La première réaction qu'eut Albus Dumbledore en voyant Norbert et April revenir avec Aysha dans son bureau, à présent vide, fut la surprise. Une surprise qui se trouva bien vite remplacée par de la joie.
Ne cachant aucunement son soulagement de la voir finalement les rejoindre, il lui avait serré chaleureusement la main – peut-être même un peu trop vigoureusement, car l'Occlumens lui avait adressé une grimace.
— Je préviendrai le Ministre que tu nous as finalement rejoints, annonça alors le professeur après avoir réussi à reprendre son sérieux. Vous partez demain vers le port pour vous rendre au Brésil. Je vous expliquerai tout demain matin avant votre départ. Il faut d'abord que tu prennes une bonne nuit de sommeil. Je vais te mener à la chambre que j'avais tout de même fait préparer pour toi. Je vais t'y conduire.
Il se tourna vers April et Norbert et les remercia avant de les inviter à rejoindre leur chambre – qu'April avait déjà pu voir en arrivant au château. Les deux sorciers s'exécutèrent, saluant Aysha avant de disparaître, les laissant seuls.
— Si tu veux bien me suivre, murmura le professeur avec un mouvement de la main pour lui indiquer de sortir de la pièce.
Elle ne se fit pas prier, s'exécutant sans dire un mot. Ils quittèrent donc tous deux le bureau et s'engagèrent bientôt dans l'un des nombreux couloirs qui arpentaient l'école de magie.
Aucun des deux ne semblait vouloir parler, le silence les écrasant. Aysha n'avait jamais été une grande bavarde, mais Albus ne savait surtout pas ce qu'il pouvait bien dire. Finalement, il prit son courage à deux mains et demanda, d'une voix hésitante :
— Tu as été mise au courant pour Leta ?
Il y eut quelques secondes où il n'obtient aucune réponse, alors il se tourna vers la jeune femme à côté de lui qui semblait plongée dans ses pensées. Songeant qu'elle ne l'avait pas entendu, il ouvrit la bouche pour lui reposer la question, mais ce fut à ce moment qu'elle se décida à lui accorder une réponse :
— Oui. C'est la première chose qu'on m'a apprise à ma sortie de Ste Mangouste.
Albus sentit son cœur se serrer. Il ne savait pas réellement ce qu'il pouvait répondre à cela. Il avait compris qu'il était parti sur un terrain glissant et il s'en doutait. Bien qu'Aysha et Leta s'étant violemment disputés lors de leur dernière année, elles n'en restaient pas moins des amies très proches durant leur scolarité. La perte de Leta devait être bien douloureuse pour l'Occlumens.
— Vous n'avez pas cours ? demanda subitement Aysha, rompant le fil de pensées du professeur.
— Nous sommes dimanche, s'amusa Albus. Non, je ne donne pas de cours ce jour.
— Désolée, s'excusa la sorcière. J'ai un peu perdu la notion du temps.
— Ne t'excuse pas pour cela. Je comprends.
Sans un mot de plus, ils s'engagèrent dans un énième couloir, non sans avoir emprunté quelques escaliers.
— La reprise du travail s'est bien passée ? la questionna Albus en souriant.
— Oui. Enfin, je crois, répondit-elle sur un ton plutôt froid et distant, ce qui fit comprendre au Legilimens qu'il s'agissait, là encore, d'un sujet délicat.
Ils finirent par s'arrêter et Albus indiqua à son ancienne élève une porte cachée dans le mur et de lui préciser qu'il s'agissait de sa chambre. Après l'avoir saluée, il la laissa.
La sorcière poussa la porte pour entrer dans la pièce. Il s'agissait d'une petite chambre pourtant bien meublée. Elle s'étonnerait toujours de voir tout ce que ce château pouvait cacher, bien qu'une chambre soit loin d'être la chose la plus étonnante.
Aysha posa ses affaires et se débarrassa de son manteau, le posant sur un fauteuil en face d'une cheminée. D'un coup de baguette, sa valise, posée sur le sol, s'ouvrit et le livre Vie et habitat des animaux fantastiques en sortit, se déplaçant en lévitant vers la jeune femme qui poussa un profond soupir. Elle caressa la couverture et une larme roula sur sa joue, finissant sa chute sur le dos de sa main.
Finalement, sans même l'avoir ouvert, elle déposa l'ouvrage sur une commode se trouvant derrière elle et sortit de ses appartements, verrouillant la porte avec le simple sort Collaporta.
Errant dans les couloirs et ne saluant que distraitement les portraits et les fantômes qu'elle croisait, elle se retrouva bientôt devant une salle qu'elle connaissait bien. Poussant doucement la porte, qui, contrairement à la précédente, ne lui demanda pas de la chatouiller à un endroit précis, elle ferma les yeux, les souvenirs ressurgissant soudainement.
