Note : J'ai ajouté des aides à la compréhension du Pov, de la chronologie, et du lieu où se déroule la scène. Si vous avez eu du mal à comprendre la chronologie, vous pouvez survoler les chapitres précédents. Si vous voyez des erreurs, n'hésitez pas à me les remonter, j'ai fait cela en quelques heures en version française et anglaise et il se peut que j'ai inversé quelques trucs.
Sur ce, bonne lecture.
Taille chapitre : 12000 mots.
La Tour qui illuminait les Vallées
Partie 3
Naruto
17 novembre 1014, 13h39
Pays des Sources Chaudes
Cela l'embêtait fortement.
Voilà une semaine qu'ils étaient partis, qu'ils avaient laissé Hinata seule au sommet de cette montagne et, aujourd'hui, celle-ci ne répondait pas à ses messages. Cela faisait plus de cinq heures qu'il lui en avait envoyé un et elle ne lui avait toujours pas répondu. Il était à deux doigts de faire demi-tour, et ce même s'ils étaient presque arrivés au Pays de la Foudre.
Tout en continuant sa marche et pour la énième fois, il ouvrit le livre à la parure jaune. Seule l'encre de la veille salua son regard azur à la page cinquante.
- Elle n'a toujours pas répondu ?
Sous le ciel sans nuages, il leva son attention à l'encontre de Jiraiya devant lui.
- Non, toujours pas.
- Peut-être qu'elle dort encore.
- Elle m'a souhaité bonne nuit il y a plus de dix-sept heures, jamais elle n'a dormi autant, ce n'est pas possible… dans combien de temps a-t-on rendez-vous avec le Raikage ?
- Trois jours.
Si ses calculs étaient bons…
Il s'arrêta sur le chemin de terre bordé par la forêt, son maitre devant lui fit de même avant de se retourner.
- On fait demi-tour, on le temps de faire l'aller-re-
- Ne bouge pas, le coupa l'ancien Sannin d'un timbre grave, le même qu'il avait pris l'habitude d'utiliser à chaque fois qu'il abordait le fait d'y retourner.
Voilà deux jours qu'ils s'étaient remis à se parler, deux jours qu'ils avaient tous mis à plat, que Jiraiya lui avait fait comprendre pourquoi il devait maitriser le démon renard, que sa survie en dépendait. L'ancien Sannin ne serait pas toujours dans les environs pour le protéger, il fallait qu'il puisse se défendre tout seul contre n'importe quel type de danger, même contre lui-même, contre le démon qui sommeillait en lui.
Il comprenait, il comprenait vraiment et il l'avait accepté. Il irait à Kumo pour s'entrainer. Ce qu'il ne comprenait pas en revanche c'était pourquoi il venait de prendre cette intonation sans équivoque, pourquoi ne voulait-il pas qu'ils retournent à Tetsu. Ils avaient largement le temps de faire l'aller-retour. Et puis même s'il arrivait en retard, cela était quand même moins important que de savoir si Hinata allait bien, ce n'était pas discutable.
Alors qu'il scrutait les iris noir encre de son maitre, son humeur se froissa inlassablement.
- Ce n'était pas une proposition, répliqua-t-il. « Elle ne répond plus, il a pu lui arriver n'importe quoi, je ne peux pas juste espérer que ce ne soit pas le cas. Si on se dépêche on peut y être de- »
Tout en parlant, il s'était retourné, prêt à rebrousser chemin, et… s'était complètement figé. Jiraiya ne lui avait pas demandé de ne pas bouger pour la raison qu'il avait pensé.
Devant eux, ou plutôt derrière eux avant qu'il ne se retourne se trouvait un homme à une vingtaine de mètres. Habillé d'un long manteau sombre orné de nuages rouges, l'homme se tenait parfaitement immobile au milieu du chemin de terre qui bordait un lac ainsi qu'une forêt.
À ce moment précis, une seule pensée lui traversa l'esprit : quel était ce masque ridicule ?
Quittant des yeux la spirale orangé, il tourna son visage vers son maitre.
- Tu le connais ?
Et à la simple vue du visage fermé que celui-ci extériorisait, il comprit la gravité de la situation. Se remettant à observer l'homme, il fut surpris de voir que celui-ci s'avançait tranquillement dans leur direction.
- Surtout, ne bouge pas.
Le murmure dans son dos le fit froncer des sourcils.
Accompagné de l'air sec, dénué de vent, l'homme s'arrêta à six mètres devant eux et le silence devint palpable.
Son regard azur s'écarquilla de stupeur.
Il se souvenait maintenant, il se souvenait de ce que lui avait dit Jiraiya des années plus tôt. Cet accoutrement, ces nuages…
- Le Grand Sannin Jiraiya, me voilà honoré, déclara l'homme d'une voix rauque étouffée par le masque qu'il portait.
- Ne fait-il pas un peu trop chaud pour porter un tel masque ? demanda Jiraiya en se positionnant à ses côtés, bien plus proche qu'il en avait l'habitude.
Au travers du seul trou visible du masque, l'œil noir se mouva jusqu'à l'atteindre alors que l'instant d'après le masque suivit le même mouvement.
- C'est la première fois que l'on se rencontre, Naruto, j'ai beaucoup entendu parler de toi.
Malgré les vingt-deux degrés et habillé d'un simple short et t-shirt noir, ses poils se hérissèrent alors qu'un frisson parcourut son corps.
Il ne pouvait expliquer pourquoi, mais cet homme lui faisait froid dans le dos.
- T'es qui bordel ?
L'homme posa une main sur les nuages qui l'ornaient, près de son torse.
- Je suis un ami d'une amie.
La mine toujours fermée, il dévisagea l'affabulateur, ou du moins le seul œil qu'il parvenait à discerner.
- Un ami d'une amie ? De quoi tu-
Il s'arrêta dans sa phrase. Malgré que le visage de l'homme était dissimulé, il pouvait facilement deviner le sourire de ce dernier, ce qui lui arracha un second frisson tandis qu'il pensa comprendre de qui la voix rauque parlait.
L'inspiration qui suivit, ses craintes furent confirmées.
- Elle ne répond plus, n'est-ce pas ? l'interrogea-t-il en penchant son masque sur le côté.
Il ne fallut lui qu'une seule seconde.
Une demie pour sentir son pouls s'emballer, et une autre pour entamer un pas vers l'ami de son amie. Tout cela avant que la main de Jiraiya de se pose sur son épaule et ne l'empêche de faire un geste inconsidéré.
- Calme-toi, ce n'est pas le moment pour perdre le contrôle.
À la suite des mots de son maitre, il fixa de son regard fou les nuages cramoisis et parvint à faire ralentir son cœur, tandis que de son côté le masque semblait prendre du plaisir face à la tournure de la conversation.
- Tu dois te demander si je vous ai entendu parler, si je bluffe, n'est-ce pas ?
La poigne de Jiraiya sur son épaule s'agrippa un peu plus à l'encontre de son t-shirt noir.
- Cette pauvre enfant, tu l'as abandonné toute seule dans cette cabane, je te trouve bien cruelle.
Une forte colère s'empara de ses muscles et de sa respiration… non. Ce n'était pas de la colère, c'était…
Voilà donc cette sensation, celle qui se manifestait lorsqu'un être aimé se trouvait en danger et que l'on n'avait pas la main mise sur ce qu'il se passait. Ce sentiment d'impuissance, d'incompréhension.
Son abdomen, ses mollets, ses hanches se firent happer successivement par un chakra qu'il ne maitrisait pas et se contractèrent jusqu'à atteindre ses crocs. Malgré les paroles de Jiraiya, ce fut au tour de ses cheveux dorés de se hérisser.
- Ne l'écoute pas, il essaye de le faire sortir, ce n'est pas le moment, je ne pourrais pas nous protéger tous les deux si tu es incontrôlable. Naruto…. tu m'écoutes ?
Il écoutait… il écoutait bordel. Mais... ce n'était que la voix de l'homme qui restait.
- Comment penses-tu que je t'ai retrouvé ? Par chance ? Ne sois pas naïf.
Il sentait, il sentait qu'il perdait le contrôle peu à peu… c'était le serpent qui se mordait la queue. Il hurlait à sa conscience de se calmer, mais le chakra qui se mettait à couler à flot dans sa bobine était si… satisfaisant et facile à accepter.
- Tu ne t'es jamais douté, pas une seule fois ? Dis-moi, quelles étaient les chances pour qu'elle tombe sur toi, à ce moment-là, que tu sois présent sous ce pont, que tu la vois ?
- Naruto calme-toi bon sang !
Il sentit la peau sous ses ongles se faire déchirer, jamais encore il n'avait ressenti une telle colère, une telle animosité. Il voulait le démembrer, le faire souffrir à petit feu et le voir agoniser. C'était tout ce qu'il souhaitait.
- Je lui ai rendu visite hier soir… fais marcher ton imagination, que penses-tu qu'il se soit passé ?
Le bourdonnement de la voix agaçante à sa droite lui donna envie de le déchiqueter lui aussi, mais la chevelure blanche se recula d'un bon alors qu'il balança un coup de griffes à son encontre. Son épaule libérée, il se rua sur le masque spiralé.
Naruto
31 décembre 1020, 22h49
Pays du Feu, Natoma
Les souvenirs de son clone se diluèrent entre ses pensées et ses émotions, ne lui laissant que de l'adrénaline et de l'excitation. Les bras le long de son corps, immobile dans le couloir immaculé et devant l'ascenseur, il observa les nuages rouges à une vingtaine de mètres à l'intersection.
