Un bâillement échappa à Thésée alors qu'il venait de quitter le bureau de William. Il ne savait pas quelle heure il était. Ni combien de temps il était resté à l'intérieur. Tout ce qu'il savait, c'était qu'après la fuite d'Aysha et la discussion rassurante qu'il avait eue avec April, il avait voulu retrouver l'Occlumens, mais il était tombé sur William dans le couloir. Ce dernier, encore énergique à ce moment, malgré l'heure tardive, l'avait demandé dans son bureau afin de discuter de ce qu'il se passerait à présent. Maintenant que leur seule tentative de prendre un coup d'avance sur Grindelwald avait été un désastre. Maintenant que deux des leurs avaient changé de camps, les trahissant. Maintenant que les liens entre les membres du groupes semblaient à la fois infrangibles et fragiles. Comme si rien d'extérieur ne pouvait les briser, mais que si le groupe venait à se détruire de l'intérieur, leurs liens disparaîtraient sans difficulté.

À moitié réveillé, l'Auror mit du temps à remarquer que la fenêtre du salon, dans lequel il venait d'arriver, laissait passer trop de lumière pour qu'il fasse encore nuit. D'un pas lourd, il se dirigea vers cette dernière et entrouvrit le rideau pour voir à l'extérieur.

Ses yeux eurent du mal à s'adapter à la luminosité, mais il put bientôt voir le ciel s'étaler au-dessus des nombreuses maisons qui dessinaient des formes étranges face à lui. Il ne faisait pas pleinement jour, mais il pouvait voir des couleurs orangées apparaître face à lui, lui permettant de comprendre que le soleil se levait. Il avait ainsi passer la nuit entière à parler avec William. Réalisant soudainement cela, il sentit sa fatigue lui retombait dessus avec un poids encore plus important et referma le rideau.

Il se retourna alors et aperçut pour la première fois depuis qu'il était arrivé dans la pièce que la valise de son frères était posé sur le sol, grande ouverte, au pied du canapé. Il ne lui en fallait pas plus pour comprendre où son frère se trouvait actuellement et ne réfléchit pas davantage avant de se décider à descendre.

Combien de fois était-il allé dans la valise de son frère ? On pouvait compter ces occasions sur les doigts d'une seule main. Sa relation avec Norbert n'avait jamais été simple et il était vrai qu'il n'avait pas été celui qui avait fait en sorte que cela s'arrange. Pendant longtemps, il avait été le grand frère surprotecteur qui pensait devoir changer son benjamin pour qu'il entre dans les cases. À présent, il savait qu'il avait tout faux. Ce n'était pas à Norbert de changer qui il était. C'était aux autres d'apprendre à accepter les différences. Il lui avait fallu beaucoup de temps pour le comprendre et une part de lui n'arrivait pas à pardonner le fait qu'il n'ait pas tout fait pour accepter qui était son frère. Parfois, la culpabilité nous ronge jusqu'à ne plus rien nous laisser. Thésée le savait parfaitement bien.

Lorsque ses pieds touchèrent le sol, il ne tarda pas à regarder autour de lui afin de voir s'il repérait son frère. Ne le trouvant pas, il commença à faire le tour, d'un pas hésitant, regardant les différentes créatures à côté desquelles il passait. Il se surprit même à sourire lorsqu'il vit un Veaudelune lever la tête vers lui. Étrangement, il sentit sa fatigue et tous les mauvais sentiments qui le rongeaient disparaître alors qu'il s'enfonçait dans le monde de Norbert. Celui dont il s'était lui-même refusé l'accès pendant si longtemps.

Il devait admettre qu'il était admiratif. Profondément admiratif de voir tout ce que son petit frère était parvenu à faire pour ces animaux. Pour que ces derniers soient biens, en sécurité, dans un climat et un milieu qui leur correspondaient.

Concentrée sur sa contemplation, il manqua de pousser un cri lorsque son regard se posa sur un Hiipogriffe endormi, ou plutôt sur le corps qui était blotti contre ce dernier. Il s'apaisa lorsqu'il reconnut Aysha et un léger sourire se dessina sur ses lèvres, trouvant la scène attendrissante, mais aussi, car, pour la première fois depuis longtemps, Aysha avait l'air paisible.

