Résumé : Les dossiers d'inscription de Marinette ont été déposés, la jeune fille peut enfin souffler. Ou presque.

Ce chapitre est un de mes chapitres préférés. C'est l'un des tous premiers chapitres que j'ai écrit pour cette fanfiction et j'espère que vous l'aimerez autant que je l'aime. J'avais vraiment hâte d'arriver à ce moment dans la fic et que vous puissiez le découvrir !

Bonne lecture !


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CHAPITRE 21

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Marinette dormit littéralement tout le week-end qui suivit. Adrien l'observait avec amusement naviguer du canapé à son lit en passant par sa banquette selon l'urgence, tout en bâillant à s'en décrocher la mâchoire. Elle venait parfois se blottir au creux de ses bras, enroulée dans son plaid chauffant, et Adrien se faisait un plaisir de l'inonder d'affection et de la serrer tout contre lui, un sourire béat suspendu à ses lèvres.

Marinette savait malgré tout qu'elle ne pouvait pas se reposer sur ses lauriers car le bac approchait, et qu'elle allait devoir se plonger à nouveau corps et âme dans ses révisions qu'elle avait un peu mis de côté avec la confection de ses dossiers d'entrée.

Elle profita tout de même de ce week-end de répit pour passer une soirée chez Alya ; les deux filles avaient rarement eu l'occasion de se retrouver et de profiter l'une de l'autre ces derniers temps, et elles étirèrent la soirée au maximum pour rattraper le temps perdu car elles savaient que les semaines à venir seraient rudes avec les révisions qui les attendaient.

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Lorsque Marinette poussa la porte d'entrée de chez elle en revenant de chez Alya, elle trouva l'appartement plongé dans la pénombre. Tout le monde dormait déjà depuis longtemps. Le silence et le calme ambiant l'enveloppèrent, et elle s'empressa de monter jusqu'à sa chambre sur la pointe des pieds pour éviter de réveiller la maisonnée. Adrien était visiblement couché, aussi se mit-elle rapidement en pyjama avant de grimper le plus discrètement possible jusqu'à sa mezzanine. Mais au moment où elle arriva au niveau de son lit, elle manqua de rater la dernière marche en découvrant son coéquipier : Adrien était roulé en boule sous la couette de son côté du lit, et en s'approchant, Marinette se rendit compte qu'il avait disposé plusieurs morceaux de papier dessinés et découpés en forme de nuages de différentes tailles sur l'oreiller d'à côté. Dans le plus gros des nuages, Adrien avait écrit « Ma Lady » de son écriture propre et nette, et deux plus petits nuages posés à côté étaient dirigés vers sa tête. L'ensemble donnait l'impression qu'il était en plein rêve, ses pensées matérialisées en papier dans un phylactère de bande dessinée.

La vision fit rire Marinette autant qu'elle l'émut ; elle sentit son rythme cardiaque accélérer subitement et le rouge lui monta aux joues. La scène était tellement paisible et adorable qu'elle ne put s'empêcher de prendre une photo pour en garder précieusement le souvenir avant d'écarter délicatement les bulles de papier de son oreiller pour venir s'allonger sous la couette.

Marinette se mentirait si elle déclarait que toutes les démonstrations de tendresse dont l'inondait Adrien la laissaient de marbre, mais elle préféra ignorer les battements de son cœur qui tambourinait sous sa poitrine.

- Il a longtemps manqué d'affection, se raisonnait-elle. Ne cherche pas plus loin Marinette.

Malgré tout, ces pensées lui provoquaient toujours un léger pincement au cœur, et une infime petite partie d'elle espérait parfois plus, tout en étant paradoxalement terrifiée à l'idée de laisser parler son cœur sans retenue et de lui dévoiler ses sentiments.

Marinette secoua la tête de gauche à droite, comme pour se remettre les idées en place et vint se blottir tout contre son coéquipier, pressée de rejoindre le royaume des songes après cette belle soirée qu'elle ne voulait pas gâcher avec des pensées qui lui serraient le cœur.

A ce contact, Adrien noua instantanément ses bras autour d'elle sans même ouvrir un œil et poussa un soupir bienheureux avant d'enfouir son visage dans le creux de son cou.

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Quelques jours plus tard, Adrien était tranquillement en train de terminer ses devoirs dans la chambre de Marinette lorsqu'il reçut un message de Nino : les deux garçons avaient prévu de passer la soirée ensemble, et Nino venait de le prévenir que les cours étaient terminés et qu'il serait chez lui dans un quart d'heure. Adrien réalisa qu'il n'avait pas vu l'heure passer et il se mit debout d'un bond ; il voyait déjà son meilleur ami bien trop peu à son goût, il était hors de question qu'il soit en retard pour le retrouver.

Adrien enfila rapidement son manteau et ses baskets et s'apprêtait à descendre dans le salon lorsqu'il entendit la porte de l'appartement s'ouvrir ; Marinette venait de rentrer et semblait en grande conversation avec Alya. Un grand sourire illumina le visage d'Adrien rien qu'en entendant la voix de sa coéquipière ; il fit un pas en direction de la trappe pour descendre les retrouver, mais lorsqu'il surprit des bribes de leur conversation, il s'arrêta net.

- Marinette, ne change pas de sujet, tu m'as promis de me montrer ce que Luka t'a donné tout à l'heure ! Alors ? Qu'est-ce que c'est ? s'exclama Alya d'un ton qui trahissait clairement sa curiosité.

- Luka ? pensa Adrien avec un pincement au cœur inattendu.

Il ne vit pas l'expression de Marinette dont le teint vira au rouge pivoine, mais il entendit très clairement sa réponse.

- Il... Il m'a donné la partition d'une chanson qu'il a écrite pour moi, avoua-t-elle timidement.

Alya émit un petit bruit d'appréciation avant de répondre :

- Ooooh c'est tellement romantique ! En tout cas, ce qui est sûr, c'est qu'il en pince toujours pour toi !

- Oh arrête Alya s'il te plaît ! réplique Marinette, les deux mains plaquées sur ses joues qu'elle sentait brûlantes. Tu sais bien que...

- Adrien est là ? la coupa subitement Alya, comme si elle venait de se souvenir qu'il habitait ici.

- Non, il doit déjà être parti chez Nino, répondit Marinette dont le regard se détourna brièvement vers l'escalier qui menait à sa chambre, plutôt ravie que sa meilleure amie ait changé de sujet.

Marinette savait que les sentiments de Luka à son égard avaient dépassé le stade de l'amitié depuis bien longtemps, et elle se sentait toujours un peu coupable car elle avait beau avoir essayé plusieurs fois de se convaincre qu'il était le garçon qu'il lui fallait après mille échecs avec Adrien, son coeur refusait de ressentir autre chose que de l'amitié pour lui.

Luka était doux, intelligent, immensément patient et compréhensif, et elle s'en voulait parfois de ne pas réussir à éprouver pour lui ce qu'il éprouvait pour elle. Elle espérait de tout cœur qu'un jour il tombe amoureux d'une personne qui saura l'aimer avec la même intensité car il le méritait vraiment.

