Disclaimer : La vie des membres de Rammstein leur appartient, mes écrits ne sont que fiction.
Depuis quelques mois, Paul redoutait ce genre de soirées entre amis durant lesquelles tous les autres s'amusaient. Il les détestait car lui ne s'amusait pas et surtout, il savait voir ce que ses camarades ne voyaient pas sous l'effet de l'alcool. Il se sentait donc obligé de veiller sur tout et tout le monde à chaque fois, au risque de gaspiller son temps et s'ennuyer.
Ce soir encore, il avait inspecté la foule pour au final constater que les deux personnes qu'il se sentait chargé de surveiller à tout prix manquaient. Sa peur et sa patience s'entrechoquèrent mais il refusa de perdre son temps à les chercher partout. Il prit la décision la plus déchirante qu'il eut à prendre, puis déglutit avant de s'avancer vers le chanteur. Accompagné d'Oliver qui distrayait trois femmes, Till regardait la foule se trémousser tout en tapant du pied au rythme de la musique.
- Till, où est ta copine ?
Tiré de sa transe alors que Paul lui avait coupé la vue, il dut lever la tête pour le regarder dans les yeux mais constata à quel point son visage était sérieux. Cherchant autour de lui, Till garda néanmoins sa bonne humeur.
- À première vue, pas dans les parages. Mais tu sais, Paul, tu peux l'appeler par son prénom depuis le temps.
- Ça ne répond pas à ma question.
Voir Paul aussi réfractaire à la bonne humeur un soir de fête lui parut étrange.
- Ça ne va pas, toi.
- Non, il y a un problème et un gros.
Attentif bien qu'encore égayé, l'aîné se suspendit à ses lèvres.
- Je t'écoute.
Le guitariste regarda anxieusement la foule.
- Je crois qu'il se passe quelque chose entre Torrie et Richard.
- Hein ?
Alors que Till réalisa à peine l'impact violent de ces mots, le bassiste avait malencontreusement entendu. Lui qui d'ordinaire n'entendait plus rien avec quelques bières dans l'estomac, il n'avait rien loupé de l'information et réagi sans la moindre discrétion vis-à-vis du compagnon de cette femme. Après avoir jeté un coup d'œil à Oliver pour lui signifier de se taire par un simple pointage du doigt, Till se tourna de nouveau vers Paul et grogna :
- Si c'est une blague, elle est franchement naze.
- Tu m'as regardé ? Est-ce qu'une fois dans ma vie j'ai fait une blague pareille ? demanda Paul.
Soudain alarmé par la situation, Till déglutit et lui attrapa brusquement le bras alors qu'Oliver perdit son humeur festive en baladant son regard parmi les fêtards. Peut-être cherchait-il Richard ou Torrie, mais le potin sur lequel il aurait voulu avoir des détails lui avait échappé en même temps que ses deux amis s'étaient éclipsés.
Après que Paul eut été traîné jusque dans le couloir de l'entrée, il se retrouva prisonnier en sentant Till le plaquer sans douceur contre les manteaux.
- Ils ont tendance à se bouffer des yeux dans ton dos, ce soir plus que d'habitude. C'est venu de Richard au début, mais elle a fini par en faire autant avec le temps. J'ai du sermonner Reesh tout à l'heure parce que ça fait longtemps que ça dure.
Till se sentit doublement trahi d'entendre cela. D'une part par son meilleur ami qui lorgnait sa petite amie, et de l'autre par l'ami qui avait tu des regards dont il aurait du être informé.
- Putain de bordel ! Si ça fait si longtemps, pourquoi tu ne m'as jamais rien dit ?
- Il ne faisait que la reluquer au début alors vu que ça n'allait pas plus loin, je ne suis pas intervenu.
- Mon meilleur pote passe son temps à mater ma copine dans mon dos et tu me le caches ? Tu sais comment ça finit toujours avec ce mec si une femme le regarde. Il ne reste pratiquement jamais sans la toucher.
- Justement !
Agacé de sentir la force de son ami qui le plaquait au mur, Paul le repoussa.
