Guest : Merci pour ta review ! =) Une partie de la réponse tout de suite ! Bonne lecture ! ;)
Ccassandre24 : Ce chapitre est pour toi ! J'espère qu'il te plaira !
48-«La nuit je mens, je prends des trains à travers les plaines» («La nuit je mens», Alain Bashung)
Nous étions samedi 21 décembre et ça tombait bien : c'était l'anniversaire de Théodore. Ce dernier avait prévenu qu'il passerait la soirée avec ses amis, qu'il ne voyait pas si souvent que ça. Alors Abigail avait compris, même si elle aurait bien aimé qu'ils fassent, pour une fois, une soirée en commun : après tout, elle les avait déjà rencontrés et tout s'était très bien passé. Cependant, elle n'était pas du genre à se laisser abattre et si elle voulait fêter avec lui son anniversaire, alors elle le ferait. Elle allait lui faire une surprise.
La jeune femme devinait que cette distance imposée était en lien avec ce secret qu'il peinait à lui dévoiler. Et cela la rongeait. Ils n'arriveraient à rien avec ce silence. Peut-être que leur histoire n'était pas sérieuse pour lui... mais pour elle ça l'était. Et cette possible asymétrie la terrifiait. C'est qu'elle s'y était attachée, à ces yeux noirs et cette tignasse brune, à son air pensif et son sourire discret, à son calme et à son humour, à sa présence. C'était étrange comme la vie s'amusait à tourmenter les destins : certains ne veulent rien savoir et le hasard fait éclater leur bulle. Elle voudrait tout savoir, et on lui cachait des choses.
Elle retrouva sans peine l'adresse de son appartement même si elle n'y avait été qu'une fois. Elle avait un très bon sens de l'orientation et une excellente mémoire. Devant la porte de l'immeuble délabré, dans ce quartier qui tenait plus du ghetto qu'autre chose, elle ne put s'empêcher de frissonner. Passer une nuit dans ce taudis lui filait la chair de poule. La dernière fois, elle n'avait même pas eu le courage d'entrer dans la douche tant elle était répugnante. Alors, une fois la surprise passée, si les métros circulaient encore, elle le prierait de la suivre chez elle : les cafards et les punaises de lit, très peu pour elle.
Abigail se souvenait parfaitement du code d'entrée de la lourde porte en bois mais elle se rendit compte que de toute façon elle avait été forcée à l'aide de... une hache peut-être. Nouveau frisson. Et dire qu'il habitait là ! Il n'était peut-être pas en sécurité ! Et elle non plus. Elle s'empressa de monter les escaliers sombres. L'ampoule grillée n'avait pas été changée depuis la dernière fois. Cinquième étage. Elle sonna à la porte de l'appartement, sans espoir mais par acquis de conscience. Personne. Comme prévu, il devait être au bar.
Alors, elle s'assit sur les marches menant au sixième étage. Organisée comme elle était, elle avait tout prévu pour son attente : couverture, manteau chaud, thermos de thé, sandwich et roman à l'eau de rose. Elle avait craint furtivement que ceux qui la croiseraient dans l'escalier ne la trouvassent étrange mais au vu de ce qui devait se passer dans la rue, une jeune fille qui patientait tranquillement en lisant devait être la chose la moins louche qu'ils pussent voir de leur soirée. Et, à part les pleurs continuels d'enfants venant de l'appartement voisin, elle aurait presque pu dire qu'elle se sentait comme chez elle.
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Drago se frayait un passage entre les clients du bar jusqu'à la table que Pansy occupait avec son fiancé et Théodore.
-Salut ! lui sourit-elle gentiment.
Il avait une mine affreuse. Plus encore que Blaise. Fatigué et amaigri, elle avait l'impression de retrouver le Drago de la fin de la guerre et cela la fit frissonner. Tout ça, c'était sensé être derrière eux mais leur équilibre était décidément trop fragile, surtout celui du blond. Des funambules dans une tempête.
-Comment ça va ? Bien dormi ? S'enquit immédiatement Blaise.
-Salut, oui, très bien, sourit-il.
Sourire de façade. Bien sûr que non, il n'avait pas bien dormi. Avant même qu'il ne s'assoie, un serveur se présenta et il passa commande. Un whiskey pur feu. Ça ne lui ressemblait pas.
-Tu as l'air épuisé, reprit la sorcière, de plus en plus inquiète.
-On est en vacances, il va pouvoir se reposer, répondit immédiatement Blaise.
Le blond pouffa, attendri par leur sollicitude et à son tour Pansy esquissa un sourire.
-C'est le projet en effet !
-Et Hermione ne vient pas ? Demanda Théodore.
La légère déception dans le ton dans sa voix. Le blond releva les yeux vers lui avec une expression dure qui aurait fait trembler n'importe qui.
-Elle est avec les Weasley et Potter, commenta précipitamment Pansy, le cœur battant.
Il y avait quelque chose d'étrange. Quelque chose rampait sournoisement entre eux et que jusque là elle n'avait pas suspectée. Mais aujourd'hui, elle en avait vu l'ombre, ou le bout de sa queue alors que celle-ci retournait furtivement se tapir dans sa tanière. Des infiltrations d'eau dans la roche et qui la ferait éclater en gelant. Elle n'aimait pas ça.
Voûté, Drago avait de nouveau baissé les yeux vers son verre, plein de cet alcool fort qu'on venait de lui apporter et qu'il exécrait d'habitude. Il avait encore des goûts d'enfant : il détestait le café et le goût de l'alcool quel qu'il soit.
Ça n'allait pas, c'était évident, et ce n'était pas une question de fatigue.
-Tu as vu Hermione récemment ? demanda le brun à Pansy, surpris.
Elle se retint de soupirer : pourquoi Théodore devait-il insister sur ce sujet ? La menace silencieuse ne lui avait-elle pas suffi ?
-Oui, cet après-midi, répondit-elle à contre cœur. On s'est trouvé des robes pour la soirée des Greengrass. Et je vais lui prêter des habits pour les journées.
-Tu penses que c'est une bonne idée qu'elle vienne ? Reprit Nott un peu sèchement en s'adressant à Drago.
Mais à quoi est-ce qu'il jouait ?! Drago ne sembla pas en faire grand cas. Il était rarement atteint par ce genre de chose.
-Je ne sais vraiment pas, répondit-il honnêtement en replongeant son regard dans son verre qu'il n'avait pas encore touché. C'est elle qui a insisté. Je crois... qu'elle en a fait un défi.
