Bonjour à toustes !
J'espère que tout le monde va bien, et que vous profitez de vos vacances ou qu'elles ne sont plus si loin.
Plus qu'une semaine pour ma part, ça va passer vite.
En attendant je vous souhaites une bonne lecture en compagnie de nos héroïnes !
F.
Je ne me souviens pas vraiment du trajet retour, trop perdue dans mes pensées pour remarquer ce qui se passait autour de moi. Avant même de réaliser que je suis partie, je me retrouve dans notre appartement de Sydney. "Encore", avait-elle dit. Oui, encore, je suis encore partie. Ma vie est une mauvaise blague. Ces derniers jours ne me laisse qu'une impression de rêve. Tout s'est passé trop vite, était trop intense. Pourtant, une chose me prouve que c'était bien réel. Quelque chose de tangible, posé sur le dossier de mon fauteuil depuis que je suis rentrée, son manteau. J'ai bien tenu Lexa dans mes bras l'espace d'un instant et elle m'a bien présenté sa petite amie. Ma tentative d'effacer cette partie de mes souvenirs échoue lamentablement. Je bloque les images bien trop graphiques de Lexa et Costia, qui se frayent un passage dans mon imagination. Mais ses grands yeux noirs reviennent me hanter sans arrêt.
Raven reste en retrait pendant quelques jours, le temps que je fasse mon deuil. Pas difficile pour elle de voir que je ne vais pas bien. Je mets ça sur le compte de l'enterrement, elle n'est pas dupe, mais n'insiste pas. Comme je la connais, un jour, elle reviendra à la charge. Pour le moment, la seule chose qui l'intéresse, ce sont les inscriptions pour l'an prochain. On sera diplômé dans un mois, et après ? Il est grand temps que je me bouge, Raven a presque fait son choix, faisant l'inventaire de tous les avantages que lui offre chaque école. Je la sens prête à décoller aux USA, là où une prestigieuse école en ingénierie l'a invitée. Je n'ai même pas terminé mon projet pour le professeur Diyoza et ne suis clairement pas d'humeur à penser à mon futur. Mes idées noires obscurcissent mon jugement, tandis que je recherche sans entrain des écoles d'art en Californie pour suivre Raven.
Et puis un soir, nous sommes convoquées à un conseil de famille. Mes parents avaient mis en place ces conseils assez rapidement après l'arrivée de Raven, pour échanger sur chaque décision qui impacterait la famille. Si seulement ils avaient fait ça quand j'étais enfant, on n'en serait peut-être pas là.
— Les filles, conseil de famille, dit-elle en passant la tête par la porte de la chambre, sans attendre une réponse de notre part. On échange un regard surpris avec Raven. Sans un mot, nous nous retrouvons dans le salon, assises sur les deux grands canapés qui se font face. Papa et maman d'un côté, nous de l'autre, attendant d'entendre ce qu'ils ont à nous dire. Une pile de dossiers trône sur la table basse. Une fois tout le monde installé, ma mère les étale devant nous. Des dossiers d'inscriptions, dont je ne distingue que des acronymes qui ne me parlent pas. ESAAA, USMB. Raven fait mine d'attraper une des petites pochettes cartonnées pour regarder ce que c'est, mais maman pose fermement sa main dessus.
— Attends. Je vous explique.
Raven se réinstalle au fond du canapé, invitant ma mère à parler.
— Clarke n'a toujours pas envoyé un seul dossier pour l'an prochain.
Je vais pour me défendre en même temps que Raven ouvre la bouche pour répondre, mais d'un geste de main, elle nous en empêche.
— Je ne suis pas là pour engueuler qui que ce soit, je veux juste vous faire une proposition. Clarke n'a toujours pas envoyé de dossiers parce qu'elle ne veut pas être séparée de toi Raven. Ne nie pas Clarke, je te connais. Mais tu veux aussi rentrer en Haute-Savoie, je le sais aussi.
Ma mère est bien plus observatrice que je l'avais imaginé, c'est vrai que j'ai évoqué le sujet quand on est parti pour les funérailles. Je ne pensais pas qu'elle l'avait retenu avec plus d'attention que ça.
— Oui c'est vrai, mais... Je ne sais pas si c'est toujours d'actualité.
Ignorant ma remarque, elle pousse un dossier dans ma direction et l'autre vers Raven.
