dans l'infirmerie.
-Chut ! lui intimais-je en désignant du regard Dunn qui avait été plongé dans un sommeil réparateur pour qu'il se remette de sa stupefixion.
-Ça va ! Il est dans un sommeil artificiel : c'est pas ça qui va le réveiller !
-Quand même !
-Tu te fais plus Pomfresh que Pomfresh elle-même, mon pauvre ! Répliqua-t-elle avec un faux air navré. Où est-elle d'ailleurs ?
-Partie se faire un thé.
-Tu es prêt ? me demanda Blaise en chuchotant.
J'acquiesçais en silence en me levant. Je n'avais plus de douleur ni de contusions : il ne me restait plus qu'une simple raideur dans le dos.
-Harry nous a proposé de venir petit-déjeuner avec «eux»... on y va ? Proposa Nott, visiblement à contre cœur.
-Il faudra bien qu'on s'intègre un jour ou l'autre... remarqua Blaise d'un ton convainquant. Alors... autant y aller.
-Alors c'est parti ! S'écria une Pansy survoltée en sautillant.
-Pourquoi est-ce qu'elle... ?
-Je crois qu'elle est juste stressée à l'idée de manger avec l'ennemi, m'expliqua Blaise. Elle m'en parle depuis son réveil.
-Pansy, stressée ? Sourit Nott.
-C'est encore pire qu'avant les examens des BUSEs, se plaignit Blaise.
Nous arrivâmes bien vite, trop vite à notre goût devant la porte de la grande-salle. La douce clameur des élèves se réveillant devant leur bol de thé s'élevait dans l'air. Harry devait nous guetter car alors que nous franchîmes le seuil de la grande porte, il se leva pour nous faire signe.
-Qui s'assoit à côté de Dean Thomas ? souffla Nott avec un sourire moqueur.
-Malfoy ! Malfoy ! Scanda Pansy sans discrétion.
-Taisez-vous ! Intima Blaise entre ses dents.
-Ils nous regardent tous, remarquais-je mal à l'aise.
-Granger a gardé une place à côté d'elle, fonce mon grand ! répliqua Nott en agrémentant le tout d'une tape sur mes fesses.
Cet effronté !
-En face de Weasley ! Tu la sens la bonne ambiance ? s'esclaffa Pansy.
-Mais taisez-vous bon sang et avancez ! Ça fait dix minutes qu'on bloque l'entrée !
-J'étais pourtant convaincu qu'on avançait, réfléchit Nott à voix haute avec un air rêveur.
-Attendez ! Il faut un plan d'attaque, s'exclama Pansy en se retournant vivement vers nous, toujours aussi volubile, en secouant Nott par les bras.
-T'es vraiment insupportable quand t'es angoissée.
-Je m'en fiche ! Qu'est-ce qu'on fait ?! On peut aussi dire que finalement on a plus faim...
-Non ! On y va, imposa Blaise.
-Comment on fait alors ? demanda Pansy.
Elle prit Nott et Zabini par les épaules et Zabini fit de même avec moi. Recroquevillés sur nous-mêmes, nos têtes se rapprochant comme des joueurs de Quidditch se motivant avant un match, il ne manquait plus qu'un cri de guerre.
-Voilà ce qu'on va faire, intima Blaise tandis que Nott et moi ponctuions ce qu'il disait par des hochements de têtes graves et silencieux, la boule au ventre. Malfoy, ta place est à côté d'Hermione.
-En face de Weasley !
-Pansy, arrête ! Nott, toi tu vas à côté de Thomas, en face de Potter et Weasley fille. Et tu seras en diagonale de Malfoy pour lui prêter main forte si besoin.
-Et à côté de Weasley !
-T'es lourde ! ... Bon, Pansy et moi, on va à côté de Lovegood et Hermione. On ne sera pas loin de toute façon.
Nous nous regardâmes avec un air hagard.
-Courage. Ça va bien se passer, reprit Blaise qui se voulait rassurant.
-L'essentiel, c'est que ça passe vite, surtout, conclut Nott.
Nous acquiesçâmes en silence puis nous nous relevâmes pour de nouveau faire face au monde extérieur. On nous regardait désormais avec un air méfiant.
