Correctrice : Clina
Personnages : Kaasa des Lyumnades, Isaak du Kraken
Mention de : Athéna, Poséidon, Kanon du Dragon des Mers, Hyoga du Cygne, Camus du Verseau, Io de Scylla, Thétis, Seiya de Pégase, Shun d'Andromède, Ikki du Phoenix
Ship : aucun
Type d'écrit : introspection, début d'amitié
Arc temporel : comme pour les autres recueils, quelques années après la fin de la guerre contre Hadès, quand tous sont revenus à la vie.
Lieu : Sanctuaire sous-marin, pilier de l'Antarctique
Titre : Océan Antarctique
Le silence et le calme des lieux étaient propices à la réflexion et au repos. Rien ne semblait perturber la sérénité autour du pilier de l'Antarctique. Kaasa profitait de sa solitude et de n'avoir aucune mission ou autre corvée à réaliser. Une fois l'entraînement matinal expédié, il se retirait ici tranquillement. Être seul en soi n'était pas spécialement un poids, mais presque une nécessité pour lui. Il n'était pas très sociable de nature. Il ne l'avait probablement jamais été. Et il ne prêtait aucune attention aux murmures et rumeurs sur son compte. Il savait que ses techniques de combat n'étaient pas des plus puissantes physiquement parlant, et qu'elles pouvaient sembler discutables. Cela étant, il avait quand même mis assez facilement trois des Saints de Bronzes au tapis. Ce qui restait un meilleur score que celui des autres Généraux. Kaasa s'était toujours senti différent et à part des autres Marinas, ou même des autres êtres humains. Pourtant, cela ne lui pesait pas spécialement. Il avait des contacts sociaux au minimum, sachant que sa présence mettait mal à l'aise même les Généraux de l'armée de Poséidon. Ils se méfiaient de lui à cause de son pouvoir. Et cela l'amusait qu'on imagina qu'il passait son temps à en abuser. Il en retirait un certain avantage : on ne venait pas l'ennuyer pour la moindre petite broutille, pour la moindre idée d'activités… Il avait royalement la paix. Et c'était tout ce qu'il demandait après avoir rempli ses obligations journalières.
Être assis au pied de son pilier avec un bon livre à lire était à ses yeux la plus enviable des récompenses. Et puisqu'on lui accordait volontiers son temps de solitude, il n'allait pas s'en plaindre non plus. Comme disait la sagesse populaire : mieux valait être seul que mal accompagné. Bon, il n'irait pas jusqu'à dire que les Généraux étaient de mauvaise compagnie. Il considérait juste n'avoir rien en commun avec eux, et être juste toléré de par son Écaille qui, si on y réfléchissait bien, l'avait certes choisi, mais lui avait surtout offert ce fameux pouvoir qui effrayait les autres. C'était presque ironique qu'on lui reprocha quelque chose d'intimement liée à son Armure Sacrée et à son grade de Général. Mais cela l'amusait et l'arrangeait. Alors il ne faisait pas grand-chose pour embellir ou améliorer l'image qu'on avait de lui. Être vu comme un méchant, un être à éviter parce qu'il se jouait sans gêne de vos sentiments en usurpant l'identité de l'être qui vous était le plus cher restait un moyen comme un autre de se protéger lui-même. Parce que même si la solitude était une compagne assez agréable, Kaasa reconnaissait qu'il avait des difficultés à nouer des relations, à se sentir à l'aise en présence des autres et à s'intégrer à un groupe. Alors il choisissait forcément la facilité et le confort, ce qui restait en soi assez lâche.
Le Général des Lyumnades releva légèrement la tête pour observer l'Océan Glacial Antarctique, qui s'étendait très loin au-dessus de lui. La pointe de son pilier se perdait dans les hauteurs, demeurant invisible d'ici. La masse des eaux océaniques était d'un bleu sombre profond, dissimulant les créatures y vivant. C'était l'hiver dans l'Hémisphère Sud, et l'Océan avait pris ses teintes plus froides et sombres. Pour autant Kaasa éprouvait un étrange sentiment de bien-être à observer le plafond du Sanctuaire sous-marin. C'était ici dans cet univers presque féerique, du Royaume de Poséidon, qu'il se sentait le plus chez lui. Il n'avait aucun souvenir d'avoir eu autant l'impression d'être à sa place qu'après avoir hérité de son Écaille et découvert son pilier. C'était d'ailleurs la fameuse étendue d'eau bleu encre au-dessus de lui qui le rassurait étrangement le plus. Kaasa ne s'était jamais senti écrasé par son environnement. Il avait d'emblée aimé le décor, le calme serein des lieux, les couleurs douces et lumineuses, l'impression de climat tempéré et chaud. Il avait adopté ce lieu comme sa maison quasiment directement. Et c'était comme telle qu'il l'avait farouchement défendue face aux Saints de Bronze. Malgré son besoin de solitude et le peu de liens sociaux qu'il avait ici même, il était profondément reconnaissant au dieu Poséidon de lui avoir offert le grade de Général, une Écaille et un endroit où il se sentait enfin chez lui.