- Je pensais qu'il aurait la politesse d'arrêter de loucher sur elle avec le temps, qu'il réaliserait que ses regards étaient malhonnêtes. Mais au lieu de s'arranger, ça a empiré parce que dès qu'elle s'en est rendue compte, Torrie a fait pareil. Je le voyais faire dès que tu n'étais plus là, il cherchait à se retrouver seul avec elle. Il a même été jusqu'à la rejoindre dans la buanderie un jour, alors je l'ai vite suivi. C'était au réveil alors je sais comment il est dans ces moments-là, j'avais peur qu'il ne cherche à se la faire. Torrie s'occupait de ranger d'après ce que j'ai vu mais lui, j'ai bien vu que ma présence le dérangeait. J'ai pris l'air pressé et je lui ai fait croire que tu le cherchais. Torrie ne réagissait pas alors elle n'avait aucune idée de ce qu'il voulait vraiment mais comme je pensais qu'il allait faire une connerie, je l'ai engueulé dès qu'on s'est retrouvés tous les deux en dehors. Je lui ai dit que j'avais compris son petit manège, alors il a balisé et il m'a supplié de ne rien te dire. J'ai pensé que le problème était réglé mais bien plus tard, il a recommencé à l'observer. Et c'est là qu'elle s'y est mise aussi. J'espère qu'ils ne se sont jamais touchés mais ils se fixent beaucoup et là justement, je ne trouve ni l'un ni l'autre.
Il vit l'écœurement de son ami à l'idée de subir une telle trahison mais pourtant, Lindemann reprit ses esprits. Il posa une main calme sur l'épaule de Paul et lui assura avoir confiance.
- Je sais que même s'il a louché sur une de nos gonzesses un jour - parce que je suis sûr que c'est déjà arrivé -, elles ont assez de jugeote pour ne pas se laisser berner par son joli sourire enjôleur.
- Les gars ?
Venu les interrompre, Flake tenait à peine debout et dut s'appuyer contre le mur pour avancer sans tomber. Rassuré par la force mentale de Till, Paul passa à autre chose. Il se tourna alors vers son meilleur ami et rigola de le voir saoul au point de s'accrocher à leurs épaules pour tenir debout.
- Qu'est-ce qu'il y a, toi ?
- Ben hic... Doom risque d'faire un strip-tease et... j'ai voulu l'empêcher mais il m'a embrassé.
Le chanteur haussa les sourcils.
- Ah oui, quand même !
- Alors hic... ben y m'faut un coup d'main ! insista l'homme à lunettes.
Croisant les bras, Paul demanda avec l'espoir de le faire rougir :
- C'était comment ?
- Je te f'rai voir après si ça te branche.
Soit l'alcool avait rendu son ami plus téméraire, soit plus ouvert à "certaines choses" que d'habitude. En tout cas, Till tapota dans le dos du guitariste en murmurant à quel point sa petite provocation fut un ratage complet. Dépité, ce dernier répondit :
- Te donne pas cette peine, ça ira. En plus, Doom devient jaloux quand il en pince pour quelqu'un.
Lorenz ronchonna en changeant de ton.
- Te fous pas d'moi, déjà que j'ai envie de vomir... il puait la vodka... hic !
- Surtout pas ! J'arrive, je vais lui botter le cul.
Riant de lui, Till retourna donc là où tout se passait pendant que Landers accompagnait le claviériste jusqu'aux toilettes. Dans le salon, Till constata que le batteur n'avait plus la moindre conscience... ni honte. En plus de s'être dévêtu jusqu'à se retrouver uniquement en caleçon, il se servait d'une fine colonne pas du tout adaptée au milieu du salon afin de danser autour. Alors qu'il risquait de se blesser, les autres inconscients autour de lui ne cherchaient pas à le raisonner et riaient sans retenue.
- Chris, arrête ta pole dance et viens ici sinon je t'attache.