Alors, la mort dans l'âme, j'ouvris la marche pour m'asseoir à côté d'Hermione. Ce n'est pas que je ne voulais pas la voir. Au contraire, je brûlais de la retrouver. Mais pas ici, avec une dizaine de paires d'yeux rivés sur nous. Elle, en terrain conquis, m'accueillit avec son plus beau sourire.
-Salut.
-Salut, répondis-je avec un sourire qui me griffait les joues.
Elle s'attendait à ce que je l'embrasse mais c'était tout simplement au-dessus de mes forces. Pas devant Ron. Pas devant Dean Thomas !
-Tu vas mieux ? Me demanda-t-elle, inquiète, tandis que je me sentais me dissoudre dans l'air.
-Parfaitement bien, éludais-je un peu précipitamment sans réussir à éviter un regard furtif vers Ron qui plongea dans son bol, rouge de honte, rongé par la culpabilité sans doute.
Elle me regarda avec un air suspicieux.
Pitié, pas maintenant. Tu me presseras comme un citron quand nous serons seuls.
Et, comme si la télépathie fonctionnait vraiment, elle se détourna de moi pour de nouveau se préoccuper de son toast recouvert de confiture à la myrtille. En face, Ron me regardait avec un air désolé. Je gardais mon sourire factice qui se voulait amical... J'espère. Hélas, je le savais : sur mon visage était greffé ce fameux masque de marbre insondable et je me tenais droit comme un piquet. Mes gestes lents et étudiés respiraient la suffisance. Mais comment faire autrement ?
En diagonale de moi, Nott, semblait bien plus détendu. Il parlait paisiblement de je ne sais pas trop quoi exactement, avec Harry et Ginny, non sans trucider Dean Thomas du regard. Ce dernier avait le dos courbé sur son thé et n'osait lever les yeux, sentant sans doute sur lui ceux du Serpentard.
Je fis un effort de concentration pour revenir à mon thé et à mon voisin d'en face.
-Tu as prévu quelque chose pour aujourd'hui, Ron ? risquais-je pour alléger l'atmosphère.
-Je pensais... avec Harry et Ginny... On pensait... peut-être se promener et... je dois répondre à une lettre de ma mère...
Il atteignit là le comble du rougissement. J'imaginais sans mal que la lettre pouvait avoir pour objet la Une du Sorcière-hebdo de cette semaine.
-Peut-être... quelques parties d'échec aussi... Il y a une première année qui voulait apprendre alors...
-Tu joues souvent aux échecs ? demandais-je, intéressé.
Dans la salle commune de Serpentard, c'était un véritable sport national mais seuls Nott et Adrian Pucey étaient des adversaires à ma taille et à trois, nous tournions vite en rond.
-Dès que je peux, mais malheureusement peu de Gryffondors s'y intéressent. J'ai essayé d'initier Harry mais il n'a jamais vraiment accroché. J'ai un bon ensemble de pions qui appartenait à mon grand-père. Je connais bien les pièces, elles me font confiance, se vanta-t-il.
Je laissais échapper un sourire appréciateur.
-Idem, c'est un jeu que nous nous transmettons de génération en génération. Il était à mon père mais depuis qu'il...
Je ne réussis pas à finir ma phrase, amorcée sans réfléchir, mais j'avais été compris. Fort heureusement, cela n'alourdit pas l'ambiance.
-Est-ce que... tu veux... ? Osa me demander Ron, redevenu rouge.
-Quand tu veux.
-Ce soir, après manger ?
-Parfait. Mais je te préviens, je n'ai pas pour habitude de retenir mes coups, le taquinais-je.
Je revenais enfin dans mon élément.
-On... On verra bien qui de nous deux aurait dû se retenir, réussit-il à articuler entre deux bafouilles, lui aussi amusé.
Nous nous sourîmes. Nous avions retrouvé cette étrange complicité qui était née hier soir.
-On y va ?
Hermione se trémoussais sur place, impatiente. Nous avions tous fini de manger et certains étaient déjà partis. J'acquiesçais.
