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Chère lectrice, cher lecteur, voici ma nouvelle histoire, qui est une sorte de prequel au Pavot du Survivant. Mais il n'est absolument pas nécessaire de l'avoir lu pour lire celle-ci !
Elle sera découpée en trois arcs : La Graine, La Pousse, La Fleur. Le but de cette fanfiction (comme pour le Pavot) est de donner ma vision de ce que devrait être l'état psychologique d'un adolescent traversant les épreuves que vit Harry (être orphelin, subir de la négligence/maltraitance infantile, être confronté à un jeu presque mortel en première année avec Voldemort à la clef attaché derrière la tête d'un professeur, un monstre sanguinaire reptilien dans l'école, un monstre sanguinaire canin dans l'école et un pseudo échappé de justice, la résurrection de Voldemort, le meurtre d'un camarade... ça fait un peu beaucoup non ?). Elle sera donc plus adulte que l'histoire originale qui, puisque c'est de la littérature jeunesse, est assez légère vis à vis de ce problème !
Je tenais aussi à présenter ma vision de la spiritualité chez les sorciers. Il ne me paraît pas logique qu'un peuple vivant en autarcie des Moldus, avec des pouvoirs magiques et un contact quotidien avec des fantômes, n'ait pas de spiritualité propre. Dans mon imaginaire, les sorciers sont païens, j'oriente donc le folkore de mes fanfictions là dessus. J'imagine que comme dans notre monde, tout le monde n'est pas pratiquant, qu'il existe encore beaucoup de mystères autour de la mort (même les fantômes du monde d'HP ne savent pas ce qu'il y a derrière le voile), mais qu'il y a une acceptation générale d'un au-delà et d'un lien avec la magie. Voyons où cette idée nous mène :)
Cette fanfiction comportera autour de 13 chapitres par arcs, soit environ 40 chapitres.
Remerciements : Merci au National Novel Writing Month (Nanowrimo) de m'avoir donné la motivation d'écrire cette histoire, merci aux wrimos avec qui j'ai sué de nombreuses semaines pour arriver à nos objectifs dans la bonne humeur et le partage (et merci d'avoir supporté mes lacunes en grammaire), merci à mon père de m'avoir appris à lire et écrire (héhé), et merci à Joanne Kathleen Rowling d'avoir créé un univers qui nous fait encore rêver, deux décennies après le premier tome. Comme beaucoup, je ne sais pas qui je serais sans Harry Potter, alors merci à elle, surtout.
Attention : Cette histoire contiendra des thèmes éprouvants et des scènes graphiques qui peuvent êtres difficilement supportables pour certaines personnes, sachez vous abstenir si vous êtes très sensibles (bagarres, blessures, auto-mutilation, troubles psys... mais aucun viol ou agression sexuelle, c'est pas le style de la maison). Elle sera classée M à ce moment. Ceci est un Drarry (même si l'histoire ne tourne pas autour de leur relation), mais les deux n'ayant que 15 ans, les scènes d'intimité ne seront pas explicites. Elles le deviendront sûrement plus au fil du temps qui passe et de leur maturité.
Résumé complet : Le célèbre Harry Potter, le Survivant, l'Élu… des qualificatifs dont il se serait bien passé. Mais une malheureuse prophétie existait, et un sinistre mage noir croyait en elle. Alors le jeune sorcier tentait de grandir, tant bien que mal, malgré les séquelles. Et si ce pouvoir que le Seigneur des Ténèbres ignore n'était pas ce qu'on croit ?
Après les découvertes d'Albus, Scorpius et Rose à propos de Harry Potter, plongeons-nous dans le passé afin de vivre de l'intérieur la guerre qui faisait rage dans le monde sorcier et le cœur du Survivant.
Bonne lecture :)
ARC I - LA GRAINE
CHAPITRE 1
"Il est dur de grandir n'ayant plus d'enfance." Elie Delamare-Debouteville
« Tu es prêt petit ? » demanda Tonks avec douceur.
Harry acquiesça. Maugrey Fol Œil, qui avait été chargé de l'escorter en Portoloin jusqu'à la gare avec Tonks et Remus, lui donna une puissante claque dans le dos et le poussa sans tendresse vers l'attroupement de têtes rousses entassées devant le Poudlard Express.
« Harry ! » cria Hermione qui l'avait remarqué en premier.
Le souffle du jeune sorcier fut coupé par l'embrassade de sa meilleure amie. Avec un sourire, il pressa ses mains autour de son dos et ses cheveux imposants.
« Mione, tu vas l'étouffer », plaisanta Ron en se rapprochant d'eux avec joie.
Hermione s'excusa et relâcha Harry de son étreinte, tout en l'assommant de questions : est-ce que son été s'était bien passé ? Est-ce que les Dursley avaient étés imbuvables ? Est-ce qu'il avait encore perdu du poids ?
Autant de questions auxquelles Harry n'eut pas à répondre – merci Merlin ! - puisque la matriarche Weasley avait elle aussi décidé de le prendre dans ses bras. Il ne put s'empêcher d'envoyer un regard suppliant à Tonks qui se tenait à l'écart. A ce rythme, il allait mourir étouffé comme un idiot.
« Harry, comme tu nous as manqué ! » Malgré son ton chaleureux, le visage rondouillard de la quadragénaire s'assombrit. « Tu n'as répondu à aucune lettre ! Arthur et moi étions très inquiets. Sais-tu à quel point ça a été difficile de retenir Fred et George de foncer tête baissée chez tes Moldus ? »
Des lettres ? Il en avait bien reçu une ou deux des parents Weasley, mais aucune de ses amis, et il ne savait plus s'il y avait répondu. A vrai dire, tout l'été il s'était exténué à enchaîner corvée sur corvée. Et pour une fois, il avait été ravi d'avoir de ne pas avoir eu le temps de penser.
« J'imagine, grimaça Harry.
— Allez allez, laisse-le Molly », la tempéra le professeur Lupin.
Les yeux de Harry brillèrent de gratitude et il put enfin respirer convenablement. Il profita des discussions enjouées pour étirer ses muscles endoloris, souriant devant la vision familière et réconfortante du quai bondé de monde et du doux ronronnement du train à vapeur.