Ce fut les deux yeux de l'animal le fixant qui le sortirent de ses pensées. Ne sachant pas trop quoi faire, il sourit davantage, et l'Hippogriffe détourna le regard, le posant sur un magizoologiste qui s'approchait, occupé à caresser un Niffleur. Lorsque Norbert repéra son frère, il demanda :

— T-Thésée ? Qu'est-ce que tu fais là ?

— Je me suis dit que je te trouverai là, répondit l'Auror avant de se tourner de nouveau vers Aysha. Comment va-t-elle ?

Norbert ne lui répondit pas et il déposa le jeune Niffleur dans son nif. Il vint ensuite se poster face à son frère et lui apporta une réponse :

— Elle n'a pas l'air dérangée par de mauvais rêves.

Il marqua un pause avant d'ajouter :

— Cela me semble le plus important pour l'instant.

Ce fut le bruissement d'ailes de l'Hippogriffe qui les alertèrent et ils remarquèrent que la jeune femme dont ils parlaient était à présent debout, souriant et caressant l'animal qui lui donnait des coups de tête affectueux.

— Il faut croire que la présence d'animaux m'apaise davantage que celle d'humains, railla-t-elle sans regarder les deux frères.

— Tu nous as entendus ? s'inquiéta Thésée, ne voulant pas être responsable de son réveil soudain.

— Aurais-je pu entendre quelque chose qui ne m'aurait pas plu ?

Aysha s'était enfin tournée vers l'Auror, le regard luisant d'un mélange de malice et d'un petit quelque chose en plus, indescriptible. Il le soutint, incapable de répondre.

Le magizoologiste regarda un à un son frère et son amie et commença à reculer discrètement, mais l'Occlumens le remarqua et s'amusa :

— Norbert, je serais heureuse de savoir ce qu'il en est avec Tina, maintenant.

— Vous êtes enfin ensemble ?! se réjouillit l'Auror.

— Hein ? Euh… O-Oui… Oui.

Le sorcier fixait le sol, les joues rouges.

— C'est pas trop tôt !

Aysha se mit à rire face à la réaction de l'Auror, amusée aussi par la gêne de Norbert. Thésée détourna son regard pour le poser sur la jeune femme.

L'entendre rire provoquait en lui un tumulte d'émotions : joie, tristesse, colère envers lui-même… Il ne comprenait pas. Il ignorait pourquoi il ressentait tout cela. Cela n'avait aucun sens. Ses pensées se tournèrent presque soudainement vers Leta et son cœur se serra. Il s'en voulait.

Brusquement, Thésée pivota sur ses talons et disparut, sortant de la valise. Le voyant partir ainsi, Aysha s'arrêta de rire et échangea un regard avec Norbert, surpris lui aussi, qui la questionna :

— Qu'est-ce… Pourquoi est-il parti comme ça ?

La sorcière mit du temps à répondre. Elle l'avait vue dans les yeux de Thésée, cette peine immense qui le rongeait intérieurement. Il ne lui en avait fallu pas plus pourquoi à quoi – ou plutôt, à quoi – il avait pensé.

— Leta, finit-elle par murmurer, comme si ce nom voulait rester à l'intérieur d'elle et qu'elle ne pouvait plus le crier au risque de lacérer sa gorge. Il a pensé à Leta.

Norbert ne put s'empêcher de ressentir de la peine. Cette même peine qui prenait aux tripes son frère. Cette même peine qui déchirer toujours un peu plus le cœur de celle qu'il condidérait comme sa sœur. Cette même peine qui les rassemble autant qu'elle les éloigne.

— Nous devrions retrouver les autres, proposa alors la sorcière, secouant la tête comme pour remettre ses pensées en place. Afin de leur parler du message de Dumbledore que nous avons reçu hier soir. Et organiser notre départ.

— Tu as raison.

Norbert ne savait pas quoi dire de plus, alors ils se contentèrent de cela. L'Occlumens salua l'Hippogriffe, sous le regard attentif de son ami, et s'écarta pour partir. Elle fut rapidement suivie par le magizoologiste et ils ne tardèrent pas à remonter dans le salon où William et Manuela parlaient avec April sur un un ton qui semblait houleux.