-A ce soir, lançais-je tout naturellement à mon nouvel adversaire, surpris de moi-même.
-A ce soir, me répondit-il. Mais pour ton orgueil, il est encore temps d'abandonner !
-Sache que je ne rate jamais une occasion pour me faire mousser, rétorquais-je en m'éloignant. Un vrai sourire sur mes lèvres, cette fois-ci, c'était certain.
Hermione prit ma main.
000
A la recherche d'un peu de solitude, nous optâmes pour faire le tour du lac. Nous marchions en silence. Un silence heureux, je crois. En tout cas, de mon côté, c'était le cas. Alors, je me laissais porter par ce moment, repoussant loin de moi les événements de la veille.
-Tu es bien silencieux, finit-elle par dire de sa voix douce. A quoi tu penses ?
-A rien, répondis-je honnêtement.
-A rien ? Comment ça ? Tu veux dire : à rien d'important ?
-Non, à rien, souris-je devant son air incrédule.
-A rien ? Mais comment peut-on ne penser à rien ? Ce n'est pas possible !
-Mais si, pouffais-je.
-Mais non !
-Si ! Répondis-je en riant franchement.
-Mais comment ça ? Il ne se passe rien dans ta tête ?
-Non.
-Pas de pensée, pas d'image, rien ?
-Rien.
-Mais moi, ça m'arrive jamais ! Je suis toujours en train de penser. Comment tu fais ?
-Je ne sais pas : je coupe mon esprit, c'est tout.
-Mais c'est complètement fou, s'enthousiasma-t-elle sous mon regard attendri. J'aimerais bien faire pareil ! Tu ne peux pas imaginer toutes les pensées qui ont pu me traverser depuis que nous sommes partis !
-Ah oui ? Lesquelles ?
-Plein ! Avec tout ce qui a pu se passer hier... Entre la révélation de notre couple, ta baguette cassée, ton agression... Il s'est passé beaucoup trop de choses !
-Tu as oublié le passage dans la salle de bain des préfets, complétais-je, malicieux.
Elle rougit d'un coup.
-Je ne sais pas ce qui nous a pris ! C'était vraiment inconscient ! Vraiment n'importe quoi ! Tu imagines ?
-Pas besoin d'imaginer, je m'en souviens très bien.
Elle pouffa en levant les yeux au ciel pour cacher sa gêne.
-Ça ne doit jamais se reproduire ! Jamais ! Ni dans cet univers, ni dans un univers parallèle !
-Jamais, vraiment ? demandais-je sur un ton taquin en me plaçant derrière elle pour l'enlacer.
J'avais entrepris de déposer de légers baisers sur ses cheveux.
-Drago ! Souffla-t-elle, raidie.
-J'ai vérifié, il n'y a personne.
Elle se détendit un peu, mais pas complètement.
-Et si quelqu'un vient ?
-Et bien il verra quelque chose que tout le monde sait déjà.
Elle se détendit davantage mais elle gardait un reste de raideur dans ses épaules alors j'entrepris de les masser, de manière assez hasardeuse au-dessus des épaisses couches de tissus. Car il faisait encore froid le matin en cette fin de mois de mars. Elle se laissa alors reposer contre mon torse. Je délaissais ses épaules pour enlacer sa taille en me penchant. Ma joue contre la sienne.
-Les vacances arrivent bientôt, lui chuchotais-je à l'oreille. Est-ce que tu voudrais... revenir au manoir ?
Elle acquiesça en silence et je raffermis mon étreinte, heureux de cette perspective. Après un temps de silence pendant lequel nous contemplions les berges du lac où des iris sauvages commençaient à sortir, Hermione reprit la parole.
-Tu sais, je n'ai pas pu attendre... Ron... m'a tout raconté pour hier.
Ce fut à mon tour de me raidir. Je n'étais pas particulièrement fier : j'avais largement provoqué Ron d'abord, et même si j'avais réussi à raisonner Dean sur la fin, ce n'est pas sans avoir usé de cette ironie qu'Hermione désapprouvait, à raison.
-Il s'en veut vraiment d'avoir été violent avec toi.
-C'est oublié, éludais-je. Je suppose que j'ai dû le chercher.