Théodore leva les yeux au ciel et se laissa tomber contre le dossier de son fauteuil en soupirant.
-Elle n'a rien à prouver, finit-il par dire.
De nouveau, les orbes grises quittèrent la contemplation du liquide ambré pour assassiner du regard son voisin de table. Il resta calme cependant et rétorqua dans un diction parfaite.
-Je sais bien, Nott, et crois moi, je n'ai pas manqué de le lui dire et de lui faire comprendre en l'embrassant passionnément sur le plan de travail de la cuisine.
-Grand bien vous fasse, sourit le brun, je m'inquiète juste pour elle.
Enfin, il battait en retraite pendant que son rival se débarrassait de ses armes avec le dégoût d'avoir dû les utiliser.
-Je sais, pardon, je suis juste fatigué.
-Elle n'est pas du genre à se laisser impressionner facilement de toute façon ! Essaya de tempérer Blaise, toujours aussi mal à l'aise lorsqu'il était confronté à des tensions.
-On veillera sur elle, soutint Pansy.
Un rictus sceptique s'éleva sur les lèvres du blond mais descendit aussitôt. Il se redressa et s'étira afin de donner le change, comme pour s'occuper et ainsi chasser des pensées désagréables. Il posa finalement ses mains aux doigts entrecroisés sur sa tête en soupirant.
Un silence s'abattit sur eux, contemplatif pour certains, gêné pour d'autres.
Soudain un pouffement. Blaise qui essayait de se cacher derrière sa main.
-Bon, quand-même, bon anniversaire Théodore !
Après avoir vainement lutté une seconde, ils éclatèrent tous de rire en concert.
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Il était vingt-deux heures sur le palier du cinquième étage de cet immeuble sordide et sans doute aussi partout ailleurs dans leur fuseau horaire. Ce n'était que le début de la soirée, se répétait Abigail alors qu'elle commençait à avoir mal aux fesses à force d'être assise sur les dures et froides marches en béton. Elle avait encore bien deux heures d'attente devant elle. Elle jaugea le niveau de thé qu'il lui restait. Un quart à peu près. Elle allait se rationner.
Soudain, elle entendit la porte d'entrée de l'immeuble claquer. C'était la première fois de la soirée que quelqu'un la franchissait. Puis une voix de femme s'éleva depuis le rez-de-chaussée, grommelant quelque chose au sujet de la lumière qui ne s'allumait jamais. Puis des pas lourds dans les escaliers.
Six étages. En restant assise au cinquième, il avait quatre chance sur six, donc deux sur trois, donc plus de 60% de chance que la personne s'arrête avant et donc qu'Abigail ne la croise pas. Hélas, cet espoir s'envola lorsque la femme, qui faisait une pause à chaque palier, attaqua la volée de marche la menant jusqu'au palier du cinquième étage. Abigail regroupa ses affaires dans le cas ou la personne veuille poursuivre son chemin. Avec deux appartements sur chaque pallier, elle devait être soit la voisine de gauche de Théodore soit celle du dessus ou celle en diagonale. Deux chances sur trois, donc, qu'elle veuille poursuivre l'ascension.
La femme apparut enfin. Blonde platine, jolie malgré son maquillage outrancier. Elle s'arrêta un instant, essoufflée, et lui sourit. Alors, Abigail se rendit compte qu'elle était enceinte et portait un sac de course.
-Je peux vous aider ? S'entendit-elle prononcer.
-Je veux bien, c'est gentil, merci !
Alors Abigail se précipita pour se charger du sac pendant que la femme, qui devait avoir à peine plus de deux ou trois de plus qu'elle, reprenait sa lente progression.
-Qu'est-ce que tu fais dans le couloir ?
-Je fais une surprise à mon copain.
La femme acquiesça avec un sourire appréciateur. Mais alors qu'Abigail dépassait la porte de Théodore, elle reprit :
-C'est juste là.
Désignant la fameuse porte.
-Ici ?
-Oui.
Et ce disant, elle sortit la clé et ouvrit la porte.
Pourtant, c'était bien la porte de Théodore, il n'y avait pas de doute possible et alors qu'elle porta le sac à l'intérieur, elle reconnut absolument tout : les moisissures, les lézardes, la table branlante, les chaises et même le torchon orangeâtre aux tâches douteuses.
Un tournis la prit mais elle se ressaisit bien vite. Elle ne devait pas se aller à une quelconque émotion : il s'agissait d'un mystère à élucider.
Soit il avait déménagé sans la prévenir, soit il la trompait et cette femme était sa copine-femme avec qui visiblement il allait avoir un enfant, soit... aucune idée. Mais c'était bien pour cela qu'il fallait enquêter. Les deux premières hypothèses lui paraissaient tellement... abracadabrante : absurde pour l'une, indigne pour l'autre. Elle ne pouvait pas y croire. Le feu de la détermination surgit dans sa poitrine pour irradier dans tout son corps.
-Ça fait longtemps que vous habitez ici ?
-Cinq ans, mais je cherche un nouvel appartement, c'est pour le p'tit.
Abigail acquiesça. «Pour le p'tit». Elle raya mentalement la thèse du déménagement secret.
-Vous connaissez... Théodore Nott ? Demanda-t-elle finalement, chassant comme elle pouvait les images de son Théodore avec cette femme.
A son grand soulagement, la femme eut une moue indécise.
-Théodore ? C'est pas un peu de la haute, ça ?
-Si, sans doute, se força à sourire Abigail.
Elle réfléchissait à toute vitesse. Peut-être que Théodore n'était pas son vrai nom après tout. Elle ouvrit, les mains tremblantes, son porte-monnaie et en sortit une photo qu'ils avaient prise dans un photomaton, il y a deux mois de cela. Elle lui présenta le cliché.
-C'est lui. Il ne vous dit rien ?
La femme prit un air pensif. Plissa les yeux et finit par se saisir de la photo pour la porter à la lumière jaune de l'abat-jour suspendu au-dessus de la table.
-Il me dit quelque chose...
Puis, elle sourit tendrement :
-C'est lui alors, ton copain... Pourquoi ?
Abigail ne se laissa pas distraire et face à l'indécision de son interlocutrice, elle choisit un nouvel angle d'attaque :
-Vous n'étiez pas présente ici, le 12 octobre.
Elle fronça les sourcils.
-J'm'en souviens plus, pourquoi ? Redemanda-t-elle.