Pourtant Kaasa gardait peu de souvenirs de sa vie humaine avant que les Lyumnades ne l'appellent à elles. Il se souvenait de l'impression de ces voix douces et envoûtantes qui l'avaient attiré. Il avait accepté l'offrande qu'on lui faisait. Et il avait ployé le genou face à l'Empereur des Océans, avec dévotion et respect, infiniment reconnaissant de cette chance unique qu'on lui avait offerte. Kaasa n'avait jamais porté aucun jugement sur les ordres qu'il recevait. Il les avait tous exécutés sans réfléchir, ni discuter. Peut-être aurait-il dû se méfier et plus réfléchir par lui-même ? Mais il n'était pas assez proche de leur dieu Poséidon pour découvrir qu'il était lui-même manipulé. Et Kanon avait toujours eu une aura de chef, semblant parler au nom de l'Empereur des Océans avec une telle aisance. Kaasa le savait proche de leur Dieu et le Général du Dragon des Mers était leur chef naturel après tout. Pourquoi aurait-il douté de lui ? Alors quand on leur avait ordonné de protéger leur pilier et d'éliminer les Saints de Bronze, il s'était à nouveau exécuté.
Ô il ne se cachait pas derrière le fait qu'il avait obéi aux ordres et combattu pour son Dieu pour justifier ses actes. Il savait ce qu'on pensait de sa technique de combat. Ce pouvoir qu'il avait gagné en même temps que son Écaille, il l'utilisait basiquement pour combattre. Certes ce n'était pas équitable de jouer avec les sentiments de ses opposants. Mais c'était avant tout juste une manière de se défendre. Il n'avait pas été sadique au point de surjouer les choses. Il avait même plutôt été rapide dans ses coups quand il l'avait fallu. Évidemment il avait trouvé plus fort que lui. Têtu, il avait cherché le point faible du Phoenix, et s'était contenté de le trouver alors qu'il était aux portes de la mort. Peut-être était-il trop fier comme guerrier après tout. Pourtant fouiller dans les esprits de ces jeunes Guerriers Sacrés avait eu un effet sur lui. Pendant le combat, il n'y avait pas fait attention, trop pris par l'enchaînement des événements. Mais une fois revenu à la vie, il y avait repensé. Il avait légèrement envié ces relations privilégiées qu'ils avaient tous avec des êtres qu'ils considéraient comme leur famille. Il avait ressenti une certaine forme de réconfort dans leurs liens entre eux, dans cette amitié fraternelle qui semblait leur permettre de faire des miracles.
Kaasa avait longtemps réfléchi à la question. Il avait l'impression d'avoir découvert les relations humaines à travers eux. Et il comprenait la souffrance que son acte avait engendré pour eux. Andromède lui avait assez vertement reproché ses techniques de combat, d'avoir blessé ses frères en se jouant de leurs sentiments. Et le Général des Lyumnades avait après coup accepté la remontrance. Il l'avait même comprise. Kaasa aurait aimé s'excuser pour le mal qu'il leur avait fait, même si c'était au nom de leur Guerre Sainte. Il avait des regrets sur le sujet, plus d'un même. Il ne ressentait même aucune fierté d'avoir gagné trois des quatre combats qu'il avait alors menés. Enfin on ne pouvait pas vraiment appeler cela des combats vu qu'il avait fait preuve de ruse et de perfidie. Et paradoxalement, il comprenait aussi la peur que son pouvoir engendrait chez les autres et pourquoi on l'évitait. Peut-être était-ce sa sanction pour avoir usé de ce don ? Après tout, rien ne l'obligeait à en user lors d'un affrontement. Il possédait d'autres techniques de combat, qu'il tentait de développer un peu plus depuis son retour à la vie. Comme à chaque fois qu'il repensait à ce moment, il se fit la promesse d'un jour présenter ses excuses aux trois Saints de Bronze. Enfin, pour cela, il faudrait qu'il puisse les rencontrer, et qu'ils acceptent de l'écouter… Rien n'était moins certain.