Pour la première fois depuis de longues semaines, il se sentait bien. Après le Tournoi des Trois Sorciers, ou plutôt des quatre, son humeur avait été très morose. Son sommeil déjà naturellement agité avait... empiré, et il ne s'était jamais senti aussi seul que durant ces deux mois.
Tante Pétunia avait été étrangement supportable, l'ayant même poussé à prendre des pauses entre ses corvées lorsqu'il était évident qu'il chancelait sous la fatigue. C'était Harry qui avait insisté pour ne pas se ménager. Dudley avait été très absent, préférant passer son temps Merlin ne sait où, probablement en ville avec ses amis à créer des ennuis. Et Oncle Vernon… Oncle Vernon avait été comme à son habitude : violent et injuste.
C'est passé maintenant. Tu es avec Ron et Hermione, tu retournes à Poudlard, se rassura t-il.
Il secoua la tête pour se débarrasser de ses pensées parasites et offrit un grand sourire à Remus qui tentait d'attirer son attention.
« Sniffle n'a pas pu venir, mais il pense à toi, d'accord ? Envoie-lui des lettres », proposa t-il, son doux sourire faisant plisser les fines cicatrices qui griffaient son visage.
Harry acquiesça, un peu amer. Il aurait aimé voir son parrain. Au final, c'était avec son ancien professeur de défense qu'il se sentait le plus proche. Il n'avait pas pu revoir Sirius depuis la fin de sa troisième année, et sa cavale rendait difficile les échanges par hibou. Remus l'avait informé que Sirius était rentré en Angleterre, alors Harry ne comprennait pas bien ce qui l'avait empêché de venir à la gare sous sa forme animale.
Et s'il n'avait en réalité pas vraiment eu envie de venir ? Pourquoi n'avait-il trouvé aucun moment de l'été pour venir le voir ? Et si Sirius s'était lassé de lui ?
Ce genre d'idées négatives grouillait souvent dans sa tête. Et il ne trouvait aucun argument rationnel pour se rassurer. Peut être… peut-être qu'il n'était pas le filleul dont rêvait Sirius, après tout.
« Harry ? Tout va bien ?
— Hein ? Il cligna des yeux et revint à la réalité. Il se perdait de plus en plus fréquemment dans son esprit. « Oui, t'inquiète... Tu ne pars pas avec eux ? » demanda t-il en levant le menton en direction des parents Weasley qui s'éloignaient.
Une lueur se mit à réchauffer les yeux ambrés de Remus qui sourit en accompagnant Harry devant les portes du train et la foule d'élèves.
« Et non, je suis à nouveau professeur de Défense.
— Vraiment ? s'écrièrent Harry, Hermione, Ron, et Ginny d'une seule voix.
— Vraiment. Après le retour de Vous-Savez-Qui, personne n'a voulu prendre le risque d'assumer ce poste. Alors Dumbledore me l'a reproposé. » Dans la foule, Ginny étouffa un couinement en se faisant écraser le pied par son frère, et trébucha sur Pattenrond. Remus reprit, après avoir redressé la jeune fille par le bras : « Convaincre le conseil d'administration de Poudlard d'accepter ma candidature n'a pas été facile, particulièrement un certain sorcier dont le nom de famille commence par Mal et fini par Foy... »
Ron laissa échapper un petit ricannement.
« Mais toi tu n'as pas peur de… la malédiction ? » articula Harry au milieu du vacarme.
Remus Lupin se contenta de lui offrir un demi-sourire.
« J'en ai connu d'autres. »
Harry aurait voulu répondre quelque chose, mais sa voix se bloqua dans sa gorge alors qu'il grimpait les marches d'un wagon du Poudlard Express. Draco était déjà dans le train, quelques mètres devant, mis en difficulté par les mouvements contrariés de son hibou Grand Duc qui ne semblait pas supporter d'être enfermé dans une cage.
Leur regard s'accrochèrent quelques secondes, mais contrairement à leur habitude, aucun sourire n'apparut sur leurs lèvres.
Aux yeux de tout Poudlard, Harry Potter et Draco Malfoy se vouaient toujours une rivalité féroce. Mais les plus attentifs avaient dû remarquer un changement. L'inimitié qu'ils avaient entretenus par des insultes acides et des coups d'épaule sur leurs balais s'était apaisée l'année passée. Ils avaient chacun eu d'autres fléreurs à fouetter, après tout.
Harry avait été à nouveau la cible des pires rumeurs durant le Tournois des Trois Sorciers, jugé par la majorité de l'école comme le tricheur qui avait trouvé un moyen de mettre son nom dans la Coupe. Même Ron avait passé des mois à lui tourner le dos avant de se rendre compte de son erreur, à grands coups de tirages d'oreilles d'Hermione.
Dans le même temps, le Serpentard avait délaissé ses camarades et ses habituelles railleries. Il était devenu bien plus réservé, effrayé par le discours de son père sur le retour approchant du Seigneur des Ténèbres et ses attentes pour l'héritier Malfoy.
Leur solitude les avaient conduits à se rencontrer fortuitement à des heures tardives dans les couloirs de l'école. Les deux adolescents s'étaient rapidement fatigués de leurs répliques acerbes. Sans public, ce n'était pas aussi divertissant. Ils avaient passé de longues heures dans le silence à tolérer la présence de l'autre, chacun accoudé à un rebord de fenêtre ou une balustrade de l'escalier principal. Harry avait vite compris que Malfoy n'aimait pas le silence. Le jeune blond n'avait pas pu s'empêcher bien longtemps de poser quelques questions timides à Harry, se cachant derrière un ton faussement hautain. Harry avait d'abord tenté de l'envoyer paître. Mais l'angoisse qu'il avait pu lire sur le visage de son rival avait fait écho à la sienne et l'avait intrigué.
« On a peur Malfoy ?
— ...Oui. »
Alors Harry aussi avait posé des questions. Et Malfoy avait répondu, abandonnant tout orgueil.