-Parce que j'étais ici, assise à cette table et ce fameux Théodore m'affirmait habiter à cette adresse.
-Il m'arrive de sous-louer, avoua-t-elle gênée. Je sais que c'est illégal... mais ça aide un peu en fin de mois, tu vois, se défendit-elle. Je mets l'annonce dans un de ces journaux gratuits...
-Ça pourrait être dans ce cadre que vous l'auriez rencontré ?
La femme porta de nouveau l'attention sur le visage de l'homme qui enlaçait amoureusement Abigail en souriant à l'objectif.
-Ce n'est pas impossible. Tu sais, moi, les visages...
-Vous avez encaissé un chèque ou quelque chose qui pourrait nous fournir un nom et une date ?
-Non, que des espèces.
Abigail se retint de lever les yeux au ciel et de trépigner d'impatience. Elle n'avait aucun preuve concrète pour lui mettre le nez dedans. Ce salopard. Elle sentit le regard de la femme posé sur elle.
-Il t'a fait croire qu'il habitait ici ?
Abigail acquiesça nerveusement ses doigts pianotant nerveusement sur ses bras croisés.
-Il aurait pu trouver mieux quand même. C'est quand même pas le luxe ici, sourit-elle, fataliste. Moi, il m'a fait croire qu'il était riche et il m'a emmenée dans un hôtel trois étoiles. Tout ça pour ça. Comme quoi, quoi qu'ils disent, on ne peut jamais leur faire confiance.
La femme continua à la regarder sans pudeur.
-Tu t'appelles comment ?
-Abigail. Toi ?
-Lydia.
Un silence contemplatif s'abattit sur elles et Abigail sentit les larmes monter. Elle se sentait submergée par une rage sans précédent. Il ne fallait surtout pas qu'elle agisse sur le coup. Il y aurait des morts.
-Tu veux du thé ?
Elle acquiesça en silence alors que de grosses larmes se laissaient tomber, explosant comme des bombes sur ses joues.
-Connard.
-Gros connard.
-Ouais, gros gros gros connard, ouais...Mais... ça n'a aucun sens !
-Crois-moi, y a pas beaucoup à réfléchir avec les mecs. Ils pensent avec leurs bites.
Abigail pouffa :
-Je ne sais pas... ça ne lui ressemble pas... Penser avec sa bite.
-Demande à n'importe quelle femme trompée : elle te répondra la même chose. Mais à chaque fois pourtant, c'est ça.
-Je suis sa première copine, il sort d'un internat très strict. Il n'était pas du tout à l'aise...
-Tu le connais d'où, ce type ?
-Du métro, c'est moi qui lui ai donné mon numéro. Il m'a souri. Il avait l'air gentil. Et il était beau.
-C'est vrai qu'il l'est. Mais finalement, tout ce que tu sais de lui, c'est ce qu'il t'a dit.
Abigail acquiesça en silence. C'était vrai. Et si ça se trouvait, il ne s'appelait même pas Théodore... Si, il devait bien s'appeler Théodore : ses amis l'appelaient bien ainsi ! Il n'irait pas jusqu'à leur demander de changer de prénom !... Quoique... Ils avaient bien menti eux aussi pour l'appartement : ils devaient bien savoir, que ce n'était pas là où il habitait et ils n'avaient rien dit ! Ils avaient tous participé à la mascarade ! Ça la dégoûtait, tout simplement. Même Hermione, qu'elle avait vraiment trouvé sympathique.
Vraiment dégoûtant.
Elle se sentait prise dans un violent tourbillon de haine et l'envie de hurler, de courir à perdre haleine la tenaillaient si fortement que cela semblait être le seul moyen de sortir de la tourmente. Bien sûr ce n'était pas le cas. Elle n'allait pas se laisser gouverner par ses pulsions mais plutôt procéder avec calme et méthode. L'acculer et ne lui laisser aucune chance de s'en sortir par une pirouette.
-Tu vas faire quoi ? Demanda Lydia.
-Je ne sais pas. Je vais me calmer d'abord, puis je vais lui envoyer un message. J'avais réussi à le convaincre d'acheter un bipeur. Je vais lui dire qu'il faut qu'on parle.
Elle passa une main sur son front pour reprendre contenance. Puis, elle prit une gorgée de thé. Enfin, elle soupira.
-Il doit avoir une raison, je ne peux pas le croire.
Lydia sourit d'un air désabusé mais ne révéla pas ses pensées.
-Il m'avait avoué qu'il n'avait pas été franc avec moi et qu'il y avait un secret... Un secret qui visiblement l'empêche de me montrer où il habite et de me faire fréquenter régulièrement ses amis... Un secret suffisamment important pour que tous soient d'accord pour le garder et participer à cette comédie.
-Une secte avec des rites de magie noire ? Ils en parlent à la télé.
Abigail pouffa :
-Je ne suis pas sûre : tu sais, il est très rationnel...
-Comme tous les tueurs en série, il fait bien sous tout rapport. Tu ferais mieux de l'éviter !
-Si c'est un tueur en série, rit Abigail qui ne croyait pas du tout à ces suggestions farfelues, je suis déjà foutue : il sait où j'habite et il a même un double des clés !
-Déménage ! Je t'héberge si tu veux !
-Je vais plutôt lui envoyer un message et lui mettre un ultimatum : soit il m'explique tout de bout en bout, secret compris, et il aura peut-être une infime chance que je lui pardonne, soit... Soit...c'est la fin.
Et alliant le geste à la parole, elle sortit son bipeur.
«Il faut qu'on parle RDV chez moi maintenant»
Et, sans réfléchir plus, elle envoya le message.
Alors qu'elle s'apprêtait à partir, Lydia lui donna son numéro de téléphone.
-Quand tu l'auras viré de chez toi, tu m'appelles !
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-Je ne comprends rien, Hermione, avoua franchement Ron. Si tu l'aimes, pourquoi tu veux le quitter ?
-Parce qu'il ne peut pas être heureux avec moi, répondit-elle d'une voix que la tristesse et la répétition rendait irritée.
-Mais... si il t'aime aussi, il n'y a pas de problème !
-Si, il y a un problème : il veut se marier, avoir des enfants... une vie de famille.
-Et toi, tu ne voudrais pas ? Demanda Harry, surpris.
-Non... enfin... sur le papier, je suppose que ça devrait être bien... mais moi... je ne sais pas... Je... je crois que je ne suis pas faite pour m'engager... Peut-être même que je ne suis pas faite pour être en couple tout court.