Silencieux et à l'affut, il attendait patiemment. Puis lorsqu'il entendit l'ascenseur s'ouvrir sur le rez-de-chaussée au-dessus de lui et que son clone évacua les filles, il entama finalement son premier pas en direction des deux hommes.
À dix mètres, juste à côté d'un costume noir recouvert par les plaques du faux plafond, il s'arrêta. Le couloir portait suffisamment les voix pour que même un chuchotement ne lui échappe pas. Il dévisagea alors le visage de l'immortel avant de faire de même pour celui cagoulé.
L'excitation de cette rencontre fortuite lui en ouvrit les lèvres et, pour la première fois, les deux hommes purent entendre le son de sa voix.
- Si vous le souhaitez, je peux vous laisser quelques minutes pour appeler vos camarades.
Un pouffement suivit d'un rire moqueur engendra le mouvement de la faux écarlate. Quittant l'épaule de l'homme dans un mouvement circulaire, les trois lames s'enfoncèrent sans mal dans le carrelage blanc qui implosa dans un bruit assourdissant.
Le faucheur observa aussitôt son acolyte à sa gauche.
- C'est qu'il se croit drôle en plus ?
Le faux sourire qui ornait le visage du psychopathe se volatilisa afin de s'esquisser davantage, offrant un véritable.
- Oi, Kakuzu, tu n'as pas intérêt à interférer c'est clair ?
Son regard azur se rapporta inévitablement sur les sclères rouge sang qui n'avaient pas cessé de l'observer et, se plongeant un instant dans ses souvenirs, les pages se tournèrent à ses pensées.
Hiroto Takeda. Page un du Bingobook de Taki 1019. Nukennin de rang C. Activement recherché depuis plus de vingt ans pour avoir vendu des informations à Iwa durant la Troisième Grande Guerre. Trente-deux ans lors des faits. Très peu compétents, à appréhender vivant. Dernière apparition : 14 juillet 1009, Kitakata, Empire du Démon.
Shunichi Wakiya. Page deux du Bingobook de Taki 1019. Nukennin de rang S. Activement recherché depuis plus six ans pour avoir attenté un coup d'État suite à l'entrée en guerre du village aux côtés de Iwagakure. Vingt-trois ans lors des faits. Très compétents, à appréhender vivant. Dernière apparition : 3 février 1018, Onomichi, Pays des Crocs.
Kakuzu. Page trois du Bingobook de Taki 1019. Nukennin de rang S. Activement recherché depuis plus de soixante ans pour avoir assassiné sept haut placés des Cascades après s'être évadé de prison. Âge inconnu lors des faits. Extrêmement compétents, fuir à vue en attente de renforts, à appréhender mort ou vif. Dernière apparition : 25 mai 1014, Suna, Pays du Vent.
Soixante ans… le peu qu'il pouvait apercevoir du visage devant lui ne devait pas dépasser les trente. Cela ne collait pas. S'il ajoutait à cela l'énergie que celui-ci dégageait, il comprenait pourquoi la consigne de fuir à vue, même aux chasseurs de primes, était fortement recommandée.
- Il nous le faut vivant, rappela le présumé Kakuzu à son équipier qui soupira bruyamment.
- Oui, oui, pas besoin de me le rappeler à chaque fois
Décrochant la faux du carrelage d'un mouvement sec, l'immortel s'avança vers lui, arme en main.
- Aurais-tu des dernières paroles ? lui demanda-t-il accompagné d'un sourire psychotique.
Il y en avait bien une qui le tracassait, mais il s'agissait plus d'une question que d'une dernière volonté.
- As-tu besoin d'oxygène ?
Le sourire de l'homme à moins de cinq mètres se volatilisa et, cette fois-ci, il ne se fit pas remplacer. La faux s'éleva à nouveau afin d'épouser l'épaule de son possesseur.
- Décidément, ton humour est vraiment à chier, j'espère vraiment que ton niveau est à la hauteur de ton arrogance, t'écraser facilement serait vraiment humiliant.
L'homme inspira fortement avant de relâcher l'oxygène dans ses poumons de manière exaltée.
- Je n'arrive plus à le ressentir, serais-tu parvenu à maitriser Kyūbi ? Oh, d'ailleurs, tant que j'y pense, où se trouve Nanabi ? D'après les bruits qui courent c'est toi qui t'en es emparé, si tu pouvais me remettre les deux en même temps, cela serait… moins douloureux, bien que tu vas souffrir, je ne peux te le cacher, cela fait plusieurs jours que Ja-
- Tu parles beaucoup, le coupa-t-il, placide.
Une grimace mécontente se matérialisa sous les iris violets.
- Je vais prendre du plaisir lorsque tu me supplieras d'arrêter.
La fin de la phrase lui remémora instantanément celle qu'il avait prononcée au quatre-vingt-deuxième étage dans la chambre et, à la pensée qui suivit, il se concentra sur celle-ci, à plus de trois cents mètres au-dessus de lui.
Son excitation se volatilisa en un instant, remplacer dans un premier temps par l'incompréhension, avant que la haine ne prenne le relai.
Il sut que le prochain pas de l'immortel devant lui serait suivi d'un bond, ce fut pourquoi il éleva immédiatement sa main vers ce dernier afin de le stopper.
- Attends ici, je reviens.
Son ordre donné d'une manière similaire à celle que l'on adresserait à un enfant, son champ de vision passa du couloir immaculé à une chambre plongée dans l'obscurité, uniquement éclairée par les lumières de la piscine intérieure, alors qu'il rejoignit le sceau sur la veste qu'il avait laissé.
Malgré ce qu'il avait sous les yeux, son visage n'en reste pas moins fermé. Après tout ce à quoi il avait assisté ces vingt dernières minutes, il en allait sans dire que la situation ce voulait en tout point similaire.
Attachée par les poignets et les chevilles au lit, quasiment dénudée, l'héritière de la famille Okada leva son visage rouge de honte, de colère, de dégoût, de peur, de chagrin, à son encontre, et l'espoir l'atteignit une nouvelle fois.
En lui, seul le dégoût subsista tandis qu'il observa l'homme de petite taille devant le lit, dos à lui, qui continuait de se débrailler. L'homme relâcha son pantalon qui tomba à ses pieds.
- Qu'est-ce que tu regardes comme ça ? interrogea-t-il sa victime qui ne lui prêtait aucune attention.
L'usurpateur d'identité se retourna finalement vers lui, et la confiance qu'il dégageait déchanta rapidement, tout comme l'excitation. Le quinquagénaire ouvrit la bouche, prêt à hurler un mot qui préviendrait les gardes derrière la porte ayant été malmenée, mais n'eut nullement le temps d'exprimer quoi que ce soit.
Se déplaçant en une fraction de seconde de la veste de costard à côté du tabouret jusqu'au lit, il attrapa l'homme par la gorge de sa main droite et le souleva avec une facilité déconcertante. N'y exerçant que très peu de force afin de ne pas lui briser la nuque, il se mit alors à ressentir les pensées terrifiées de l'homme d'affaires.
De son côté, une seule pensée lui traversa l'esprit, une seule envie, et celle-ci était directement liée à la jeune femme sur le lit. C'était elle, ses pensées à elle qu'il ressentait.
Tue-le. Tue-le. Tue-le.
Quasiment dénudé, habillé d'un simple boxer et de son pantalon glissant sur ses pieds qui se débattaient, l'homme tira rapidement vers le violet et, alors qu'un grognement agonisant résonna dans la chambre, le quinquagénaire se mit à littéralement à se pisser dessus.
D'un mouvement de bras vers la droite à la suite des premières gouttes d'urines qui tombèrent sur le parquet, il balança l'homme à moitié conscient vers la piscine intérieure, mais rencontrant tête la première le double vitrage qui séparait les deux pièces, ce dernier fissura le verre dans un bruit sourd et une giclée écarlate avant de lamentablement s'écrouler sur le sol, inconscient.
Avec calme, il observa la jeune femme attachée sur le lit et, marquant un temps d'arrêt tandis que le visage de celle-ci se fermait à mesure que les secondes passaient, il s'en approcha doucement au moment même ou le premier sanglot se fit entendre.
Avec tendresse, délicatesse, il détacha le nœud sur sa cheville droite, puis la gauche, faisant le tour du lit, il défit le poignet gauche puis, se penchant tout en déposant un genou sur le matelas, il délia le droit.
À peine fut-elle libre de se mouvoir qu'elle l'enlaça, ou du moins, se plaqua contre lui et l'agrippa de toutes ses forces. D'un geste toujours aussi lent et méticuleux, il emmêla ses doigts à la chevelure rose bonbon au-dessus de son épaule, et son murmure découla de lui-même tandis que le sanglot contre son tympan droit s'intensifia.
- Tout va bien, c'est terminé.
La prise sur son cou se resserra davantage tandis qu'il quitta le lit afin de se remettre debout devant celui-ci. Il posa ensuite un genou à terre afin de faire s'asseoir l'héritière sur le bord du matelas et, retirant sa main des cheveux, il força un tant soit peu sur les cotes apparentes de cette dernière afin de lui faire lâcher prise, ce qu'elle fit à la suite d'un reniflement.
Il l'observa droit dans les yeux et rapporta sa main sous les iris argentés afin d'essuyer les larmes.