-Tu pardonnes si vite ! Comme si la violence était aussi banale qu'un simple mot plus haut que l'autre.
-C'est juste que je sais reconnaître mes torts. Je comprends Ron, ce qu'il peut ressentir. Alors... Ce n'est pas si difficile. Dans le fond, c'était juste une petite mise au point. Et maintenant, on programme des parties d'échec, souriais-je. Et puis...Si je devais rester rancunier concernant tous les coups que j'aie pu recevoir, tu ne serais pas là dans mes bras, taquinais-je.
Elle mit une fraction de seconde pour comprendre ce à quoi je faisais référence. Elle se retourna vivement vers moi :
-Je voudrais tellement qu'on oublie ce passage de nos existences !
-Notre premier contact physique ! Si tu savais comme j'ai chéri ce moment !
-N'importe quoi ! rit-elle mais elle reprit vite un air sérieux devant le mien.
Je ne pouvais m'empêcher de la regarder intensément. Si elle pouvait comprendre à quel point j'avais pu l'aimer, même inconsciemment ! Car le déni ne pouvait pas toujours tout occulter.
-Tu me détestais... réussit-elle à articuler.
Je me contentai de faire «non» de la tête.
-Tu m'insultais, tu te moquais... continua-t-elle d'une voix de moins en moins assurée.
J'avais baissé les yeux, pudique, et m'étais rapproché d'elle en passant mes bras sur ses épaules.
-Dis-moi, répondis-je dans un souffle, comment fait-on pour aimer une née-moldue quand ses parents sont des Mangemorts ?
Je posais mon front contre le sien.
-Depuis la première année ? osa-t-elle, se souvenant sans doute de ce que j'avais pu dire lors du procès.
Je ne sus que répondre car c'était sans doute la vérité, alors je l'embrassais avec toute la tendresse dont j'étais capable. Elle m'enlaça à son tour et je soupirais de bonheur.
000
RDV samedi à 10h. Je passe te chercher.
Théodore
Théodore se figea en relisant le message qu'il venait d'envoyer. Vraiment ? Elle se confiait et c'est tout ce qu'il avait trouvé à dire ? Quel crétin.
Alors quoi ? Renvoyer un message ? Non. Jamais il n'oserait. Pourquoi ? Aucune idée. Samedi. Samedi, ce serait plus simple. Non. Pas du tout. Mais au moins, ça lui laissait le temps de défricher le chaos de cette situation. Est-ce que Godric ne pourrait pas faire pour une fois une exception et inspirer un minimum de courage au pauvre Serpentard qu'il était ?!
«Trop tôt pour le dire» ?! Mais lui, ça faisait bien deux mois qu'il se savait foutu ! Lui qui ne rêvait jamais, il s'y était surpris plusieurs fois. A moins qu'il ne s'agisse d'un cauchemar ? Théodore Nott, un Sang-Pur, fils de Mangemort, amoureux et aimé en retour d'une moldue... Comme d'habitude, il avait fait mieux que Malfoy. Mais hélas, ici, on ne parlait pas d'un devoir en métamorphose... Mais de situation désespérée.
Malfoy avait réussi à se forcer un passage... Impossible dans son cas : son père à lui n'était pas à Azkaban ! Assigné à résidence, il n'avait joué qu'un rôle mineur dans la dernière guerre du fait de son grand-âge. Son père libre, c'était lui qui ne l'était pas ! Et à elle ? Il lui avait déjà tellement menti ! Cette relation, c'était un bijou, un joyau précieusement gardé dans un écrin de mensonge. Rien de plus simple, de plus... sain que cette situation ! C'était une catastrophe.
