Ces deux jours durant lesquels Richard avait décidé de faire profil bas, il soupçonna la présence de Paul en train de l'épier quelque part. Ou même d'un autre, car peut-être ses amis se relayaient-ils pour le surveiller. Nerveux et désespéré, Richard ne fit rien d'autre que tourner en rond chez lui. Pour prouver sa présence, il alluma et éteignit certaines lumières visibles depuis la rue, signalant ainsi une présence mouvante jour et nuit. Son obsession pour Torrie et sa paranoïa lui firent perdre la notion du temps. Il dormit très peu, à des heures indues et négligea son alimentation. Son hygiène était devenu le cadet de ses soucis, mais il se força à se doucher et passa le reste du temps à tourner en rond dans sa chambre à l'étage. Pour finir, il laissa son illusion malsaine prendre le dessus au point que cela en devint maladif de vouloir retrouver cette femme, avec qui il regrettait de ne pas avoir échangé de coordonnées. Deux fois, il perdit la raison et se mit à hurler sous la folie.
Le troisième jour, il perdit patience et sortit dans la rue sans même craindre d'attirer les regards. Il allait mal, la voulait et comptait bien trouver où elle se cachait. Mais pour cela, il devait inverser les rôles et surveiller son meilleur ami. Ne repérant aucune voiture familière dans les allées, il pensa que ses amis avaient laissé tomber l'idée de le surveiller. Ou alors il avait eu la chance de se faufiler entre un départ et une arrivée. Décidant de se dépêcher au cas où, il ouvrit sa voiture et y grimpa aussi vite qu'il la mit en route. Il savait quelle route emprunter pour se rendre chez Till pour pouvoir se garer suffisamment loin, et ensuite s'en approcher en toute discrétion. La maison de Till était en dehors de la ville et il y avait beaucoup d'arbres et de fenêtres. Il pourrait ainsi passer inaperçu en observant à sa guise.
Placé derrière un frêne depuis une durée indéterminable, Richard passait son temps à prier que personne n'arrive et le surprenne, comme un voisin ou un membre de la famille. Ce ne fut qu'après avoir regardé sa montre une bonne dizaine de fois en désespérant qu'il déplora sa méthode. Être caché derrière des arbres et des buissons de façon louche et malhonnête, c'était autre chose que de rester assis dans une voiture sans attirer l'attention de qui que ce soit. Sans oublier que si Till se situait à tel ou tel endroit de la maison, Richard n'entendrait pas forcément. Il prit donc une décision qui lui coûta cher : il sortit de sa cachette afin de s'approcher des fenêtres, longeant les murs pour vérifier chacune d'elle. Ce ne fut qu'après avoir contourné la maison et constaté qu'il n'y avait personne, qu'il se plaqua au mur en pestant à voix haute.
- Fait chier !
Alors qu'il se décolla des briques froides en serrant le poing, il entendit :
- Tu ferais un très mauvais cambrioleur.
Il sursauta et se tourna vers Lindemann, qui s'approchait de façon précipitée et menaçante. Sans réussir à lui tourner le dos pour s'enfuir, il effectua juste un mouvement de recul avant que son ami ne lui attrape le t-shirt, arrachant légèrement son col.
- J'ai fait installer des caméras il y a très longtemps.
Till plaqua brusquement son guitariste contre le mur et alors qu'il menaça de lever la main sur lui, il fut étonné de voir le plus jeune garder les bras ballants, prêt à encaisser sans se défendre ni le repousser.
- À quoi tu joues, hein ?
Kruspe ne répondit rien.
- J'avais presque envie de me foutre de toi au départ, à te regarder planqué derrière les arbres comme un gosse. Mais t'as fini par me faire de la peine. Alors maintenant tu écoutes attentivement...
BZZZZ
Till grogna et ignora cette vibration. Mais lorsque son téléphone se mit à sonner avec insistance, il n'eut d'autre choix que de répondre. Par vengeance, il n'épargna pas la personne de l'agressivité découlant de sa violation de propriété, ainsi que de cet appel qui tombait mal.