Puisque sa menace ne fonctionna pas dans le cerveau ramolli de son ami, Till demanda de l'aide parmi les hommes les plus costauds de la soirée... qui furent difficiles à trouver. Sachant qu'ils en perdraient leur distraction, ils hésitèrent mais obéirent néanmoins au propriétaire sous peine de se voir expulsés de sa maison. Le problème du batteur enfin résolu, Till le vit commencer à s'écrouler et avec Oliver, ils décidèrent de l'amener jusqu'à l'étage afin de l'allonger sur le lit d'une chambre vide.
Le regardant se mettre à ronfler instantanément avec des yeux exorbités, Ollie souffla de soulagement.
- Il est plus lourd qu'il n'en a l'air.
- Au sens propre ou figuré ? demanda Till en s'essuyant le front.
- Les deux !
Ils fermèrent la porte en sortant et après avoir vu le bassiste redescendre l'escalier en colimaçon, Till décida de vérifier toutes les portes et lumières de cet étage puis du second. Il détestait cela, mais il était hélas déjà arrivé que des personnes ayant trop bu ne laissent inutilement des lumières allumées ou des portes ouvertes après avoir utilisé une pièce. Depuis, il parcourait toujours sa maison de long en large au moins deux fois lorsqu'il invitait du monde. Par chance, ses invités s'étaient montrés raisonnables... jusqu'à ce qu'il ne soit surpris par un rayon lumineux en provenance de sa propre chambre, isolée au fond du couloir du second étage. Alors que le premier s'était avéré désert, une seule personne lui avait fait le coup cette fois. "Ah ben tu étais là" pensa Lindemann, heureux d'avoir enfin retrouvé sa compagne.
Le faible faisceau de lumière baignait la moquette pourpre sous la porte, mais aucun son quelconque ne provenait de la chambre. Lindemann sourit en imaginant sa compagne endormie. En effet, il lui arrivait souvent d'oublier d'éteindre la lumière et comme elle bâillait déjà en début de soirée en lui tombant dans les bras, il ne s'inquiéta donc pas. Il s'imagina plutôt s'asseoir près d'elle pour la regarder dormir, car c'était une chose qu'il adorait faire. "Chipie, tu vas me payer ma facture d'électricité un jour" pensa t-il. Sa poignée ne faisant pas le moindre bruit, il ne prit pas la peine de frapper et l'abaissa doucement avant de glisser sa tête sans attirer l'attention. Alors qu'il avait refusé de l'imaginer au départ, il ne put que constater que Paul avait vu juste lorsqu'il poussa très légèrement la porte. Richard était bel et bien avec Torrie en cet instant mais sa compagnie n'avait rien d'amicale.
Le lit étant face à la porte, Till réalisa la gravité de ce qui lui arrivait par la véracité des appréhensions de Paul. Le choc et la trahison martelèrent son être et le paralysèrent, le forçant à regarder les deux silhouettes allongées en travers de son propre lit. Entrelacés, Richard et Torrie étaient en train de s'embrasser et de se caresser sans se douter qu'ils étaient observés avec furie et douleur. Tous deux enivrés par une passion interdite, ils ne voyaient qu'eux alors que Till décrypta chaque mouvement et respiration étouffée. Tout pour lui ne fut qu'obscénités chez eux car malgré le fait qu'ils furent encore tous deux vêtus, le chanteur n'était pas aveugle. Par ses ondulations corporelles, il sut que Richard n'était pas seulement en train de baiser sa petite amie. Il lui faisait l'amour. Till connaissait suffisamment cet homme ainsi que ses manières, tout comme celles des autres. Tout au long de leur carrière, ils avaient passé suffisamment de soirées en compagnie de femmes diverses. Des soirées de débauche jusqu'à - pour certains - avoir des rapports sexuels avec des groupies ou des prostituées sous les yeux des autres. Mais cette façon de faire qu'il vit en cet instant, il ne la connaissait pas du tout. D'ordinaire, en cas de beuveries, Richard ne montrait jamais le moindre égard envers les femmes. Il était d'un tempérament brut et ne pensait qu'à sa jouissance, mais ses amis ne s'y étaient jamais attardés puisque ces femmes ne demandaient qu'à ce qu'il ne les fasse "grimper aux rideaux". Tels étaient les mots employés par Flake. Richard était en cet instant d'une douceur méconnue autant dans ses caresses, ses baisers et ses coups de reins. Probablement car Torrie était la femme aimée par son meilleur ami. Son jean à peine baissé, il n'avait eu qu'à soulever la longue jupe en dentelles de Torrie pour la pénétrer mais malgré cela, leur conduite ne donna pas l'impression qu'il s'agissait d'un coup rapide.