Harry avait apprit qu'il était plus proche de Parkinson et Zabini que de Crabbe et Goyle, que Narcissa était une mère poule, que Malfoy avait toujours trouvé des excuses pour être trop près de lui, que le feu dans son ventre n'avait pas toujours été de la colère, que Malfoy avait un joli rire, et qu'il était facile de l'appeler Draco. Un joli rire, oui, quand il était sincère. Avec des lèvres fines qui s'ourlaient sur des pommettes, plissant ses yeux gris. Ses yeux gris qui n'étaient jamais vraiment de la même nuance. Qu'il s'était plût à faire briller, avec des plaisanteries et des ragots sur l'école. Tout plutôt que l'angoisse qui les voilaient parfois, quand il se replongeait dans ses pensées, enlacé contre lui sous une des couvertures qu'ils avaient volé à la blanchisserie. Presque chaque soir, leurs escapades secrètes avaient été comme une bulle de tendresse dans laquelle se réfugier.
Puis Voldemort était revenu. Draco était passé le voir à l'infirmerie, après son retour du cimetière, une fois Dumbledore parti. Il lui avait dit, tremblant, qu'ils devaient arrêter de se voir, que c'était trop dangereux. Alors ils s'étaient blottis l'un contre l'autre et s'étaient endormis ensemble une dernière fois.
Le voir là, l'air déconfit et des plumes plein les cheveux, se battre contre Belenos pour le garder dans sa cage, lui déchirait le ventre.
Se détachant de ses souvenirs, Harry détourna le regard de son amant, la tristesse pesant comme une enclume dans sa poitrine.
Draco fit de même, et chacun rentra dans son compartiment.
Personne n'avait rien remarqué.
« Harry ? Heu... Ron et moi devons aller dans le wagon des préfets. On doit recevoir des instructions et… enfin tu vois.
— Vous avez été nommés préfets ? » s'exclama Harry. Il remarqua enfin l'insigne épinglé à la robe de Ron. Dans le capharnaüm de la gare, il n'y avait pas fait attention. Celui de Hermione était sûrement caché sous ses cheveux épais.
« Oui, c'est génial hein ? » répondit Ron avec beaucoup de fierté, son torse bombé pour mettre en valeur son insigne brillant.
Harry perçu la gêne sur le visage d'Hermione, et elle entraîna prestement Ron vers le wagon des préfets.
« A tout à l'he… »
Ses amis déjà loin avant qu'il ne termine sa phrase, il baissa sa main et chercha un compartiment libre.
Il passa le voyage avec Neville, Parvati, Padma, et Luna Lovegood, perdu dans ses pensées grisâtres. C'était la première fois qu'il était séparé de ses amis dans le Poudlard Express.
Harry observait avec nostalgie les élèves de première année entrer dans la Grande Salle. Leurs regards — pour certains effrayés, pour d'autres impatients — lui rappelait à quel point les années passaient vites et à quel point il avait grandit. Il n'avait plus ces petites joues et ce visage enfantin de pré-pubère. Ces gamins-là transpiraient l'innocence, et Harry se sentait inexplicablement envieux.
« T'as vu ça, on dirait des nains ! Ils sont plus petits d'année en année ! dit Ron avec un sourire moqueur, avachit à côté de lui.
— Tu sais ce qu'on ressent à chaque fois qu'on te voit, maintenant », répliquèrent Fred et George en passant leurs bras au dessus de sa tête.
Ron se démena pour se libérer, et McGonagall amena le silence en les foudroyant du regard. Elle dépassa le petit attroupement des nouveaux arrivants agglutinés entre les tables de Gryffondor et de Serpentard de quelques pas rapides, ses mains chargées de l'éternel chapeau enchanté. Avec révérence, elle le posa sur un tabouret qu'elle conjura d'un mouvement souple de sa baguette.
Tout le monde avait les yeux rivés sur le Choixpeau qui les jaugeait de sa stature, sur l'estrade de la table des professeurs. Comme le voulait la coutume, il se mit à chanter.
« Depuis maintenant mille ans sauf erreur,
Ma fonction est toujours restée la même :
Je me dois, chaque année à la même heure
De vous répartir sous les quatre emblèmes.
A Gryffondor, vous prouverez votre courage et votre hardiesse.
Serdaigle s'ouvrira aux tenants de la créativité et de la raison.
A Serpentard, les fiers et rusés trouveront la grandeur et la noblesse.
Et Pouffsouffle accueillera les loyaux et consciencieux dans sa maison.
Peut-être devriez-vous me craindre,
Je suis après-tout un chapeau pensant.
En paix malgré tout venez me rejoindre,
En temps sombres, je deviens différent.
J'ai vu cette école par maintes fois
Se perdre dans la panique et la haine.
Les parents de ce lieux m'ont créé moi
Afin de vous protéger de cette peine.
Vous séparer est un déchirement,
Je maudis mon rôle à chaque pensée.
Des amitiés se brisent bêtement
Quand je vous place à des tables opposées.
Godric, Rowena, Salazard, Helga
Furent des amis croyait-on éternels,
La répartition, l'histoire le prouva,
Donna vie à leur funeste querelle.
Ainsi la peur viendra taire vos rires
La méfiance sera mère de vos pleurs,
Nulle part vous ne pourrez vous enfuir,
Amis, ennemis, tout ça n'est qu'un leurre.
Pour une fois écoutez ma prière :
Les erreurs passées ne recopiez pas,
Ne croyez pas les avis de vos pères,
Liez les maisons et ouvrez les bras.
Cette prophétie, gardez-la en tête,
Soyez avertis et prenez conscience,
Restez unis, qu'importe votre quête :
La répartition, maintenant, commence. »
Cette année, Harry n'eut pas besoin d'Hermione pour comprendre les vers du Choixpeau. C'est avec une mine sombre que tous les élèves avaient écouté le discours. Même à la table des serpents, ceux que Harry savait enfants de Mangemorts n'avaient pas l'air enjoués par les temps actuels.
La répartition en elle-même fut aussi ennuyante que d'habitude, et il nota que Serpentard n'avait pas beaucoup de nouveaux élèves cette année. Il en fit la remarque à Hermione.
« Je pense que certains Sang-Pur ont dû demander à être placés ailleurs, répondit-elle en se servant dans un des plats qui venait d'apparaître sur la table.