- Quoi ?
- Mais c'est qu'il mordrait celui-là ! C'est Paul. C'était pour te dire que Schneider vient de retrouver sa trace vers les appartements du centre-ville, il la file de loin. J'ai l'adresse d'où il l'a vue sortir. C'est le...
- STOP ! coupa Till à voix haute.
Le temps s'arrêta pour les deux hommes. Puisque Till avait l'habitude de mettre le haut-parleur, Richard avait pu profiter de la nouvelle. Ce dernier affichait des yeux suppliants et Till se méfia tout de suite. Richard s'agita violemment et sachant qu'il comptait retourner à sa voiture, Till lui arracha ses clés des mains dès lors qu'il les eut retirées de sa poche. Enragé, Kruspe hurla :
- TU N'AS PAS LE DROIT DE FAIRE ÇA.
- Till, c'est quoi ce hurlement ? C'est Rick que j'ai entendu ?
Mais les deux amis étaient en train de lutter contre le mur, Richard s'épuisant à récupérer ses clés sans énergie nutritive. Le téléphone de Till tomba dans l'herbe et lorsque Richard plongea pour le ramasser, l'aîné le plaqua violemment au sol avant de le récupérer lui-même. Richard se retrouvant sans indice de lieu précis ni clés de voiture, il donna un coup sur le gazon et hurla comme il l'avait fait chez lui. Préoccupé par son état instable, Lindemann coupa le haut-parleur et s'éloigna sans le quitter des yeux, le temps de répondre à Paul.
- Oui, il est là mais il a entendu. C'est pour ça que je t'ai coupé en hurlant, désolé. Il était planqué à observer chez moi, il devait attendre qu'elle se pointe. Mais maintenant que tu as dit "centre-ville", il est prêt à y aller alors j'ai du lui arracher ses clés.
- Ne vous battez pas, s'il vous plait. Till, il ne faut peut-être pas que je te le dise si Richard est avec toi mais... elle n'est pas seule. Elle a retrouvé un autre gars alors je suis désolé, mais ça m'étonnerait qu'elle vienne récupérer ses merdes chez toi. Elle va juste profiter d'un autre homme le temps d'en ravoir d'autres.
Le chanteur savait qu'après avoir subi le pire des affronts avec cette femme et son meilleur ami, il n'avait plus à se sentir concerné par leur discrédit. Pourtant, tout était encore si frais dans son cœur et sa tête... Il retint une larme et prévit de mettre le feu aux affaires personnelles de Torrie dans les heures à venir si elle avait à ce point envie de le faire souffrir. Cependant, il s'éloigna un peu plus tout en veillant que Kruspe n'entende pas.
- Paul, écoute-moi bien. Il va être impossible de me débarrasser de Richard maintenant qu'il a entendu. Il va filer dans le centre ville avec ou sans voiture. Je vais devoir y aller avec lui sinon il serait capable d'y aller à pied. La seule chose qu'on peut essayer de faire, c'est de fausser l'information au dernier moment. Choisis une autre adresse que celle que Doom a trouvée. Compris ?
- D'accord...
- Et au moment où on arrivera sur place tout à l'heure, je te biperai. Ne réponds pas, ce sera juste pour que tu m'envoies cette fameuse adresse. C'est pour tromper Rick, parce que je suis certain qu'il va s'y précipiter en courant.
- Bonne idée ! Je prends une adresse à l'opposé ou au bout de l'avenue et j'écris le message tout de suite. Comme ça, je n'aurai plus qu'à l'envoyer.
Appartement 35 bis, centre-ville
- Bon, il n'y a pas de place ailleurs.
Till se gara devant un immeuble à sept étages.
- Où est-ce que ça peut-être ?
