Yo !
Me voilà avec la suite des aventures de Qi Rong, Guzi & maman ! Merci à Moira pour sa super correction et ses petits commentaires sur ces abrutis (je les aime). Cette histoire a pris des proportions imprévues et assez énorme, désolé d'avance !
Il n'y a pas de TW particuliers, si ce n'est des mentions de harcèlement scolaire passé, de violences familiales passées, etc. Mais rien de cru et très très explicite. Il y a aussi une mention de Père Castor, mais je dois être le seul qui n'en peut plus de ce générique de malheur.
Si vous avez lu jusqu'ici : merci bien, et bonne lecture pour la suite !
Peut-être qu'il ne l'avait pas reconnu. Non, c'était sûr, en fait ; Lang Qianqiu ne l'avait pas reconnu. Sinon, ils n'auraient pas matché et Lang Qianqiu ne l'aurait pas invité à se rencontrer après des discussions sans queue ni tête où Qi Rong passait plus de temps à écrire en majuscules à propos de son fils qu'autre chose. Guzi était le meilleur sujet de conversation, même si ce stupide gamin semblait vouloir le torturer, d'une façon ou d'une autre. Déjà parce qu'il réclamait sa nouvelle maman - et Qi Rong ne pouvait pas lui expliquer qu'il avait choisi un gamin insupportable que Qi Rong avait connu au lycée - mais ensuite parce qu'il s'était découvert une nouvelle passion. D'habitude, les passions de Guzi étaient attendrissantes - ok, Qi Rong ne lui dirait jamais qu'il aimait les dinosaures presque autant que lui, mais quand même ! Mais là, non.
Là, putain, non. La passion du gamin ? C'était ce PUTAIN de Père Castor.
Et ça tournait, en boucle. Ca tournait et ça tournait et la putain de musique du générique était insupportable. Et, en marchant dans les rues désertes sous cette putain de pluie torentielle, il fredonnait l'air, et se donnait par moment une baffe sous la rage. Son cerveau, cet enculé, reprenait alors la musique depuis le début.
Il avait rendez-vous dans un café, non loin. Il avait fait un effort, genre - vraiment. Il avait pris une grosse douche, avait brossé ses dents avec soin, et. Putain, il avait même coiffé ses cheveux. Enfin, plutôt, son fils l'avait arrêté alors qu'il s'apprêtait à partir, et lui avait dit : "Papa, tu peux pas aller voir maman comme ça." Donc, en toute logique, Qi Rong s'était retrouvé à natter ses cheveux trop longs - il détestait les coiffeurs. Le bas de la natte venait chatouiller le haut de ses fesses, et il songea que peut-être que le coiffeur pourrait être une option envisageable, finalement.
Qi Rong ne devait pas se rater. Parce que Guzi avait l'air tellement, tellement heureux. Avec les quelques mots de lecture qu'il avait déjà appris, il lisait une partie des conversations avec Lang Qianqiu sur le téléphone de son père. Il répétait le nom, parfois, en regardant cette SALOPERIE de Père Castor, enjoué comme jamais. Et Guzi devait être heureux, même si ça impliquait que Qi Rong doive prendre une douche tous les jours de sa vie pour éviter de faire fuir l'autre pute de A-Qiu.
Ah. Ça faisait longtemps qu'il ne l'avait pas appelé comme ça. Au lycée, c'était moqueur. Il avait jamais pu le blairer, de toute façon. Il était plus jeune et se cachait derrière Xie Lian comme si cet empaffé pouvait le protéger de la dureté du monde. Surprise ! Le monde était une pute, et il n'y avait rien que Xie Lian aurait pu faire contre ça. Personne n'y pouvait rien.
Quand Guzi appelait ce débile de Lang Qianqiu "maman", Qi Rong pouvait sentir un truc, là, le pincer fort. Il s'en voulait parfois, parce que Guzi n'était pas avec son géniteur ni rien, mais c'était mieux comme ça. Parce que ce gamin, cette petite merde de gamin débile, méritait largement mieux qu'un coup d'un soir qui s'était barré à l'annonce d'un résultat de prise de sang - pour ensuite commencer une longue série d'allers et retours dans sa vie.
Qi Rong détestait les aiguilles. Et les abrutis qui s'accrochaient comme un chewing-gum incrusté.
Il se sentait aussi débile que nostalgique, là, et ça n'allait pas du tout. Il avait ajouté trois chaînes à son pantalon, pour se donner de la contenance. Il avait une allure propre sur lui, au lycée. Pour imiter ce… Cette… Il semblait qu'il n'y avait pas d'insulte assez grande pour Xie Lian. Qu'à cela ne tienne : il vérifierait dans le dico que la maîtresse de Guzi l'avait forcé à acheter. Son gamin adorait l'ouvrir et lire des mots au hasard, et Qi Rong était soulagé qu'il ne soit pas aussi dyslexique que lui.
Maintenant, il avait du style. Il avait rajouté des pics à ses bottes, pour, euh… Pour être impressionnant, sans doute ? Bah, il pourrait tout aussi bien les enfoncer dans la bite de ce débile d'A-Qiu.