— Pourquoi ?
— Pour décevoir leurs familles et ne pas attirer l'intérêt de Voldemort, je suppose... »
Harry eu soudain honte de les avoir enviés. Il avait eu de la chance, pensa t-il en tournant à nouveau son regard vers les premières années. Ses débuts à Poudlard avaient été plein d'embûches, mais eux commençaient leur scolarité par une guerre inévitable. Révisant son jugement, Harry pensa que leur innocence devait déjà être loin.
Un tintement de verre attira l'attention de la salle. Le Directeur s'était levé et déplacé derrière son pupitre d'or.
Pour la première fois, Harry réalisa que Dumbledore était vieux. Son ordinaire sourire était caché sous sa barbe, et ses yeux étaient ternes. Harry l'avait toujours vu comme un sorcier impressionnant et admirable, mais il lui semblait désormais voûté et affaibli. Il espérait que ce n'était qu'une impression. Mal à l'aise, il se détourna de sa vue.
« Bienvenue à toutes et à tous », commença t-il, son visage si sérieux que les élèves délaissèrent un instant leurs assiettes. « J'espère que vous avez fait bon voyage et que votre estomac ne crie pas trop famine, je tâcherai de faire vite. Après les événements de l'année dernière en ce funeste Tournoi des Trois Sorciers, j'aimerais que chacun se souvienne des personnes que nous avons perdues et qui nous étaient chères. »
L'attention de Harry était faible — il n'était pas prêt d'oublier ce dont parlait Dumbledore— et il perçut clairement des chuchotements agacés par dessus le discours et des regards mauvais en sa direction.
Qu'est-ce qu'il se passe encore ?
« Ne fais pas attention Harry, ces idiots croient la gazette, l'informa Ginny dans un soupir agacé, assise à côté des jumeaux.
— De quoi tu parles ?
— Ah, t'es pas au courant ? réalisa t-elle, gênée. Disons qu'elle n'est pas très... sympa avec toi et Dumbledore… »
Puisqu'elle n'osait visiblement pas en dire plus, Harry se tourna vers Hermione, son regard demandant impérieusement une réponse. Ron, lui, semblait tout un coup fasciné par sa fourchette.
Hermione leva les yeux au plafond étoilé.
« Ce qu'elle veut dire, c'est que la Gazette te fait passer pour un fou. Et Dumbledore aussi mais pas de manière aussi directe, ils n'osent pas encore. Ils… disent que vous inventez le retour de Voldemort. »
Plusieurs élèves assis près d'eux tressaillirent à l'entente du nom maudit. Harry vit rouge. Après la mort de Cédric, que tout le monde connaissait, que tout le monde avait vu les bras en croix, comment les gens pouvaient-ils croire de tels mensonges ?
« Ils ont tous subi un Oubliette ou quoi ?! siffla t-il.
— Ils ont peur. Et j'imagine que le ministère ne veut pas admettre qu'ils sont dépassés par la situation…
— Le ministère n'est dépassé par rien du tout », l'interrompit Seamus tout en refusant de regarder Harry dans les yeux.
Deans Thomas le fit taire d'un coup de coude.
Harry ouvrit la bouche sans savoir quoi dire, blessé par le ton de son camarade.
Ainsi, cette année aussi il serait détesté par une partie de la société magique. Ô joie.
Dumbledore finit son discours et les longues tablées se remplirent soudainement du reste du menu, que les elfes avaient dû interrompre. Il grimaça et reposa sa fourchette.
« T'as pas faim, Harry ? » s'enquit Dean en ignorant le reniflement de Seamus.
Oh que si. Il avait faim. Mais son estomac s'était tellement rétréci pendant les vacances qu'il lui était impossible de manger plus. Devant lui étaient placées des tartes à la citrouille et aux poireaux, des pommes de terre rôties, des champignons qu'il n'avait jamais vu, des courges farcies, des muffins gourmands, des crumbles aux pommes… Tant de bonnes choses qui lui donnaient autant envie que son ventre lui faisait mal.
« Prends au moins un peu de pain », lui dit Ron en lui tendant une tranche.
Harry l'accepta et mangea un petit morceau pour se donner contenance, mais il savait qu'il allait le regretter. Le pain allait gonfler dans son ventre et lui donner de terribles crampes. Discrètement, il reposa la tranche et la poussa vers l'assiette de George. Il sentit un regard posé sur lui.
C'était Snape. Son professeur détourna rapidement le regard et reprit sa conversation avec Remus et Sinistra comme si de rien n'était.
« Qu'est-ce qu'il te veut le bâtard graisseux ?
— Ron, tu es préfet, tu ne peux pas parler comme ça d'un professeur, le réprimanda Hermione, sans être écoutée.
— Comment tu veux que je le sache ? » répondit sèchement Harry. Peut-être un peu trop, vu le silence qui suivit. Il était sur les nerfs. Harry continua avec une voix plus agréable. « Il cherche sûrement de nouvelles idées de retenues à me donner. On verra… On a Potions quand, au fait ?
— Lundi matin, l'informa Hermione qui se resservait en champignons, mais l'après-midi on a Remus.
— Uais, afrès difinachion hein ! »
Harry eu une grimace de dégoût devant la bouche pleine de Ron, et observa l'emploi du temps qu'Hermione avait eu en avance, grâce à son nouveau titre. Ses journées n'étaient pas trop chargées, il s'était attendu à pire pour leur cinquième année. Ils auraient du temps pour réviser les B.U.S.E.
Il fit mine de grignoter un peu, et attendit la fin du supplice qu'étaient les repas à chaque début d'année. Heureusement, ils ne traînèrent pas longtemps dans la Grande Salle et il laissa échapper un bâillement, attendant avec impatience de se glisser dans ses draps frais. Mais une fois dans leur salle commune, Hermione le bombarda de questions sur son été. Il botta en touche en leur demandant de raconter le leur, et elle se mordit les lèvres.
Cette fois c'était sûr, ils lui cachaient quelque chose.