Un lourd silence s'abattit sur le groupe. Ron n'en revenait pas. Ainsi, même le beau, l'intelligent, le charismatique Drago Malfoy n'avait pas réussi à garder l'attachement d'Hermione Granger. Aussi, Ce n'était peut-être pas complètement lui, Ronad Weasley, qui n'avait pas été assez bien... C'était peut-être elle, alors, qui était perdue... Un souffle de sympathie envers le Serpentard traversa le roux. Il ne sera plus le seul sur cette terre à s'être fait jeté par l'héroïne de guerre. De ce qu'il avait vu pendant l'été, le blond l'aimait éperdument, à n'en pas douter. Ron étouffa un pouffement nostalgique en repensant à la peine qu'il avait ressenti quand elle avait rompu. Malfoy allait tellement déguster ! Juste retour de bâton après des années d'insultes. Il semblait qu'il y avait une justice dans ce monde.
Mais, jubilation à part, pourquoi, par Merlin, devait-elle en arriver là ? Tout lui souriait pourtant ! C'était elle qui, d'habitude, savait quelle décision prendre et qui, parfois les comprenait mieux qu'ils ne se comprenaient eux-même... Ce soir, pourtant, elle leur confiait incertitude sur incertitude.
-Mais ça ne t'avait pas posé de problème jusque-là... raisonna Harry.
-C'est venu progressivement... C'est à dire que... j'ai la sensation d'étouffer... Et si, un jour, je n'arrivais plus à être indépendante ? Et si je n'arrivais plus à vivre, à réfléchir, à trouver de solutions sans lui ? Pourtant, fatalement, ce jour devra arriver ! Même si on est fait l'un pour l'autre ! Même lors du mariage, ils le disent : «jusqu'à ce que la mort vous sépare». Ça veut bien dire qu'un jour, tout ce qu'on aura construit finira par disparaître et alors l'un de nous devra savoir vivre seul. On ne sait rien de ce que l'avenir nous réserve. Je dois me préparer ! Tout peut disparaître à tout moment. Regardez Tonks et Lupin ! Il... il faut se préparer au moment où je serai de nouveau seule. Mais si je m'attache trop, je ne saurais plus faire ! Et si j'oubliais ce que c'est d'être seule ? Et si je m'accoutumais trop à la douceur ? Vous vous souvenez de ce que disait Maugrey ? «Vigilence constante» ! Et si...
Elle parlait avec précipitation et Ron avait parfois du mal à faire le lien entre les phrases. Elle avait cette voix suraiguë qui lui perçait les tympans à chaque fois qu'elle était stressée. Ce fut bien ce ton si particulier qui lui fit prendre au sérieux la logorrhée verbale de son amie. C'était pire qu'avant les ASPICS.
-Mais, dis-moi, Drago n'a quand-même pas prévu de mourir prochainement ? Coupa-t-il. Sinon, elle n'allait jamais s'arrêter.
-On en sait rien, Ron ! Et s'il y a une autre guerre ? hein ? On devra faire comment ?
-Il n'y aura pas d'autre guerre, Hermione...
Elle pouffa avec dédain :
-C'est ce que tout le monde disait, il y a dix-neuf ans !
-On a détruit tous les horcruxes, contra Harry. Il ne peut pas revenir.
-Le monde magique va de mages noirs en mages noirs... Et je te rappelle que tous les Mangemorts n'ont pas tous été interpellés... Crois-moi, l'idéologie Sang-Pur n'a pas disparu avec la fin de la guerre ! Je l'ai bien vu lors de la soirée au théâtre avec les Serpentards.
A cela, Ron ne trouva rien à dire : elle n'avait sans doute pas tort.
-C'est pour ça, reprit-elle avec son air buté qu'il lui connaissait bien. Je ne peux pas me laisser me ramollir. La vie... c'est trop d'imprévus... Et je sens qu'avec lui... Je pourrais baisser ma garde, me laisser porter et... ce serait trop agréable. Vous imaginez alors la douleur le jour où ça devra s'arrêter, qu'elle qu'en soit la raison ?
Ron ne put retenir un soupir en buvant une gorgée de bièraubeurre. Pendant sept ans, il s'étaient énormément reposés sur elle. Elle anticipait tout, pensait à des choses essentielles que pourtant Harry et lui auraient oubliées. Mais maintenant qu'ils n'en avait plus besoin... Elle était en roue libre et perdait les pédales. Trop occupée à survivre là où il faudrait simplement vivre.
-C'est peut-être la première fois que je te dis ça mais... Tu fais une erreur, Hermione. Conclut Harry.
Ron pouffa mais cela n'adoucit pas pour autant l'expression de la Gryffondor, dont le regard déterminé laissait deviner que toute tentative de discussion serait vaine.
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Un sensation de vibration fit sursauter Nott et le sortit quelque temps de son auto-flagellation mentale. C'était forcément Abigail, il n'y avait qu'elle qui avait son numéro.
-C'est quoi ce truc ? S'exclama Pansy en voyant le boîtier noir sortir de sa poche.
Il sourit :
-Ça s'appelle un bipeur et...
«Il faut qu'on parle RDV chez moi maintenant»
Une vague d'appréhension le saisit. Engueulade avec Malfoy, future engueulade tout à fait possible avec Abigail : effectivement, aujourd'hui, c'était bien sa fête. Il avait qu'à être moins con, aussi.
Cependant son inquiétude pour Hermione était bien réelle. C'était lui qui l'avait récupérée à la petite cuiller et s'était occupé d'elle pendant la soirée au théâtre. Il savait de quoi il parlait et il lui semblait que se rendre à Whitecross Hall pour deux jours c'était se jeter dans la gueule du loup... et longtemps. Leurs nerfs avaient beau être en acier, ils allaient être mis à rude épreuve. C'était de la folie. Et bien sûr, ils pouvaient compter sur les Greengrass pour déployer tous les ressorts machiavéliques possibles pour semer le trouble. Thalia avait toujours eu une belle réputation de tordue.
Mais un problème à la fois : Abigail voulait parler, donc. Il se leva.
-Abigail veut qu'on parle... J'y vais.
-Ouch, s'exclama Blaise, ça sent mauvais ça, non ?
-Sans blague, Zabini, rétorqua-t-il en enfilant son manteau.