- Alors, qu'est-ce que tu vas faire ? fit Alya, presque plus enthousiaste que sa meilleure amie sur le sujet, sortant Marinette de son tourment intérieur.

A l'étage supérieur, Adrien était toujours là, indécis quant à l'attitude à adopter ; il hésitait à se montrer, ayant la désagréable impression de leur avoir volé l'intimité de leur conversation, tout en sentant son estomac se tordre douloureusement de tristesse. Il pesa rapidement le pour et le contre et finit par reculer discrètement, ne voulant pas en entendre plus. Le cœur lourd, il grimpa sur la mezzanine et se transforma silencieusement avant de bondir à l'extérieur sur la terrasse. Le vent glacial lui fouetta le visage et il déplia son bâton avant de s'empresser de se diriger vers l'appartement de son meilleur ami. Un sentiment de malaise lui tenaillait les tripes, et il espérait que cette soirée avec Nino l'obligerait à ne plus penser au fait que Luka avait écrit une chanson pour Marinette. Malgré tout, Adrien essaya de se raisonner et de se dire que cette nouvelle ne devrait pas autant le contrarier après tout, Marinette et lui n'étaient qu'amis, pas vrai ?

Tous deux s'étaient vraiment rapprochés ces dernières semaines, pour le plus grand bonheur d'Adrien, et le jeune homme voyait bien que Marinette l'appréciait énormément, elle le lui avait bien assez démontré. Mais malgré tout, un doute subsistait, et pas des moindres : même si leur relation avait évolué, Marinette ne l'avait jamais considéré autrement que comme un ami, et Ladybug avait toujours repoussé ses avances à cause d'un autre garçon pour qui elle avait des sentiments. Ce qui voulait dire que Marinette était déjà éprise de quelqu'un depuis longtemps, et la discussion qu'il venait de surprendre entre Alya et Marinette lui prouvait que cette personne étant très certainement Luka, réalisa-t-il tout en ressentant un horrible pincement sous sa poitrine. Il n'y avait donc aucune place pour lui dans le cœur de sa coéquipière.

Les derniers événements qu'il avait traversé tant bien que mal l'avaient beaucoup trop éprouvé pour qu'il puisse y voir clair dans son coeur - qu'il avait enfermé à double tour pour éviter de souffrir encore plus - mais à présent que l'horreur des dernières semaines s'était un peu dissipée, il réalisait à quel point les sentiments qu'il éprouvait pour Marinette étaient toujours bien présents et lui comprimaient parfois douloureusement la poitrine.

En tant que Chat Noir, Adrien avait toujours clamé haut et fort que, le jour où il la rencontrerait, il tomberait forcément amoureux de la personne qui se cachait derrière le masque de Ladybug, qui qu'elle soit. Mais s'il y avait bien une chose à laquelle il ne s'était absolument pas attendu, c'était de réaliser à quel point il l'aimait déjà. Marinette avait toujours eu une place spéciale dans sa vie et dans son cœur, sans qu'il n'en comprenne bien la raison. Adrien avait inconsciemment su dès le jour de leur rencontre que leurs destins seraient liés d'une façon ou d'une autre, et à mesure que les jours et les années passaient et qu'il apprenait à connaître sa camarade de classe, cette certitude ne l'avait jamais quitté. Malgré son apparente timidité envers lui, Marinette avait toujours été une amie précieuse, et sa présence à ses côtés illuminait régulièrement son quotidien. Si Ladybug n'avait pas ravi son cœur dès leur toute première rencontre, Adrien savait pertinemment qu'il aurait très rapidement pu tomber amoureux de Marinette. Il réalisait à présent que son amour pour Ladybug n'avait fait que l'aveugler et qu'il n'avait jamais voulu écouter ce que lui murmurait son cœur, de peur d'admettre qu'il était tiraillé entre deux personnes. Adrien était un homme fidèle, avec des principes. Jamais il n'aurait pu tomber amoureux de Marinette alors que sa Lady occupait toutes ses pensées.

Chat Noir se posa momentanément sur un toit et laissa échapper un petit rire désabusé ; tout aurait été tellement plus simple s'il avait su qu'il n'était en réalité pas tombé amoureux de deux personnes différentes, mais que sa camarade de classe dont la seule présence lui faisait parfois manquer un battement de coeur ne pouvait être que son invincible coéquipière. Découvrir qu'elle était Ladybug l'avait transporté au-delà des nuages, et cette découverte semblait avoir décuplé ses sentiments pour elle, Marinette et Ladybug confondues.

Après tant de souffrance et de déceptions, Adrien sentait qu'il était à nouveau prêt à sortir son cœur de la forteresse dans laquelle il l'avait cadenassé. Le seul problème était que Marinette ne semblait pas totalement indifférente aux petites attentions de Luka, et Adrien ne savait pas vraiment comment accueillir et gérer cette information. Malgré tout, il chérissait tellement leur relation actuelle qu'il ne pouvait en vouloir à sa partenaire d'éprouver des sentiments pour un autre, et tant que Marinette serait dans sa vie, son amitié lui suffisait amplement, tentait-il de se convaincre. Adrien ne voulait que son bonheur, et si elle était heureuse avec Luka, alors il se devait de l'accepter. D'autant plus qu'il était hors de question de ruiner le lien magique qu'ils avaient construit ces dernières années, et surtout ces derniers jours.

- Marinette mérite bien mieux que le fils du Papillon de toute façon, pensa-t-il, non sans amertume. Une personne aussi géniale qu'elle ne pourra jamais aimer quelqu'un comme moi. Encore moins après tout ce qu'il s'est passé.

Ces pensées lui minèrent instantanément le moral, et Adrien avait beau essayer de se raisonner, il ne put s'empêcher de pousser un léger soupir empli de tristesse à l'idée que Marinette ne retourne jamais son affection. Mais à présent qu'il était certain qu'il n'y avait aucune chance qu'elle partage ses sentiments, il préférait sceller définitivement ce qu'il ressentait tout au fond de lui de cette façon, il n'aurait plus besoin de se poser de questions sur la nature de leur relation.

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Lorsqu'il rentra chez Marinette, son moral n'était toujours pas fameux. Craignant de ne pas réussir à donner le change à sa partenaire, il préféra monter directement se coucher sans un mot, ruminant des pensées un peu sombres. Mais lorsqu'il sentit Marinette se glisser dans le lit à côté de lui et lui déposer un doux baiser sur la joue avant de poser sa tête tout contre lui, il sentit son coeur considérablement s'alléger, et il l'embrassa à son tour avant nouer ses mains autour d'elle et de sombrer dans les bras de Morphée.

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Adrien eut beaucoup de mal à laisser Marinette partir au lycée le lendemain matin ; il avait beau adorer Tom et Sabine - qui le lui rendaient bien, l'idée de passer ses journées tout seul enfermé alors que ses amis se trouvaient à deux pas de lui dans le bâtiment voisin lui plaisait de moins en moins, et son humeur s'en ressentait. L'envie de reprendre les cours en présentiel se faisait de plus en plus insistante, mais il savait pertinemment que son retour au lycée ne serait pas sans conséquences. Il passait souvent de longues heures à peser le pour et le contre, sans pour autant réussir à prendre une décision.