« On est désolé de ne pas t'avoir envoyé de lettre, Dumbledore nous a-
— Joli excuse, la coupa Harry. D'habitude, ne pas obéir aux règles ne vous dérange pas. »
En entendant Molly Weasley lui parler de lettres à la gare, il avait pensé que ça voulait dire que les Dursley les lui avaient toutes confisquées, et qu'il avait été trop préoccupé pour y être attentif, mais ce qu'il craignait était vrai : ses amis ne lui en avait envoyé aucune.
« Sauf que cet été on était surveillé, quand est-ce que tu voulais qu'on t'envoie un hibou ?! rétorqua Ron, et Hermione grimaça.
— Comment ça surveillé ? Vous étiez où ? »
Harry sentit son cœur se serrer : ils avaient passé l'été au Terrier sans lui ?
« Chez Si-Sniffle. Enfin, c'est plutôt le quartier général de l'Ordre du Phénix maintenant, révéla Hermione dans un chuchotement. C'est un groupe qui avait été créé par Dumbledore à l'époque de Tu-Sais-Qui, avec des Aurors et des combattants. »
L'Ordre du Phénix ? Pourquoi n'avait-il pas été mis au courant ? Pourquoi avait-il dû passer l'été à Privet Drive, à tourner en rond et se morfondre alors que les autres étaient au cœur de l'action et de tout ce qui était important ? Assis sur le rebord d'une fenêtre, il posa sa main sur son ventre, qui n'était plus douloureux qu'à cause du dîner.
« Et pourquoi je n'y étais pas ? Encore une idée débile de Dumbledore ?
— Harry… Ne le prends pas comme ça…
— Mais comment tu veux que je le prenne, Mione ? craqua t-il.
Se sentant étouffer, Harry garda le reste de sa colère au fond de lui et s'enfuit dans étages de la tour de Gryffondor. Il bouscula Neville au passage en ignorant sa question qu'il n'entendit pas, et fit claquer ses pas sur la pierre froide du château.
Le regard fuyant de Dumbledore hantait son esprit.
Le fait que Remus soit à nouveau leur professeur de Défense Contre les Forces du Mal était une des seules raisons qui poussa Harry à se lever le matin. Après sa dispute avec ses amis, l'ambiance entre eux avait été tendue tout le week-end qui suivait la rentrée, mais la présence de son "presque-parrain" dans le château était une réelle bouffée d'air frais. Contrairement à Sirius, Remus était très présent par courrier, et le revoir lui faisait sincèrement plaisir. Avec lui, Harry avait la sensation d'exister, d'exister pour de vrai. D'être important pour quelqu'un.
Ça contrecarrait son aversion pour les cours de Potions du lundi matin et le professeur qui les assurait. Le cours de Snape avait été aussi difficile qu'à l'ordinaire, et la chauve-souris des cachots avait annoncé que seuls les élèves avec un Optimal au Brevet Universel de Sorcellerie Élémentaire auraient le droit de suivre ses cours en sixième et septième année. Évidemment, il n'avait pas pu se retenir de donner cette information au milieu du premier exercice pratique. La plupart des philtres revigorants avaient donc bien sûr été ratés, Finch-Fletchley avait eu une attaque de panique, et le sourire sarcastique de Snape avait été particulièrement agaçant.
C'est en trottinant nonchalamment qu'il se rendit à son cours de Défense. Il venait de passer une heure terriblement ennuyeuse en Divination — qui avait décidé de leur mettre ce cours après le déjeuner, en pleine digestion ? — et il avait lâchement abandonné Ron quand il s'était fait happer par Trelawney après la sonnerie.
Il glissait entre les différents élèves qui marchaient dans les couloirs, et décida de couper par un des raccourcis qu'il connaissait grâce à la carte des Maraudeurs et qui menait au premier étage. Arrivé devant la lourde porte en chêne de la classe, il s'arrêta net en percevant la voix étouffée de son détesté professeur de Potions, mêlée à celle de Remus.
« Je ne dis pas que tu as tort Severus. Je pense simplement que tu dramatises. »
Pris de curiosité, Harry s'approcha à pas de loup, jusqu'à coller son visage contre le battant de la porte. Il sursauta en entendant un brusque claquement de main sur du bois, probablement un bureau.
« Je suis un espion, et tu n'es tout juste bon qu'à te terrer dans des maisons abandonnées en espérant ne tuer personne. Penses-tu vraiment avoir de meilleurs capacités que moi pour détecter un problème de cette envergure ?
— De cette envergure ? C'est bien la première fois que je t'entends parler de lui comme ça, tu-
— C'est mon rôle. Il faudrait être fou pour faire confiance à Dumbledore avec ce genre de choses, alors j'en parles à toi, qui est sensé te sentir plus concerné. Néanmoins, si ça te dérange, à l'avenir je garderai mes observations pour moi, mais ne t'avises pas de venir me pleurnicher sur l'épaule quand tu te rendras compte que tu t'étais fourvoyé sur lui ! »
Harry entendit le grabuge des Gryffondor et des Serpentard au bout du couloir, et les voix se turent instantanément. Il recula loin de la porte et prit l'air le plus innocent possible.
Le professeur Snape sorti brusquement de la salle. Son regard inquisiteur le scruta de haut en bas, et ses lèvres se pincèrent dangereusement en une ligne fine.
Merde, pas déjà une retenue...
Mais les autres élèves arrivèrent enfin à leur hauteur, et Snape se contenta de faire claquer ses longues robes noires en s'éloignant.
« Entrez entrez ! les pressa Remus. Je vois que vous avez bien grandi depuis deux ans ! »
Harry lui sourit et pris place aux côtés d'Hermione. Il tenta d'ignorer le fait que Draco s'était assis juste derrière lui.
C'est pas le moment d'y penser, fais comme si tout était normal.
La salle de classe n'avait pas beaucoup changé depuis le départ du faux Maugrey Fol Œil. Les tables doubles avaient été regroupées en deux rangées devant un large tableau d'ardoise et le bureau professoral, et à côté de grandes fenêtres ouvragées, l'escalier de pierre claire qui menait aux appartements de Remus baignait dans une douce lumière de fin d'après-midi.
« L'année des B.U.S.E. peut-être une année particulièrement difficile et je sais que vous êtes anxieux, commença Remus en s'asseyant à demi sur son bureau, mais si vous êtes ici, c'est que vous avez le niveau. »
Il entendit distinctement quelques soupirs nerveux.