— Il y a une école d'art à Annecy. Et aussi un cursus en ingénierie à l'Université de Savoie. Ce n'est pas l'école la plus réputée, mais elle est très bien. Et le CERN est juste à côté, tu pourrais avoir des opportunités. Je suis sûre que toi non plus, tu n'as aucune envie de t'éloigner de Clarke.
Raven hoche la tête, c'est certain qu'une future séparation n'a pas encore été clairement évoquée, mais on sait qu'elle sera peut-être inexorable, suivant notre décision. Elle prend le dossier et commence à feuilleter le programme. C'est nouveau de la part de maman, de ne pas simplement pousser à l'excellence au détriment de nos sentiments. Ça m'agace un peu qu'elle n'ait pas pu faire ce genre de chose quand j'étais plus jeune.
— Clarke pourrait aussi bien venir avec moi en Californie, ce sera plus fun qu'Annecy et on sera ensemble.
— Oui, elle pourrait, répond-elle simplement en levant un regard empreint de tristesse vers moi.
Elle pourrait, mais elle n'y sera jamais heureuse. Est-ce que je suis vraiment capable de lire ces mots dans les yeux de ma mère, ou est-ce une projection de mon propre esprit ? Raven lève finalement les yeux du dossier et capte notre échange. Elle baisse les yeux une nouvelle fois sur le dossier, mais semble réfléchir plus qu'elle ne lit.
— Ok, Annecy, ça à l'air plutôt cool.
Je n'en reviens pas. Raven, le petit génie qui cherche toujours à se dépasser, vient de renoncer à une école prestigieuse aux États-Unis, juste pour mes beaux yeux. Est-ce par empathie, par curiosité ou simplement une sorte de remerciement pour ce qu'on a fait pour elle, toujours est-il qu'elle accepte.
— Donc on partirait toutes les deux à Annecy.
— En fait, intervient mon père, il est très probable que nous vous rejoignions dans quelques mois. Mon travail ici est presque terminé, je suis libre de choisir ma destination.
C'est surprenant comme les grands changements dans nos vies sont rarement précédés d'avertissements. Ça arrive d'un coup, sans qu'on s'y attende. Il y a quelques minutes à peine, j'étais dans le flou total quant à mon avenir, j'ai du mal à réaliser ce qu'il vient de se passer. On rentre à la maison. Le lieu que j'ai toujours considéré comme "chez moi". Inconsciemment, mes yeux font le tour de l'appartement dans lequel nous vivons depuis bientôt cinq ans et je réalise que je n'ai qu'une hâte, le quitter. Je pensais pourtant m'y être habituée. Maman nous congédie, la discussion est terminée et on se replie dans notre chambre avec Raven. J'ai envie de la remercier, à la place, j'opte pour une porte de sortie. C'est trop injuste qu'elle se sacrifie pour moi. Et pour quoi ? Même moi, j'ignore ce que je vais retrouver là-bas.
— Tu n'es pas obligé de me suivre.
— Tu plaisantes ? C'est juste parfait ! Toi et moi en France ! Il faut que je contacte Finn, lui dire que je rentre. Il va être fou.
Finn, le garçon de l'autre côté du couloir. Celui qui, selon ses dires, lui a sauvé la vie. Je souris de la voir aussi excitée, effaçant ma culpabilité dans des mouvements frénétiques. Elle se jette sur son ordinateur et ouvre sa messagerie pour lui raconter les derniers événements.
— Tu sais qu'il a postulé aussi dans des écoles d'art ? Ça se trouve, il pourrait même aller dans la même que toi !
Mon sourire s'agrandit. La voilà la raison de ce revirement aussi facile. La perspective des retrouvailles avec son meilleur ami. Ça me soulage qu'elle ne le fasse pas que pour moi et qu'elle y trouve également un avantage. Se pourrait-il que ce soit aussi simple ? Je rentre, Raven à mes côtés qui retrouve au passage son meilleur ami, mes parents pas loin ? Peut-être que oui après tout, la vie ne peut pas être toujours compliquée, non ?