Et il reprit, avec un petit sourire triste :
-Je ne sais pas pourquoi mais... je sens que je vais être de retour dans une petite heure. Ne bougez pas.
Et sans attendre de réponse il s'éclipsa pour transplaner.
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-Bon, parlons peu mais parlons bien, reprit Pansy après que Théodore ait disparu de leur champ de vision.
-Parlons de quoi ? Sourit Drago en feignant l'assurance ironique.
-Ça ne va pas fort en ce moment, enchaîna-t-elle sans prendre en compte ses symboliques tentatives pour botter en touche.
Il savait qu'il finirait par craquer alors pourquoi retarder l'échéance ?
-Blaise me dit que tu rentres tard en ce moment. Tu ne rentres même plus avec lui.
A côté d'elle, son fiancé acquiesçait en renfort et elle sourit intérieurement. Le blond soupira et frotta d'une main nerveuse ses yeux.
-C'est juste que... enfin... Je ne sais même pas.
-C'est Hermione, affirma-t-elle.
C'était forcément ça. Pas la peine d'user de détour. Il hocha la tête silencieusement, prit une grande inspiration puis plongea dans son verre pour y boire une grande goulée. Il fit une grimace en reposant le verre et se retint de tousser.
-Pourquoi tu prends ça si t'aimes pas ?
-Je sais pas, pour essayer.
Il finit par lever les yeux vers elle, avec un air désolé.
-Bon, il se passe quoi avec Hermione ?
-Je ne sais pas... J'ai l'impression...
Il passa une main sur son visage pour reprendre contenance.
-J'ai l'impression qu'elle... J'ai l'impression qu'elle... qu'elle... qu'elle ne m'aime plus. Elle va me quitter, Pansy.
Et sur ces mots, il reprit deux grosses gorgées de son verre avec la même mine dégoûtée.
-Arrête avec ça, intervint Blaise en saisissant le verre dès qu'il fut posé sur la table et, pour éviter toute récidive, il but à son tour la dernière goulée pour finir le contenant.
Il fut pris d'une quinte de toux et avala une gorgée de bièraubeurre pour calmer son irritation.
-C'est vrai que c'est immonde ce truc.
Puis il se leva.
-Je vais t'en chercher une, reprit-il en désignant sa bièraubeurre. C'est ce que tu prends d'habitude.
Drago ne protesta pas.
-Pourquoi tu dis ça ? recentra Pansy.
-Parfois, j'ai l'impression qu'elle m'évite, qu'elle est plus froide... Elle ne me sourit plus comme avant. Elle ne me parle plus comme avant. J'ai l'impression qu'elle s'en fout. Elle est tout le temps ailleurs.
Pansy fronça les sourcils.
-Pourtant, cet après-midi, elle avait l'air déterminée à tenir tête aux Greengrass. Elle a acheté une très jolie robe, tu verras ! Verte comme tu aimes.
Il esquissa un sourire pensif mais il se rembrunit.
-Peut-être qu'elle culpabilise à l'idée de me quitter ? Et puis... tenir tête aux Greengrass, ça ne veut rien dire : je pense qu'elle en fait une affaire personnelle. La née-moldue qui s'impose chez des Sangs-Purs... Et qui prouve qu'elle vaut autant qu'eux... Enfin, tu vois le genre... Elle aime trop se battre. Ça n'a plus rien à voir avec notre couple.
Il avait peut-être raison sur le dernier point. Hermione n'aurait jamais fini de prouver qu'elle vaut autant si non mieux que tout le monde. Alors, en faire une affaire personnelle, ça lui ressemblait fort bien. Mais pour ce qui était de sa première explication, Pansy n'en croyait pas un mot :
-Hermione a bon cœur mais elle est aussi honnête. Même si elle se sentait coupable, je ne la vois pas te faire mariner. Si elle ne t'aimait plus, elle t'aurait déjà quitté. Elle l'a bien fait pour Weasley... Non, ça doit être autre chose.
-Peut-être, répondit-il en baissant son regard pour cacher la lueur d'espoir qui venait de s'allumer dans ses yeux.
-Depuis quand elle est comme ça ?
Il soupira profondément.
-J'ai fait une erreur. Je lui ai dit que le seul moyen de se débarrasser des Greengrass, c'était de se marier. Ça lui a fait peur, je crois. Et le pire c'est que... Le pire c'est que... Le pire...
Sa respiration s'accéléra et de nouveau il plongea son visage dans ses mains. Il réussit à reprendre le contrôle de lui-même. Drago Malfoy, cette machine de guerre. Sa respiration s'apaisa et il se dégagea de ses mains, il repoussa sa mèche décoiffée qui retombait sur son front.
-Le pire, c'est que je savais que ça allait m'éclater à la figure. Je savais qu'elle n'était pas prête à entendre parler de ça. Mais je l'ai quand même fait. Je suis vraiment trop con.
Il tomba dans un silence pensif, semblant examiner avec attention la capsule de la bouteille de Blaise. Pansy n'osa pas reprendre. Elle le laissa réfléchir. Il semblait d'humeur loquace pour une fois, l'alcool aidant sans doute. Une légère rougeur avait saisi ses joues et il avait retiré sa veste, comme s'il avait chaud. Comme elle s'y attendait, il finit par reprendre :
-Et d'un autre côté, je ne voulais pas lui cacher ce que vos mères m'avaient dit. Elle n'aime pas que je lui cache des choses. Alors, dans tous les cas, j'étais coincé : il n'y avait pas de bonne solution...
Il se tut de nouveau, passant une énième main nerveuse dans ses cheveux, puis reprit :
-Je lui ai dit pourtant, que ce n'était pas grave si elle ne voulait pas, qu'on trouverait un autre moyen... Mais... je ne sais pas... elle a commencé à me dire qu'elle était pas capable de se lier à moi, que c'était trop compliqué, qu'elle n'était pas prête. Et que... et que... elle aurait aimé se marier... mais pas avec moi. Elle m'a dit que ce n'était pas moi le problème, que ça aurait été la même chose avec n'importe qui mais... ça se trouve c'est peut-être vraiment moi le problème ? Tu comprends ? Et si ça aurait été la même chose avec n'importe qui, ça veut dire que je vaux autant que n'importe qui ? Alors que pour moi, elle, c'est... elle, tu vois ? Elle ne m'a jamais dit une seule fois qu'elle m'aimait. Elle ne répond même pas quand je lui dis...
-Jamais ?! s'exclama Pansy, surprise.