- Il faut que tu t'habilles, d'accord ?
Elle acquiesça et fit quelques mouvements de tête maladroits avant d'observer la valise dans la pièce entrouverte à sa droite.
Il se releva, permettant ainsi à la jeune femme de faire de même à l'aide de ses jambes flageolantes.
S'avançant au centre de la chambre, il écouta l'ouverture de la valise, les respirations des gardes dans le couloir, avant de se concentrer sur les deux hommes qu'il avait laissés au sous-sol. Ses sourcils se froncèrent inlassablement et sa mine calme redevint impassible.
- Mia.
Il se tourna vers le lit afin d'accueillir le regard humide de l'héritière à côté de celui-ci. Habillée d'un pantalon noir et d'un t-shirt blanc des plus simples, celle-ci posa sa main tremblante sur le textile blanc au niveau de sa poitrine.
- Je m'appelle Mia.
Comprenant où la jeune femme voulait en venir, il débuta sa réponse, mais dû s'arrêter net.
- Na-
Trois coups résonnèrent dans la pièce. À l'unisson, ils observèrent la vitre située derrière la piscine. Ils observèrent l'homme au sourire fou qui, accompagné de sa fourche écarlate et assoiffée, était accroupi à la verticale sur la pointe de ses pieds contre la vitre dans le vide.
L'immortel toqua de nouveau trois fois et de plus en plus fort, tandis que le dernier coup fissura le triple vitrage. Planquant son front contre la vitre, le psychopathe ouvrit la bouche et, bien qu'inaudibles, deux distinctives syllabes furent visibles sur ses lèvres.
Kyūbi.
Sakura
4 janvier 1021, 10h10
Pays du Feu, Natoma
- Laisse-moi quelques secondes.
Elle resta silencieuse, acceptant ainsi la demande de l'Hyūga.
Si il lui avait dit plus tôt qui était cette femme, cette Okada, peut-être aurait-elle pu réfléchir à un plan.
Si elle avait ralenti le long du trajet, de Konoha à Natoma, peut-être bien l'aurait-il fait.
À qui était-ce la faute ?
Elle, toujours elle.
- Elle se trouve au dernier étage dans la chambre trois cent quatre-vingt-deux, à l'ouest.
Observant la partie ouest de l'hôpital tout comme le faisait Neji, elle fronça des sourcils, sceptique.
- Comment en es-tu sûr que ce soit elle ?
- Les cinq hommes devant la porte ne me laissent aucun doute, de plus, j'ai l'impression de t'y voir.
Avant de les rehausser.
- Elle me ressemble… tant que cela ?
Debout devant le rebord du toit de l'immeuble, l'Hyūga acquiesça.
- Oui, c'est assez étrange, si on omet la bobine de chakra, vous avez quasiment la même structure osseuse, le même visage… est-elle une membre éloignée de la famille de ton père ?
Le regard dans le vide à la suite de la énième rafale, elle ne sut plus quoi penser tant les questions la tourmentaient.
Pourquoi cette femme lui ressemblait-elle ? Qui était-elle et comment s'était-elle retrouvée au même endroit que Naruto, ou plutôt, pourquoi avait-il été dans cette tour, que cherchait-il ?
Avait-il approché cette femme pour son visage familier, ou pour le nom qu'elle portait ?
Secouant légèrement la tête, elle haussa des épaules.
- Je n'en ai pas la moindre idée.
Toujours à sa gauche, Neji monta sur le rebord en béton afin de s'asseoir dessus. Les mains de part et d'autre de sa tunique blanche à même la pierre, il laissa tomber ses jambes dans le vide.
- Qu'est-ce que tu fais ? lui demanda-t-elle, surprise.
- Attendons un peu voir ce qui se passe, une ouverture pourrait se créer.
Le vent souffla encore tandis qu'elle reproduisit quelques secondes plus tard le geste de l'Hyūga, mais en se positionnant dos à l'hôpital, les pieds sur le gravier qui recouvrait une partie du toit. Croisant ensuite les bras, elle soupira.
Les secondes défilèrent, puis les minutes, quand vint la dizaine et que ses souvenirs cessèrent de lui faire revivre des moments de sa vie qui lui ébranlait le cœur, elle rapporta son attention à sa droite, à l'encontre Neji.
Toujours aussi concentré qu'à son habitude, celui-ci avait les yeux rivés sur le complexe hospitalier qui se voulait beaucoup plus grand que celui dans lequel elle travaillait, alors même que Natoma abritait moitié moins d'habitants que Konoha.
Le énième budget réduit que la Feuille laissait de côté afin de se focaliser sur l'armée. Sur la guerre qui se préparait.
- Comment l'as-tu rencontré, cet homme ? lui demanda la voix calme à sa droite, brisant ainsi le silence qui s'était installé.
Observant un instant les longs cheveux noirs virevoltaient au gré du vent, elle rapporta son regard sur les montagnes et les immeubles à l'horizon, réfléchissant à si oui ou non elle allait répondre à la question. Chose que, au vu du ton qu'avait pris l'Hyūga, celui-ci se demandait tout autant.
La réponse vint aussi vite que ses lèvres s'ouvrirent : elle n'avait nulle part où aller et surtout du temps à tuer puis, si elle voulait le retrouver, Neji allait devoir l'aider. Peut-être bien que pour une foi elle pouvait ouvrir ses pensées.
- Par hasard. On… on s'est rencontré par hasard, balbutia-t-elle en se raclant la gorge et en ne sachant plus où poser son regard, quelque peu gênée.
- Est-ce Tsunade-sama qui vous a présenté ?
Pris au dépourvu par la rapidité avec laquelle la conclusion avait été trouvée, elle rapporta la foudre de son regard sur le membre de la branche secondaire. Toute sa gêne s'en alla en un battement de cil.
- N'utilise pas ce genre ce pronom honorifique pour parler de cette femme, cracha-t-elle d'une voix revêche.
Les yeux toujours fixés droit devant lui, les excuses de Neji ne tardèrent pas.
- Excuse-moi, je ne le referai pas.
Levant son visage vers le ciel et prenant une profonde respiration à la suite du timbre monotone, elle expira doucement, avant de ravaler le venin dans sa gorge.
- Pardon.
Puis, fermant les yeux, elle se mordit les lèvres, ne sachant pas quoi dire d'autre qu'un simple mot pour excuser son emportement à l'encontre d'un… simple mot.
- Tu n'as pas à t'excuser, je ne connais pas les circonstances, c'était mal placé de ma part.
Sous des milliers de croassements, une nuée de corbeaux survola le bâtiment, apportant une touche d'inconfort à la conversation.
- Tu savais qu'il était le fils du Yondaime ? lui demanda-t-il une fois les oiseaux éloignés afin d'essayer de changer cette dernière.
Elle rouvrit les yeux et fit descendre son champ de vision sur le gravier.
- Je me doutais qu'il connaissait Konoha, à chaque fois que le sujet se présentait, il le changeait, mais j'ignorais de qui il était le fils, répondit-elle d'un timbre mélangeant à la fois de la mélancolie et de la tristesse.
La question ne se fit pas attendre.
- La ressemblance et frappant pourtant, il ne lui ressemblait pas il y a trois ans ?
Le souvenir de deux heures plus tôt lui revint en mémoire et, accompagnée d'un petit sourire forcé, elle se remit à observer l'Hyūga.
- Est-ce un interrogatoire ?
Et celui-ci esquissa un sourire similaire avant de s'exprimer d'un ton quelque peu amusé, chose rare.
- Oui, réponds.
Les bras toujours croisés sous sa poitrine, elle pouffa et, contrairement à la réponse qu'il lui avait donnée aux abords du lac, elle s'exécuta.
- Il avait les cheveux blancs, du moins teints en blanc.
Son attention toujours portée à l'encontre de Neji, elle rouvrit aussitôt la bouche.
- Je t'ai répondu, alors réponds à la question que je t'avais posée.
Les veines autour des yeux opales se résorbèrent et elle réceptionna, d'après les rumeurs qu'elle avait pu entendre, le plus entrainé des Byakugans que la Feuille n'ait jamais vu naitre.
- Tu peux la répéter, ta question ?
- Quel est ton intérêt commun avec Utatane Koharu ?
Avant d'une nouvelle fois les perdre au détriment de l'hôpital.
- Nous recherchons la Princesse Héritière.
Elle… en resta muette. Non pas car cela la surprenait de la part de Neji, après tout, tout le monde était au courant qu'il n'avait jamais cessé de la rechercher, elle la première, mais plutôt que l'Utatane aussi le faisait.
Sa prochaine question qui découla ne fut donc aucunement surprenante.
- Pourquoi la cherche-t-elle ?
- J'ai répondu à ta question, c'est à ton tour.
Elle rehaussa une seconde fois ses sourcils rose bonbon.
- J'ai déjà répondu à deux questions, n'essaye pas de tricher et réponds.
Neji sourit et soupira en même temps.
- Elle m'aide à la retrouver et en échange… je me rangerai à ses côtes le jour venu.
Réfléchissant un instant et s'imaginant les pires manigances possibles et imaginables, dont beaucoup auxquelles elle avait déjà songé, sa respiration se fit toute petite et, avec le peu d'oxygène qui lui restait, elle murmura :
- Elle… organise un coup d'État ?
Un léger silence, puis la voix tacite de Neji s'éleva.