Adrien tourna en rond une bonne partie de la matinée, un nuage gris assombrissant ses pensées, avant de déclarer forfait ; il avait grand besoin de prendre l'air. Il déjeuna tout de même avec Tom et Sabine avant de les prévenir qu'il sortait faire un tour dans l'après-midi pour qu'ils ne s'inquiètent pas. Une fois la table débarrassée, il s'empressa de grimper à l'étage et se transforma sur le champ : les problèmes d'Adrien Agreste allaient devoir attendre pour le moment, son alter ego félin avait grand besoin de se vider l'esprit et de se dégourdir les pattes.

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Chat Noir courait à toute vitesse sur les toits de Paris, la couleur noire de son costume absorbant les rayons d'un soleil hivernal qui l'enveloppait d'une douce chaleur.

Ses pouvoirs magiques lui avaient toujours procuré toute la liberté dont il avait cruellement manqué, et cette escapade ne dérogeait pas à la règle : en quelques bonds, son moral vacillant était remonté en flèche, et il virevoltait joyeusement entre les immeubles, saluant les passants qui le reconnaissaient, et se pliait volontiers aux demandes de photos en tout genre. Il fit un bref arrêt devant une publicité mentionnant la sortie du nouvel album de Jagged Stone et nota mentalement l'information avant de repartir de plus belle.

Sans qu'il ne s'en rende compte, ses pas l'amenèrent devant l'imposant portail du manoir Agreste, et il était déjà trop tard lorsqu'il réalisa son erreur. Un frisson parcourut son échine des pieds à la tête en toisant le bâtiment qui se dressait devant lui. Adrien pensait sincèrement avoir réussi à dépasser tout ce qui lui avait fait tant de mal quelques semaines plus tôt, mais le sentiment de vide qu'il ressentit rien qu'à se tenir dans l'ombre de l'écrasante bâtisse lui démontra le contraire. Tout son être lui hurlait de partir en courant, mais son cœur se serra en pensant à sa mère, toute seule dans le sous-sol dont personne ne soupçonnait l'existence.

Chat Noir ne mit pas longtemps à se décider : il vérifia qu'aucun curieux ne traînait autour de la maison, et en deux bonds, il se glissa par la fenêtre de sa chambre restée ouverte.

Il ne s'attarda pas dans la pièce, à présent dénuée de tout indice suggérant une présence humaine ; il se sentait comme un étranger qui venait d'entrer par effraction chez des inconnus. Il n'avait pas réalisé à quel point ces derniers temps passés auprès de Marinette et de ses parents avaient à jamais altéré la perception de sa propre vie, ni à quel point ce manoir lui paraissait lugubre et glacial à présent. Même sa chambre qui lui avait toujours semblée plus chaleureuse que n'importe quelle autre pièce de la maison lui donnait aujourd'hui la chair de poule. Comment avait-il pu vivre ici pendant presque 18 ans ?

Chat Noir s'empressa de quitter la pièce sans un autre regard et atterrit devant le bureau de son père. Il avait beau savoir qu'il pouvait à présent se balader sans aucun restriction dans toute la maison et que son père n'allait pas subitement sortir de son bureau et lui administrer un sermon pour avoir osé pousser la porte d'une pièce dans laquelle il n'avait pas le droit de rentrer, cette idée lui semblait toujours complètement incongrue. Certaines habitudes étaient visiblement difficiles à perdre.

La demeure avait été fouillée par la police, mais Chat Noir constata à son plus grand soulagement que le portrait de sa mère était intact. Il pressa la combinaison secrète avec des mains légèrement tremblantes et prit une grande inspiration comme s'il s'apprêtait à plonger du haut d'une falaise avant de se laisser happer par la trappe de l'ascenseur caché.

Rien n'avait bougé depuis sa dernière venue. Sa mère était toujours là, enfermée dans son cercueil de verre. L'estomac complètement noué, Chat Noir s'approcha lentement d'elle et posa sa main gantée sur le verre froid de la capsule.

- Bonjour Maman, murmura-t-il du bout des lèvres. J'espère que tu vas bien.

Ses doigts traçaient nerveusement des cercles sur la paroi ; il avait beau savoir que c'était impossible, une infime partie de lui-même espérait toujours qu'un miracle se produise et que sa mère allait subitement se réveiller.

- Tu... Tu me manques beaucoup tu sais, continua-t-il dans un souffle, sa voix gorgée de chagrin. Maintenant que je t'ai retrouvée, je... j'aimerais tellement pouvoir te serrer dans mes bras, comme avant. Mais je sais bien que c'est impossible. Peut-être un jour, qui sait ? J'ai tellement de choses à te raconter ! Ça fait déjà quatre ans... Je suis en terminale maintenant, c'est ma dernière année de lycée. Tu serais fière de moi, je suis un des meilleurs de la classe. Et j'ai rencontré plein de personnes fabuleuses depuis que j'ai le droit d'aller à l'école. J'aurais tellement aimé te les présenter ! Mon meilleur ami s'appelle Nino. Il est DJ, et il a postulé dans une grande école de cinéma à Paris l'année prochaine. Je ne me fais pas de soucis pour lui, je suis sûre qu'il sera pris ! Il a énormément de talent tu sais. Sa copine Alya est journaliste, et elle a déjà une belle carrière derrière elle alors qu'elle n'a que 17 ans ; le Ladyblog lui a ouvert pas mal de portes et lui a permis de décrocher de super stages, et elle sait déjà qu'elle est prise dans l'école de journalisme qu'elle souhaitait avoir, c'est vraiment super pour elle. Et Marinette, la meilleure amie d'Alya, fit-il, le cœur battant. Si tu savais à quel point elle est incroyable. Elle a littéralement changé ma vie. Elle a été une de mes toutes premières amies tu sais, et maintenant... elle est beaucoup plus que ça. Je... Je ne sais pas ce que je ferais sans elle. Je tiens tellement à elle. Elle me fait parfois penser à toi tu sais. En tout cas, je suis certain que tu l'adorerais et que tu t'entendrais très bien avec elle !

Chat Noir s'interrompit et poussa un long soupir ; il se sentait un peu idiot de lui raconter sa vie alors qu'il savait pertinemment qu'elle ne pouvait pas l'entendre. Malgré tout, cette impression de pouvoir communiquer avec elle et de lui dire tout ce qu'il avait sur le cœur après tant d'années lui faisait du bien.

Il finit par s'asseoir par terre à côté de la capsule et la contempla longuement, perdu dans ses pensées.

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Chat Noir resta tout l'après-midi auprès de sa mère dans un état second, une larme s'écrasant de temps en temps sur ses genoux repliés tout contre sa poitrine. Il n'avait plus aucune notion du temps, ni de la vie qui continuait à avancer au-dessus de sa tête. Tout ce qui lui importait était de rester auprès d'elle.