Pourquoi cette vision maudite sous ses yeux ? Bien que brisé, Lindemann ne put enfoncer la porte pour foncer sur Richard. Celui qui était comme son frère venait de trahir sa confiance en violant ce sanctuaire qu'était sa chambre, afin de voler ce que lui partageait avec Torrie. Il se perdit dans des pensées de plus en plus noires au fur et à mesure que les gémissements devenaient des grognements, et que les halètements s'intensifiaient sur son matelas qui grinçait bruyamment. Il imagina serrer ses mains autour de la gorge de Richard afin de lui causer une douleur tout aussi grande que celle qu'il subissait en cet instant. Il voulait qu'il ait mal, faire couler son sang et entendre sa voix s'éteindre pour taire ce plaisir qu'il offrait à cette femme qui était sienne. Alors que tout s'accéléra autour de lui comme derrière la porte, Till sortit de ses pensées mais constata qu'entre temps, Richard et Torrie s'étaient entièrement dévêtus. Ses poings devinrent brûlants de voir le guitariste allongé nu sur sa compagne, à profaner ce corps que lui seul devait pénétrer. Alors que dans ce début de relation, il avait été honnête et avait tout prouvé à cette femme, celle-ci avait osé lui arracher le cœur de la pire façon.
Ivre de rage, Till décida de mettre fin à son calvaire. Il donna un violent coup de pied dans la porte, donnant tout juste l'occasion à ceux qui l'avaient poignardé dans le dos de sursauter. Il eut le temps de voir la peur s'installer dans leurs regards mais ne prit pas le temps de la savourer. Il ne voulait qu'une chose : leur rendre le mal qu'ils lui avaient fait. Il les regarda l'un après l'autre, mais s'attarda surtout sur son meilleur ami.
- Espèce de petite merde !
- Till, attends ! implora Kruspe, en panique totale.
Sans un mot, le chanteur se rua sur lui et le plaqua sur le dos avant de le frapper au visage. Nu et vulnérable, Kruspe ne sut comment se défendre sans imaginer recevoir de pires coups en retour. Mais alors qu'il sentit Torrie lui attraper un bras pour le retenir, Lindemann la repoussa violemment et mit toute sa force dans le poing qui battait son meilleur ami, atteignant aussi bien son visage que son estomac.
- Till ! pleura le guitariste entre deux geignements de douleurs.
Sans pitié à son tour, l'aîné n'hésita pas à cracher sur le visage en sang de Richard, puis à lui donner des coups violents dans les parties génitales en ignorant ses hurlements de douleur. Terrifiée par sa violence, Torrie hurla autant qu'elle put mais ne parvint pas à capter son attention.
- ARRÊTE TILL !
- Sale traître ! cracha t-il.
Il n'arrêta de viser cet endroit que parce qu'il sentit le lubrifiant vaginal de Torrie emplissant l'organe excité de son meilleur ami, ce qui le dégoûta. Après avoir brutalement essuyé sa main sur le visage souillé du brun, il lui serra le visage jusqu'à voir sa couleur de peau changer sous la force de ses doigts.
- Till... j... t'en prie.
Les yeux de Kruspe se fermèrent lentement derrière un voile rouge, l'aîné orientant ensuite sa pulsion violente contre la seconde personne responsable.
- Maudite chienne !
Tétanisée par son regard dément, Torrie chuta en voulant reculer et tenta vainement de contourner le lit. Mais le chanteur la rattrapa et la plaqua contre le mur.