- C'est à ton tour de répondre.
Incrédule et continuant de dévisager le profil de l'Hyūga, un frisson lui parcourut l'échine.
Jusqu'où était prête à aller Utatane Koharu ? Était-ce pour cela qu'elle recherchait le fils du Yondaime ? Pour ce qu'il représentait ?
Alors qu'elle redoutait qu'une cinquième guerre se déclare aux portes de la Feuille, il se pourrait que celle-ci naisse juste devant elle ?
- Cet homme, est-ce ton mystérieux prince charmant ?
La question résonna et celles qui occupaient ses pensées se volatilisèrent tout bonnement. Doucement, elle se releva sur le gravier et, sans même prendre la peine de respirer, elle observa la tunique blanche, incrédule.
Lui en avait-elle parlé alors qu'elle était éméchée ? Non, ce n'était pas possible, même ivre jamais elle n'oserait en parler.
Dos à elle, Neji continuait d'observer la fourmilière en contrebas. D'un timbre calme, il lui offrit une réponse totalement différente à quoi elle s'était imaginée.
Elle l'avait presque oublié.
- Le jeune réceptionniste à l'hôpital.
Elle ne sut pas quel mouvement entreprendre, quoi répondre. Une bouffée de chaleur lui parcourut le buste, et elle crut qu'elle allait une énième fois céder à la colère, mais rien. L'homme face à elle n'était pas un Uchiha, et cela paraitrait surprenant que Koharu ait pactisé avec l'un d'entre eux après le message sur le papier que cette dernière lui avait adressé à leur sujet. Puis, pourquoi utiliser des ressources pour des informations si futiles ? Cela ne voulait donc dire qu'une seule chose.
Kahoku Sasane, son collègue de travail, celui à qui elle avait fait confiance, faisait jusqu'alors confiance, travaillait pour l'Utatane.
Un rictus mélangeant de l'hilarité de l'irritabilité naquit sur son visage.
Finalement, ne l'avait-elle pas toujours su ? Ce monde, ce village, ne savait faire que cela, ne lui avait appris qu'à faire cela.
Mentir.
- Y'a-t-il une personne à qui je peux faire confiance ? demanda-t-elle dans un murmure sarcastique.
Pour la seconde fois sur son perchoir Neji se tourna afin d'observer l'émeraude de ses yeux, Byakugan activé.
- Une infirmière.
Elle en resta de marbre, ne comprenant absolument pas où il voulait en venir.
La multitude d'infirmières de l'hôpital dans lequel elle travaillait lui vint en mémoire, défila par centaine.
- Une infirmière ? Quelle infirmière ? De qui est-ce que-
- Une infirmière vient d'entrer et de sortir de la chambre.
Coupée dans sa tirade, elle s'avança sur le gravier afin de rejoindre le rebord de l'immeuble, et l'opale se remit à observer l'hôpital – bien que cela soit dérisoire.
Ce qu'elle venait d'apprendre passa aussitôt au second plan. Elle entretiendrait une longue conversation à son retour, si retour il y avait.
- À quoi ressemble-t-elle, où est-elle ?
- Elle marche en direction d'une autre chambre au dernier étage, vers l'est, elle fait ta taille et doit peser dix kilos de plus, sa jambe droite est légèrement plus courte que sa gauche, ce qui la fait boiter sans qu'elle s'en rende compte. Certains de ses disques intervertébraux sont pincés, elle marche avec le dos quelque peu courbé vers l'avant, une vieille blessure est visible sur le côté droit de son cou, une cicatrice en forme de C qui a mal cicatrisée, son chakra n'est pas développé, elle n'est pas entrainée, elle doit avoir dans les quarante ans, et si j'en crois la forme de ses oreilles elle porte un masque jetable ainsi qu'un calepin contre sa poitrine, elle…
La description continua et continua encore, et elle en resta choquée.
Un simple regard et un Hyūga en connaissait autant sur votre corps que vous-même, cela en était effrayant.
- Tu restes ici ? demanda-t-elle en reprenant ses esprits, juste pour confirmer ce qu'elle savait déjà.
- Oui.
Elle posa un pied sur le rebord, prête à se jeter, mais la voix de Neji l'interpela juste avant qu'elle ne se décide.
- Attends, prends ça.
Elle tourna son attention sur le petit objet noir que lui tendait l'Hyūga, et comprit aussitôt où celui-ci voulait en venir. Récupérant l'oreillette, elle l'enfonça dans son oreille avant de sauter.
Le vent passa de bruyant à assourdissant. À dix mètres du sol, elle posa un pied à la verticale sur l'une des vitres de l'immeuble qui émit un bruit sourd et s'en aida afin de se propulser vers l'un des chênes alentour. S'aidant de ses mains, elle se rattrapa à une branche avant de se réceptionner à même le sol pavé. Doucement et sans que les passants ne l'aient remarqué, bien trop occupés à mener leur propre vie, elle se mit à marcher en direction de l'hôpital.
La réflexion qui lui traversa l'esprit la fit, tout en marchant, aussitôt se retourner afin de jeter un coup d'œil au sommet de l'immeuble, au perchoir de Neji.
Avec ce dispositif dans son oreille, la description qu'il lui avait faite était obsolète, il allait pouvoir la guider.
Avait-il juste essayé de frimer ?
Rapportant son attention devant elle, elle monta les nombreuses marches en carrelage blanc de plus d'une vingtaine de mètres de longueur et poussa quelques instants plus tard les portes battantes afin de pénétrer à l'intérieur. Le froid extérieur s'en alla à sa troisième foulée, remplacé par la chaleur climatisée.
« L'ascenseur à onze heures. »
Inspirant l'odeur aseptisée, elle traversa l'immense hall et se dirigea vers ledit ascenseur.
Piquée dans sa curiosité tandis que ses chaussures glissaient presque sur le carrelage beige impeccablement nettoyé, elle fit remonter son regard sur la pierre ainsi que la lumière.
Ouvert jusqu'au toit vitré à plus de cent mètres, le hall ovale laissait passer les rayons du soleil et éclairait chaque étage qui se succédait ainsi que chaque panneau suspendu aux énormes piliers qui maintenaient le tout. Même d'ici et au travers des vitres transparentes d'un mètre à chaque étage qui servaient de garde-corps, elles pouvaient apercevoir les dizaines, non les centaines de personnels hospitaliers au dernier étage, passant de chambre en chambre, de bureau en bureau.
Cette ville lui faisait mal à la nuque, et ce même en intérieur.
« Trentième étage. »
Elle appuya sur le bouton qui appelait l'ascenseur. La cage s'ouvrit aussitôt et elle entra à l'intérieur, vide de monde, tandis que celles à côtés se vidaient de leur occupant.
Elle comprenait maintenant pourquoi il lui avait indiqué celui-ci.
D'un geste rapide, elle appuya sur le numéro trente, et les portes métalliques se refermèrent, l'isolant.
- Tu peux m'entendre ? demanda-t-elle d'une voix emplie de doute.
« Oui. »
Elle arbora un air surpris.
La dernière fois qu'elle avait utilisé ce genre d'appareil, deux ans plus tôt, l'oreillette était beaucoup plus grosse et devait se maintenir à l'oreille à l'aide d'une petite ficelle ou d'un câble… où le micro était souvent relié. Maintenant voilà que tout était compacté dans un petit gadget qui ne se voyait même plus.
Ces deux dernières années, la technologie avait fait un bon faramineux. À croire qu'une certaine course à l'armement était en cours.
Les portes s'ouvrirent au trentième étage sans s'être arrêtées une seule fois, et elle s'extirpa de l'ascenseur afin de rejoindre le couloir. Elle n'eut le temps que de s'avancer vers les rambardes vitrées et d'apercevoir l'endroit qu'elle avait quitté que le chemin à suivre dans son oreille bourdonna.
À chaque direction, elle s'exécutait sans un mot, et à chaque ordre, elle s'enfonçait un peu plus dans le labyrinthe hospitalier.
« À droite, puis tout droit sur vingt mètres. Gauche. Gauche puis à droite après la femme de ménage. Tout droit sur dix mètres puis prends la porte juste avant l'homme qui lit un journal. La porte à ta droite. Non pas celle-ci. Oui, celle-ci. Arrête de sourire, gauche, tu vas te faire remarquer. Tout droit sur quinze mètres. L'infirmière se trouve derrière la prochaine porte à ta gauche, ne t'arrête pas, continue de marcher, elle va en sortie dans quelques secondes juste devant toi. »
Comme par magie, une femme d'une quarantaine d'années, boitant légèrement et portant un masque ainsi qu'un calepin contre sa poitrine, sortit de la salle de repos trois mètres devant elle à sa gauche.
Silencieusement, elle lui emboita le pas.
Cela était difficile, même pour un ninja expérimenté, de prendre l'apparence d'une personne tout juste rencontrée. Certains aspects étaient souvent oubliés. Heureusement pour elle - ou plutôt malheureusement - elle n'était pas simplement expérimentée, elle avait fait partie intégrante de la Section ANBU et, lorsque la Section recrutait un membre, la métamorphose d'un simple coup d'œil était le b. a.-ba. La première technique qui était testée chez une potentielle nouvelle recrue.
Savoir s'adapter et se fondre dans la masse en un claquement de doigts : savoir prendre l'apparence de l'ennemie sans que quiconque s'en aperçoive.