Il balaya partout autour de lui afin que Richard ne désigne pas un lieu en particulier par impatience. Heureusement, Richard attendit sagement au lieu de se précipiter n'importe où, ce qui permit au chanteur d'exécuter le plan de la fausse adresse. Lorsque la notification du message de Paul retentit, Till lut à haute voix une adresse menant apparemment à plusieurs dizaines de mètres plus loin. Comme prévu, Richard sortit sans perdre de temps et se mit à courir dans la rue comme si sa vie en dépendait. Malgré la tristesse ressentie à l'égard de son ami aveugle, Till attendit le second message de Paul, annonçant cette fois le véritable emplacement. Par chance, il s'agissait de l'immeuble juste à côté. Aussi rapidement que son guitariste, il sortit et pénétra dans cet endroit dont l'immédiate odeur de renfermé lui fit regretter de ne pas s'être mêlé de ses affaires.
Il trouva le nom de famille de Torrie sur une des boîtes aux lettres dans le couloir de l'entrée. Remarquant une enveloppe qui en dépassait, il grogna mentalement en se demandant comment elle pouvait avoir refait sa vie aussi vite. Mais au moins, le courrier lui indiqua le numéro et il n'eut plus qu'à trouver le bon étage. Ce qui ne fut pas compliqué, mais pas sans conséquences non plus. Parvenu à l'avant-dernier étage, il franchit un angle de mur et trouva enfin Torrie... qui était effectivement accompagnée d'un autre. Marchant bras dessus, bras dessous avec cet inconnu, elle ne sembla pas avoir entendu les pas derrière et Lindemann en profita pour se replacer de l'autre côté de l'angle.
- Il semblerait qu'on arrive en même temps tous les trois ! murmura t-il en fixant le mur face à lui.
Till tenait à éviter tout esclandre en plein couloir qui dérangerait tous les occupants. Il décida donc d'attendre que Torrie n'ouvre sa propre porte, afin d'aller lui parler sans déranger personne. Sauf que celle-ci ne sembla pas décidée, trop occupée à embrasser son amant actuel, dont les mains touchèrent vulgairement les parties de son corps les plus intimes. Till s'en rendit compte au moment où il avait de nouveau franchi l'angle avec décision, mais cette conduite l'outra et le blessa. Alors qu'il s'était figé sous le dégoût, de petits pas se firent entendre derrière. Mais la personne arrivante ne put conserver son sang-froid comme lui l'avait fait.
- TORRIE !
Cette dernière ainsi que son compagnon tournèrent la tête, en même temps que Till sursauta. Il savait qu'il aurait du s'attendre à le voir débarquer, et que son meilleur ami lui ferait payer son mensonge plus tard. Mais il aurait préféré pouvoir tout régler à sa façon. D'autant qu'à la vue de l'amant mentionné par Paul, Richard fulmina. Till tenta de lui prendre un bras mais rata sa prise. Son ami s'élança vers le couple et Torrie commença à tourner nerveusement sa clé dans la serrure, mais trop rapidement pour le faire de façon précise. Sans laisser parler celui qui s'avéra être un géant de deux mètres, Richard écarta Torrie de la porte avant de la plaquer au mur.
- Qui c'est celui-là ?
Le chanteur arriva et essaya de le raisonner tout en empêchant le géant d'agir. Outré, il était en train d'étrangler le guitariste par derrière pour défendre Torrie, lorsque Lindemann s'en prit à lui pour faire de même avec son meilleur ami.
- Lâche-le, connard ! Richard, laisse tomber.
- C'est à lui de la lâcher.
Malgré la force du colosse, Kruspe n'avait pas reculé d'un centimètre.
- Réponds-moi ! Tu couches avec lui ?
L'ex-petite amie commença enfin à réaliser quel impact leur soirée au lit avait eu sur Richard.
- Eh mec, ce ne sont pas tes affaires.
- Caleb, éloigne-le.
Ce dernier regarda Richard avec un rictus et murmura :
- Mais pour te répondre, oui. Depuis plusieurs semaines, on est ensemble.
Les yeux exprimant les pires émotions, le guitariste demanda :
- Quoi ?
- Plusieurs semaines, hein ? répéta Till en regardant méchamment son ex.