« Cette année, le programme se concentrera sur des sortilèges de défense, quelques maléfices, et l'étude de nouvelles créatures de l'ombre. Rien qui ne diffère particulièrement de vos précédentes années, vous voyez ! » Le sourire de Remus était chaleureux, et si certains élèves avaient montré de la crainte ou de la réticence en apprenant le retour de leur professeur, être à nouveau face à sa pédagogie contenante et efficace semblait en réalité les rassurer. « Aujourd'hui, nous allons nous concentrer sur une créature que vous avez tous déjà rencontré — non, pas le loup-garou monsieur Finnigan — : les esprits frappeurs. »
Hermione commençait déjà à prendre des notes avec entrain.
« Qui a déjà vu un autre esprit frappeur que Peeves ? »
Plusieurs mains se levèrent, surtout du côté des Sang-Pur et des Sang-Mêlé.
« En effet, les esprits frappeurs sont des créatures communes, que ce soit dans le monde sorcier ou le monde moldu. La différence étant que la plupart des Moldus ne peuvent pas les voir, pas directement. Mais ils peuvent voir leurs dégâts... En quoi un esprit frappeur peut-il être être dangereux ? Oui monsieur Malefoy ? »
Harry se tendit et se retint de se retourner comme ses camarades pour observer Draco répondre. Il fixa plutôt son parchemin, déjà maculé de petites tâches d'encre.
« Les esprits frappeurs renversent les meubles, cassent des objets, cachent ce dont on a besoin, tirent les couvertures… Il est très dur de s'en débarrasser. »
Leur professeur eu l'air ravi et une craie enchantée reporta ces réponses sur le large tableau noir.
« Cinq points pour Serpentard. Les esprits frappeurs ne sont pas des fantômes, puisque ce ne sont pas des personnes mortes. Ce sont des concentrés de magie. Les résidus magiques produits par les sortilèges finissent toujours par se regrouper et prendre une forme matérielle. Ainsi, si vous étiez, par exemple, dans l'antre de Voldemort, » des frissons parcoururent les élèves, « il y a de fortes probabilités pour que votre esprit frappeur se forme à partir de magie noire. Il sera donc de nature très vindicative, et dangereux. C'est pour cela que nous les étudions cette année. »
Harry gribouilla un petit dessin de Peeves en train de tirer le chapeau du directeur.
« Monsieur, pourquoi personne ne s'est débarrassé de Peeves ? » demanda Parvati de sa voix satinée.
Remus se redressa et offrit un petit rictus amusé.
« Parce qu'il est constamment nourri par chaque sortilège produit dans cette école, et ce depuis près d'un millénaire. Essayez donc de combattre ça… »
Assis dans l'herbe, Harry s'ennuyait. Il avait envie de prendre Draco dans ses bras, de lui dire que c'était stupide de s'éloigner, que personne ne remarquera jamais leur relation s'ils faisaient attention… Mais au fond de lui, Harry savait qu'il était égoïste. Il ne voulait pas mettre son amant en danger. Il ne voulait pas d'un nouveau fantôme dans ses cauchemars : Cédric était suffisant.
Hermione était en Arithmancie, et Ron dominait un tournois d'échec improvisé dans leur salle commune. Au bout de quelques parties, Harry en avait eu marre de perdre et s'était exilé dans la petite cour fleurie du château, à côté de la salle de Métamorphose.
Il était bien, à profiter des rayons de soleil de l'été mourant.
Mais sa solitude fut stoppée par l'apparition de Remus. Son professeur lui donna une petite accolade et s'assit à ses côtés en faisant craquer ses genoux au passage.
« Salut Harry. »
D'un hochement de tête, Harry le salua en retour mais continua de maltraiter les pétales de la pensée bleue qu'il avait arrachée.
« Tu vas bien ? On a pas encore eu le temps de se parler depuis le Poudlard Express...
— Ça peut aller. » Devant le regard doux et sincèrement concerné de Remus, il se redressa et décida de se confier. « Je suis en colère contre Dumbledore. »
Remus haussa les sourcils, perplexe.
« Vous vous êtes vus ?
— Non, justement ! J'ai passé tout l'été seul, sans nouvelles, alors que tout le monde s'amusait avec l'Ordre du Phénix », s'agaça Harry, articulant ces derniers mots avec un ton boudeur.
Son professeur passa une main dans ses cheveux châtains et soupira de fatigue. Harry se ratatina un peu sur lui-même, croyant l'avoir énervé avec ses caprices d'adolescents.
« Je sais Harry. J'ai dit à Dumbledore que c'était une mauvaise idée. La plupart des adultes étaient d'accord avec moi. Mais il a dit qu'après le retour de Tu-Sais-Qui, il fallait que tu profites au maximum de la protection du sang, chez ta tante.
— C'est des conneries, pesta Harry en arrachant une autre pensée d'un geste rageur.
— Je n'en suis pas si sûr. C'est de la vieille magie... Il faudrait que tu en parles avec Albus directement. Histoire de crever l'abcès. »
Harry acquiesça mollement, pas convaincu. Il relâcha les pétales déchirés et joua distraitement avec l'herbe rase. Remus l'observa un moment sans rien dire et finit par se relever. Il ébouriffa les cheveux ondulés de Harry.
« Tu manques à Sirius, il est devenu incontrôlable quand il a su que tu ne venais pas. Parle lui par cheminée un de ces jours, ça lui fera plaisir. »
Le cœur de Harry s'allégea un peu. Il s'apprêtait à questionner Remus sur l'endroit où Sirius vivait quand une silhouette à la chevelure platine glissa entre les arcades de la petite cour, loin derrière la tête de son professeur.
Draco lui fit un signe discret, l'invitant à le suivre. Le voyant disparaître à nouveau entre les colonnes de pierre, Harry mit précipitamment son sac sur ses épaules et couru presque vers la direction où était parti le Serpentard.
« Harry ? Qu'est-ce qu-, dit Remus en tentant de le retenir par la manche.