Un simple regard échangé, un simple bonjour, un seul sourire de salutation partagé avec la femme et la seconde qui suivit elle ouvrit une porte à sa droite afin d'entrer à l'intérieur de la pièce.
« Il n'y a pas de caméra. »
Quelque peu plongée dans la pénombre, elle ne prêta guère attention à l'endroit dans lequel elle venait d'entrer. Un nuage de fumée la fit disparaitre, avant de la laisser ressortir sous la forme d'une quarantenaire.
Brune en queue de cheval et aux yeux marrons, habillée d'une blouse blanche, de chaussure noire, d'un pantalon bleu et d'un masque de même couleur, elle ouvrit la porte et s'aventura dans le couloir.
La porte ne fut fermée qu'une seule seconde.
Dos face à l'original maintenant à plus de sept mètres, elle prit le chemin inverse et suivit celui que lui indiquait la voix dans son oreille.
Ayant récupéré un calepin sur son chemin une minute plus tard, elle le plaqua contre le côté gauche de sa poitrine et s'avança dans le dernier couloir afin de faire face aux deux hommes.
En costume, tout de noir, tout comme l'était leur lunette opaque, les deux mastodontes devant la porte coulissante l'observèrent de la tête au pied.
- Avez-vous oublié quelque chose ? lui demanda l'armoire à sa droite, blond et devant faire un mètre quatre-vingt-quinze pour cent vingt kilos.
Elle sourit aimablement.
- Non, je veux simplement m'assurer de quelque chose, répondit-elle en mettant en évidence le papier sur son calepin. « Après concertation avec un confrère, certaines anomalies au niveau des résultats de la prise de sang m'ont interpelé, je dois seulement poser quelques questions à Mademoiselle Okada, si cela est possible bien entendu. »
Tout ce qu'elle espérait maintenant était que le simple bonjour échangé avait été suffisant pour avoir parfaitement adapté sa voix.
Les deux hommes s'observèrent, puis observèrent les trois autres un peu plus loin dans le couloir, avant que tous de manière succincte n'acquiescent.
L'homme à sa gauche tira la porte en bois renforcée qui s'ouvrit silencieusement et, souriant toujours poliment, elle passa entre les deux costumes afin d'entrer dans la chambre plongée dans la pénombre.
Tout aussi silencieusement, la porte se referma dans son dos, ne laissant que la faible lumière d'une lampe de chevet.
La première pensée qui lui traversa l'esprit alors qu'elle s'avança dans la pièce de couleur orangée la fit légèrement douter quant au fait qu'elle se trouvait au bon endroit.
La pièce ressemblait plus à une chambre d'hôtel luxueuse qu'à une chambre d'hôpital. Là où d'habitude le sol et les murs se voulaient blancs, immaculés, ici les couleurs tendaient vers le marron et le beige. Que ce soit le parquet, le revêtement des murs, la décoration, tout était extravagant, même l'humidificateur d'air dans le coin de la pièce qui crachait de la fumée humide semblait être tout juste sorti de son emballage. Les indénombrables plantes multicolores aux quatre coins de la pièce, les rideaux noirs qui filtraient la lumière du soleil, les fleurs sur le petit meuble au pied du lit si abondantes que certaines avaient été placées à même le sol.
Tout atteignait l'exagération.
Finalement et du coin de l'œil, elle observa la femme dans le lit, et elle dut se retenir pour ne pas emmètre une pulsion de chakra afin d'essayer de briser l'illusion.
Allongée le dos sur un énorme oreiller, les yeux fermés, les cheveux relâchés, le bras droit sur le drap immaculé qui recouvrait la moitié de son corps habillé d'un large chemise blanche, et le gauche emplâtré qui reposait sur son ventre, son portrait craché dormait.
Stupéfaite, elle fit un pas supplémentaire en direction de la femme et des écrans des machines qui éclairaient et entouraient le lit hospitalier.
Les cheveux rose bonbon, les lèvres fines, les pommettes en diamant, les sourcils anguleux et les joues légèrement creusées, celle-ci, en plus de plusieurs points de suture sur le côté droit de son front, possédait tout ce qu'elle pouvait observer dans le miroir chaque matin.
Cela en était déroutant. Elle ne savait vraiment pas quoi penser de la situation. Elle aurait au moins espéré une différence, mais cette femme était littéralement sa sœur jumelle.
Comment cela était-ce possible ?
Entouré par de légers cernes, le regard qui lui faisait face s'ouvrit, et pour la première fois, elle fut prise de soulagement. Encore un peu et elle aurait crié à l'univers parallèle et aux portails spatiotemporels.
Dans un premier temps déboussolés, les iris argentés se posèrent finalement sur elle au beau milieu de la chambre. Maintenant son calepin contre sa poitrine, elle sourit à l'invité d'honneur de l'hôpital se rendant tout juste compte de sa présence.
Ce qui ne manqua d'ailleurs pas de soulever une seconde différence : le timbre de voix de la jeune femme était un peu plus grave que le sien. Une fumeuse, peut-être.
- Que faites-vous encore ici ? Je vous ai demandé que l'on me laisse tranquille.
Doucement, elle abaissa son visage devant le lit.
- Je m'appelle Haruno Sakura.
Semblant là aussi posséder le même caractère, sa copie leva un sourcil à la fois étonné et ennuyé.
- En quoi cela m'importe-t-il ? Sortez de ma chambre je suis fatiguée.
Elle resta plantée devant le regard assassin sans emmètre le moindre son, ce qui ne manqua pas d'élever le second sourcil ainsi que le murmure agacé de la jeune femme
- Tu ne m'as pas entendu, Sakura ? Sors d'ici où ce sera ton dernier jour dans cet endroit.
Elle continua de sourire.
- Je ne travaille pas ici.
L'atmosphère passa de relâchée à craintive et, en une fraction de seconde, la fatigue sur le lit se volatilisa.
Se repositionnant sur l'oreiller, l'héritière de la famille Okada arbora un air d'incompréhension et à peine posa-t-elle son regard sur la petite plaque métallique accrochée à sa blouse blanche d'infirmière, que son bégaiement se manifesta.
Reproduisant le geste, elle fit descendre ses yeux émeraude sur le petit badge en fer.
Mayuko Kawasa, définitivement rien à voir avec Sakura.
- Qu-qui êtes-vous ?
Le tutoiement s'en était allé, tout comme le sourire que lui avait jusqu'alors offert l'héritière. Pour la seconde fois, elle abaissa légèrement son visage devant le lit.
- Je m'appelle Haruno Sakura, je viens de Konoha, enchantée de faire votre connaissance, Mademoiselle Okada.
La bouche ouverte, son interlocutrice semblait avoir perdu sa langue, comme si le nom du village militaire du Feu venait de la lui arracher.
Comprenant qu'un hurlement pouvait avoir lieu à tout instant à l'égard des gardes, elle se recula d'un pas vers le petit couloir qui amenait aux portes coulissantes.
- Je ne vous veux aucun mal, vous n'avez rien à craindre.
D'un mouvement lent afin de ne pas effrayer les jambes sous le drap, elle déposa le calepin à même le matelas et sourit pour la seconde fois.
- Je ne sais pas si vous êtes habituée à voir ce genre de chose, mais ne soyez pas effrayée, il n'y a rien de dangereux. Je vais relâcher du chakra autour de moi afin de repousser l'atmosphère ainsi mon changement de forme ne me blessera pas. Cela va engendrait de la fumée. Bien que chaude elle reste inoffensive, vous pouvez la respirer ce n'est que de l'humidité.
Ne laissant à l'héritière que le temps de comprendre la moitié de ce qu'elle venait de dire, elle disparut dans un nuage de fumée et, sous la disparition de l'humidité condensée, ses cheveux rose bonbon refirent leur apparition. La blouse se fit remplacer par son pull vert et le pantalon bleu par son noir.
Le regard de la jeune femme s'écarquilla de stupeur.
- Que… qu'est-ce que…
Malgré l'incongrue situation, elle fit perdurer son sourire au beau milieu de la chambre. Il s'agissait peut-être bien là de la seule chose qui retenait l'héritière de hurler, elle pouvait facilement le deviner face au rythme cardiaque de cette dernière qui ne cessait d'accélérer.
- Je m'appelle Haruno Sakura, je suis Eiseinin, j'exerce à l'hôpital de Konoha et comme vous pouvez le remarquer, je suis tout aussi étonnée que vous l'êtes.
De son seul bras amovible, l'héritière la pointa d'un doigt hésitant.
- Ce-ce n'est… pas possible… ce n'est pas votre véritable apparence… v-vous essayez de vous jouer de moi... j-je connais vos tours de magie…
La jeune femme ouvrit la bouche en grand, prête à hurler un nom, mais se reculant une seconde fois du lit, elle leva ses mains en signe d'apaisement, ce qui arrêta l'héritière juste à temps.
- Croyez-moi, vous trompez est la dernière chose que je souhaite faire, j'ai besoin de vous, de votre coopération, s'il vous plait, laissez-moi d'abord parler, ensuite vous pourrez crier si vous le souhaitez je ne vous en empêcherais pas.
La bouche se referma et, perplexe, la jeune femme lui offrit une part de son attention, prête à écouter ce qu'elle avait à dire, l'autre part étant placée sur les réflexes de ses poumons, prêts à hurler.
- Je peux imaginer que vous avez déjà répondu à énormément de questions des enquêteurs, je vais donc passer celles qui concernent ce qui s'est passé cette nuit-là.