Κ∞Λ
Tout a été très vite, s'enchaînant sans accrocs jusqu'à notre arrivée en France il y a trois mois. Ma candidature a été retenue tout de suite, appuyée par une lettre de recommandation du professeur Diyoza. Finn a dû patienter jusqu'au dernier moment sur liste d'attente, pour finalement avoir sa place dans ma promo. Raven est aux anges, l'université, d'abord étonnée de son choix, lui a déroulé le tapis rouge. En plus d'un stage assuré au CERN pour l'été prochain, elle bénéficie d'une confortable bourse d'étude. Il est évident que mes parents auraient continué à la soutenir au même titre que moi, mais elle est fière d'avoir son indépendance. Ils ont tout de même insisté pour prendre en charge le loyer de l'appartement que nous partageons en collocation. Ce sont eux qui nous l'on trouvé, au coeur de la vieille ville d'Annecy. Un peu biscornu, car modifié de nombreuses fois au cours des années, il nous a plu dès la première photo. Et le jour de l'emménagement, nous avons eu un gros coup de coeur pour ce lieu chaleureux et chargé d'histoire. Quand je vois où vivent nos amis étudiants, dans des appartements universitaires fonctionnels, mais sans aucun charme, je me sens chanceuse en rejoignant mon nid douillet chaque soir.
Naturellement, il est devenu notre quartier général, idéalement placé à deux pas des bars et restaurants, nous nous y retrouvons souvent entre amis. En plus de Finn, avec qui je me suis tout de suite bien entendu, il y a Jasper, qui fait également partie de ma promo. Ce grand échalas est le petit rigolo de la bande, toujours à faire des farces, parfois de mauvais goûts. Entrant systématiquement dans son jeu, il y a Monty. Des cheveux noirs lui tombant dans les yeux, camouflent deux yeux bridés aux pupilles presque noirs, le regard éternellement perdu dans sa réflexion sur le monde qui l'entoure. J'ai mis du temps à ne pas penser au personnage de Death Note à chaque fois que je le voyais, encore plus quand il grimpait sur un siège remontant ses jambes comme L. Monty est presque aussi intelligent que Raven, ou peut-être plus, mais comme il ne fait pas l'étalage de sa science à chaque occasion, Raven à décidé que c'était elle la meilleure… Ils suivent le même cursus, et c'est également le meilleur ami de Jasper depuis leur enfance. Ils ont aussi sympathisé avec une fille à la longue chevelure blonde, aux lèvres pleines, et au rire cristallin qui éclate à la moindre occasion. Elle répond au nom de Harper. C'est avec eux que nous passons tout notre temps libre.
Pendant que nous prenions nos marques dans notre nouvelle vie, mes parents se sont mis à chercher activement une maison à acheter. Ils ont trouvé leur bonheur dans un des villages alentour, je ne sais pas si je suis contente de les savoir aussi prés ou si ça me contrarie. Leur déménagement aura lieu dans quelques semaines, et comme maman aura de nouveau un poste à responsabilité au centre hospitalier, le poids invisible de sa réputation pèse à nouveau sur mes épaules. D'un autre côté, j'en ai marre d'être séparée des gens que j'aime. Je me rappelle le jour où maman m'a annoncé qu'ils avaient acheté cette maison. Acheté ! Je ne m'y attendais pas, ayant vécu dans les logements en location toute ma vie. Cette fois, c'était pour de bon. Plus de déménagement à l'autre bout du monde, ils s'installaient définitivement.
Je crois que pour moi aussi, c'est pour de bon. Je l'ai su dès qu'on est arrivés en ville. C'est chez moi ici. C'est là que je me sens le mieux. Ça a peut-être à voir avec le fait que ce soit aussi ici que Lexa vit. Lexa, que je n'ai pas contactée, malgré les nombreuses sollicitations de ma mère, surtout depuis qu'on a reçu l'invitation au mariage d'Anya. À chaque fois qu'on se voit, ça se termine en dispute à ce sujet. J'invoque toutes sortes d'excuses et repousse sans cesse. Le déménagement, mes cours, les projets, tout est bon pour repousser l'échéance. Et s'il est vrai que j'ai beaucoup de travail, entre mes cours et les divers projets à réaliser, sans compter la préparation du dossier que j'ai envoyé, pour ma candidature de stage au Japon, ce ne sont que des excuses.
La réalité, c'est que je suis morte de trouille à l'idée d'affronter mes amis. Et encore plus à l'idée de revoir Lexa. Je l'aime toujours et j'en ai marre de souffrir sans arrêt. Je sais que je dois la contacter, lui dire que je suis revenue, mais je ne suis pas prête à revoir cette image de Lexa dans les bras d'une autre. Qui sait comment je pourrais réagir en la voyant embrasser cette Costia ? Il est beaucoup plus facile au fond, de me complaire dans cette vie étudiante, partagée entre les cours, ma colocataire et nos nouveaux amis.
