Trois semaines depuis la mort de Wen Ruohan et Lan Qiren sent que le monde de la cultivation est sur le point de basculer. Les cinq grandes sectes sont tendues, un peu plus chaque jour que le monde fait.
Les Wen cherchent un coupable, quelqu'un qui ne soit pas des leurs. Jusqu'à présent, personne n'a été accusé mais Lan Qiren est trop avisé pour croire que c'est une bonne nouvelle.
Wen Qionglin est interrogé dans la Ville Sans Nuit. Chaque seconde, il pourrait donner un nom et faire basculer le destin d'un clan entier.
Les Wen ne pardonneront pas, pas plus qu'ils ne reculeront devant l'occasion d'annihiler l'un de leurs adversaires. C'est ce qu'ils cherchent depuis si longtemps.
Et si le commanditaire était un Lan ? Si l'un de ses disciples ou l'un des anciens étaient parvenus à manipuler un jeune Wen naïf pour assouvir une vengeance ?
Et s'il s'agissait là d'un complot à grande échelle ? Si plusieurs sectes étaient impliquées dans cet assassinat ? Les Wen ne manquent ni d'ennemis ni de raisons de se faire déprécier.
Lan Qiren serre les poings sur ses robes.
Quoi que dise Wen Qionglin, des têtes tomberont. Quoi qu'il dévoile ou se taise, qu'il mente ou dise la vérité, il est trop tard.
Car Wen Ruohan est mort d'une flèche tirée par l'un de ses disciples, l'un de ses fidèles et suiveurs. Car Wen Ruohan est mort attaqué par son propre clan, ce qui ne saurait être accepté comme seule vérité. Car Wen Ruohan est mort d'un coup en plein cœur imbibé de tant de ressentiment qu'il s'agissait forcément d'un acte prémédité et mûrement réfléchi.
Qui que soit l'homme ou l'organisation derrière ce meurtre, ses actes ne seront jamais oubliés.
Autour de lui, les Chefs de Sectes s'arment et se préparent à une guerre, bien conscients que les Wen feront tomber tous ceux qu'ils pourront traîner jusqu'à la tombe, s'il s'avère que le coupable n'est pas celui qu'ils espéraient et Lan Qiren n'a d'autre choix que d'en faire de même. Il ne peut prendre aucun risque, pas lorsque le prix de sa naïveté sera un massacre pur et simple.
Alors Lan Qiren ferme les yeux et prie avec tout le désespoir qu'il ne peut exprimer que les victimes de la rage des Wen ne porteront pas ses couleurs.
À l'extérieur, quelqu'un s'annonce et Lan Qiren reprend le contrôle de lui-même. Il fait entrer son neveu.
Lorsque Lan Xichen s'installe face à lui, ses yeux dévoilent tous ses tourments.
"Sommes nous condamnés ?"
Lan Qiren voudrait le rassurer mais il ne peut le faire sachant qu'il s'agirait là d'un mensonge éhonté.
"Il est impossible de le dire pour le moment.
– Ne pouvons-nous prendre aucune mesure préventive ?"
Lan Xichen veut agir, protéger, prévenir pour mieux guérir. Pourtant, il est loin d'être idiot. Il sait la situation et les affres des affaires politiques. Ses mots sont creux. Il cherche à se consoler auprès de son oncle, espérant que la solution lui soit apparue.
Malheureusement, rien ne peut être fait. Lan Qiren secoue la tête.
"Nous ne pouvons qu'attendre. Le moindre geste inconsidéré risquerait de prendre de trop grandes proportions."
Lan Xichen le sait, le savait avant même de pénétrer dans cette pièce, mais Lan Qiren sait qu'il doit le dire, graver cette réalité dans son esprit.
Ils ne peuvent rien faire.
Wen Qionglin fera couler plus de sang par une simple flèche que des armées entières en des semaines de batailles incessantes.
Une simple flèche et bien trop de vies désormais sur la corde raide.
Une simple flèche et un chaos indicible, des flammes incandescentes prêtes à dévorer le monde corps et âme.
Lan Xichen baisse la tête, les poings serrés. Il se sent impuissant.
Lan Qiren dit :
"Prends le temps qu'il te faut.
– Même si un conflit ouvert pourrait éclater à tout moment ?
– Précisément parce qu'un conflit ouvert pourrait éclater à tout moment. Nous aurons besoin de toi au maximum de tes capacités.
– Je comprends."
Lan Xichen se lève, s'incline et s'éclipse. Sans doute pour se rendre dans sa chambre et méditer sur leur discussion.
Lan Qiren espère qu'il aura suffisamment de temps pour réfléchir à cela avant de devoir agir en conséquence.
Dans la poudrière qui s'agite désormais sous leurs pieds, aucun faux mouvement ne saurait être pardonné.