La seule chose à laquelle il pouvait se raccrocher, c'était sa confiance en lui et en ses sentiments. Tout avait été limpide : il ne savait pas se mentir. Cette lucidité lui avait fait savoir à quelle minute précisément il était tombé amoureux, mais aussi immédiatement à quel point ce sentiment allait être difficile à gérer. C'est là qu'entrait une autre de ses qualités : sa patience déterminée. Il était une fourmi que le travail acharné n'effrayait pas. Une vraie bête de somme. Il allait construire, s'inventer solidement une nouvelle vie pour lui, une illusion pour elle. Mais si elle était heureuse, quelle importance ? Est-ce que ce n'était pas la seule chose qui importait ? C'est à dire aussi qu'il était le genre de personne incapable de faire des compromis. Il l'aimait, point. Alors il devait essayer, quitte à jouer l'équilibriste, le prestidigitateur, le jongleur d'approximations, le cracheur de fumée, le contorsionniste de réalité, le dresseur de Mangemort, ou finalement le clown triste.
Il aurait aimé prendre cette histoire avec légèreté, comme un amoureux normal. Ne pas se prendre la tête, laisser arriver ce qui devait arriver et se contenter d'être juste heureux... Mais la situation était si compliquée, avait déjà demandé tant d'investissement, de réflexion pour rester cohérent que cette fameuse normalité avait d'emblée été exclue, avant même que leur histoire ne commence. Car le fait était là, il ne fallait pas se voiler la face : leur couple serait tout sauf . Absolument tout devait être contrôlé car il risquait gros : révéler l'existence du monde magique, perdre sa fortune et ses titres...
Bien sûr, il pourrait aussi espérer secrètement que cette histoire n'aboutisse pas ! Après tout, n'était-il pas un insupportable rabat-joie ne fréquentant que des personnes tout aussi insupportables ? Avec leurs sarcasmes, leur ironie, leur violence, mais aussi leurs traditions, leurs familles, leurs histoires et leurs traumatismes.
Trêve de réflexion. C'était comme ça, et c'était tout. Il allait falloir faire avec. Et bon... ce n'est pas comme si cette histoire ne contenait que du négatif. Au contraire ! Elle était tellement vive, cultivée et douce... Samedi allait être une très belle journée.
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La suite de la journée se déroula tranquillement. Le midi puis le soir, les Serpentards avaient de nouveau mangé avec le «groupe de Potter». Nous avions cependant réussi à rester ensemble. La gêne que nous avions pu ressentir avait largement diminué et, même si nous formions un étrange noyau dans ce groupe si homogène, nous commencions à nous fondre dans le décor.
Le soir, après manger, Ron et moi apportâmes nos pièces d'échec dans la grande salle, seul espace qui pouvait servir de salle commune aux étudiants appartenant à des maisons différentes. Nous prîmes mon plateau, en meilleur état. Fait en bois de rose et de buis, son aspect patiné témoignait des nombreuses générations qu'il avait traversé et la finesse de ses sculptures rendaient compte du savoir faire de l'artisan qui l'avait confectionné. Quant à mes pièces, elles étaient si anciennes qu'on devait leur parler en vieil anglais. Avant chaque partie, elles prenaient toutes le temps de saluer le joueur d'une révérence respectueuse.
Notre partie intéressa vite les autres, toutes maisons confondues. Je soupçonnais que beaucoup y voyaient une revanche à la baston d'hier. J'allais définitivement devoir être très très bon. Nott s'assit à ma droite et Pucey à ma gauche, par curiosité mais aussi par soutien. Mon honneur, c'était aussi le leur. Il semblait alors que je représentais le niveau de la maison Serpentard. Je sentais que la situation et ses enjeux m'échappaient peut-être un peu. De même, Ron était accompagné d'Hermione et Finnigan. Tout autour se pressaient des spectateurs de tous poils, de Pansy et Blaise jusqu'à Lavande Brown.
-Que remporte le gagnant ? demanda Seamus avec un sourire entendu en coin alors que nous disposions les pièces.
Ron reprit sa teinte cramoisie, à croire que c'était sa carnation de base. De mon côté, je ne pus me retenir de lever les yeux au ciel : étions-nous bien sûr que Finnigan était bien un sorcier et pas un troll attardé ?
-Te rouler une pelle, lui répondit du tac au tac Nott, visiblement tendu.
Sous la table, je sentais sa jambe tressauter, comme il le faisait habituellement lorsqu'il était nerveux.
-Vendu ! s'esclaffa le Gryffondor.
-Tu fais trembler tout le banc, soufflais-je à Nott.
-Rien à foutre.