Finalement, il n'en fut plus si étonné étant donné la nature révélée de Torrie. Mais de rage, Richard décocha un violent coup dans la mâchoire de Caleb à cause de son aveu. Lui qui n'avait encore jamais frappé quelqu'un, il sentit une douleur lancinante dans ses phalanges. Alors que Till voulait calmer tout le monde, cela s'annonçait très mal. Richard jeta à nouveau son dévolu sur Torrie, Caleb sur Richard et Till sur Caleb.
- Laisse-moi partir. Si je...
Richard approcha très près son visage du sien, affichant tout son désarroi.
- C'est quoi cette histoire ? insista t-il.
Il tenta de l'embrasser mais Torrie se dégagea vivement, avant de fixer le plus raisonnable des deux avec une lueur d'espoir pour qu'il lui vienne en aide. Bien qu'il n'en avait pas la moindre envie, Till s'y attela mais uniquement dans son intérêt et celui de Richard. Cependant, le fait qu'il veuille l'aider n'eut aucune incidence sur les décisions de Caleb, qui frappa Richard à la hanche. Ce dernier grogna de douleur et Till le vengea en redonnant le même coup au colosse.
- Ne recommence pas ça. Rick, allez, laisse tomber !
- Ça commence à bien faire.
Le géant envoya Till contre le mur avec violence. Alors qu'il donna un violent coup dans l'épaule de Richard pour permettre à Torrie de s'enfuir, le guitariste l'injuria de toute sa rage et Till recommença à lutter. Cette femme les avait trahis tous les deux et désormais, elle avait encore un autre homme dans sa vie. Mais même si malgré sa douleur Lindemann l'avait accepté, Richard n'allait pas être aussi facile à convaincre. Till relâcha Caleb et ce dernier resta sans bouger pour leur donner une chance de repartir. En dépit de sa patience, Kruspe s'entêta.
- Il n'y a rien eu entre nous, Richard.
Plein de hargne, Caleb lui attrapa la gorge de sa main la plus proche.
- T'as entendu ? Ça s'appelait une passade, pauvre naze.
Richard riposta à sa façon devant celui qui n'avait en aucun cas le droit d'approcher la femme qu'il aimait.
- Toi ferme ta gueule, tu ne la connais même pas.
- Je t'encule. Dis-lui de la lâcher immédiatement, toi.
Glissant un regard empreint de folie dans celui de leur ex, Richard lui répondit sans la lâcher des yeux :
- Désolé, mais je me suis déjà fait enculer et je n'ai pas du tout apprécié.
"Et moi non, peut-être ?" pensa Till. Le voyant poser une main dans son cou de façon trop rustre, Lindemann le rappela à l'ordre afin de lui éviter de devenir inutilement dangereux, ou de vouloir essayer de l'embrasser à nouveau. Malheureusement, son ami ne quittait toujours pas Torrie des yeux et Till dut encore en venir aux mains avec Caleb. Il venait de sauter sur Till qui lui bloquait le passage, sans avoir compris qu'il essayer justement de calmer le jeu.
- Mais lâche-moi, espèce d'ignorant. Elle n'en a rien à foutre de toi ! grogna Till sans lâcher son ami du regard.
Les idées faussées, Caleb ne réalisait pas ce qu'il se passait et n'attaquait pas le bon. Cette fois, Torrie réalisa qu'elle seule pourrait faire lâcher prise à celui qu'elle n'aurait pas du abuser.
- Richard ! Je ne sais pas ce que tu t'es imaginé, mais ce n'était rien. Rien !
Les larmes de ses yeux, seule sa colère les empêcha de couler.
- Oh non, ce n'était pas rien ! dit Richard.
- Une baise d'un soir et c'est tout.
- Ah c'est tout ? On va voir ça.
Alors que les deux plus costauds avaient recommencé à se battre, Till tourna rapidement la tête vers eux pour voir son ami ouvrir la porte, puis la pousser sans ménagement dans la chambre avant de refermer.
- NON ! hurla t-il.
Lorsqu'il entendit le verrou de la porte, son angoisse grimpa en flèche. Son cœur battit à tout rompre alors qu'il repensait à la main de son meilleur ami posée sur la gorge de la femme qui les avait menés en bateau. S'énervant contre celui qui tentait de l'envoyer au sol sans regarder dans la bonne direction, il visa son estomac.