— Je… Je dois y aller Remus ! On se parle plus tard, d'accord ? »
Sans attendre la moindre réponse, Harry se hâta de poursuivre Draco dans le dédale du château en abandonnant son professeur. Remus n'existait plus, même Sirius n'avait désormais aucune espèce d'importance. Son esprit entier vibrait d'une seule pensée : il devait voir Draco.
Plus de deux mois sans le moindre mot, le moindre contact. Et pourtant, Merlin savait à quel point il aurait eu besoin de son humour caustique et ses bras tendres, après le Tournois.
Les pierres inégales du château manquèrent de le faire tomber plusieurs fois, mais Harry continua de presser le pas, en bousculant des premières années sur son chemin et se faisant réprimander par les tableaux de Poudlard.
Enfin, il distingua Draco en haut des grands escaliers principaux. Dans l'immense hall, bondé à cette heure de fin de cours, Harry enchaîna les "pardon" et les "excusez-moi", étouffant un juron alors que l'escalier du troisième étage n'arrivait pas assez vite.
Il hésitait presque à sauter par dessus le vide pour l'atteindre.
Une fois dans le couloir de droite, celui constitué d'arcades poussiéreuses, il aperçu à nouveau la silhouette de Draco glisser près de salles abandonnées qu'ils avaient affectionné l'année précédente. Une des pièces contenait des quartiers professoraux inoccupés depuis ce qui semblait être de très longues décennies. Mais rien que quelques coups de baguettes n'avaient pu arranger.
A la différence d'autres zones abandonnées du château, celle-ci n'était d'ordinaire pas prisée des amoureux, et pour cause : Le Baron sanglant occupait souvent l'endroit. Cela offrait un double avantage : Draco et lui étaient sûrs qu'aucun élève ne s'aventurerait par ici, et Peeves craignait trop le fantôme pour traîner dans les parages. Quant au baron... Il n'était pas d'un naturel bavard et ne posait aucune question compromettante. Les histoires des vivants ne le concernait pas.
« Putain, ha ! haleta t-il. Comment tu fais pour aller aussi vite !
— J'ai des muscles par dessus mes os, moi », le taquina Draco.
Néanmoins, le sourire de Draco était triste. Il ouvrit la porte d'une des pièces — pas celle avec les appartements abandonnés —, et s'appuya contre une table de classe, les mains dans les poches. La distance qu'il mettait entre eux lui faisait mal.
« Je croyais qu'on ne devait plus se voir ? » demanda Harry d'une voix qu'il espérait maîtrisée.
Le Serpentard promena son regard sur lui, détaillant son visage et son corps, comme pour s'assurer qu'il était bien là. Puis il ferma les yeux en fronçant les sourcils.
« Je ne pensais pas que ça serait aussi dur. Tu es impossible Potter... » L'adolescent pressa ses doigts sur son nez pointu avant de se redresser. « Comment se sont passées tes vacances ? demanda t-il sur un ton de conversation.
— Tu vas pas t'y mettre toi aussi... râla Harry. Elles étaient toutes aussi ennuyeuses que les autres, rien à signaler. »
Le regard de Draco traîna longtemps sur le sien, mais Harry tint bon et refusa de rajouter le moindre mot.
Certains sujets restaient sensibles, et les deux garçons avaient encore beaucoup de secrets l'un pour l'autre. Un jour, Harry n'avait pu retenir un sursaut quand le Serpentard avait eu un geste brusque en direction de sa tête. Il avait tiqué, mais avait fini son mouvement avec lenteur, posant simplement sa main sur sa joue. Il avait également semblé noter comme Harry se tendait lorsque leurs voix s'élevaient pendant une dispute. Mais il n'avait pas posé de questions.
Lâchant l'affaire, Draco s'avachit un peu plus et se renfrogna. Harry remarqua qu'il avait l'air fatigué, de profondes cernes violacées s'étaient creusées sous ses yeux.
Et il n'avait pas l'air de bonne humeur, lui non plus.
« Et toi ? Au manoir, comment ta famille... Enfin...
— A ton avis ? répliqua le Sang-Pur avec sécheresse. Tu-Sais-Qui a revendiqué une aile de la maison, pour 'récompenser' les loyaux services de mon père.
— Voldemort vit chez toi ? souffla Harry avec horreur.
— Je ne le voit jamais, je n'ai pas le droit de m'approcher du deuxième étage. Mais rien que de savoir qu'il est tout prêt... »
Harry l'observa. Si Draco ne montrait presque aucun signe de faiblesse, même en sa présence, il pouvait tout de même remarquer quelques changements depuis la fin d'année.
Draco avait l'air plus tourmenté. Sa jambe ne cessait de tressauter sans qu'il ai l'air de s'en apercevoir, et ses épaules allaient le faire souffrir s'il continuait des les contracter comme ça.
Privet Drive l'avait coupé du monde sorcier, et il n'avait pas vraiment pris la mesure de ce que le retour de Voldemort impliquait dans le quotidien des gens. Des gens comme Draco. L'image du cimetière et du reflet d'un masque d'argent d'où débordait de longs cheveux blond lui rappela que tout le monde n'avait pas la chance de survivre à chaque rencontre avec le mage noir.
Il déglutit douloureusement, essayant de chasser les souvenirs qui jouaient dans son esprit.
Sans y penser, il s'appuya lui aussi sur le bureau, en silence. Le soleil commençait à décliner dehors, et les carreaux sales des petites fenêtres ne laissaient passer que peu de lumière. Elle s'accrochait tout de même à la peau opaline de Draco. Harry leva une main hésitante vers ses cheveux si clairs, mais se stoppa en chemin, sentant le souffle de Draco se couper. Il soupira et reposa sa main près de la sienne, contre le bois lisse.
Le silence revint s'installer entre eux.
« A quoi tu penses ?
— A rien », souffla Harry fixant le contraste entre leurs peaux, éloignées d'un centimètre qui paraissait être un abîme.
Étonnamment, Draco était le plus bavard des deux, et voulait toujours savoir ce qu'il se passait dans sa tête. Mais Harry n'avait jamais eu l'habitude de se confier.
« Dis-moi », insista Draco, tournant sa tête vers lui.