Avec un soupir, Kaasa observa à nouveau son pilier remis à neuf par Poséidon. Il puisait une étrange force en lui, au-delà du lien avec son Cosmos et son Écaille, il avait l'impression qu'une partie de sa force lui venait de la colonne en pierre blanche. Fermant les yeux, le Général des Lyumnades se laissa porter un moment par le calme des lieux. Le silence était apaisant. Et il avait l'impression de flotter dans l'eau. C'était une illusion des plus agréables et relaxantes en général. Quand il rouvrit les yeux, Kaasa eut un léger sourire apaisé et il ouvrit enfin l'épais bouquin à la couverture de cuir. Il s'était constitué une jolie bibliothèque personnelle au fil des années dans laquelle il entassait toutes sortes d'ouvrages. Lire était une occupation qui nourrissait son imaginaire et faisait travailler son cerveau, tout en le reposant énormément. On pouvait voyager tellement loin rien qu'en se plongeant dans un roman. Pourtant le calme fût de courte durée. Il le sentait approcher. Au début, Kaasa avait supposé que l'autre Général ne faisait que passer près de son pilier pour en rejoindre un autre. Après tout pour quelle raison Isaak du Kraken l'approcherait ? Ils n'avaient rien en commun. Et Kaasa s'était joué de Hyoga du Cygne, son ami d'enfance s'il ne se trompait pas, lors de leur Guerre contre le Sanctuaire. Et le Général des Lyumnades fit de son mieux pour ignorer cette présence de plus en plus proche.
« J'aurais cru errer plus longtemps avant de trouver ton pilier. », commenta Isaak en s'arrêtant à quelques pas des escaliers où était assis son hôte. « Pas de labyrinthe ? »
« Pourquoi aurais-je besoin d'un labyrinthe ? Serais-tu mon ennemi ? », questionna Kaasa en relevant à peine ses yeux noirs sur l'autre Général. « Pourquoi dépenserais-je mon Cosmos inutilement ? »
« Ton Cosmos ? », répéta lentement Isaak. Et Kaasa sut qu'il en avait un peu trop dit. Il eut un léger soupir. Les relations sociales et humaines ce n'était pas son fort. Cela étant, le Kraken n'était pas beaucoup plus sociable que lui, si ce n'était son amitié avec Thétis, Kanon et Io.
« Pour lire les souvenirs des autres, je n'ai pas besoin de mon Cosmos. Par contre pour copier une apparence ou créer un labyrinthe ou toute autre illusion, cela me demande de puiser dans mon Cosmos, oui. Donc encore une fois pourquoi me fatiguerais-je en temps de paix ? », expliqua-t-il lentement.
« Je vois. », répondit sobrement Isaak en observant attentivement Kaasa, qui semblait ne pas vouloir lui accorder la moindre attention. Le Kraken se demanda si son compagnon d'armes ne faisait pas juste un choix quand il combattait. Et si par ricochet le fait d'user d'illusion ne le forçait pas à se montrer plus fourbe dans ses techniques de combat, faute d'avoir un Cosmos suffisant pour tout maintenir en place sur le long terme. « Je viens en paix. », ajouta-t-il un peu ironie.
« Que me veux-tu ? », demanda finalement Kaasa en fermant son livre et en observant son vis-à-vis.
Isaak ne répondit pas de suite. En fait, le Kraken se contenta de se déplacer pour venir s'asseoir près de son homologue. Il s'appuya à son tour contre le pilier et il admira un moment la voûte au-dessus d'eux, constatant les similitudes avec l'Océan Arctique dont il était le gardien. Le calme régnait ici. À ses côtés, Kaasa l'observait toujours légèrement méfiant. Mais ce n'était pas nouveau que le général des Lyumnades n'était pas très à l'aise avec les autres. Isaak l'avait constaté plus d'une fois. Kaasa optait toujours pour rester en recul comparé au groupe, cherchant à toujours avoir une issue à porter de main. Un instant il se demanda ce qui avait fait la vie de son frère d'armes avant de devenir Général de Poséidon. Pour quelles raisons se méfiait-il de tout le monde et préférait-il la solitude ? Cependant le Kraken savait qu'il était trop tôt pour ce genre de confidences entre eux. Il devait d'abord gagner la confiance et l'amitié de Kaasa. Et il s'était promis d'essayer de l'intégrer un peu plus à leur groupe.