- Moi qui croyais te connaître, et t'aimer...
- Calme-toi, tu n'es pas dans ton ét...
La main vengeresse qui se posa sur sa gorge lui ôta toute envie de s'expliquer inutilement. Cependant, elle s'imagina que caresser le visage de celui qui souffrait allait l'amadouer, mais ce fut une grave erreur. Lindemann ne put se contenir et la jeta au sol.
- SI TU CHERCHAIS À CE POINT À TE FAIRE NIQUER PAR MON MEILLEUR AMI, POURQUOI TU T'ES INSTALLÉE CHEZ MOI ET PAS CHEZ LUI ?
Retenant sa main tremblante dont le poing commençait à nouveau à se serrer, il préféra retenir ce dangereux élan.
- Fous le camp de chez moi, tu me donnes envie de vomir ! cracha Till.
- Till, je t'avais dit que...
- Je te gifle si tu oses prononcer encore un mot.
Cette menace ne fut pas prise à la légère car Torrie se tut. Désignant le guitariste qui bougeait dans son inconscience, elle attrapa ses affaires qu'elle enfila tout en sortant de la chambre sans même un regard de plus à Till. De peur de repartir dans un élan de folie qui le jetterait sur Kruspe pour se défouler, Till déserta la chambre mais ne fut pas étonné en arrivant au rez-de-chaussée de voir quelques regards rivés sur lui. Évidemment, une poignée des invités avait vu Torrie s'enfuir en se rhabillant et peut-être que les hurlements dans la chambre avaient été entendus également.
- Till !
Paul s'approcha rapidement mais après avoir vu son expression meurtrière, il garda une distance raisonnable tellement Lindemann lui fit peur.
- Till, c'était quoi tous ces hurlements ? Dis-moi qu'il ne s'est rien passé de trop grave.
Après un regard foudroyant, Lindemann expira. Il aurait voulu exploser encore une fois, mais le pauvre homme n'était pas responsable.
- C'est en rapport avec... eux ? demanda le plus petit avec inquiétude.
- "Rapport" ? Ah ça oui... et sur mon lit en plus. Alors j'espère que tu ne veux pas les détails parce que je suis prêt à tuer quelqu'un ici et maintenant.
- Till, je...
Baissant la tête, Paul se retint de le toucher de peur de subir un assaut.
- Si je t'en avais parlé avant, ce ne serait pas arrivé.
Bien qu'il était encore énervé contre la terre entière, Lindemann accepta le fait que la responsabilité de ce qu'il s'était passé ce soir ne lui appartenait pas. Après avoir verbalement attaqué ceux qui le fixaient en leur ordonnant de changer de pièce, il se tourna vers Paul.
- Ce n'est pas de ta faute, ce n'est pas à toi que j'en veux. J'avais confiance en Richard alors l'idée qu'il la touche ne m'a jamais effleuré l'esprit. Comme toi aussi tu avais confiance, tu me l'as caché pour lui laisser une chance de regarder ailleurs. C'est moi qui ai merdé, j'aurai du le voir chez Torrie. Fait chier !
Sursautant lorsque Till envoya dans le décors un magnifique vase bleu qui ornait la commode près de l'entrée, le guitariste demanda avec une peur palpable :
- Il est reparti aussi ?
Il avait évité de prononcer le prénom qui risquait d'envoyer un autre vase contre un mur, mais Till déversa toute sa haine autrement.
- Je lui laisse le temps de se remettre debout, après je ne veux plus jamais voir sa gueule.
Bien qu'il s'y était attendu, ces mots brisèrent le cœur de Paul.
- Je t'en prie, pas ça. Till, votre amitié ne mérite pas de subir un choc pareil...
- Paul ! Ça va bien avec ton éternelle gentillesse. Je l'ai surpris en train de sauter ma petite amie sur mon propre plumard et je n'ai pas le droit de lui vouloir du mal ? Comment tu réagirais s'il t'avait fait ce coup-là ? Ne me dis pas que tu ne péterais pas un plomb parce que là, tu me décevrais. J'aime ce petit con et j'ai tout fait pour lui dans la vie, même laissé passer des coups tordus. Mais ça...