C'est d'ailleurs pour cela que je suis là ce soir, avec Finn, ayant accepté son invitation à dîner. Le restaurant est très chic, je m'inquiète un peu de lui donner trop d'espoir en acceptant ce genre de sortie. On s'est tout de suite bien entendu lui et moi. Beaucoup moins extravagant que Raven, il est toujours calme et posé et très attentionné, il faut l'admettre. Ça me plaît. Patiemment, il fait tomber mes barrières. Je ne sais pas si c'est sa gentillesse, ou le fait qu'il ne soit pas pressant, mais je le laisse m'approcher, et accepte le flirt léger qu'il instaure entre nous.
Je ne suis pas prête pour plus, pas encore. Lexa est encore trop présente dans mon esprit, sans parler de mon cœur. Mais il faudra bien que je passe à autre chose un jour, comme elle l'a fait. Peut-être que si elle faisait partie de ma vie à nouveau, ce serait plus facile de gérer avec une personne en chair et en os, plutôt qu'avec un souvenir.
— Clarke ? À quoi tu penses ?
Finn interrompt le fil de mes pensées. Depuis combien de temps suis-je silencieuse, perdue dans mes réflexions ? Je lui adresse un sourire désolé et me concentre à nouveau sur la conversation.
— Alors, les studios Ghibli ? Audacieux. Tu auras une réponse quand ?
— Le stage doit se faire au premier trimestre, j'ai encore un peu de temps. J'espère avoir une réponse au début de l'été pour m'organiser.
— Ça serait trop cool. Je suis sûr que tu as toutes tes chances, j'ai vu tes dessins, ils sont extras. C'est tout un monde que tu as inventé.
Inventé ? Si je riais, il ne comprendrait pas. Comment le pourrait-il ? Trop obsédée par mes visions pour dessiner quoi que ce soit d'autre, j'ai bien été obligée de me servir de ces dessins. Le professeur Diyoza avait été impressionné et maintenant, je fais forte impression sur mes autres professeurs en France. J'acquiesce poliment. Il voit bien que je n'ai pas envie de parler de ça. Alors il me propose d'aller se promener. Oui, c'est mieux. Marcher me donnera une contenance, je me sens de plus en plus déconnectée assise à cette table avec lui.
On marche jusqu'à la plage, les pavés inégaux sous mes pieds et la température agréable en ce mois de mai, m'ancre dans la réalité. Allongée sur l'étendue d'herbe verte, tout en écoutant les clapotis de l'eau sur les galets, je lève une main vers les étoiles. On les voit mal depuis la ville, mais c'est suffisant pour que je lui fasse l'étalage de tout ce que je sais sur les constellations et les mythes qui accompagnent chaque amas de petits points brillants. L'infinité du ciel m'a toujours apporté la paix, sachant qu'au final, nous ne sommes que poussière dans l'univers.
Au bout d'un moment, je détecte un mouvement, sa main qui s'approche et vient se poser avec douceur sur la mienne. Le calme qui m'avait envahie disparaît en un instant tandis que je me redresse en vitesse, soustrayant mon bras à son contact dans le même mouvement fluide. Ça pourrait presque paraître naturel. Presque.
— J'ai froid. On rentre ?
Mon regard le fuit, dans quelle situation je me suis mise ? En galant homme, il acquiesce sans chercher plus d'explications et me raccompagne. Je pense qu'il est un peu déçu, il ne dit pas un mot le temps du trajet, gardant l'air absent, cherchant sans doute à quel moment il m'a perdue, ce qu'il a bien pu faire de travers. J'imagine sans mal qu'il ne pensait pas terminer la soirée de cette façon et je suis la seule à blâmer pour ça. C'est ma faute si je lui donne trop d'espoir, il faudra que je lui parle, lui dire que j'ai besoin de temps. Mais pas ce soir, je suis trop fatiguée, c'est épuisant de trop penser. On se quitte au pied de mon immeuble et je grimpe les marches en quatrième vitesse, avant qu'il ne change d'avis et tente de m'embrasser, ou pire, n'engage la conversation que je repousse.
J'entends bien la musique avant d'entrer, mais je ne réalise pas ce que ça signifie, trop concentrée sur ma fuite devant Finn. Tant que je ne serais pas à l'abri dans mon appartement, il pourrait encore tenter quelque chose. Un tour de clé rapide, j'ouvre la porte en grand et allume machinalement la lumière en actionnant le vieil interrupteur.