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Lorsque Marinette rentra du lycée, Adrien n'était toujours pas revenu de son escapade. Ses parents la prévinrent qu'il était sorti en début d'après-midi, et elle éprouva un léger pincement au cœur à l'idée qu'il ne l'ait pas attendue pour aller se balader. Elle sortit son téléphone et composa son numéro dans l'espoir de pouvoir le rejoindre quelque part mais son portable semblait déconnecté. Légèrement inquiète, elle comprit instantanément ce que cela signifiait. Elle vérifia rapidement le Ladyblog et constata que plusieurs passants avaient aperçu Chat Noir dans les environs en début d'après-midi. Adrien avait visiblement eu besoin de se changer les idées, mais Marinette trouvait étrange que personne n'ait reporté sa présence depuis plusieurs heures alors qu'il était visiblement toujours dehors. Elle n'eut pas besoin de réfléchir bien longtemps : elle savait où le trouver.

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Ladybug se tenait devant le portrait monumental d'Emilie Agreste, un sentiment d'appréhension au creux du ventre. Ce portrait la mettait légèrement mal à l'aise depuis qu'ils avaient découvert la vérité. Elle appréhendait l'état dans lequel elle allait retrouver son partenaire elle se doutait qu'il ne devait pas vraiment avoir le moral s'il était venu se réfugier auprès de sa mère, et elle espérait pouvoir faire quelque chose pour lui, tout en se demandant si elle ne devait pas plutôt le laisser en tête à tête avec elle.

Elle prit son courage à deux mains et pressa la combinaison de boutons sur le portrait qui enclenchait le mécanisme du passage secret. A mesure que l'ascenseur descendait, elle aperçut Chat Noir replié sur lui-même assis à même le sol à côté de sa mère, et cette image lui serra le coeur. Elle sortit de l'ascenseur et le rejoignit en faisant le moins de bruit possible pour ne pas perturber la quiétude du lieu. L'endroit était à présent complètement silencieux ; les papillons blancs qui l'habitaient autrefois avaient disparu depuis longtemps.

Ladybug se doutait que Chat Noir l'avait entendue arriver grâce à son ouïe surdéveloppée mais il ne se retourna pas. La tête enfoncée dans ses épaules, il semblait complètement ailleurs. Ladybug hésita puis s'assit en tailleur à côté de lui avant de poser sa tête sur son épaule sans rien dire. Tous deux restèrent assis en silence ; Ladybug sentit Chat Noir poser sa tête contre la sienne et elle esquissa un doux sourire qu'il ne vit pas avant de prendre sa main en guise de soutien.

- Tu sais, commença soudain Chat Noir, rompant le silence qui les entourait. Je crois que... Je crois que j'étais en paix avec l'idée qu'elle avait disparu, que je ne la reverrais jamais.

Sa voix se fit plus rauque, et Ladybug sentit la pression autour de sa main s'accentuer.

- J'ai mis énormément de temps à me remettre de sa disparition... à apprendre à vivre sans elle... et maintenant... Je ne sais plus quoi faire. Je ne sais pas s'il faut trouver une solution pour la réveiller, ou bien au contraire la laisser enfin partir paisiblement... Je...

Un long soupir lui échappa, à défaut de savoir comment terminer sa phrase.

- J'aimerais tellement pouvoir revenir à l'époque où elle était encore là, où on se déguisait et on montait des spectacles dans ma chambre... Pas de Miraculous, pas de Papillon, pas de pouvoirs magiques, tout était tellement plus simple.

Malgré son cœur lourd, ce souvenir lui arracha un tendre sourire, sourire qui s'évanouit presque aussi rapidement qu'il était apparu sur son visage. Le cœur de Ladybug descendit d'un étage sous sa poitrine en voyant son sourire disparaître ; Adrien semblait garder un si doux souvenir de cette période qu'elle ne put s'empêcher de le questionner, espérant lui changer les idées par la même occasion.

- Tu montais des spectacles avec ta maman ? lui demanda-t-elle, curieuse de découvrir ce pan de sa vie qu'elle n'avait pas connu.

Chat Noir acquiesça et son visage s'éclaira faiblement.

- Oui, c'était notre passe-temps préféré. On montait des pièces de théâtre entières, on demandait même parfois à mon père de nous imaginer des costumes qu'on créait avec les chutes de tissu de son atelier. Ça ne ressemblait à rien mais ça nous faisait rire. On s'inventait tout un monde. Maman a toujours aimé le cinéma et le théâtre. Elle était vraiment faite pour ça. Son imagination était sans limites. Elle créait des décors plus vrais que nature, souvent animés. Parfois je rentrais dans ma chambre, la pièce était transformée en jungle avec des animaux, ou bien en bateau pirate qui bougeait vraiment, c'était magique !

Les épaules de Chat Noir s'affaissèrent légèrement ; il avait beau aimer se replonger dans ces souvenirs, ils n'en n'étaient pas moins douloureux. Cherchant du réconfort, il se recroquevilla tout contre sa coéquipière et posa sa tête sur ses genoux avec un soupir. Ladybug sentit la ceinture de son partenaire s'enrouler autour de sa taille et ce geste fit apparaître un sourire attendri sur son visage. Avait-il conscience que sa ceinture semblait parfois se mouvoir de son propre chef et exprimait souvent bien plus de choses qu'il ne voulait en dévoiler ?

Ladybug entoura ses épaules de son bras et passa affectueusement son autre main dans ses cheveux, l'enveloppant de tout son amour. Elle n'aurait su dire à qui ce geste faisait le plus de bien, Chat Noir ou elle-même. Faire courir ses doigts dans la chevelure d'Adrien était devenu une habitude spontanée qui l'apaisait énormément. Et Adrien semblait ressentir la même chose à ce contact. Ils restèrent un long moment silencieux, perdus dans leurs pensées.

- Ma Lady ?

- Oui Chaton ?

- Est-ce qu'on peut rester encore un peu ici ?

- On peut rester le temps que tu voudras, mon Chaton, répondit-elle avec une infinie tendresse.

Les lèvres de Chat Noir se fendirent d'un faible sourire de reconnaissance et il se roula en boule sur ses genoux en fermant les yeux, ronronnant sous les caresses de sa Lady.

- Tu veux bien me raconter d'autres anecdotes de quand tu étais petit ? lui demanda Ladybug après quelques instants de silence, un doux sourire illuminant son visage. J'aurais tellement aimé connaître Petit Adrien. Tu crois qu'on serait devenus amis si on s'était rencontrés à ce moment-là ?

Le visage de Chat Noir s'éclaira à cette question, touché au plus profond de lui-même. Personne ne s'était jamais intéressé à lui de cette façon. Les gens autour de lui n'en avaient toujours voulu qu'à son image sur papier glacé. Ils n'aimaient que le mannequin au compte en banque bien rempli. Le fils d'un styliste mondialement connu. Personne ne s'était jamais embarrassé de vouloir le connaître vraiment, et cette idée lui réchauffa le cœur.