- Tu ne vois pas qu'il y a plus grave que moi comme problème ? MAIS ARRÊTE, PAUVRE CON !
Inversant leurs positions, il lui montra la porte du doigt en lui demandant si le meilleur choix était qu'ils ne se battent ou ne cherchent à aider Torrie. L'homme soupira en se tenant le ventre, puis se décida à l'aider. Plus nerveux, Caleb grogna et tenta des coups de pieds dans la porte mais bien que Till lui reprocha cette méthode bruyante, il réalisa après une minute d'appel que ce serait peut-être une option plus valable que les épaules. Ils frappèrent dans la porte en même temps en concentrant leur force au même endroit, près du verrou.
À l'intérieur, les choses se passaient mal et Kruspe ne voulait toujours rien entendre. Il insistait encore et encore sur ce qu'il croyait vivre avec Torrie, persuadé qu'elle avait juste voulu mentir devant Till et Caleb au départ. Ce ne fut qu'après sa première gifle qu'il réalisa son violent rejet. Lorsqu'il se figea, choqué, il en reçut en autre. Cette fois, il riposta et la poussa brutalement sur le lit, l'immobilisant afin de faire pression sur elle.
- Tu ne peux pas me dégager de ta vie comme ça ! grogna t-il.
- Tu ne fais pas partie de ma vie alors ouvre les yeux. Tu as vu de l'amour où il n'y en av...
- Je t'ai fait l'amour parce que c'est ce que je ressens pour toi, et toi tu m'as dit que tu m'aimais. Pourquoi tu aurais menti en sachant que j'ai envie de toi depuis des semaines ? Je sais que tu en avais envie aussi.
Après un hochement de tête négatif, elle souffla avec incertitude :
- Mais j'en sais rien, c'est venu dans le feu de l'action.
Cette pitoyable excuse ne fit que davantage souffrir le guitariste, dont les larmes revinrent.
- NON ! Ces mots-là, ça ne vient pas au hasard.
- Mais enfin Richard, grandis un peu ! On ne sait rien l'un de l'autre, comment tu veux que j'aie un jour des sentiments pour toi ? Au départ, je n'avais pas envie de baiser avec toi, même si tu m'attirais. Mais je l'ai fait en réalisant que si Till nous surprenait, ça allait me permettre de me séparer de lui facilement. Je voulais le quitter depuis longtemps mais je n'y arrivais pas parce que j'avais peur de lui faire du mal. Mais il était si proche de moi que je n'ai plus eu le choix. J'aurai juste préféré que ça se passe en douceur. Je ne voulais pas qu'il ait aussi mal, et je suis désolée que tu en aies fait les frais mais... c'est comme ça, c'est fini maintenant.
Sous ses mots, le guitariste sentit son cœur se faire foudroyer. "Till ? Alors tu m'as fait du mal pour lui en faire à lui ?" pensa t-il, à deux doigts de la frapper. Excédé, il décida de mettre un point final sur le problème par le pire des moyens malgré les hurlements à l'extérieur.
- RICHARD !
Il défit sa ceinture et voyant Torrie commencer à se débattre furieusement, il l'observa sans ôter sa main de son jean.
- Pourquoi ne veux-tu pas comprendre ? Tu ne ressens rien pour moi, Richard, ce n'est qu'une impression. Tu as juste envie d'être aimé, et c'est ce qui te pousse à me forcer pour que ça arrive. Tu veux l'entendre encore ? Je me suis juste servie de toi, tu comprends ? Je n'ai jamais voulu te faire de mal, et à Till non plus. Il ne m'a pas laissé le choix, je voulais en finir avec lui, mais je ne me doutais pas que tu te serais attaché à moi.
Alors que le regarder dans les yeux pour lui avouer tout ça avait semblé au-dessus de ses forces, la jeune femme dut malgré tout affronter le sien lorsque Richard en fit autant.
- Tu es... tu... tu n'es qu'une merde.