— Oh merde !
Mes mains viennent couvrir mes yeux pendant que je me détourne de la scène que je n'ai qu'aperçue. Moi qui pensais être tranquille une fois rentrée, je ne m'attendais certainement pas à tomber sur Raven couchée sur le canapé, visiblement en très bonne compagnie. Je crois que c'est une fille, je n'en ai pas vu plus. Contrariée de ma soirée ratée, je m'emporte contre elle. En plus, ce n'est pas la première fois qu'elle me fait le coup.
— Putain Raven ! Préviens quand tu ramènes du monde à la maison !
— Désolée...je pensais que tu passais la nuit chez Finn... Lexa ? Ça va ?
Une douleur fulgurante me traverse le coeur en entendant ce nom. Les bras m'en tombent, libérant ma vue pour que je découvre finalement la dernière conquête de Raven. Ça n'a aucun sens. Ce que je sais, ce que je vois, c'est impossible. Pourtant, c'est bien elle, sur ce canapé, ses yeux verts me foudroyant. Un regard que je connais bien, mais jamais je n'aurais cru possible qu'il me soit adressé. Furieuse, elle attrape sa veste et détale sans demander son reste. Plantée au milieu de mon appartement, je suis incapable de faire le moindre geste, de prononcer le moindre mot. Terrassée par l'incompréhension, la jalousie, et la culpabilité.
Qu'est-ce que Lexa fait avec Raven ? Comment peut-elle tromper sa petite amie ? Comment mon amie la plus proche peut me faire ça ? Coucher avec la femme que j'aime, juste comme ça ? Parce que je connais Raven, ce n'est rien de sérieux. Le sentiment de trahison disparaît vite quand je réalise que je n'ai jamais parlé de Lexa à Raven, pas une fois. Je n'ai même jamais prononcé son nom devant elle. J'ai toujours caché mes dessins, ceux où elle aurait pu la reconnaître. Alors c'est la culpabilité qui prend le dessus. J'aurais dû écouter ma mère, j'aurais dû la contacter. Le pire qu'il pouvait arriver, c'est qu'on se croise par hasard dans la rue, et voilà que le hasard me joue des tours. Enfin non, le pire qui aurait pu arriver, c'est cette scène d'horreur dont je viens d'être témoin, mais comment aurais-je pu imaginer que ce soit possible.
Raven apparaît devant moi, elle me parle, je vois ses lèvres bouger, mais je ne sais pas ce qu'elle dit, je ne l'entends pas. Dans mon état second, je l'esquive et file m'enfermer dans ma chambre. Il faut que je me calme, je vais faire une crise cardiaque si mon cœur continue à s'emballer comme ça. Dos appuyé contre la porte, je sens les murs se rapprocher, je prends conscience que j'ai du mal à respirer, je crois que je fais une crise d'angoisse. Mes genoux touchent le sol durement, mon corps me lâche. J'écarte les mains et arrive à amortir la chute tant bien que mal. Mon champ de vision se rétrécit jusqu'à n'être qu'une petite fenêtre sombre. Je glisse, lentement, mais sûrement.
Les tirs s'arrêtent, les guerriers s'immobilisent. Quelqu'un a donné l'ordre d'interrompre la bataille. Pourquoi ? On gagne. Je cherche partout la raison de ce revirement, puis quelqu'un apparaît, c'est Lexa, couverte de terre et de sang. Au plus profond de mon être, je sais que quelque chose ne va pas. L'homme qui l'accompagne est un ennemi.
Non ! Pas maintenant ! Je lutte contre cette vision qui s'insinue en moi traîtreusement. Je ne savais même pas que j'étais capable de faire ça.
— Je m'en soucie, Clarke. Mais j'ai fait ce choix avec ma tête et pas avec mon cœur.
— S'il te plaît, ne fais pas ça !
— Je suis désolée, Clarke.
Ça fait mal, comme un écho avec ce que je ressens à cet instant, un cri remonte au fond de ma gorge, et alors que la Clarke de ma vision s'estompe, j'ouvre la bouche pour le laisser sortir. Je hurle, je ne me soucie pas si quelqu'un peu m'entendre, j'ai passé ce stade. Les larmes suivent mon cri de rage, et je me roule en boule sur le sol, laissant mon corps se purger de ma douleur.