Ses cils blonds capturaient le soleil mourant et Harry ne put s'empêcher de poser sa tête contre son épaule. Il le sentit se détendre et appuyer son menton contre ses cheveux, avec une profonde inspiration.
« Tu m'as manqué, soupira t-il. Tu m'as tellement manqué.
— Je rêve où tu es en train de me renifler ? »
En guise de réponse, un petit rire étouffé s'échappa de la gorge de Harry.
Leurs magies pulsaient dans leurs poitrines, cherchant à s'emmêler, et il dû lutter pour ne pas se rapprocher plus de Draco.
« Tu avais raison, il faut qu'on arrête...
— Et si j'ai changé d'avis ?
— C'est dangereux.
— Pour toi ou pour moi ? murmura Draco. »
Il pensa à nouveau à cet Ordre du Phénix qui reprenait vie chez Sirius, aux Mangemorts qui gagnaient des forces au Manoir Malfoy, et au visage figé de Cédric.
Alors il resta une nouvelle fois silencieux, et s'éloigna à contre cœur. Le corps de Draco se retendit et il eu un rire amère. Il se releva brusquement et s'éloigna vers la porte.
« Je vois... déclara t-il froidement. J'aurais dû m'attendre à ce que Saint-Potter ne veuille pas se salir les mains auprès d'un fils de Mangemort. »
'CLAC'
Harry sursauta au bruit de la porte brusquement fermée, et se laissa glisser sur la table avec agaçement.
Il pressa son front contre ses doigts en tentant de faire disparaître sa migraine naissante.
Pourquoi ça se passait toujours comme ça ? Pourquoi n'arrivait-il pas à exprimer clairement ce qu'il ressentait ?
Il se haïssait d'être autant sur les nerfs et la défensive, mais il avait envie d'oublier les Dursley, d'oublier le tournois, d'oublier Voldemort, d'oublier que le prochain visage figé pourrait bien être celui de Draco, si leur histoire parvenait aux oreilles du mage.
Pourquoi ne voulait-il pas comprendre ?
Fulminant de colère et de frustration, c'est avec la désagréable sensation d'être injuste qu'il quitta la pièce à son tour.
La rentrée était passée depuis moins de deux semaines, et le Survivant se sentait déjà fatigué.
Il avait repensé à la conversation qu'il avait eu avec Remus, mais il n'avait pas encore trouvé le courage de parler à son parrain.
Son estomac le faisait toujours autant souffrir, des maux de têtes réguliers étaient apparus, et Draco était toujours fâché contre lui.
Et pour couronner le tout, il avait Potions.
« Monsieur Potter. Au lieu de fixer ces cadavres de scarabées de votre air béat, voudriez-vous bien rattraper votre retard et les ajouter à votre préparation ? Vous attendez-vous à ce que quelqu'un fasse le travail à votre place ? »
Hermione le prévint d'un regard qui voulait dire 'ne nous fait pas déjà perdre des points !', alors Harry se redressa sur sa paillasse et offrit un visage le plus neutre possible.
« Je suis fatigué monsieur, excusez-moi », dit Harry en tentant de temporiser son professeur irascible.
— Oh, notre célébrité nationale manque de sommeil... Signer des autographes toute la nuit n'était peut-être pas une si bonne idée ? » répliqua Snape en dévoilant un rictus moqueur, faisant plisser ses propres yeux cernés. « La fatigue n'est pas une excuse à l'incompétence Potter. Travaillez. »
Les poings de Harry se refermèrent sur eux-même. Il tint sa langue et lança rageusement ses scarabées dans son chaudron, rêvant du jour où il pourrait les lancer à la tête de son professeur.
Snape jugea avec mépris la potion qui devenait doucement brunâtre, à la différence de toutes les autres, et s'éloigna sans un mot de plus : Harry avait échoué.
L'adolescent étouffa un juron et foudroya du regard Crabe et Goyle qui se moquaient de lui quelques rangs plus loin. Draco, assis non loin d'eux, était concentré sur sa propre potion, mais son sourire en coin l'énerva prodigieusement.
« Harry, concentre-toi.
— J'essaie ! » chuchota Harry avec colère à Hermione.
— Pas la peine d'être désagréable non plus, tu n'es pas le seul à avoir des soucis de sommeils figure-toi ! » cingla t-elle.
Il eu un sourire désabusé et eu envie de répliquer méchamment quelque chose. Hermione ne pouvait pas comparer son zèle nocturne excessif à ses problèmes.
Ce n'était pas elle qui se couchait avec l'estomac scié par le manque de nourriture, la nausée l'empêchant d'avaler quoi que ce soit, pour finir par tomber de fatigue dans des cauchemars qu'il aimerait plus que tout voir disparaître.
Ce n'était pas elle qui avait si mal aux côtes, au dos, et-
Harry coupa net ses pensées, les ongles enfoncés dans les paumes. Il ne voulait pas continuer là dessus.
Et il sentait que sa colère contre son amie était sans fondement. Elle ne lui avait rien fait de mal.
Voyant son regard troublé, Hermione se pencha à nouveau vers lui discrètement.
« Si tu ne vas pas bien, va voir Pomfresh ou demande conseil à Dumbledore, lui glissa t-elle à l'oreille. il est là pour toi tu sais ? »
Harry refusa catégoriquement. L'infirmerie était le dernier endroit où il voulait se rendre, et le Directeur n'avait pas l'air d'avoir envie d'entendre ses jérémiades. Il ne lui avait pas parlé depuis la fin de l'année, ce n'était donc pas à lui de faire le premier pas. L'adulte responsable c'était Dumbledore.
Il tira légèrement sur ses cheveux, agacé par sa propre immaturité.
Merlin, il voulait juste dormir, c'était tant demander ?
J'espère que ce premier chapitre vous a donné envie de suivre cette histoire :D
N'oubliez pas de laisser une petite review, c'est la seule chose qui me permet de savoir que vous appréciez mes histoire et qui donne la motivation d'écrire encore et encore ! N'hésitez pas à me dire ce qui vous a plu, déplu, vos pronostics pour la suite... parlez avec les gens qui écrivent les histoires que vous aimez :D Personnellement, je réponds toujours aux reviews :)
A bientôt !