Elle était entrée dans cette pièce un nombre incalculable de fois, s'asseyant à même le sol, face au miroir qui se tenait au centre de la salle de classe abandonnée. Un miroir qui ne montrait son véritable reflet qu'à l'Homme le plus heureux de la Terre. Quant aux autres, ce qu'ils voyaient dépendaient de leurs aspirations profondes – leur plus grand désir.
Depuis des années, Aysha y voyait la même chose.
D'un pas lent et uniquement guidée par sa mémoire, la sorcière entra, fermant la porte derrière elle, et se dirigea vers l'imposant objet au centre de la pièce. Ses paupières se soulevèrent, révélant ses magnifiques et envoûtants yeux vers que nulle larme ne pouvait ternir.
Aussi doucement que possible, elle attrapa le drap blanc qui recouvrait ce qui lui était familier et le tira afin qu'il atterrisse à ses pieds, dévoilant le magnifique miroir doté d'un cadre en or. Une inscription était gravée sur le dessus, qu'Aysha avait traduit en lisant de droite à gauche et en reconstituant les mots par : Je ne montre pas ton visage mais de ton cœur le désir.
Enfin, la sorcière reporta son attention sur le miroir en lui-même. Apparurent alors deux personnes derrière le reflet d'Aysha. Un homme, plutôt petit, brun aux yeux verts, et une femme, de taille moyenne, blonde aux yeux bruns. Tous deux souriaient et, même s'ils importaient beaucoup pour l'Occlumens, elle ne les avait jamais vus en vrai. Uniquement sur des photos défraichies et sur ce miroir qu'elle aimait tant contempler.
Alors qu'elle continuait à fixer l'objet, elle ne remarqua pas que quelqu'un était entré. Seul sa voix la sortit de ses pensées :
— J'étais sûr de te trouver là.
Aysha se contenta de baisser la tête, ayant reconnu la voix et n'ayant pas la force de lui faire face.
— Thésée, murmura-t-elle tout de même. Je suis heureuse de te voir.
Le nouveau venu ne lui donna pas de réponse et s'avança pour se poster à côté d'elle. Il régnait un silence qu'aucun des deux sorciers n'osait briser. Finalement, Aysha releva la tête et fixa quelques secondes le visage marqué de fatigue de l'Auror à ses côtés. D'une voix hésitante, elle demanda, tout en repassant une mèche derrière son oreille :
— Comment vas-tu ?
— Aussi mal que ce que mon visage laisse paraître.
Son ton froid tendit immédiatement Aysha qui dut s'efforcer de ne pas baisser les yeux.
— Je suis désolée, finit-elle par murmurer, la gorge serrée.
— Tu n'as pas à l'être…
— J'aurais dû être là, le coupa la sorcière en se tournant totalement vers lui.
— Mais tu n'étais pas là, soupira l'Auror sur un ton de reproches. Le mal est fait.
Aysha se mordit la lèvre inférieure. Elle s'en voulait pour tant de choses, alors le ton que son collègue avait employé lui parut mérité.
— Que vois-tu dans le miroir ? l'interrogea-t-il soudainement, ignorant les larmes qui emplissaient les yeux de son interlocutrice.
— Des personnes qui me manquent, répondit simplement l'Occlumens après une courte pause.
— Leta me manque. C'est elle que je vois.
Un silence suivit cette annonce ne surprenant aucunement la sorcière qui retenait toujours ses larmes.
— Je sais à quel point Leta et toi étiez proches, finit par dire Thésée sur un ton conciliant. Mais elle n'a jamais apprécié le fait que tu aies essayé de l'éloigner de Norbert.
— Elle n'était pas la bonne personne pour lui.
— Elle l'aimait.
— Elle n'aimait pas Norbert comme il méritait d'être aimé. Et puis, elle t'aimait ! s'exclama Aysha sur le point de fondre en larmes. J'ai fait des erreurs. De nombreuses erreurs que je regrette et ne peux réparer. Mais s'il y a bien une chose que j'ai faite et qui n'en est pas une… c'était ça.
Elle indiqua d'un geste de la main l'annulaire du jeune homme où devait se trouver une alliance si tout s'était bien passé.
Thésée ne sut pas quoi dire, son cœur semblant être transpercé par une lame que la personne qui se tenait face à lui tenait fermement. Ils restèrent silencieux pendant un long moment, comme si les mots étaient trop douloureux pour traverser leurs lèvres. Comme s'ils restaient coincés dans leur gorge, les empêchant de respirer correctement.