- J'étais très timide quand j'étais petit, avoua-t-il en replaçant une de ses mèches blondes derrière son oreille pour dégager son visage. Mais je suis sûr qu'on serait instantanément devenus amis. J'imagine que tu devais déjà avoir l'habitude d'être en contact avec beaucoup de gens à la boulangerie. Tu es quelqu'un qui parle à tout le monde, tu es hyper sociable, je suis sûr que tu étais amie avec tous les enfants du quartier.*

Les lèvres de Ladybug s'étirèrent d'un sourire et l'invita silencieusement à continuer.

Chat Noir fit mine de réfléchir.

- Je serais peut-être venu un jour à la boulangerie avec Maman, je t'aurais aperçue derrière le comptoir et je me serais caché derrière elle comme je le faisais souvent quand des gens venaient à la maison, imagina-t-il avec un petit rire. Ton père m'aurait vu et il t'aurait mis une chouquette dans les mains en pointant du doigt le petit garçon qui se cachait derrière sa maman, et tu me l'aurais offerte en me demandant comment je m'appelle et en me disant que j'ai les cheveux doux, ou bien je ne sais quelle autre remarque dont tu as le secret.

- Qu'est-ce qui te fais croire que je t'aurais offert ma chouquette ? le taquina-t-elle en lui tirant la langue.

- Parce que tu aurais instantanément deviné que j'adore les chouquettes, et que tu n'aurais pas pu résister à ce petit garçon un peu perdu qui aurait absolument voulu être ton ami, répondit-il en se tournant pour s'allonger sur le dos, sa tête toujours posée sur les genoux de sa partenaire.

Ladybug fit une pause avant de répondre et contempla son coéquipier qui la fixait de son regard incroyablement vert tout en continuant de passer ses doigts dans sa chevelure blonde. Une petite partie d'elle-même aurait adoré que ce scénario ait vraiment eu lieu.

- C'est comme ça que tu me vois petite ? reprit-elle avec un sourire. Remarque ce n'est pas trop loin de la vérité, je suis sûre que j'aurais été beaucoup moins timide avec toi que quand on s'est rencontrés au collège.

- Toi ? Timide ? J'ai du mal à y croire, lança Chat Noir avec malice.

Pour toute réponse, Ladybug piqua un fard et détourna le regard.

- S'il savait... se dit-elle, sentant ses joues chauffer.

- En vrai j'invente complètement, parce que je n'étais que très peu au contact d'autres personnes quand j'étais petit, reprit Chat Noir. Je ne connaissais pas vraiment d'autres enfants à part Chloé, et les adultes que je côtoyais étaient des stylistes, des couturiers ou des photographes... Je passais la plupart de mon temps à la maison avec Maman.

A ces mots, Ladybug ne put s'empêcher de froncer les sourcils.

- Mais alors, tu ne sortais jamais de chez toi quand tu étais petit ? demanda-t-elle avec une certaine prudence dans la voix, de peur de le froisser avec cette question délicate. Je sais que tu n'as jamais mis les pieds dans une école publique avant que tu n'arrives au collège et que Chloé était ta seule amie, reprit-elle. Mais tu avais quand même le droit d'aller... je ne sais pas... jouer au parc par exemple, non ?

Sa voix se faisait de moins en moins sûre, craignant la réponse de son coéquipier.

- Non, je ne sortais vraiment jamais, lui confirma-t-il, et cette idée serra instantanément le cœur de Ladybug. Mes parents estimaient que c'était dangereux pour moi d'aller à l'école publique étant donné que j'étais mannequin. J'ai commencé très tôt, précisa-t-il, non sans une certaine amertume. J'étais déjà très exposé. Impossible pour moi d'aller au parc pour jouer avec d'autres enfants ou bien de sortir me promener dans la rue. Du coup, je devais rester chez moi. Même si mon père était tout de même bien plus présent à l'époque, il travaillait déjà énormément. Mais j'aimais tellement passer tout mon temps avec Maman. On jouait du piano ensemble, on se créait des histoires... J'adorais la faire rire. Elle disait que j'étais son petit clown. Et lorsqu'elle devait s'absenter pour un tournage, c'est Nathalie qui veillait sur moi.

Chat Noir s'interrompit et haussa les épaules, comme pour ponctuer son récit.

- Je n'avais aucune idée de ce qui se passait en dehors de la maison au final, donc ce que je ne connaissais pas ne pouvait pas me manquer, expliqua-t-il avec philosophie. Mes parents avaient fait en sorte que je ne manque de rien matériellement, mais en grandissant, j'ai eu envie de découvrir le monde. Je regardais beaucoup de séries, de films, de dessins animés... Je voulais voir tout ce qui se passait à la télévision par moi-même. Et puis Chloé me parlait de l'école, de ce qu'il s'y passait - même si sa vision des choses était tout de même très biaisée, je m'en rends compte maintenant, ajouta-t-il avec un petit rire, et Ladybug eut une moue de confirmation avant de se mettre à rire à son tour.

- Ce monde extérieur m'intriguait de plus en plus. Moi aussi j'avais envie de rencontrer des gens de mon âge, de me faire des amis, dit-il, sans pouvoir masquer la lueur de tristesse dans son regard.

Ladybug ne put s'empêcher de passer tendrement le dos de sa main sur sa joue pour le réconforter. Elle voyait bien à quel point cet isolement l'avait affecté et l'affectait encore aujourd'hui.

- Et bien je crois que tu as plutôt bien réussi, non ? lança-t-elle avec malice.

Pour toute réponse, Chat Noir prit sa main et y déposa un doux baiser, un sourire empli de tendresse suspendu à ses lèvres.

- C'est quoi ta plus grosse bêtise ? demanda soudain Ladybug en lui gratouillant le dessus du crâne.

Chat Noir considéra un instant la question et se replongea dans ses souvenirs avant de répondre.

- Je me rappelle vaguement d'un incident avec de la peinture, fit-il avec une grimace en se remémorant cette histoire. Je crois que j'avais quatre ou cinq ans, pas plus. Maman n'était pas là, je dessinais dans ma chambre, et je ne sais pas comment mais j'avais momentanément échappé à la surveillance de Nathalie et j'étais entré dans le bureau de mon père alors que j'étais plus ou moins recouvert de peinture de la tête aux pieds. En tout cas, tu imagines la suite : j'ai mis de la peinture partout sur ses croquis et ses prototypes, il était furieux. J'ai été sévèrement puni. Mon père est plutôt impressionnant quand il s'énerve, il me faisait vraiment peur quand j'étais petit. Du coup, j'évitais au maximum de le contrarier. Je n'ai jamais été un enfant très turbulent pourtant, j'étais plutôt sage, mais en même temps... je n'avais pas vraiment le choix, conclut-il en haussant les épaules d'un air désabusé.

- Et toi ? demanda-t-il à son tour avant que Ladybug n'ait pu réagir.