Peut-être que l'avoir entendu une seconde fois l'avait "réveillé". En tout cas, la jeune femme se sentit soulagée, bien que toujours pas rassurée quant à leurs positions sur le lit.
- Oui... oui, voilà ! C'est comme ça que tu dois penser.
Voir cette femme si désinvolte face à sa souffrance mit Richard dans un état de rage.
- Oublie-moi, c'est moins dur que ça en a l'air. NON ! Ne fais pas ça, s'il te plaît. AIDEZ-MOI !
- RICKY, OUVRE LA PORTE.
- ENFOIRÉ !
Après avoir regardé la porte avec espoir, elle tenta une dernière fois de le dissuader d'en arriver au pire. En larmes, Kruspe lui serra durement le visage.
- C'est facile à dire pour toi. Tu l'as fait plusieurs fois alors que moi, je ne me joue pas des gens.
Cette fois, Torrie haussa les sourcils.
- Que tu crois !
- Quoi ? Je ne fais pas semblant d'aimer les femmes, moi.
- Tu as été infidèle toute ta vie. À chaque fois, tu as trompé une femme avec une autre et tu prétends ne pas te jouer des gens ? Regarde-toi dans un miroir avant d'accuser quelqu'un, parce que c'est exactement ce que tu as fait toute ta vie.
Till et l'amant entendirent des cris étouffés à l'intérieur, mais féminins. Après un dernier coup de pied contre cette porte scandaleusement solide pour un immeuble aussi négligé de l'extérieur, le chanteur posa doucement une main tremblante sur la porte en le suppliant.
- Rick, ne fais pas de bêtise et ouvre la porte. Pense à ta famille.
- Je vais le tuer...
Apeuré en entendant de la casse, Caleb proféra une injure et prit de l'élan pour frapper un coup décisif dans la porte. Mais celle-ci s'ouvrit avec surprise sur Torrie. Décoiffée, la bretelle de son débardeur légèrement défaite, tout comme son pantalon qu'elle rattachait, elle tenta de couvrir le tout en gardant la tête haute. Richard était assis au sol, derrière le bout du lit et lorsque Caleb voulut lui sauter dessus pour la venger, elle l'en empêcha. Il la serra alors contre lui pour la rassurer, mais elle ne regarda que Lindemann.
- Fais-le sortir d'ici ! ordonna t-elle.
Sans une once de pitié pour elle, Till la regarda et la traita de la même façon qu'elle les avait traités.
- Tu crois vraiment être la plus à plaindre dans l'histoire ?
Alors qu'il allait appeler son meilleur ami pour le faire sortir, il chercha d'abord à savoir dans quoi il venait de s'empêtrer.
- Il t'a violée ?
À cette question, Caleb la regarda avec inquiétude et Torrie fut mal à l'aise.
- Il m'a... enfin, je pense qu'il voulait essayer de revivre l'autre fois pour être sûr. Je sais qu'il est sincère, mais fais en sorte qu'il m'oublie.
Till apprécia au moins cette unique touche d'honnêteté de la part de cette femme.
- Ça veut dire oui ?
- Ça veut dire qu'il voulait ce que je n'ai pas pour lui, amour et sentiments.
- Comme si je ne le savais pas. Alors il s'est calmé tout seul ?
Elle réajusta ses vêtements et lorsque le regard inquisiteur de Till la scruta, elle regarda en arrière, sans compassion mais pas sans remords.
- Non, il a fallu que je le menace. J'ai pris un ton aussi sec que possible, je lui ai dit que je ne l'aimais pas et j'ai réussi à lui filer un coup dans les burnes quand il m'a...
Attristé et écœuré par sa cruauté, Lindemann s'approcha finalement de son meilleur ami, encore recroquevillé contre le pied du lit. Il pleurait à chaudes larmes en serrant les poings et Till le releva aussi rapidement que possible, ne souhaitant que sortir de cette chambre. Torrie lui attrapa le bras à leur passage et il lui jeta un regard glacial.
- Ôte ta main sale. Je voulais savoir si tu viendrais récupérer tes affaires, mais je vais me faire un plaisir de les brûler.