Elle s'en voulut bien vite. Ça ne faisait que remuer le couteau dans la plaie.
-Tu vois.
Pansy sentait la colère monter en elle. Comme un chaudron en ébullition dont l'écume débordait. Elle lui avait demandé pourtant, de prendre soin de lui !
Pour la sorcière, il était évident qu'Hermione aimait Drago. Sa preuve irréfutable était qu'elle n'aurait jamais laissé pourrir une situation qui ne lui aurait pas convenue. C'était à l'opposé de son caractère. Seulement, Hermione était une fille tourmentée, au passé compliqué. La question était : qu'est-ce qui pouvait la mener à se comporter ainsi ? Elle avait la version d'un homme noyé dans le chagrin et dans l'alcool. Il lui faudrait celle de la fille lucide. Quoiqu'il en soit, eux deux, c'était une évidence et tout ça lui semblait être un immense gâchis.
Elle soupira intérieurement : Pansy l'entremetteuse allait devoir reprendre du service et elle allait en avoir tout le loisir pendant le séjour chez les Greengrass. Mais avant ça, il fallait sauver l'intégrité du groupe :
-Et Théodore dans tout ça ?
-C'est rien, c'est juste moi qui me fait des idées bêtes. C'est juste que comme je suis n'importe qui, j'imagine que n'importe qui pourrait me remplacer... Je suis trop con : je devrais lui être reconnaissant plutôt.
Pansy acquiesça sans trop savoir quoi en penser, avec l'intuition cependant qu'il demeurait quelque chose de pas aussi simple qu'on ne voudrait le croire.
000
En arrivant dans le couloir où se trouvait la porte de son appartement, Abigail découvrit qu'il l'attendait déjà, adossé au mur. Il la regardait tranquillement arriver. Elle se promettait que sa tranquillité n'allait pas durer.
-Tu es déjà là ? demanda-t-elle en fronçant les sourcils alors qu'elle arriva à sa hauteur.
Comment avait-il fait pour venir aussi vite ?
-J'étais sur le chemin pour venir te voir de toute façon, sourit-il.
Mouais... Venir la voir à vingt-deux heures passées, c'était peu vraisemblable. De toute façon, tout ce qui sortirait de sa bouche désormais lui paraîtrait suspect, plausible ou pas.
Il fit un geste pour la prendre dans ses bras et l'embrasser mais elle l'esquiva. A la place, elle ouvrit la porte de son appartement, son sien, à elle, et pas celui d'une fausse blonde enceinte. Elle alluma la lumière d'un geste brusque plein de colère et jeta son gros sac plein de toutes ses stupides affaires qu'elle avait prises pour stupidement l'attendre devant une stupide porte qui n'était pas la sienne. Elle se défit de son manteau, même si elle se sentait encore frigorifiée de ses trois heures d'attente sur ce foutu pallier. Il commença à l'imiter en baissant la fermeture éclair de son manteau mais elle l'arrêta :
-Pas la peine de le quitter, une fois que cette discussion sera terminée, tu repartiras.
Il se figea puis releva vers elle un regard surpris. Comme s'il ne pouvait pas imaginer qu'un jour elle puisse mettre à jour la supercherie ! Il ne parla pas et c'était tant mieux. Elle prit une grande inspiration pour calmer la colère qui transparaissait dans sa voix.
-J'ai voulu te faire une surprise ce soir...
De nouveau elle dut faire une pause pour ne pas hurler. Elle devait montrer une colère froide, qu'elle savait bien plus impressionnante qu'une explosion hystérique. Lui se redressa, attentif. Ce qu'elle pouvait aimer cet air qu'il avait ! Ce traître !
-...Pour ton anniversaire. J'avais été déçue de ne pas venir avec toi et tes amis. Mais ce n'était pas grave. Je me suis dit, c'est son anniversaire alors... surprenons-le.
Elle eut un rire nerveux. Lui, la regardait avec l'air ahuri de quelqu'un qui sentait venir la catastrophe. Il essaya de parler mais d'un geste de la main elle lui intima le silence et il n'insista pas.
-Alors, Je suis allée devant chez toi. Enfin... Devant chez toi... Devant chez toi et ta copine enceinte de... sept ? huit mois...? à toi de me dire. Jolie par ailleurs, mais un peut trop maquillée à mon goût. Je ne pensais pas que tu t'intéressais aux voitures volées.
Prêcher le faux pour avoir le vrai : voyons comment il allait se défendre et à quel point il allait sortir une excuse raccord avec ce qu'elle avait découvert avec Lydia. Il demanda la permission silencieuse de parler et elle acquiesça d'un signe de tête.
-Écoute, c'est un malentendu...
-Oh le fameux «malentendu» ! Je ne l'avais pas vu venir celui-là ! C'est tellement... original !
De nouveau il demanda la parole silencieusement et elle acquiesça.
-Tu lui as parlé ?
-Non, rassure-toi ! Je ne me voyais pas me présenter comme ta copine à temps partiel, cracha-t-elle.
Mensonge contre mensonge. Elle allait l'avoir à son propre jeu.
-Écoute, je t'ai menti, c'est vrai, mais pas comme tu penses.
-Oh mais alors tout va bien !
-Non, tout ne va pas bien, je le sais, mais laisse moi t'expliquer jusqu'au bout.
Elle feignit d'accepter à contre cœur : elle brûlait de savoir.
-Bon, commença-t-il, tu te souviens que j'ai été réticent à te montrer où j'habite ?
Elle hocha la tête, économe en parole.
-C'est parce que je ne peux pas te le montrer. Cette femme, que tu as vu, elle sous-loue son appartement. Je le lui ai juste loué pour une nuit. J'ai trouvé l'adresse dans les petites annonces du journal du métro. C'est tout.
-Comment ça c'est tout ?! Tu te rends compte du mensonge ?!
-Oui !
-Tu te rends comptes que tu as loué une chambre juste pour me mentir ?! Tu as demandé à tes amis de mentir pour toi ! C'est tout simplement... dément ! Avec ça, comment je suis sensée te faire confiance pour quoique ce soit d'autre ?! Ça se trouve... ça se trouve tu... tu ne t'appelle même pas Théodore mais... Mathurin !
-Je m'appelle bien Théodore ! S'exclama-t-il.
Et, fébrilement, il fouilla dans son portefeuille et lui tendit sa carte d'identité : Théodore, Tybalt Nott, né le 21 décembre 1980. Anglais, Habite à Ardwell Park, Cumberland, 1m81, yeux : noirs.