… À bien y penser, peut-être que tout ce rendez-vous était une vengeance de la part de ce gros con. Une vengeance minutieuse. Qi Rong avait toujours un petit couteau suisse sur lui - dernier souvenir de sa mère, qui lui avait fait promettre de toujours se protéger des Hommes.
Guzi ne serait jamais l'un d'eux.
Mais bon, foutu pour foutu, il était déjà presque arrivé. Il referma le parapluie que son débile de gamin lui avait tendu, avant d'embrasser sa joue et de partir jouer avec la babysitter. Il aimait pas cette meuf, mais Guzi si. Enfin, après, Qi Rong pouvait blairer personne donc c'était pas contre elle. Enfin, pas trop. Urg ! Il réfléchissait trop et ça allait brûler son cerveau. Le café que Lang Qianqiu avait choisi était un peu hors du centre-ville, et Qi Rong en était à la fois heureux et inquiet. Heureux parce qu'il détestait les gens, genre, vraiment. Inquiet parce que si A-Qiu décidait de le tuer sur-le-champ, il n'aurait personne pour le sauver.
Pas qu'il ait besoin d'être sauvé, hein ! Mais A-Qiu avait des gros bras, et Qi Rong avait… Un gros cerveau. Oui, voilà. Un très gros cerveau.
Un soupir, un pas en avant - et une main, finalement, posée sur son épaule. Qi Rong lâcha un gros cri et se tourna, prêt à frapper l'inconnu avec son sac à dos. Sac à dos vert, bien sûr. Il s'arrêta brusquement en reconnaissant le visage d'A-Qiu, et oh putain.
Bon, c'était vrai que c'était une petite chochotte débile de merde, ça, Qi Rong était presque sûr que ça n'avait pas changé avec les années. Mais, oh, putain. Putain, putain. Cette tête ? C'était pas légal d'avoir ce genre de tête. Ok, il avait vu des photos, mais il s'était surtout concentré sur "parler de Guzi pour l'amadouer". Il avait des cheveux un peu longs, attachés en une queue de cheval basse, et ses mèches aux reflets rouges tombaient sur ses épaules larges, genre, il devait avoir assez de force pour, euh, écraser quelqu'un. Oui, écraser une tête entre ses mains ou - Qi Rong baissa les yeux. Ouais, il pourrait se faire éclater la tête entre ces cuisses-là, ouais.
Une belle mort.
Il secoua la tête. Il devait se reprendre, il y avait du sérieux en jeu, là !... Et pourtant, avec sa voix de teaseuse salope là, aux octaves bien plus basses qu'au lycée - merci la mue, merci la seconde puberté - Qi Rong ne put s'empêcher de lâcher quelque chose comme :
"Ah bah putain, A-Qiu, t'as prévu de me tuer dedans ou dehors ? Non, parce que si je peux avoir mon mot à dire, là, il fait froid et -
-Je, euh… je ne vais pas te tuer…"
Il y avait une teinte rosée sur les joues de ce débile. Qi Rong haussa un sourcil.
"Te fous pas de ma gueule grand con, je suis pas débile. Tu m'aurais jamais parlé, ou même proposé un putain de rendez-vous si c'était pas pour au moins me casser la gueule."
Lang Qianqiu ne répondit pas. Du moins, pas tout de suite. Il avait le regard un peu dans le vague - puis, un sourire. Putain de sourire de sale beau gosse de putain de merde.
"Tu veux un café ? lâcha-t-il finalement.
-Urg, tu déconnes ? C'est dégueu."
Un rire. A-Qiu poussa la porte du café, l'invitant à rentrer.
"Depuis quand…" il semblait hésitant.
"Oh putain, commence pas à bafouiller, je vais te tuer.
-Depuis quand tu as un fils ?"
Ah, bah c'était à son tour de bafouiller. Putain.
"Bah, t'es con… Depuis qu'il est né. Question débile. Il a six ans, apprends à compter."
Qi Rong haussa les épaules et s'assit sur une chaise. Il s'attendait à tout. Tout le long de l'après-midi, et à des questions de A-Qiu, et à ses propres cris - pas trop forts, hein, mais quand même ! Il s'attendait à sentir le thé brûlant de Lang Qianqiu sur son visage ou à recevoir un coup de poing, ou ne serait-ce qu'à se prendre un discours moralisateur à deux balles.
Mais non. Et c'était tellement, tellement chelou. Il ne savait pas quoi en penser.
À la fin de la journée - il devait rester une heure, il en était resté quatre - ils sortirent du café. Sa babysitter allait lui coûter une blinde, tiens. Lang Qianqiu semblait hésiter à dire quelque chose - se ravisa. Puis s'approcha dangereusement. C'était maintenant ! C'était le coup de poing ! Il ferma les yeux.
Qi Rong attendit le coup qui ne vint pas. À la place, un baiser sur sa joue, tendre, doux. Les cils trop longs de A-Qiu sur sa peau, et finalement, un bruit de pas qui s'enfonce à répétition dans des flaques d'eau. A-Qiu cria un truc vraiment, vraiment bizarre. Genre… "À la prochaine." C'était quoi. Ce. Bordel.
Au moins, remarqua-t-il, il ne pleuvait plus.