Essuyant avec hargne les larmes qui coulèrent sur son visage, Till arracha brusquement son blouson du porte-manteaux.
- Je vais marcher un peu et à mon retour, il aura intérêt à avoir déserté ma maison sinon je l'achève. Je veux pouvoir retourner dans ma chambre pour enlever mes draps et y foutre le feu.
Impuissant, Paul le regarda claquer la porte en sortant. Il passa dans la cuisine à côté afin de le surveiller par la fenêtre, mais le vit disparaître dans la rue baignée par les lampadaires. Il attendit en tremblant avant de trouver la volonté de baisser les yeux, car sa seule envie fut de le rattraper pour le serrer dans ses bras. Il espéra que Richard sortirait vite de la chambre afin de lui parler de ce qu'ils avaient provoqué lui et Torrie. Il était prêt à brûler lui-même les draps et à héberger Richard si cela pouvait lui éviter de se faire tomber dessus par Till dans les semaines à venir. Mais malgré des minutes d'attente interminables, Richard ne se fit pas voir et Paul, de plus en plus énervé, dut gravir les marches afin d'aller le bousculer. "Putain, mais pourquoi il a fallu que tu fasses une connerie pareille ? Tu ne penses vraiment qu'à ta petite personne" pensa Landers, en colère comme jamais. Il parvint au couloir du dernier étage et fixa la porte entrouverte avec la ferme intention d'être franc avec lui, quitte à l'insulter et être méchant s'il le fallait.
Mais alors qu'il s'attendit à trouver Richard assis au bord du lit à maudire son attirance incurable pour les femmes, Paul hoqueta d'horreur en le voyant étendu sur le sol, inconscient et dénudé.
- Richard ? Ce n'est pas vrai...
Apeuré, il accourut et s'agenouilla devant de sa silhouette inerte. Il lui prit les mains avant de relever ses paupières et vit que son ami avait du sang jusque dans l'œil gauche.
- Non, non ! QUELQU'UN ! À L'AIDE !
Mais personne ne sembla entendre ses cris désespérés dans toute la maison. Livré à lui-même, il prit le pouls de Kruspe qui s'avéra faible. Malgré son soulagement, il prit son téléphone pour composer le numéro des secours et descendit prévenir les membres du groupe. Choqués, Oliver et Flake fermèrent d'abord les pièces proches de l'entrée de la maison pour que les invités n'entendent pas. Ils voulaient que l'entrée soit accessible pour les secours et sans encombrement. Malgré son ivresse, le claviériste fut le premier à se précipiter à la chambre de Lindemann après avoir écouté Paul décrire les faits. Il fut suivi par Oliver après qu'il n'eut vérifié que tout était en ordre.
Réunis autour du guitariste, l'homme à lunettes lui prit la main pour l'agiter.
- Richard, t'entends ? Essaie d'bouger un peu ! tenta Lorenz.
- Tu es fou, il va souffrir encore plus. Arrête de le manipuler comme ça.
Par sécurité, Riedel attrapa la couverture la plus proche et recouvrit Richard avec, avant de demander aux deux autres de réunir tous ses vêtements.
- Il faut le rhabiller un peu pour éviter que tout le monde ne le voit comme ça. Il a été agressé, déjà que les toubibs vont appeler les flics...
- D'ailleurs, qu'est-ce qu'il fout à poil dans la chambre de Till ? Et lui, il est où ? demanda Flake en regardant autour d'eux.
Oliver resta muet en regardant Paul, mais aucun n'aborda le sujet. Ils décidèrent donc de rhabiller le guitariste et Flake cessa enfin de poser des questions. Oliver lui protégea le dos tandis que Christian lui soulevait difficilement les fesses et les cuisses. Ainsi, Paul put lui repasser son caleçon et son jean sans voir qu'Oliver le regardait avec attention. Cela fait, le bassiste se dégagea et reposa la couverture sur le ventre de Richard car ils n'avaient pas osé le toucher à cause des ecchymoses. Paul s'allongea en tremblant contre leur ami pour lui parler en dépit de son inconscience. Caressant sa joue, il se laissa aller sans pouvoir s'arrêter.