-Tu habites... dans un manoir ?! Dans le Cumberland ?!
-Le manoir de mes parents. Je n'y habite pas, le temps de mes études. Je ne peux pas faire l'aller retour tous les jours.
Abigail fit une pause et posa une main sur ses yeux afin de mieux réfléchir : il avait été honnête, bon point pour lui. Mais elle ne savait toujours pas pourquoi, par tous les Saints !
-Et pour la sous-location, on retourne à l'appartement et on demande à la locataire si tu veux. Je peux même peut-être retrouver l'annonce.
-Pas la peine, soupira-t-elle.
Il lui adressa de nouveau un regard interrogatif.
-Je lui ai parlé, reprit-elle. Je suis même rentrée chez elle. Elle m'a déjà tout expliqué. Je voulais juste que tu expliques par toi-même.
Un éclair d'admiration traversa le regard de son amant et il baissa la tête pour camoufler un sourire discret qu'il n'arrivait pas tout à fait à contrôler.
-Mais on en revient au même point, Théodore : pourquoi m'as-tu menti ? Est-ce que c'est encore en lien avec le secret ?
Il hocha la tête.
-Oui, finit-il par dire.
-Et Drago, et Hermione, Pansy, Blaise... eux aussi, ils protègent le secret ?
De nouveau, il acquiesça.
-On ne peut pas continuer comme ça, Théodore.
-Je sais.
-Tu m'as tellement blessée...
Elle sentit les larmes monter et ne fit rien pour les retenir. Elle savait que c'était perdu d'avance.
Il ferma les yeux et baissa complètement la tête.
-Si je pouvais faire autrement, je te promets que je le ferais.
-Ça ne suffira pas, chuchota-t-elle en se rapprochant.
Il prit son visage en coupe entre ses deux mains et posa son front contre le sien.
-Si tu ne peux rien me dire, alors on va devoir s'arrêter là. Tu comprends ?
Il acquiesça en silence et la serra dans ses bras avec force.
-Alors ? Est-ce que tu n'as rien à me dire ? Reprit-elle d'une voix cassée par l'émotion.
-Seulement que je t'aime.
Puis, doucement, il se dégagea, embrassa sa joue et sortit de l'appartement. Elle resta interdite un instant tandis qu'un «crac» sonore se fit entendre de l'autre côté de la porte.
Il l'aimait, mais pas assez. Elle éclata en sanglot.
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Théodore ne savait pas si la sensation d'oppression qu'il ressentait autour de son cœur était seulement le fait du transplanage. Il luttait de toute ses forces contre son envie de faire demi-tour pour la prendre dans ses bras et tout lui révéler. Il ne devait pas. Et pour cette raison, les maigres compensations que lui offrait la magie lui paraissait bien ridicule au regard des malheurs qu'elle lui apportait : le déshonneur, la violence, la solitude, la guerre et, désormais, un chagrin d'amour.
De toute sa vie, Théodore Nott n'avait jamais eu à prendre de décision douloureuse. Il ne s'était jamais battu ouvertement. Chaque prise de position s'était à chaque fois imposée à lui, à son esprit, naturellement, sans débat intérieur. Il fallait bien dire aussi que les idées adverses étaient tellement absurdes ! Cela faisait au moins dix ans qu'il tenait tête à son père et à toutes les personnes capables de le museler. Mais il le faisait passivement, évitant leur présence, les débats, les disputes. Même son choix de quitter le monde magique pour ses études s'était révélé à lui sans tergiversation, comme une évidence.
Aussi, lorsqu'elle lui avait demandé de choisir entre son secret ou elle, il avait cru éclater. C'était trop dur. Départager entre son bonheur et la sécurité du monde magique... choix impossible. Ou plutôt, là encore, froidement, le choix s'imposait de lui même, mais cette fois-ci, il n'était pas bon pour lui. Voilà : froidement, c'était facile... Sauf que froid, dans cette histoire, il lui était impossible de le rester.
Il retourna au chaudron baveur où Drago et les autres devaient l'attendre. Il leur avait demandé une heure et il avait été bien optimiste : une demie-heure avait suffi à la destruction de son couple et de sa joie de vivre. Et jamais, par Merlin, il ne s'était senti autant rempli de haine pour cette magie, ces pouvoirs ridicules qui, dans sa vie, n'avaient servi qu'à faire la guerre et la vaisselle.
En arrivant dans la salle, il vit au loin Pansy passer une main réconfortante sur les épaules voûtées de Drago. Lui aussi semblait déguster. Hermione sans doute. Jamais il ne se serait permis de lui demander ce qui n'allait pas, comme si ses pensées errantes au sujet de la jeune femme, si dérisoires en comparaison de ce que sa rupture avec Abigail pouvait provoquer en lui, lui en interdisait l'accès.
Son être ressemblait alors à une sorte de mille-feuille à la culpabilité. Il avait été un piètre ami et un piètre amoureux, jouant sans cesse sur deux tableaux, contemplant d'en haut la pile vertigineuse de ses mensonges. Écartelé par tous ces pans qui faisaient sa vie et qui étaient inconciliables, il faisait tout de travers. Mais aujourd'hui, l'univers mettait un terme à son impunité : quitté pour ses mensonges et molesté pour sa convoitise. Et finalement, il en était presque reconnaissant... à Drago d'avoir enfin découvert son jeu trouble, à Abigail d'avoir marqué l'arrivée inéluctable de sa course effrénée. Il bénissait leurs tons secs et leurs regards assassins qui lui offraient des limites auxquelles se raccrocher. Alors, bien caché quelque part, il y avait peut-être un peu de soulagement.
Il n'avait pas osé s'avancer, interdit, jusqu'à ce que Blaise remarque sa présence et lui fasse signe. Le cœur en chute libre, il n'eut pas le courage de sourire en se dirigeant vers leur table.
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Il dut s'y prendre plusieurs fois pour ouvrir la porte d'entrée et lorsqu'il envoya son manteau et son écharpe se ranger d'un coup de baguette, les affaires s'écrasèrent lamentablement contre le mur, à un mètre de l'armoire qui leur était destinée.
Hermione sursauta et lui jeta un regard inquiet : comment était-il possible qu'il rate un sort aussi simple ? Lui, grommela en rangeant ses vêtements à la moldue.