C'était un argument valide.
Alors, la partie commença. Les premiers coups servirent à nous tester mutuellement, comme un match de box, mais bien vite les hostilités commencèrent. Nous manquâmes chacun un coup l'un après l'autre : je sauvais de justesse une tour tandis qu'il évitait la prise d'un de ses cavaliers en épargnant un de mes pions.
La tension était palpable. Voyons. Je le savais, je l'avais vu hier soir : ses points faibles étaient la confiance en soi et la concentration. J'allais devoir toucher un pion symbolique avant même de penser au roi. La reine. SA reine. J'allais capturer... sa reine. Je ravalais ma culpabilité : c'était un jeu et toute ressemblance avec la réalité devait être purement fortuite. J'élaborais alors un plan en quatre coups. Quelque chose de classique mais de diablement efficace.
Au premier coup, j'entendis Nott pouffer. Évidement, il avait compris. Il connaissait mon jeu par cœur. Ron prit un de mes fous comme prévu puis un pion. Il avait ce petit sourire de vainqueur qui, sur le moment, me plaisait bien. Au coup suivant, je réussis à prendre sa Reine.
-Mais non ! S'exclama Seamus. C'est qu'il est bon ! Ron, ressaisis-toi ! Je ne veux pas lui rouler une pelle !
-Je te prierais d'aller d'ores et déjà te laver les dents, commentais-je goguenard pendant que Ron me regardait avec stupéfaction.
Il se rassit confortablement, les coudes sur la table, occultant le bas de son visage avec ses mains croisées. Je l'avais déstabilisé, mais il n'allait pas se laisser faire. Il allait attaquer. Il avança sa tour. Je déplaçais timidement un pion, en attendant qu'un nouveau pattern se dessine. Deux coups ainsi et, sorti de nulle part, son cavalier saisit une de mes tours. Mes pions commençaient à se faire dangereusement rares sur l'échiquier. Mais les situation désespérées, ça me connaissait.
Soudain, une illumination. En cinq coups, son roi. Cela impliquait de sacrifier un cavalier et mon deuxième fou. Je ne devais pas rater. Un coup, deux coups et Ron prit un cavalier. Un autre coup et il prit mon deuxième cavalier. Ce n'était pas prévu ! Est-ce que Ron avait vu autre chose ? Quoi qu'il en soit, cela retarda mon plan.
-Ça devient compliqué pour Malfoy ! commenta Finnigan.
Sincèrement, je pouvais faire des efforts avec Ron, avec Dean, avec Lovegood et même Londubat mais lui, décidément, c'était pas possible. Même en disant des banalités, il arrivait à m'horripiler. C'était un exploit en soi.
Je me reconcentrais et redéployais mon fou. Le tout était de s'adapter. Un coup. Il prit mon fou avec son roi mais dû s'arrêter sur une case juxtaposée à ma reine, protégé d'elle par sa tour. Je protégeais à mon tour ma reine avec une tour. Ron s'agita sur son siège : il avait compris.
-Va te brosser les dents Seamus, grogna-t-il.
Alors, avec ma tour, je le mis en échec.
Un silence se fit. Je n'osais pas lever les yeux de l'échiquier. Soudain, une main surgit dans mon champs de vision.
-C'était une belle partie ! Tu n'as pas fait semblant, comme promis !
Ron me souriait. Je saisis sa main pour la serrer. Merlin merci, il était bon joueur : je savais d'expérience qu'il ne savait pas cacher son amertume.
-Nott, Pucey, à votre tour ! Je veux vous voir à l'œuvre ! Malfoy, tu leur prête tes pièces ?
J'acquiesçais en souriant, soulagé. La foule se dispersa tandis que Seamus s'éclipsa discrètement. Finalement, il ne resta plus que Ron, Nott, Pucey, Hermione et moi. Nous nous rerépartîmes autour de la table. Hermione fit irruption à mes côtés. Assise, elle prit mon bras et posa sa tête sur mon épaule. Ron, concentré sur le jeu des deux Serpentards ne releva pas.
Les échecs nous occupèrent une bonne partie de la soirée et je pense que cette dernière fut agréable pour tout le monde.