Faisant redescendre ses mains, elle les referma machinalement et frotta ses pouces à l'encontre de ses index, quelque peu stressée. Mais dérisoire comparé au regard argenté qui se décomposa à mesure qu'elle s'exprima :
- Vous avez rencontré un homme, n'est-ce pas ? Il a les cheveux dorés, les yeux azur et mesure dans les un mètre quatre-vingts.
Alors qu'elle crut n'avoir aucune réponse immédiate, la jeune femme, semblant être prise d'effroi, lui répondit d'un mouvement de tête négatif.
- Non je n'ai rencontré personne je ne vois pas de quoi vous parler.
Même le bégaiement s'en était allé.
Elle sourit pour la troisième fois.
- Je vais récupérer un papier dans ma sacoche accrochée à ma jambe, ne prenait pas peur, d'accord ?
Doucement et sous l'œil craintif de l'héritière, elle plongea sa main dans sa sacoche afin d'en ressortir une photo.
- Puis-je m'approcher afin de vous le passer ?
Hésitante dans un premier temps, l'héritière hocha finalement la tête.
- P-Posez-le sur le lit.
Elle s'exécuta, faisant deux pas vers celui-ci, elle déposa la photographie sur le lit avant de reprendre sa place initiale. Sans la quitter des yeux, la jeune femme récupéra le cliché afin de l'observer.
Elle devint aussi blanche que le drap qui la recouvrait, puis, avec un air mélangeant de l'incompréhension et de la colère, l'héritière la foudroya du regard. Là encore, le bégaiement fit faux bond.
- Comment avez-vous eu cela ?! hurla-t-elle à s'en égosiller la voix.
Instantanément, la porte coulissante s'ouvrit et, faisant un pas à l'intérieur de la chambre, le garde s'arrêta aussitôt tandis qu'il l'observa, debout de l'autre côté du couloir.
Heureusement pour elle, le lit n'était pas visible depuis l'entrée.
De profil à la porte à moitié ouverte, elle resta de marbre et continua d'observer l'héritière, avant de braquer subitement sa main vers le costume à l'arrêt et de s'exclamer d'un timbre un peu plus grave qu'elle en avait l'habitude.
- Refermez la porte !
Aussitôt dit, le pied sur le parquet se retira pour retourner sur le carrelage du couloir hospitalier, avant de s'excuser.
- D-Désolée Mademoiselle Okada.
La porte se referma et, toujours debout au milieu de la chambre, elle sourit une énième fois à la jeune femme, sous le choc. Du fait de ce qu'elle avait entre les mains, et du fait de ce qu'elle venait de faire.
L'accalmie reprit place, tout comme le timbre amical qu'elle avait utilisé jusqu'alors.
- Comme je vous l'ai dit, je ne vous veux aucun mal. Je veux seulement savoir si cette photo est réelle : avez-vous rencontré cet homme ?
Aucune réponse ne vint. Le visage de nouveau descendu sur la photographie, l'héritière semblait tirailler par l'envie de dire la vérité et de mentir. Ce qui lui donna sa réponse sans que celle-ci n'ait besoin de le faire.
- Naruto.
Les iris argentés remontèrent à une vitesse folle sur elle.
- Il s'appelle Naruto.
Avant de redescendre sur les cheveux dorés. D'un revers de la main qui tenait la photo, l'héritière s'essuya une larme solitaire puis sourit bêtement.
- Il… il n'avait pas eu le temps de me dire son nom.
Un profond soulagement se répandit dans la pièce tandis qu'elle relaxa ses poings devant le lit. Tout était vrai. En revanche, quelque chose la dérangeait.
- Que… s'est-il passé, savez-vous où il est ? demanda-t-elle d'une voix douce.
Sa copie rapporta son attention sur elle, s'essuyant une seconde larme.
- Je ne comprenais pas pourquoi il m'aidait, pourquoi il risquait sa vie pour la mienne, maintenant, je pense avoir compris.
Fronçant des sourcils, elle dévisagea l'héritière, ne comprenant pas où cette dernière voulait en venir.
- Êtes-vous un proche ? Une amie, un membre de sa famille… sa femme ? lui demanda le timbre triste, brisé.
Stoïque, elle continua de dévisager la jeune femme alors que celle-ci s'exprima à nouveau.
- Il m'a sauvé car je vous ressemble, c'est ça ?
Les fourmilles remontèrent le long de ses jambes qui la maintenaient debout et, arrivées à ses hanches, elle dut se contraindre à ouvrir la bouche.
- Que s'est-il passé ? demanda-t-elle pour la seconde fois, mais cette fois-ci d'un timbre inquiet.
Cette fois-ci les larmes coulèrent à flots.
- Je… je suis désolée il… il… est mort.
Elle fit un pas empli d'animosité vers le lit, pour autant aucun hurlement ne se fit entendre. Malgré le fait qu'elle le souhaitait de tout son cœur, elle prit sur elle-même et utilisa le ton le plus calme de son répertoire.
- Dîtes-moi exactement ce qu'il s'est passé, n'oubliez aucun détail.
Se mordant les lèvres, l'héritière essayait de retenir ses larmes, en vain.
- On… on était… le bâtiment était en feu les… les monstres continuaient de l'attaquer alors qu'il essayait de sauver le plus de monde possible tout… tout en essayant de retenir le bâtiment qui s'effondrait et… après il m'a attrapé le bras puis… puis je n'ai pas compris ce qu'il s'est passé, j'ai dû perdre connaissance, mais je me suis retrouvée dans la rue… et j'ai seulement eu le temps de lever mon regard que la tour s'est effondrée sur elle-même, je… il…
Le regard plissé, l'air perdu, elle observa l'héritière, égarée tout comme elle dans ses balbutiements.
- Des monstres ?
Cette dernière acquiesça.
- Oui… ils sont sortis de nulle part… d'abord c'était deux hommes, puis ces monstres de ficelles noires se sont mis à nous attaquer… à attaquer tout ce qu'ils voyaient… à massacrer tout le monde. Ils crachaient des flammes, des torrents d'eau et faisaient bouger le sol et les murs…
- Qui étaient ces deux h-
« Son bras. »
Coupée dans sa énième question, elle réceptionna le regard attristé de la jeune femme, tout aussi surprise qu'elle l'était.
Elle en avait presque oublié Neji.
- Lequel ? s'éleva sa voix dans la chambre.
La conversation était-elle que le fait de parler toute seule ne surprit pas plus que cela l'héritière. Les sourcils froncés et les yeux emplis de larmes, celle-ci attendait qu'elle termine sa question.
« Le droit. »
Doucement, elle fit un pas supplémentaire vers le lit, reprenant ainsi la place qu'elle avait eue à son arrivée.
- Puis-je voir votre bras droit, Mademoiselle Okada ?
La photographie aux prises de la main du dit bras, la jeune femme la dévisagea.
- Pour… pourquoi ?
« Un sceau est présent. »
- Un sceau est présent.
- Un… un sceau ? Qu'est-ce que c'est ?
- C'est…
Elle soupira.
Devait-elle réellement se mettre à expliquer ce que le Fūinjutsu était ?
- S'il vous plait, cela ne sera pas long.
Hésitante dans un premier temps, la jeune femme déposa finalement le cliché sur ses jambes avant d'élever son bras.
Tout aussi méticuleusement qu'elle le faisait depuis son entrée dans la chambre, elle fit le tour du lit afin de s'en approcher. Debout, à moins d'un mètre de l'héritière semblant lui faire maintenant étrangement confiance, elle observa longuement le bras.
« Sur le poignet. »
- Puis-je le toucher ? demanda-t-elle tandis que la jeune femme acquiesça une nouvelle fois.
Remontant ses manches plus par réflexes qu'autre chose, elle glissa une main droite sous celle de l'héritière et un sa gauche sur le poignet où des bleus étaient encore visibles et, instantanément, elle le ressentit. Dissimulé par un second sceau bien moins complexe et qui servait à le rendre invisible, le sceau primaire fit son apparition tandis qu'elle y injecta de son chakra.
Dans un premier temps, un point noir au milieu du poignet se matérialisa, puis laissa sortir une toile d'encre qui se répandit des phalanges jusqu'au coude, effrayant l'héritière qui essaya de retirer son membre.
- Qu'est-ce que… !
D'une main ferme, elle retint le poignet de faire tout mouvement brusque.
- Ce n'est rien, n'ayez crainte.
Et d'un œil médusé, elle observa le sceau primaire.
Jamais encore elle n'avait vu quelque chose de la sorte. C'était… extraordinaire. Le sceau en cachait un autre qui en cachait un autre qui en cachait un autre… elle ne savait pas où mettre de la tête. Il était tellement complexe que même si on lui donnait neuf vies pour essayer de le déchiffrer, elle doutait du fait d'y arriver. Pour autant, il ne tenait que sur un bras, comment cela était-ce possible ? Un tel niveau de Fūinjutsu, était-ce ne serait-ce qu'imaginable ?
Sans qu'elle ne sache pourquoi, le bras de l'héritière se relâcha, jusqu'à qu'elle doive carrément le porter.
Relevant son attention sur les iris argentés, elle fut surprise de les voir tourner vers les fenêtres de la pièce, ou plus précisément, derrière elle, incrédule.
