La franchise et l'univers de Fire Emblem ne m'appartiennent pas. Ils ont été créés par Shouzou Kaga, et développés par Intelligent Systems.

Il s'agit ici d'une Fanfiction.

Modern AU

Zakuro Ruby Kagame
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Death Paradise

La pièce sombre semblait entièrement dépossédée de vie tout comme le corps qui avait cessé de balancer peu à peu, décrivant d'abord de petits gestes réguliers d'avant en arrière tel un pendule parfaitement équilibré, lentement, sur le son de l'épaisse corde tendue. Nouée autour du coup de la nouvelle victime, elle avait laissé un sillon cervical creusé sur une peau désormais pâle et bariolée d'infiltrations sanguines. Je restai un moment accidentée devant ce tableau morbide, et devant l'impression que les deux billes exorbitées du visage tout aussi bouffi que livide m'observaient encore attentivement, la langue noirâtre et tuméfiée débordant d'une bouche grande ouverte et prête à m'avaler. Si le visage macabre de la mort devait porter une expression, je ne nourrissais aucun doute quant au fait qu'il s'agissait de celle-ci, et qu'elle me faisait désormais face. Les mots qui se formaient silencieusement sur les lèvres gonflées et recouvertes de quelques gouttes de sang écoulées des cavités nasales martyrisaient insidieusement mes pensées : tu seras la prochaine.

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Je repris connaissance entièrement vautrée sur un sol poussiéreux et recouvert de bris de verre tentant de pénétrer mes paumes à chaque mouvement me faisant geindre. Je ne trouvai toutefois pas la rugosité d'un trottoir sur lequel j'aurais pu m'écrouler après un verre de trop, la surface était aussi plus lisse que de l'asphalte, et j'avais la sensation cruelle d'être passée dans une moissonneuse batteuse. Pour la seconde fois.

Je ne distinguai rien dans un premier temps dans cette pénombre omniprésente et ma vision encore brouillée à chaque geste un peu trop brusque – même me relever – ne m'aidait aucunement. J'avais les maux de tête qu'une trépanation aurait causés, ou à défaut et ce qui était plus plausible pour moi, d'un lendemain de cuite. D'une très grosse cuite. Le genre de cuite nécessitant une semaine d'arrêt, de la morphine et trois appels aux urgences médicales. Ce qui fût très étrange, car je n'avais pas bu. Mes doigts remontèrent mécaniquement à la frontière de mes cheveux quand un frisson m'électrifia à peine eurent-ils effleuré ma peau. Je saignais. Ni trop, ni trop peu. Juste assez pour me demander ce que j'avais bien pu faire avant de m'écrouler raide car cette blessure et ses douleurs sporadiques me firent comprendre que j'avais dû cogner ma boite crânienne un peu trop fort. Un énième rictus plus tard, je me relevai entièrement et ne laissai le temps à mes jambes de plier sous mon poids, cherchai mon téléphone dans ma poche, vérifiai la batterie, et levai un sourcil endolori sur l'heure affichée à l'écran : il était presque minuit. Je fus également interpellée par l'icône d'une application que je ne me souvenais pas avoir installée mais n'eus le temps de l'ouvrir puisqu'un frisson remonta le long de ma colonne vertébrale et me fit tressaillir sur le croassement rauque d'un corbeau qui manqua de se prendre les restes d'une fenêtre brisée par laquelle l'air froid s'engouffait. Je plissai les yeux à demi, et les rouvris en m'habituant très rapidement à la lueur dehors : la lune était pleine.

Le paysage était hostile, moins familier que la forme des bâtiments que je distinguais là dehors. Moins familier que la pièce dans laquelle je me trouvais actuellement. Des bureaux étaient alignés, certains renversés, abimés, des traces de saleté ci-et-là, incrustées, des feuilles volantes éparpillées comme si les lieux avaient été vidés dans la précipitation. Je souris nerveusement en approchant du seul bureau faisant face à la pièce, et un peu plus en ouvrant l'un des tiroirs qui gémit dans l'action. Ce que je trouvai à l'intérieur me déconcerta, des copies ancrées de ma main, le livre de classe que je tenais scrupuleusement, et un téléphone portable que je me souvenais avoir saisit récemment pour utilisation en cours. C'était à n'y rien comprendre. Je pris seulement le téléphone qui trouva place dans l'une de mes poches arrières – l'autre était occupé par un paquet de clope écrasé à moitié vide – et laissai le reste où je l'avais trouvé. Il restait de la batterie, mais l'indicateur de réseau affichait une croix à l'instar du mien.