Une lueur espiègle s'était allumée dans ses yeux verts.

- Tu étais comment quand tu étais petite ? Est-ce que Mini Buginette faisait beaucoup de bêtises ?

Ladybug ne put s'empêcher de lever les yeux au ciel mais elle affichait un grand sourire malgré tout.

- Oh, je ne pense pas avoir beaucoup changé, fit-elle en se replongeant dans ses souvenirs. J'avais déjà un bon potentiel miss Catastrophe. Je renversais toujours tout dans la boulangerie. Tu pouvais être sûr qu'à la minute où j'y mettais un pied, j'allais en faire une malgré moi. Je me demande comment mes parents ne sont pas devenus fous. Dès qu'ils tournaient le dos, il y avait forcément quelque chose qui finissait en mille morceaux par terre ou qui dégringolait d'une étagère. Ou alors ils me retrouvaient recouverte de farine de la tête aux pieds parce que j'étais tombée la tête la première dans un sac plus grand que moi...

Chat Noir éclata d'un rire franc à cette image, et Ladybug réalisa à quelle point elle était heureuse de l'entendre rire ainsi.

- Il faudra que tu demandes à mes parents je pense, je ne suis pas réellement objective pour te parler de moi.

En voyant un éclat de malice passer dans le regard de son coéquipier, elle s'empressa d'ajouter en le menaçant de son index :

- Non, en fait, oublie ce que je viens de te dire, c'était pas une bonne idée. Ils se feront un plaisir de te raconter les pires anecdotes sur moi ou bien te montrer des photos où je suis toute nue dans le bain et je risque de mourir de honte.

- Oh non non non, trop tard Buginette, fit-il en se redressant d'un bond, visiblement ravi. Je suis sûr que tes parents auront de délicieuses histoires à me raconter sur toi, je ne voudrais pas m'en priver !

- Je vais les briefer avant, hors de question qu'ils te racontent quoi que ce soit !

- Je saurai leur soutirer les informations les plus compromettantes sur toi, ils ne résisteront pas à mon charme.

Ladybug se frappa le front avec la paume de sa main, frustrée d'avoir donné une aussi mauvaise idée à Chat Noir qui allait se faire un plaisir de récolter les pires anecdotes à son sujet. Malgré tout, elle était heureuse que cet échange ait redonné le sourire à son coéquipier. Chat Noir, lui, ne se départait pas de son sourire taquin. Il se plaisait à imaginer une petite Marinette haute comme trois pommes avec ses sempiternelles couettes, courant dans tous les sens dans la boulangerie de ses parents, et cette image adorable lui fit chaud au cœur.

Ils redevinrent tous deux un instant silencieux, mais l'endroit semblait malgré tout s'être légèrement réchauffé.

Chat Noir leva les yeux vers la capsule de verre.

- Tu sais, je me posais une question, dit-il, rompant le silence. Comment est-ce que mon père s'est retrouvé en possession des Miraculous ? On sait déjà que ce n'est pas Maître Fu qui les lui a donné. Mais qui alors ?

A ces mots, Ladybug releva vivement la tête : une phrase prononcée par Gabriel Agreste quelques années auparavant lui revint soudain en mémoire.

- Je crois que je sais, lâcha-t-elle, soudain fébrile. Ton père m'avait dit qu'il avait trouvé le grimoire lors d'un voyage à l'étranger avec ta mère. Et maintenant que j'y repense, il y avait un guide sur le Tibet dans le coffre-fort de ton père. Maître Fu a perdu leur trace au Tibet, c'est sûrement là-bas que ton père a trouvé les Miraculous du Paon et du Papillon avec le livre.

Adrien ouvrit des yeux ronds.

- Mais attends, à quel moment est-ce que tu as eu l'occasion de discuter de ça avec mon père ? Non, je reformule ma question, s'empressa-t-il d'ajouter avant que sa coéquipière n'ait pu répondre. A quel moment tu as eu l'occasion de discuter avec mon père tout court ? Même moi, je devais prendre rendez-vous avec lui si je voulais lui parler !

Ladybug relâcha un léger soupir ; elle avait complètement oublié qu'Adrien n'était pas au courant de cette histoire.

- Je crois qu'il faut que je t'avoue quelque chose.

Les oreilles de Chat Noir se dressèrent sur sa tête.

- J'espère que tu ne vas pas trop m'en vouloir Adrien, mais... tu te souviens du jour où tu as amené le livre que tu avais emprunté à ton père au collège quand on était en troisième ? Le livre que tu avais perdu ? Et bien, en réalité... tu ne l'avais pas vraiment perdu, avoua-t-elle en détournant le regard. J'ai vu Lila te le subtiliser lorsque tu étais avec elle à la bibliothèque. Et Tikki avait l'air soudain très intéressée par ce livre, du coup, on... on vous a suivi.

- Lila l'a jeté dans une des poubelles du parc juste avant de te retrouver, continua-t-elle. Et Tikki voulait absolument le récupérer. Du coup, j'ai pris le livre avec moi et je l'ai amené à Maître Fu. C'est à ce moment-là qu'il m'a expliqué ce qu'était ce livre, et comment il avait été perdu.

Ladybug lui lança un regard gêné avant de continuer.

- Il m'avait également dit qu'il était persuadé que la personne qui possédait ce livre était certainement la personne qui détenait les Miraculous perdus.

- Donc tu as cru que c'était moi le Papillon ? intervint Chat Noir en haussant un sourcil.

- Mais bien sûr que non enfin ! s'écria Ladybug, soudain très raide. J'étais certaine que ce n'était pas toi ! J'avais même menti à Maître Fu lorsqu'il m'avait demandé si je savais à qui appartenait le livre, je ne voulais pas que tu te retrouves mêlé à tout ça, ajouta-t-elle en détournant la tête, les rouges légèrement roses.

- Et là, j'ai appris que ton père t'avait retiré du collège car tu avais perdu son livre, continua-t-elle. SON livre.

Ses épaules s'affaissèrent.

- Dire qu'on l'avait soupçonné d'être le Papillon à l'époque... si on avait su.

Chat Noir acquiesça tristement.

- Tu avais vu juste à l'époque, et je n'avais pas voulu te croire.

Le cœur de Ladybug manqua soudain un battement ; elle venait de réaliser qu'elle avait tout fait pour protéger Adrien à l'époque, sans savoir qu'il était en réalité avec elle au moment de cette découverte.

- Oh non... fit-elle, livide. Tu... Tu étais là A-Adrien, tu étais là à ce moment-là, quand on a découvert que...

Incapable de finir sa phrase, elle jeta ses bras autour du cou de son coéquipier et le serra contre elle.

- J'aurais dû te faire confiance, répondit Chat Noir d'un air désabusé en lui rendant son étreinte. On aurait réglé cette histoire bien plus vite.

Ladybug se détacha de lui et planta son regard dans le sien.