« Est-ce toi qui as relâché autant de chakra ?! Une impulsion a presque traversé tout l'hôpital ! »
Un frisson lui parcourut l'échine tandis que le hurlement de l'Hyūga résonna dans son tympan droit. Insufflant de son chakra dans ses sens, elle entendit finalement l'inspiration dans son dos. Puis le léger changement de lumière lui revint en mémoire, avant que l'odeur de jasmin ne pénètre ses narines.
« Tu m'entends Sakura ?! Quelque chose d'étrange vient de se produire derrière toi ! Bouge ! Fais quelque chose ! »
Avec expectation alors que le souffle du vent se fit entendre dans son oreillette, traduisant le fait que Neji avait sauté, elle se retourna lentement et fit remonter son attention sur la présence qui la surplombait.
Pour la première fois depuis trois années, l'émeraude croisa l'azuré.
Sasuke
4 janvier 1021, 21h56
Pays de l'Eau
Les gigantesques falaises basaltiques issues de centaines de milliers d'années d'éruption volcanique du volcan Rishiri à l'ouest du Pays de l'Eau, plus couramment appelées Tōjinbō, étaient considérées par beaucoup comme l'un des endroits à visiter dans une vie.
Lorsque l'on se trouvait au bord et au sommet de celles-ci, à plus de cent mètres au-dessus de la Mer Kyūshū qui reliait la péninsule ninja à Mizu, il était dit que l'on pouvait apercevoir les cinq grands archipels qui entourait l'ouest du pays, dont le Pays du Miel et des Œillets. Certains affirmaient même avoir déjà pu observer de nuit les lumières du Pays des Vagues, lui situé à quatre-vingts kilomètres des côtes du Feu.
En plus de cette réputation touristique, ce lieu possédait une autre facette en peu moins… glorieuse : il s'agissait, d'après les rumeurs, du plus grand cimetière humain des dernières décennies, bien plus que certains champs de bataille.
S'il y avait bien une chose pour laquelle la Mer Kyūshū était connue, c'était sa température glaciale, ce dont certains requins raffolaient, surtout les grands blancs. Il était dit qu'il y avait plus de requins au kilomètre carré sur la côte est de Mizu qu'il y avait d'habitant à Sakaide, la capitale du pays.
Une capitale rongeait par la pègre et la pauvreté.
Le Pays de l'Eau n'avait jamais été connu pour sa richesse, loin de là. Il s'agissait de la nation la plus pauvre des Cinq Grandes Puissances, la moins peuplée, la moins armée. Tous ces titres revenaient depuis quelques années au Feu. Ce qui faisait la force de la Nation de l'Eau était sa position géographique.
Depuis sa création, plus d'un millénaire auparavant, lorsque l'Empire du Feu, du Vent, et de la Terre s'étaient fracturés à la suite de la célèbre Guerre des Provinces s'étant achevée sur une défaite mutuelle, une cinquantaine de pays avait émergé, dont la Foudre, le Gel, le Fer, les Sources Chaudes, les Cascades, les Rizières, les Haricots Rouges… l'Eau.
En plus de mille ans d'existence, jamais Mizu n'avait cédé un centimètre de son territoire, contrairement à toutes les nations majeurs et mineurs qui composaient la péninsule et qui ne cessaient de modifier les cartes.
Bien que le pays n'avait rien cédé à ses ennemis, il ne cessait de reculer face à la criminalité ces dernières décennies. La grande majorité des drogues qui gangrénaient la péninsule provenaient de Mizu. Et la grande majorité des personnes qui essayaient d'y remédier, qui luttaient contre les cartels, finissaient ici, recouvertes de sang de poisson et jeter à la mer.
Jeter aux requins.
À plus de cinquante mètres au-dessus de la mer, en bordure de falaise et à plus d'une trentaine des sables des plages noires, il ouvrit le petit sac plastique entre ses mains et vida son contenu écarlate sur le corps calciné à ses pieds. D'un mouvement de jambe, il fit basculer ce qui restait du gilet vert qui tomba dans le vide devant lui et disparut dans l'obscurité. La seconde qui suivit, les vagues percutèrent les roches de basalte en contrebas, étouffant la rencontre entre le corps sans vie et l'eau qui en gargouillaient.
Faiblement éclairé par les étoiles et la lune, il observa les lumières des archipels à l'horizon tandis que le vent fit virevolter ses cheveux noir de jais.
- Pourquoi tu me l'as amené, pourquoi tu ne l'as pas éliminé toi-même, demanda-t-il à l'Aburame qui, encapuchonné et mains dans les poches, venait tout juste de se positionner à sa droite.
- J'avais besoin que tu comprennes que je suis de ton côté, lui répondit ce dernier derrière le col de sa veste noire.
Tournant son attention vers Shino, la brise fraiche lui en plissa les paupières
- Pour quelle raison as-tu besoin que je le sois ?
- Dis-moi d'abord pourquoi je suis ici, tu n'as rien précisé dans ta requête, seulement mon nom.
Réfléchissant, il rabattit son regard fuligineux sur l'obscurité devant eux.
- J'ai besoin que tu traques une personne, une femme.
- As-tu un objet qui lui appartenait ?
- Pas sur moi.
Les vagues se fracassèrent sur les rochers, et l'écume carmine se fit happer par le courant.
- Très bien, dis-moi la véritable raison maintenant.
Continuant de contempler la mer en contrebas, il ne put se retenir de sourire. Il n'y en avait pas deux comme Aburame Shino.
- J'ai besoin que tu confirmes quelque chose, cela concerne le Mizukage, je pense qu'il est sous l'emprise de Dōjutsu de mon clan, mais je n'en suis pas certain.
- Pourquoi penses-tu que j'en sois capable ?
- J'ai lu les rapports que tu as écrits lorsque tu faisais encore partie de la Section.
- Lire un rapport scellé est considéré comme de la haute trahison.
- Tu pourras en avertir le conseil une fois rentré.
Quelques rafales les empêchèrent de poursuivre leur conversation alors qu'il se mit à de nouveau observer l'Aburame qui, l'index levé devant ses lunettes opaques, admirait l'insecte sur celui-ci qui luttait à l'encontre du vent.
- Ces insectes-là ne peuvent pas voler, je dois me trouver à proximité, j'ai besoin de me rendre sur place.
Il acquiesça.
- Une fois cette femme retrouvée, je t'emmènerai au palais.
- As-tu une raison valable de t'y rendre ?
- Cette femme, il la recherche.
Un long silence s'en suivit durant lequel Shino renfonça sa main dans sa poche et durant lequel il se remit une énième fois à observer les archipels, puis l'Aburame se décida finalement à répondre à sa question.
- Ton frère a rendu visite à Sakura peu de temps après que tu l'aies raccompagné.
Fronçant des sourcils, il ne se contenta pas de tourner son regard, son corps ton entier se tourna vers Shino. Il n'était pas surpris que celui-ci sache qu'il s'était trouvé là cette nuit-là, après tout n'importe quel traqueur en serait capable, il ne pouvait en revanche pas cacher sa surprise concernant son frère.
- D'après ce que m'a dit Sakura, Itachi aurait vu Ino à Tsuchi, ajouta l'Aburame.
- Yamanaka Ino ?
- Yamanaka Ino.
Une multitude de sensations et de pensées lui traversèrent l'esprit à une vitesse faramineuse et, recollant les morceaux, une seule question resta sans réponse.
Que gagnes-tu à faire cela ?
Il fit un pas sur le côté et d'une mine tiraillée observa la forêt avant de se retourner et de s'exprimer d'un timbre contrarié.
- Oublie ce que je viens de te dire, ta mission est annulée. Retourne à Konoha et protège Sakura.
Shino ne bougea pas d'un centimètre, les mains dans les poches de sa veste noire, le regard dissimulé derrière ses lunettes opaques, il l'observait sans broncher, avant de poser la question que n'importe qui poserait dans une situation pareille.
- La protéger de quoi ?
Deux pupilles cramoisies s'imposèrent à ses pensées et, l'air impassible, il observa une énième fois vers l'ouest, vers les cotes du Pays du Feu.
- D'Itachi.
Naruto
3 décembre 1014, 10h49
?
« Parfois je me demande s'il m'entend, s'il voit ce que je vois, s'il ressent ce que je ressens. »
Un son désagréable, répétitif atteignit son ouïe, puis une odeur néfaste l'empêcha de se rendormir. Il ouvrit les yeux et fixa le plafond sombre. Il observa le couloir obscur, la tuyauterie usagée et sale qui arborait de la matière verdâtre et visqueuse, ornée de trous d'où l'eau gouttait librement.
« Quand je suis en colère, je le ressens. Pas directement, mais plutôt comme quand quelqu'un ou quelque chose t'observe, tu vois ce que je veux dire ? Il est là sans être là, une sensation désagréable… rassurante. »
La crainte et l'inconfort le firent quitter sa position allongée dans la flaque d'eau afin de s'asseoir sur le sol sec. Il observa l'obscurité, déboussolé, tandis que le souffle chaud fit virevolter sa chevelure dorée et que le rire rauque traversa la cavité.
« J'aimerais le rencontrer, le confronter, je n'en ai jamais eu l'occasion, Sensei m'a dit que ma mère l'avait déjà fait, pouvait le faire quand elle le souhaitait, je ne sais pas du tout comment elle faisait, pour moi il reste inaccessible, peut-être cela vient-il du sceau, peut-être que mon père ne souhaitait pas que cela se produise. »
Il ferma ses paupières et les rouvrit afin d'appuyer sa main contre le mur désagrégé, debout et haletant. Il sursauta alors qu'une goutte d'eau lui heurta le front et, releva sa main droite afin de s'essuyer le menton, il fit redescendre son bras gauche recouvert de sang.