Trêve de réflexion vaine, je devais découvrir où j'étais mais surtout ce que je foutais là. Que ce lieu me semble familier sans m'être familier était une chose, que je reste bras croisés à attendre une quelconque révélation divine en était une autre et si pour l'heure, aucune explication logique ne venait m'éclairer, il fallait que je sorte de là. Je laissai alors la désagréable sensation que me laissait cette salle de classe dans laquelle j'avais l'impression d'avoir passé des heures avec les corbeaux et me dirigeai vers la porte lorsque l'écho de claquements inconnus me figea nette. Loin, dans un premier temps, ils se firent plus rapides, plus lourds, plus forts, puis s'arrêtèrent sur un dernier claquement au rythme d'un battement de cœur qui percuta mon crâne abimé. J'attrapai la première chose que je trouvai : une agrafeuse sur une étagère à l'agonie, et tout mon corps se crispa lorsque la porte coulissa rapidement.

Je remerciai ma réactivité naturelle qui me permit de ne point abattre mon bras mais restai stupéfaite devant la paire d'yeux malachites écarquillés de peur ou de surprise devant une agrafeuse rouillée qui aurait au mieux causé une bonne bosse, puis déglutis avant même de reprendre une inspiration nécessaire.

—Professeure ! Auriez-vous vraiment osé abîmer un si beau visage ?!

—Do- Dorothea ? l'interrogeai-je, pour être sûre de ne pas seulement halluciner dans cet environnement insensé. Qu'est-ce que vous faites là ?!

—Je me pose la même question, Professeure. Question que je vous retourne : qu'est-ce que vous, faites ici ?!

Mais je ne savais même pas où se trouvait « ici », ni même ce que c'était.

—Je l'ignore, je me suis réveillée il y a quelques minutes et…

—Vous ne vous souvenez de rien ? elle me coupa avant de continuer. C'est la même chose pour moi, je me suis réveillée dans la salle de chant avec…

—Une énorme migraine ? fis-je à mon tour en observant son visage encadré de longues boucles chocolatées.

—C'est exact, mais à en juger par cette affreuse blessure je m'en suis mieux tirée que vous. Savez-vous seulement que vous saignez ?

—Ouais, ouais.

Mes doits tâtèrent de part et d'autre de ladite blessure qui faisait finalement plutôt mal pour une égratignure de prime à bord. Je fis tout de même quelque pas pour sortir de la pièce et dépassait Dorothea pour observer les alentours. Le couloir était désert, le bloc autonome d'éclairage indiquant la sortie de secours sautait régulièrement au fond à droite, et à gauche il faisait assez sombre pour m'ôter toute envie de m'aventurer plus loin. Grosso-modo, je n'avais aucune idée d'où commencer à chercher, et chercher quoi, une sortie ? Je savais où elle se trouvait puisque ce couloir était celui que j'arpentais chaque matin pour me rendre en classe. Même le renfoncement dans la porte de la salle voisine causé par une bagarre entre deux étudiants était là. C'était à rendre fou n'importe quel sain d'esprit.

—Profe-

Mais mon étudiante n'eus le temps de finir ni commencer sa phrase puisque ma poche vibra. Je tirai mon téléphone de là – Dorothea en fit autant – et observait l'écran qui s'illumina sur un fond noir encadré de rouge vif. Des caractères apparurent l'un après l'autre pour composer un message cohérent mais pour autant incompréhensible. Je levai les yeux, rencontrai les prunelles malachites qui reflétaient exactement les mêmes teintes rouges et noires de son propre appareil.

Bienvenue.

Tous les participants sont réveillés.

Je déglutis difficilement et pariai que derrière l'expression chafouine inhérente à Dorothea, celle-ci en fit autant si cela était possible.

Le jeu peut commencer

Puis je sentis les tessons de verre descendre douloureusement dans ma gorge. Ca ne pouvait-être qu'une mauvaise blague. Ca ne pouvait être que ça. Mais un chrono se déclencha aussitôt.