C'est une pensée vagabonde qui déclenche tout, ou du moins c'est la seule explication qu'il pourra jamais trouver. Ce soir-là, il est allé se coucher dans son dortoir de Poudlard, inquiet et malaisé à l'idée de la prochaine menace qui plane, qui se révèlera sans aucun doute avant le début de l'été. Malgré les couvertures épaisses, il s'est enveloppé de son manteau pour se protéger contre le silence. Une fois de plus Ron l'accuse, il ne sait pas trop de quoi, et les autres garçons suivent son exemple juste pour ne pas être la prochaine victime de sa colère. Rien de bien méchant cette fois, moins de cris, pas de sorts sur son lit lui réservant des surprises douloureuses au milieu de la nuit. Juste un silence pesant qu'Hermione remplit de ses accusations : il aurait dû… il devrait…n'avait-il pas honte !

Il est plus vieux aussi. Passé, l'âge où il pleurait dans son lit tous les soirs à l'idée d'avoir perdu ses amis, les larmes coulant silencieusement sur son visage comme le lui a appris oncle Vernon, pour ne pas déranger les honnêtes gens. Il est juste fatigué et inquiet, et ça ne le change guère d'autres nuits, d'autres années : Poudlard devient un cauchemar récurrent. Il essaie de se dire, en s'enfonçant la figure dans l'oreiller, que c'est cent fois mieux que chez les Dursley, qu'au moins ici il mange à sa faim, que son lit est confortable ; mais il ne peut pas s'empêcher de penser qu'ici il y a plus de trois cents personnes pour l'accabler d'insultes, et que si les barreaux sont invisibles, c'est quand même une cage.

Il s'endort, l'oreille aux aguets, guettant le danger qui viendra du silence. Sa dernière pensée, fugace, est : « Je voudrais être autre part. N'importe où. »