- Ça va aller, Reesh, ça va aller. Je suis avec toi, d'accord ?
Au moment où Ollie se tourna vers Christian, il vit avec stupeur que ce dernier allait le suivre s'il restait là à regarder Paul pleurer. Pour le faire penser à autre chose, il lui proposa de retourner en bas afin de surveiller l'arrivée des secours, ce que Lorenz accepta avant de sortir. Par contre, Oliver pria pour que Till ne revienne pas en même temps pour leur compliquer le travail. Pour avoir mis le guitariste dans cet état et mis les voiles ensuite, il n'en avait pas fini avec lui.
- Ollie !
Posant une main sur le chambranle de la porte, le concerné se tourna vers Landers.
- Oui ?
- S'il te plaît, apporte-lui un gant de toilette avec de l'eau avant de partir.
La salle de bain étant attenante à la chambre, le plus jeune sut que même si Paul aurait pu le faire lui-même, il avait juste peur de laisser leur ami tout seul ne fut-ce qu'une seconde.
- Je m'en occupe.
Le bassiste s'exécuta mais alors qu'il tourna le dos à Paul, il entendit ses pleurs s'aggraver. Revenant rapidement sur ses pas, il s'abaissa pour le serrer contre lui et le rassurer autant que possible.
- Ne t'en fais pas, Richard est un mec solide. Je ne sais pas à quoi il a eu droit comme raclée mais je suis sûr qu'il en a vu des plus grosses dans la vie. D'accord ?
Bien que continuant de pleurer, Paul acquiesça d'un hochement de tête.
- C'est bien. Crois-moi, il en aura pour deux ou trois jours maximum.
Les minutes suivantes furent éprouvantes pour tous, hormis Schneider qui n'était pas prêt de se réveiller. Bien que les membres du groupe avaient fait leur possible pour dissimuler ce qu'il venait de se produire aux yeux des invités et du voisinage, le gyrophare des secours attira l'attention des fêtards par la fenêtre du salon. Oliver dut donc les menacer de rester à l'intérieur, et surtout de ne pas s'aventurer à filmer quoi que ce soit dans le couloir de l'entrée sinon ils auraient affaire à lui. La menace fonctionnant, les ambulanciers purent alors faire leur travail sans être dérangés et évacuer Richard dans le calme le plus total.
Dehors, Riedel et Lorenz soutenaient Landers qui se tenait immobile à regarder celui à qui il avait tant de choses à dire. Il avait tenté d'insister pour l'accompagner mais Oliver l'en avait dissuadé car émotionnellement, il devait se reposer. De plus, Richard avait besoin de soins et s'il en avait pour plusieurs jours, ils auraient tout leur temps pour aller le voir dès le lendemain. Passant les bras derrière lui, ses amis le reconduisirent à l'intérieur avec une seule certitude : la fête était finie. Ils allaient renvoyer tout le monde chez eux, et aussi avertir Doom à son réveil de ce qui s'était passé.
Un seul regard, solitaire et distant, s'était attardé plus longtemps sur le véhicule dans lequel un brancard transportait celui qui avait transgressé la plus pure des règles solidifiant leur amitié depuis près de trente ans. La sensation d'avoir été celui qui avait mal agi le saisit mais pourtant, il savait ne pas être le coupable de l'histoire. Malgré la dramatique tournure de cette soirée, il décida qu'il retournerait voir cet homme et même si cela leur prendrait du temps, ils resteraient une famille. Il ne put se résoudre à abandonner deux personnes un même soir. Paul allait lui en vouloir, c'était sûr. Mais s'il ne pensait qu'à incriminer Richard, il les perdrait tous car Rammstein se briserait.
à suivre...