Le sorcier avait secrètement espéré qu'elle aurait appris à s'apprécier avec le temps, parce qu'il savait que son propre reflet la rendait malade. Cependant, son séjour à l'hôpital Ste Mangouste semblait avoir eu l'effet inverse.
— Je vais me reposer, annonça l'Occlumens en se levant. Tu devrais faire la même chose, tu as une mine affreuse.
Auparavant, un sourire malicieux aurait accompagné ses paroles. Une moquerie, une taquinerie, parmi d'autres qu'elle avait toujours apprécié lui adresser, après quoi il imitait un air offusqué. Mais ce qui se passait autrefois ne se reproduisit pas cette fois-ci.
Elle le salua d'un mouvement de la tête qu'il aperçut à peine et sortit de la pièce sans un mot de plus.
Marchant dans un silence de mort, Aysha ressassait un tas de souvenirs qui tournaient en boucle dans sa tête. Encore dans ses pensées, elle percuta accidentellement une armure qui s'écroula au sol. Elle la remit en place d'un simple mouvement de la tête, maudissant sa maladresse qui l'accompagnait depuis toujours.
Après avoir traversé de nombreux couloirs et emprunté quelques escaliers toujours aussi capricieux, l'Occlumens arriva dans ses appartements où elle se laissa tomber dans le fauteuil où reposait toujours son manteau.
Sa baguette toujours à la main, elle l'agita en murmurant un Accio qui apporta à la jeune femme le livre qu'elle avait posé sur l'un des meubles. Tournant les pages avec délicatesse, elle feuilleta rapidement l'ouvrage et s'arrêta une fois arrivée à la page qui expliquait ce qu'était un Niffleur, dernière créature qu'elle avait pu voir, en dehors de Pickett, et qui avait fait des ravages chez une famille de Moldus. Il avait fallu oublietter ces derniers au plus vite afin que le secret magique ne se trouve pas mis en danger par une petite créature. Doucement, ses yeux se fermèrent et elle sombra dans un sommeil agité.
— Endoloris !
Une douleur insoutenable traversa son corps tandis qu'elle hurlait, suppliant que tout s'arrête. Cela recommença, de nombreuses fois. Le visage déformé par la douleur, la victime s'arrêta soudainement de crier et une voix sifflante retentit :
— On obtient toujours ce qu'on mérite.
Aysha se réveilla en sursaut. Encore ces rêves. Poussant un soupir, elle se leva et trébucha sur le livre à ses pieds. Elle l'avait fait tomber alors qu'elle s'était assoupie. La sorcière se baissa pour le ramasser, ainsi que sa baguette. En se redressant, elle fut prise de vertiges. Elle parvint à retrouver ses esprits, mais il était vrai que le manque de sommeil ne l'aidait pas dans sa situation. Et, non seulement elle dormait peu, mais elle dormait mal lorsqu'elle y parvenait.
Elle posa l'ouvrage sur le fauteuil et rangea sa baguette avant de se diriger vers un grand miroir afin de scruter son reflet. Malgré sa grande fatigue, aucun cerne n'apparaissait sur son visage, pas même la trace du combat qui l'avait opposée à un fanatique de Grindelwald quelques jours plus tôt. Ses cheveux blonds lui arrivaient à peine en-dessous des épaules. Elle remonta la manche de son bras droit jusqu'au coude, et, là encore, la marque d'un ancien combat avait disparu. Qui aurait pu croire qu'elle manquait de sommeil et qu'elle s'était battue ? Personne qui n'aurait fait que la regarder.
Un bruit sourd la fit sursauter et elle remarqua que quelqu'un avait frappé à la porte. Sans même dire un mot ou demander qui venait lui rendre visite, elle alla ouvrir la porte et scruta un instant la personne qui se tenait devant elle.
— Dean… murmura-t-elle.
— Aysha. Je suis ravie de te revoir.
Elle ne répondit pas et se contenta de se tourner pour laisser entrer son ami. Une fois la porte fermée, elle rejoignit son ancien camarade de classe qui fixait sa valise et lui demanda :
— Que fais-tu là ?
— Je viens rendre visite à une amie. En ai-je encore le droit ?
— Bien sûr, soupira Aysha. Je ne m'attendais pas à te voir, tout simplement.
— Cela fait si longtemps que nous ne nous sommes pas vus. J'avais envie de passer. De savoir comment tu vas, même si tu me mentiras sûrement.
Un faible sourire apparut sur le visage d'Aysha.
— Merci, Dean. Comment vas-tu, toi ?
La seule réponse du sorcier fut un sourire, leurs regards semblant transmettre plus de mots que ceux que leurs lèvres auraient pu prononcer.