Torrie réitéra l'excuse donnée à Richard, mais Till se montra peu réceptif.
- Je ne voulais pas que ça se termine comme ça. J'ai essayé plusieurs fois de rompre, mais j'avais peur de te faire mal.
- C'est quand même arrivé, sauf que tu as envoûté mon pote pour finir par lui faire du mal aussi. Ces putains de regards que tu as échangés avec lui dans mon dos ont bien fonctionné, sauf qu'il est passé de flash à sentiments.
- C'est mon "je t'aime" qu'il a trop pris au pied de la lettre.
- Quoi ?
Till se retrouva pétrifié, mentalement et physiquement. Comment avait-elle pu ?
- Voilà pourquoi il a été aussi patient avant d'en arriver là avec toi, et qu'il a perdu la boule au point de t'allonger sur mon propre lit. Tu ne tournes pas rond pour faire souffrir quelqu'un à ce point. Tu sais qu'il est instable avec les femmes et qu'est-ce que tu lui dis ? "Je t'aime"... alors que tu n'en penses pas un mot. Tu te doutais bien que ça allait l'enfoncer. Comment j'ai pu aimer une femme comme toi ?
- Contrairement à ce que tu crois, je t'aimais. Mais je t'ai dit au début que j'étais incapable de rester attachée à un homme. Je n'étais pas d'attaque pour partir en vacances, je n'ai pas cherché à rencontrer ta famille ou tes amis... je suis détachée alors qu'est-ce qu'il te fallait d'autre ? Plus d'une fois, j'ai cherché à t'éloigner de moi. Je n'avais pas du tout prévu de coucher avec Richard mais quand il m'a rejointe dans la chambre, il m'a embrassée alors j'ai saisi l'occasion et je l'ai laissé m'entraîner sur le lit.
- Pas besoin des détails, j'ai vu le pire ! cracha Till.
- Je voulais qu'on se rapproche suffisamment pour que tu aies des doutes, et que tu me largues par manque de confiance. J'avais des sentiments pour toi au début, Till, mais ce feu s'est éteint. Je suis comme ça alors j'évite les relations sérieuses, mais je n'ai pas réussi à m'éloigner de toi à temps. J'ai appris à agir comme ça parce que je ne ressens plus rien.
- Alors ne dis jamais à un homme que tu l'aimes, putain de merde ! Richard, moi ou même Caleb. Ces mots n'ont qu'un seul sens pour l'homme avec qui tu couches, ou pour son meilleur ami quand tu vois à quel point il te reluque. Il y a une différence entre rompre et briser un cœur. Quand tu dis "je t'aime", ce n'est pas sans conséquences.
Il jeta un œil dans le couloir et vit Richard, assis au bout pour ne plus rien entendre d'elle.
- Tu es un monstre, Torrie. Je ne sais pas si je pourrai oublier ce que tu m'as fait un jour mais une chose est sûre, je ne te pardonnerai jamais ce que tu lui as fait à lui. Alors va exprimer tes faux regrets avec ton nouveau jouet. Tu t'es servie de Rick pour m'atteindre en faisant en sorte qu'il s'attache, quitte à lui faire autant de mal qu'à moi. Tu n'es qu'une sournoise. Quant à toi, Caleb, j'espère de tout cœur que tu ne t'attacheras pas à elle et que vous n'êtes que des plans cul, parce qu'elle te trahira un jour.
Déglutissant sous l'indécision provoquée par leur scène à trois, ce dernier afficha soudain sa faiblesse : il était aussi épris.
- Torrie, je... je suis complètement perdu. Tu... je crois que j'ai besoin de prendre l'air, de réfléchir.
Alors que Till repartit, il tint compagnie au géant, peu surpris finalement que cet homme eut plus de cœur que celle qui les avait trahis. Il dut mettre Kruspe au courant en chemin, en voyant de quelle façon il le regardait marcher avec eux. Mais le guitariste se montra raisonnable, partageant silencieusement avec eux cette chute de haut.
à suivre...