Elle ferma le livre qu'elle était en train de lire pour concentrer son attention sur le jeune homme qui marchait vers elle désormais avec une sorte de sourire niais sur le visage. Il ne contourna pas le fauteuil, comme à son habitude mais, alors qu'il se trouvait devant elle, il se laissa tomber en travers, sur les accoudoirs. Elle le réceptionna comme elle put, surprise. A plat ventre au-dessus des genoux d'Hermione, il essaya de se recroqueviller maladroitement en rabattant ses genoux contre lui.
-Mais qu'est-ce que tu fais ? pouffa-t-elle.
Il était vraiment dans une position ridicule et ses os durs rentrant dans la chair de ses cuisses faisaient mal à la jeune femme.
-J'essaye de faire comme Pattenrond.
Elle éclata de rire, à la fois amusée et gênée de leur soudaine proximité : parfois, il avait vraiment des idées farfelues !
Elle ne s'était vraiment rendu compte de cet esprit fantaisiste que depuis qu'ils avaient emménagé ensemble et, étrangement, cela plaisait profondément à son esprit cartésien.
-Pourquoi ?
-Pour que tu t'occupes de moi.
Elle se raidit : elle savait bien que ça n'allait pas. Elle, rongée par la culpabilité de ne pas pouvoir lui offrir la vie dont il rêvait, essayait de mettre de la distance entre eux. Un jour, elle trouverait le courage de lui rendre sa liberté et lui donner l'occasion de construire la vie qu'il méritait avec quelqu'un qui en était capable. Elle se convainquait que c'était ça l'amour : vouloir le meilleur pour la personne, quitte à se sacrifier... Car le meilleur, elle était tout simplement incapable de le lui donner. Alors, en attendant ce fameux moment, elle se faisait plus froide, espérant presque qu'il la quitte en premier, qu'il ait ce fameux courage dont justement elle manquait.
Ses pensées furent interrompues par un roulement gutural.
-Tu ronronnes ? pouffa-t-elle.
-Roui.
Et, ce disant il s'était débrouillé pour tourner sa tête, puis ses épaules vers elle dans une position qui avait tout à fait l'air d'être inconfortable. Il la regardait intensément.
Hésitante, elle passa une main sur son front pour dégager une mèche qui tombait. Puis, elle caressa ses joues brûlantes et légèrement rougies.
-Même ça, c'est devenu difficile ? Finit-il par demander après un long silence.
Elle éluda la question, incapable de répondre. De quoi parlait-il ? De leur tendresse ? Quoi qu'il en soit, en parler serait douloureux.
-Tu as bu ?
-Un peu, répondit-il en baissant les yeux.
-Un peu ?
-J'ai même pas fini mon verre de whisky-pur-feu. C'est Blaise.
Elle acquiesça en silence.
-Ta soirée ? Demanda-t-il comme s'il avait reçu une illumination divine.
-Ça va.
-Potter et Weasley ?
-Il vont bien.
Il sembla réfléchir intensément puis reprit la parole :
-Vous avez pris quoi, vous ?
-Bièraubeurre, comme d'habitude.
Il acquiesça pensivement.
-Et vous avez parlé de quoi ?
-Des cours, mentit-elle.
Harry souffrait de sa relation à distance avec Ginny, qui heureusement, devait rentrer le lendemain matin en transplanant et Hermione, de son côté, leur avait avoué son dilemme. Ils n'avaient pas été d'une grande aide, mais ils lui avaient au moins permis de vider son sac. Enfin.
Il hocha de nouveau la tête, le regard dans le vague.
-Ils le connaissent ?
-Qui connaît qui ?
-Siegfried.
-Quoi Siefried ?
-Ils le connaissent ?
-Harry et Ron connaissent Siegfried ?
-Oui.
-Non.
Elle ne savait pas pourquoi Drago faisait une fixette sur Siegfried ni si c'était de la jalousie ou de la simple curiosité.
-Et Nott ?
-Quoi Théodore ?
-Tu l'appelles Théodore ?
-Tout comme Blaise et Pansy. Il n'y a que toi pour l'appeler Nott.
Il se détourna pour réfléchir. Il sembla presque avoir oublié sa première question.
-Quoi Théodore, alors ? relança-t-elle.
-Non, rien... D'ailleurs, Nott et Abigail, c'est fini, lâcha-t-il.
-Quoi ?
-Ils ne sont plus ensemble.
-Il lui a dit pour la magie ?
-Non.
-Qu'est ce qu'il s'est passé ?
-Elle a voulu lui faire une surprise à son appartement... Elle a compris qu'il lui mentait sur beaucoup de choses. Elle lui a demandé de choisir entre le secret et elle... Il a choisi le secret.
-L'idiot, souffla-t-elle et il acquiesça de nouveau.
-C'est ce qu'on lui a dit, mais il est difficile à convaincre...
Il ferma les yeux, blotti contre elle alors qu'elle caressait ses cheveux. Cet instant lui sembla durer une éternité et elle se demandait si elle devait le réveiller quand soudain, il reprit la parole en gardant ses yeux clos.
-Hermione ? chuchota-t-il de sa voix douce.
Elle aimait sa manière de dire son prénom.
-Oui ? répondit-elle sur le même ton.
-Est-ce que tu... Enfin... pourquoi... non rien.
La sorcière soupira intérieurement. Il semblait avoir beaucoup de choses à lui dire mais il se retenait. Elle le voyait se débattre comme un diable pour les maintenir à flot, alors que la seule chose qu'il avait à faire, par Merlin, c'était de laisser couler le bateau. Le voir suffoquer ainsi lui brisait le cœur et si elle s'écoutait, elle aurait plongé à sa rencontre pour le sauver de la noyade. Mais ils avaient besoin de mourir pour renaître autrement, sans l'autre, sans se connaître. Lui, pour avoir l'histoire d'amour dont il rêvait, elle pour la solitude, seule vie qu'elle serait capable de mener après avoir semé la désolation dans un cœur qu'elle chérissait.
-On va se coucher ? lui sourit-elle alors qu'il semblait reparti dans son état de somnolence. Il acquiesça en silence et se leva.
Lorsqu'il se couchèrent, il la retint dans ses bras.
-Demain, on se réveille ensemble ? proposa-t-il, plein d'espoir.
-Je ne sais pas, je dois réviser.
Il ne répondit pas.
Ne m'en voulez pas trop ! Promis, il y aura une fin heureuse pour tous les couples : ce qui est bien quand on touche le fond, c'est qu'on ne peut que remonter ! x) A mercredi !