- Ne sois pas aussi dur avec toi-même, on ne pouvait pas savoir, dit-elle avec une grimace d'excuse. Ton père avait été akumatisé, donc techniquement, il ne pouvait pas être le Papillon. Moi aussi j'avais préféré me voiler la face à l'époque. Ça me rassurait tellement de me dire que ce n'était pas possible. Je... je pensais à toi et tout ce que ça impliquait, j'en étais malade. Sans savoir que tu étais au courant étant donné que tu étais avec moi en réalité... fit-elle d'une voix blanche.

- Du coup, ça veut dire qu'il avait tout de même été jusqu'à s'akumatiser lui-même pour ne pas qu'on découvre son identité. Quel...

La phrase de Chat Noir mourut dans un grognement incompréhensible, mais Ladybug se doutait du message qu'il essayait de lui faire passer.

- Mais comment est-ce qu'il a retrouvé le livre du coup ? se demanda tout haut Chat Noir.

Ladybug se pinça les lèvres.

- Quand j'ai appris que ton père t'avait retiré du collège parce que tu avais perdu son livre, je suis retournée voir Maître Fu pour le récupérer. Je trouvais ça complètement injuste que ton père t'ait puni aussi sévèrement pour un livre perdu. Et puis... Je voulais que tu reviennes en cours, ajouta-t-elle timidement, les joues roses. Maître Fu l'a entièrement pris en photo avant de me le rendre pour en avoir une copie. Du coup, je suis passée chez toi voir ton père pour le lui rendre. En échange de quoi il m'a promis que tu pourrais retourner au collège. C'est là que j'en ai profité pour lui demander où est-ce qu'il l'avait trouvé.

Chat Noir resta un instant stupéfait face à cette confession ; un mélange de tendresse et d'admiration se lisait sur son visage.

- Ma Lady, je savais déjà à quel point tu étais extraordinaire, mais là, tu m'épates !

Ladybug baissa les yeux et prit un air modeste.

- Je n'en reviens pas que c'est grâce à toi que mon père m'avait laissé retourner au collège, continua Chat Noir, incrédule. Merci, merci d'avoir fait ça pour moi, tu es vraiment...

A défaut de trouver les mots, Chat Noir se jeta sur elle pour la prendre dans ses bras, son coeur tambourinant sous sa poitrine. Ladybug poussa un glapissement de surprise lorsqu'elle tomba à la renverse, entraînée par l'étreinte de Chat Noir. Elle sentit la main de son coéquipier se poser rapidement sur l'arrière de son crâne pour absorber le choc et ils s'effondrèrent tous les deux à terre en riant, dans un enchevêtrement de bras et de jambes.

Ladybug pouvait voir dans le regard de Chat Noir à quel point il était touché.

- Tu as toujours été si géniale avec moi, je ne te mérite vraiment pas, dit-il en enfouissant son visage dans le creux de son cou.

Ladybug l'entendit renifler tout contre elle, et elle resserra son étreinte, ne sachant quoi dire. Elle-même se sentait plus que chanceuse d'avoir fait la rencontre de ce garçon formidable qu'elle tenait dans ses bras, et elle savait qu'elle continuerait à le protéger et l'aimer de tout son être car il méritait d'être heureux.

Chat Noir finit par se redresser et Ladybug se sentit rougir face à son regard à la fois doux et intense. Ils se regardèrent longuement, mille émotions les traversant.

Au bout d'un moment, Chat Noir se retourna et adressa un dernier regard à sa mère. Il lui envoya un baiser du creux de sa paume, l'autre main posée sur le verre froid de la capsule.

- A bientôt Maman, murmura-t-il. On va réussir à trouver une solution, je te le promets.

Il se tourna vers Ladybug et lui tendit à nouveau sa main, cette fois-ci pour lui signifier qu'il était prêt à rentrer à la maison. Il semblait apaisé. Cet après-midi auprès de sa mère semblait lui avoir fait beaucoup de bien.

Ladybug accepta sans hésiter sa main tendue et ne la lâcha pas alors qu'ils se dirigeaient tous les deux vers la sortie, leurs doigts fermement entrelacés.

.oOo.

Une fois revenus à la surface, ils s'arrêtèrent un instant dans la chambre d'Adrien. Le regard de Ladybug fut instantanément attiré par le T-shirt noir à rayures qui était resté dans un coin depuis leur dernière visite. Elle avait la sensation qu'une éternité s'était écoulée depuis le jour où ils étaient venus faire les bagages d'Adrien. Elle ne put s'empêcher de prendre le vêtement dans ses mains et le caressa du bout des doigts, perdue dans ses pensées.

- Tu le veux ?

La voix de Chat Noir tout proche d'elle la fit sursauter.

- H-Hein ? Quoi ? Q-Que...

Ses balbutiements arrachèrent un petit rire à Chat Noir qui posa un regard empli d'affection sur elle ; certaines choses ne changeraient probablement jamais.

- Le T-shirt. Tu peux le garder si tu veux.

Ladybug s'apprêtait à refuser avec véhémence, mais elle dut bien admettre que la Marinette de 14 ans tout au fond d'elle mourrait d'envie de le garder. Cramoisie, elle acquiesça timidement avant de serrer le T-shirt tout contre elle. Le sourire attendri que Chat Noir posa sur elle accentua le rouge de ses joues.

- Si tu veux autre chose, n'hésite pas, sers-toi, ajouta-t-il, mais Ladybug s'empressa de secouer la tête de droite à gauche.

- Non... Juste ça, fit-elle d'une toute petite voix.

Elle leva les yeux vers son partenaire et se sentit obligée d'ajouter :

- Ça me rappelle ton arrivée au collège.

Chat Noir affichait à présent un sourire jusqu'aux oreilles, et Ladybug se demandait si ses joues allaient un jour reprendre une teinte normale. Pour se donner une contenance, elle rangea soigneusement le T-shirt dans son yo-yo et fit signe à son partenaire en direction de la fenêtre, mais Chat Noir leva la main.

- J'ai une course à faire avant de rentrer, on se retrouve à la maison ?

Ladybug était intriguée par cette course de dernière minute, mais elle acquiesça, tout en se disant que cela lui donnerait l'occasion de faire un détour elle aussi.

Avec un signe de la tête, Chat Noir déplia son bâton et bondit par la fenêtre avant de disparaître derrière les immeubles d'en face, tandis que Ladybug faisait de même dans la direction opposée.

.oOo.

Le soleil était déjà couché lorsque Chat Noir atterrit sur la terrasse de Marinette ; la lumière allumée qui filtrait à travers les volets fermés de la chambre lui indiqua que sa coéquipière était déjà rentrée. Les bras chargés, Chat Noir se faufila discrètement par la lucarne et se détransforma dès que ses pieds touchèrent le lit. Il tendit le cou depuis la mezzanine et un doux sourire apparut sur son visage ; Marinette était là, penchée au-dessus de sa machine à coudre, et semblait en plein rush créatif. Elle découpait et assemblait des morceaux de tissus de différentes tailles, laissant échapper de temps en temps un juron lorsqu'elle se piquait avec une aiguille ou bien laissait échapper ses ciseaux. Adrien ne put s'empêcher de trouver adorable sa façon de tirer la langue lorsqu'elle s'appliquait.