« Je pense qu'il se sent seul. Malgré tout ce qu'il a fait, tous les êtres vivants qu'il a pu tuer, je ressens parfois une profonde tristesse inexpliquée. Je pense quelle émane de lui, que l'on se partage mutuellement nos sentiments, sinon comment saurait-il quand essayer de sortir ? À chaque fois que je suis vulnérable, que je suis en colère. »
Il releva son champ de vision sur l'incommensurable cage dorée et le sceau blanc qui l'ornait, croisant inévitablement le regard affamé quelle renfermait.
Plongés dans le noir complet et atteignant une hauteur vertigineuse, les yeux rouge sang et prédateurs se mirent à l'observer. Bien plus grandes qu'il ne le serait jamais, les iris noirs qui fendait les pupilles cramoisies descendirent de leur perchoir afin de le surplomber de seulement une dizaine de mètres.
Le rire caverneux résonna à ses tympans, et l'haleine chaude de l'immense créature repoussa l'eau à ses pieds, faisant vaciller ses vêtements noirs et déchirés.
«Enfin, nous nous rencontrons. »
La voix profonde et rusée le percuta si violemment quelle fit vibrer la moindre fibre de son corps et lui coupa la respiration.
« Je me demandais quand ce jour arriverait. »
Immobile, dans l'incapacité de faire le moindre mouvement tant la situation le dépassait, il se contenta d'écouter le son qui émanait de derrière la cage : Des coups de fouet qui balayaient l'atmosphère, neuf fouets. Toutes les secondes, un léger tremblement se faisait ressentir, signifiant le fait que l'une des queues changeait de direction.
« Tu affirmais à cette humaine aux yeux impurs que tu voulais me rencontrer, maintenant que tu te retrouves devant moi, tu restes muet. Aurais-tu peur ? »
Sous les yeux démoniaques, les immenses crocs blancs firent leur apparition.
- Tu es… Kyūbi, le démon renard à neuf queues ?
L'écho de sa voix dans le néant alentour le fit observer subitement derrière lui, croyant que quelqu'un s'y trouvait, avant qu'il ne se retourne pour faire face à la l'immense tête de renard à la fourrure orange qui venait de s'approcher des barreaux.
Un seul poil faisait la taille de son avant-bras recouvert de sang.
Malgré le fait que le gargantuesque renard n'ouvrit pas son museau, la voix rauque résonna dans son corps.
« Kyūbi… non, je ne connais pas ce nom, c'est ton espèce qui me l'a attribué. »
Parvenant miraculeusement à garder son sang-froid, à ne pas trembler sous la pression, il s'avança d'un pas.
- Quel est ton nom dans ce cas ?
Le sourire de la bête s'ouvrit encore plus.
« Arrache ce sceau et tu m'en attribueras plusieurs. »
D'un mouvement lent et incertain, il déplaça sa main gauche écarlate sur son torse et posa sa main à l'encontre des battements de son cœur.
- Je te ressens, j'arrive à percevoir tes sentiments, ce n'est pas la peine de jouer la carte du démon avec moi comme tu as dû le faire avec mes prédécesseurs. Je suis sincèrement désolé de ce que nous avons pu te faire. Je le suis vraiment.
Les crocs carnassiers s'étaient volatilisés dans l'obscurité à mesure qu'il s'était exprimé et, à peine avait-il fini sa phrase que des griffes de la taille d'une maison passèrent violemment au travers des barreaux afin d'essayer de l'atteindre, en vain. Malgré la violence du choc qui faillit lui faire perdre l'équilibre et fit redescendre sa main, la cage ne bougea pas d'un millimètre.
« Penses-tu que c'est la première fois que j'entends cela ? Tu te penses spécial, différent de ton espèce ? »
Les yeux fous s'élevèrent dans les hauteurs de l'infinie pièce, pour autant l'intensité du timbre rauque n'en fut nullement amoindrie.
« Bientôt, tu comprendras que tu ne l'es pas. Tu dis que tu ressens ce que je ressens ? Alors, prépare-toi, oui, prépare-toi. Tu vas ressentir exactement ce que je ressens depuis plus de mille ans, tu vas comprendre le sens du mot injustice, la prochaine fois que l'on se verra, ce n'est pas ce regard compatissant avec lequel tu me toiseras, ce sera avec un empli de haine, la prochaine fois que tu viendras ici, on verra bien qui se trouvera enfermé avec qui. »
Il en put que s'avancer d'un pas supplémentaire.
- Que veux-tu dire ? Je ne comprends pas, explique-toi.
Le sourire réapparut à plus de cinquante mètres.
« Ouvre les yeux, Uzumaki, c'est maintenant que cela devient intéressant. »
Il ouvrit les yeux, et la lumière du soleil l'aveugla aussitôt. Puis vinrent la chaleur et l'odeur de la flore. Un moins d'une inspiration, il sut exactement où il se trouvait, ce fut pourquoi après avoir contemplé le plafond du champignon géant, ses sourcils se foncèrent inexorablement.
Allongé sur un fin matelas à même le sol, il essaya de se redresser, mais l'effort que celui lui demanda et la douleur que cela lui procura furent telles qu'il retomba sur l'oreiller dans une grimace inconfortable.
Le masque spiralé lui revint en mémoire et la peur le fit se redresser avec une aisance inconsidérée. L'adrénaline étouffa complètement la douleur que son mouvement engendra.
Soudainement haletant, il observa la pièce, la table basse, la cuisine, les petits meubles, à la recherche d'une chevelure blanche, mais seul le silence alentour lui parvint. Il observa alors les bandages qui recouvraient son corps habillé d'un pantalon bleu clair et ne fut que plus égaré.
Que s'était-il… passé ?
Il examina ses mains, plus précisément ses doigts, et regarda le sang séché présent entre sa peau et ses ongles et se rendit rapidement compte qu'il ne s'agissait nullement du sien.
Malgré la douleur que lui demanda son geste, il se releva jusqu'à frôler le plafond. Boitant légèrement, il s'avança alors vers la seule porte du champignon géant et l'ouvrit en grand. La chaleur du Mont lui réveilla ses blessures ne semblant pas encore avoir cicatrisé, se qui ne manqua d'ailleurs pas de l'étonner. D'habitude ses blessures guérissaient en seulement quelques heures, et il semblait avoir perdu connaissance bien plus longtemps que cela.
Prenant soin de ne pas trop forcer sur sa jambe droite douloureuse, il fit quelques pas sur le chemin de terre et s'arrêta à l'endroit où celui-ci entamait son interminable descente vers les forêts et les villages alentour.
À peine releva-t-il son attention sur l'horizon que son regard azur s'écarquilla de stupeur. La seule pensée qui lui traversa l'esprit à cet instant précis lui remémora les nombreuses histoires qu'il avait pu entendre ou lire ici.
Les serpents… avaient-ils lancé une offensive ?
Aussi loin que sa vision lui permettait de voir malgré le ciel sans nuages et le soleil qui l'aveuglait, d'immenses trous béants avaient remplacé une grande partie de la flore. Les gargantuesques plantes qui servaient de maison aux crapauds se voulaient pour la plupart soit coupées en deux soit abattues et au sol. La rivière qui traversait le mont inondée maintenant la partie ouest de celui-ci et les montagnes à l'horizon étaient recouvertes de crevasse et plusieurs de leurs flancs manquaient à l'appel.
Sa jambe droite lâcha et, fermant un œil tout en serrant les dents, le força à poser un genou à terre.
Ne sachant pas quoi penser, quoi faire tandis qu'il observait les gigantesques crapauds qui se démenaient à retirer les débris à perte de vue, il fit descendre son regard dépassé par les évènements sur la chevelure violette qui remontait le chemin de terre à une vingtaine de mètres.
Portant un seau d'eau faisant sa taille, la petite crapaude croisa son regard et il n'en fallut pas plus pour qu'elle relâche le seau qui se vida de son contenu avant de dégringoler dans la forêt.
D'un bon, la matriarche se retrouve devant lui, essoufflée. Elle l'observa alors de haut en bas et de triste, sa mine passa à inquiète, avant d'atteindre l'incrédulité.
- Co… comment peux-tu être déjà debout ?
Il observa les yeux globuleux de longues secondes, durant lesquelles il lutta intérieurement contre la douleur de son corps, avant d'ouvrir la bouche.
- Obāchan… qu'est-ce…. qu'est-ce qu'il s'est passé ici ? Où… où est Sensei ?
La tristesse refit son apparition sur le visage de la crapaude et sans qu'il ne puisse expliquer comment, il comprit.
- Retourne t'allonger, tes blessures n'ont pas encore fini de ci-
- Obāchan… réponds, s'il te plait… où sont Sensei et Ojisan ?
Les yeux jaunes de Shima s'affaissèrent sur le chemin de terre.
- Ils… ils sont… morts.
Trois mots. Trois simples mots emplis d'injustice et son monde s'écroula.
Infos chapitre suivant : La tour qui illuminait les vallées, partie 4. (25/07/23, En cours, 500 mots.)
Je sais, je m'en excuse, les scènes s'arrêtent aux moments intéressants. Je traduis puis je me hâte d'écrire la suite.