« Ton amitié. », répondit finalement le plus jeune avec un sourire amusé.
« Et qu'est-ce qui pourrait te pousser à désirer une telle chose ? Tu as un humour des plus poussés. », contra Kaasa avant de faire mine de se replonger dans son livre. Isaak ne se formalisa pas de la répartie froide. Il savait que ce ne serait pas facile.
« Tu aimes lire ? », questionna-t-il en essayant de deviner le titre du bouquin.
« Tu as encore beaucoup de questions de ce genre ? », répliqua Kaasa dans un soupir. Mais il ferma son livre et il le déposa près de lui. Il n'aurait de toute manière pas la paix pour lire, alors autant jouer le jeu et découvrir ce qu'Isaak lui voulait. « Encore une fois Général du Kraken, que puis-je faire pour toi ? »
« Je t'ai déjà répondu. », commenta Isaak avec un vague sourire. « Mon maître Camus du Verseau possède une bibliothèque impressionnante. Il a de tout comme livres. Enfant, j'aimais l'écouter lire. Il m'a appris à aimer ce genre d'activités… Si tu le désires, je pourrais lui demander de te prêter des bouquins. », proposa-t-il en guise d'offrande amicale.
« Et pourquoi accepterait-il de me prêter un livre après ce que j'ai fait à son disciple, Hoyga ? », rétorqua Kaasa amer. Un léger silence s'installa. Et Isaak pesa correctement le poids de ses mots avant de répondre.
« Kaasa… On a tous fait des choses horribles pendant ces Guerres Saintes. On a tous des actes dont on n'est guère fier et qu'on désire se faire pardonner. Je ne crois pas que Camus pourrait garder une rancœur envers toi juste parce que tu as fait preuve de ruse et de fourberie ou de stratégie. Et que cela a fonctionné sur Hyoga. », expliqua lentement Isaak. « Je comprends ta culpabilité. J'ai aussi ma part d'erreurs à me faire pardonner. Mais je suis certain, même si tu dois apprécier ta solitude autant que j'apprécie la mienne, que rester seul dans ton coin ne t'aidera pas. Alors accepte au moins ma compagnie pour diverses activités. »
« Des activités ?! », demanda Kaasa légèrement méfiant. Il se demandait quel genre d'idées Isaak pouvait bien avoir en tête.
« Hum oui comme s'entraîner, partager des avis littéraires, explorer les pôles… », énuméra le Kraken avec un léger sourire. Il sentait les résistances de Kaasa fondre doucement comme neige au soleil.
« Je ne t'ai pas attendu pour aller explorer l'Antarctique. », répliqua Kaasa avec un haussement d'épaules tout en tapotant nerveusement des doigts sur la couverture de son livre.
« Super. Tu pourras donc me servir de guide. Et je te ferais découvrir la Sibérie. », répondit Isaak avant de s'appuyer et de fermer les yeux. « Tu peux au moins me laisser une chance, non ? »
Le Général des Lyumnades regarda son compagnon d'armes un instant avant de détourner le regard vers les hauteurs. Il avait toujours eu cette manie d'observer l'Océan Antarctique quand il réfléchissait, comme si la mer pouvait lui souffler une réponse. Isaak n'avait pas tort, il ne prenait pas de grand risque à accepter le Kraken comme potentiel ami. Après tout le plus jeune était venu de lui-même chercher sa compagnie. Il ne semblait pas le redouter, et n'avait de toute évidence aucune intention cachée. Avec un autre soupir, Kaasa reprit son livre. Il voulait bien laisser une chance au Kraken, comme ce dernier le lui demandait. Il n'était pas celui qu'il supportait le moins dans les autres Généraux. Et puis avoir une présence même silencieuse près de lui pouvait être agréable, supposa-t-il. Il reprit sa lecture sans se sentir envahi ou gêné par l'aura d'Isaak qui semblait ne pas vouloir bouger, ni parler. Aucun des deux ne relança vraiment la conversation, se contentant de rester près de l'autre. Parfois les mots étaient de toute manière non nécessaires pour partager quelque chose, même un simple début d'amitié.