Il l'observa un long moment depuis la mezzanine, sans un bruit, absorbé par la scène. Son cœur se mit à battre un peu plus rapidement. Il ne se lassait pas de passer du temps avec elle, de partager son quotidien. Après presque quatre ans à combattre le crime à ses côtés, d'avoir découvert qui était derrière le masque de Ladybug lui avait permis de redécouvrir une personne qu'il appréciait déjà énormément, et dans son malheur, il se sentait extrêmement chanceux.

Marinette était tellement concentrée qu'elle ne l'avait toujours pas vu. Adrien finit par s'annoncer en descendant l'échelle, ce qui eut pour effet de faire violemment sursauter Marinette qui manqua de tomber de sa chaise.

- Tu m'as fait peur ! s'écria-t-elle, une main serrée sur son cœur. Tu viens seulement d'arriver ? Je pensais que tu serais rentré avant moi, j'ai essayé de t'appeler mais tu n'étais pas détransformé.

- Désolé ma Lady, ma course a été plus longue que prévu. Oooh, tu as mis mon T-shirt ! fit-il en reconnaissant le motif à rayures sur sa poitrine. Il te va bien !

Marinette piqua un fard à cette remarque et acquiesça d'un air gêné.

- Tiens, c'est pour toi, ajouta-t-il en lui tendant un petit paquet carré.

- Pour moi ? répéta-t-elle, surprise, en saisissant timidement le petit paquet.

Adrien acquiesça avec un grand sourire et se planta à côté d'elle, impatient qu'elle ouvre le cadeau.

- C'est adorable mais pourquoi ? demanda-t-elle, les joues légèrement rouges.

- J'en avais envie, j'ai le droit non ? se justifia-t-il avec un clin d'œil, sans se départir de son sourire.

A sa grande surprise, Marinette n'ouvrit pas immédiatement le paquet mais se leva pour attraper un objet emballé de taille similaire posé sur son étagère et le lui tendit.

- Moi aussi j'ai quelque chose pour toi.

Elle présenta le petit paquet à un Adrien qui se retrouva aussi étonné qu'elle.

- Mais... Tu m'as fait un cadeau ?

- J'en avais envie, j'ai le droit non ? lança Marinette avec malice.

Tous deux amusés, ils se décidèrent à ouvrir leurs paquets respectifs. Lorsqu'ils en découvrirent le contenu, ils relevèrent la tête en même temps, stupéfaits : ils tenaient tous les deux dans leurs mains le tout dernier album de Jagged Stone qui venait de sortir. Ils avaient eu exactement la même idée.

Dans un éclat de rire, ils se jetèrent dans les bras l'un de l'autre.

- Merci Adrien, tu es adorable. Vraiment.

- Mais non, c'est toi qui est adorable Marinette, merci, dit-il en déposant un long baiser sur sa joue.

Il n'avait décidément pas l'habitude de recevoir des cadeaux qui lui faisaient plaisir, et cette petite attention le toucha bien plus que raison.

Marinette se redressa dans son étreinte sans pour autant le lâcher, et en profita pour lui annoncer :

- Au fait, je ne t'ai pas dit mais Penny m'a envoyé 4 pass VIP pour son prochain concert ! On va pouvoir y aller avec Alya et Nino !

- Non ?! C'est génial ! s'écria Adrien, visiblement fou de joie.

Il bondissait littéralement sur place tant il était heureux.

- Les enfants ! fit soudain la voix de Sabine depuis l'escalier. Vous êtes là ? Vous venez manger ?

- Oui Maman, on est là ! répondit Marinette.

Sabine apparut par la trappe et Marinette paniqua subitement en réalisant qu'Adrien la tenait toujours dans ses bras. Elle s'écarta rapidement de lui, le visage couleur pivoine, mais sa mère lui lança un regard qui en disait long.

- Tiens, c'est un nouveau T-shirt ? fit malicieusement Sabine en voyant le T-shirt d'Adrien sur Marinette.

La jeune fille maugré intérieurement, se demandant à quelle moment son humiliation publique prendrait fin.

- C'est un de mes vieux T-shirts, répondit Adrien à sa place. Il ne me va plus, et comme Marinette l'aime bien... ajouta-t-il en regardant Marinette d'un regard lumineux et pétillant de tendresse qui la fit rougir.

Le regard appuyé de Sabine n'échappa pas à Marinette qui s'empressa d'entraîner Adrien vers la trappe et de balbutier une phrase dont il ne comprit que les mots "descendre" et "manger", et ce ne fut qu'une fois tous installés à table que le coeur de Marinette put enfin reprendre un rythme normal.

.oOo.

Une fois la table débarrassée, Marinette monta se réinstaller devant sa machine à coudre. L'anniversaire d'Adrien approchait à grands pas et elle n'avait eu que très peu d'occasions de pouvoir travailler sur son cadeau ces derniers temps, aussi en profita-t-elle pour avancer autant qu'elle le pouvait. Adrien, lui, était resté dans le salon avec Sabine et Tom pour disputer une partie de jeux vidéo, et Marinette ne put s'empêcher de sourire en entendant les cris de joie de son coéquipier ponctués de grognements de son père depuis sa chambre.

Adrien écrasa Sabine et Tom à plates coutures, bien que Tom se défendit honorablement.

- C'est moi qui ait tout appris à Marinette, se plaisait-il à répéter aussi souvent qu'il en avait l'occasion, ce qui ne manquait pas de faire sourire Adrien et Sabine.

Sabine et Tom finirent par déclarer forfait et aller se coucher, et Adrien remonta dans la chambre le cœur léger ; cette petite partie de jeux vidéo lui avait fait du bien, et il avait hâte de se blottir dans les bras de Marinette pour terminer cette soirée en beauté.

Mais lorsqu'il posa ses yeux sur sa coéquipière, son estomac se noua instantanément en voyant son expression préoccupée.

Marinette s'avança vers lui, l'air grave.

- Adrien, je viens d'avoir des nouvelles de Maître Fu. Il est de retour.


Je vous ai déjà dit que j'aimais les cliffhangers ?? :p

Petite note :
* Cette scène m'a été inspirée d'un fanart trop mignon que feu_lys avait posté sur instagram. Je valide totalement son analyse et je suis également intimement convaincue que les rôles auraient été inversés si Marinette et Adrien s'étaient rencontrés plus jeunes : Marinette devait être une petite fills très sociable à toujours être en contact avec des clients et leurs enfants à la boulangerie, tandis qu'Adrien aurait plutôt été un petit garçon timide, peu habitué à sortir de chez lui et voir du monde. Ce fanart illustre super bien tout ça ! (allez voir l'illustration sur son compte, elle date du 10 août 2022 (pas possible de poster de lien ici :())

Extrait du chapitre suivant :
- Adrien, annonça Maître Fu. Duusu possède des informations à propos de ta maman qu'il souhaiterait te communiquer.

Bug Out!