Leur arrivée interrompit leur discussion et Aysha, ne voyant par leurs autres camarades, leur indiqua qu'il fallait se réunion pour quelque chose d'important. April opina de la tête et courut à l'étage. On l'entendit crier qu'ils devaient tous être dans le salon dans moins d'une minute s'ils ne voulaient pas se faire botter les fesses.

Bientôt, Jacob, Queenie et Tina occupaient un premier canapé, Helena, APril et Thésée un second, tandis que William et sa fille se tenaient debout derrière ces derniers.

Tous fixaient Norbert et Aysha, postés face à eux, sauf l'aîné des Dragonneau, perdu dans ses pensées. Les deux amis échangèrent un regard et, face à l'air peu rassuré du magizoologiste, la jeune femme lui murmura :

— Je m'en charge.

Elle adressa alors à ses camarades un timide sourire avant de commencer à expliquer, tout en évitant de croiser le regard perdu de Thésée :

— Nous vous avons réunis, car, hier soir – ou plutôt cette nuit –, nous avons reçu un message de Dumbledore.

— Comment être sûrs qu'il s'agissait bien d'un message de Dumbledore ? les interrogea Manuela, plus sur la défensive qu'à l'ordinaire.

— Il s'agissait de son Patronus. Et avoir un Phénix en tant que Patronus est très rare. Et nous avons reconnu la voix de notre cher professeur.

— Soit dit en passant, l'interrompit April après avoir étouffé un bâillement, avoir un Oiseau-Tonnerre en tant que Patronus n'avait jamais été répertorié à ce que je sache.

Aysha la regarda avec sévérité et elle se tut, ce qui permit à la sorcière de reprendre :

— Il nous invite à revenir à Poudlard.

— Attends, la coupa cette fois Helena. Tu veux laisser Emy et Dean ici ?

— Helena… soupira la benjamin. Ils sont auprès de Grindelwald et ils l'étaient déjà depuis un moment. Je doute qu'il reste où il est à présent que Queenie est parmi nous, sachant que nous nous sommes nous-mêmes échappés du manoir.

— Je sais… marmonna-t-elle.

Les deux sœurs échangèrent un regard compatissant avant qu'Aysha ne reprenne :

— Dumbledore propose que Manuela et William nous accompagnent. Votre adresse étant connue…

— Après avoir fait face à Grindelwald en personne, vous voulez encore qu'on vous aide ? s'offusqua Manuela. Je ne suis pas encore dans les viseurs du mage noir, donc, je préfère mener une vie plus tranquille que la vôtre.

— Mais… C'est vous qui vouliez nous accompagner. Et puis…

— Cela importe peu. Je refuse de continuer.

— Et que ferez-vous si Emy et Dean décident de vous mêler aux affaires de Grindelwald ? Ils savent où vous trouver, après tout.

— Ils ont un pal, répondit Thésée en fixant l'Occlumens.

Celle-ci resta un instant bouche bée, surprise qu'il soit intervenu en la faveur de Manuela et son père et, de ce fait, contre elle. Elle sentit un sentiment étrange la submerger et elle n'aimais pas ça du tout.

— Tu étais au courant ? le questionna-t-elle, la gorge sèche.

— Oui. Et je ne vois pas pourquoi j'aurais dû te le dire.

Aysha ne comprenait pas pourquoi il agissait ainsi avec elle soudainement. Que lui avait-elle fait ? Elle pensait que tout s'était arrangé entre eux. Cependant, ce ne fut pas réellement de la peine qui s'immisça en elle, mais plutôt une forme de colère. Cette colère qui évolue doucement en nous, grandissante, avant de ressurgir dans une explosion.

— Comment peux-tu arriver à leur faire confiance après la trahison d'Emy et de Dean alors que nous les connaissions ?! Contrairement à Manuela et William !

— Si tu réfléchis ainsi, alors à qui fais-tu encore confiance ?

— J'ai une réponse à cette question et elle risque de ne pas te plaire, rétorqua Aysha en lui lançant un regard noir.

Thésée ne trouva rien à répondre et ils se fixèrent longuement. Il avait compris ce qu'elle n'avait pas dit, mais ils avaient surtout tous les deux compris qu'ils refusaient de voir ce qui ne cessait de les éloigner l'un de l'autre, malgré leurs efforts.

L'atmosphère se fit plus pesante et Norbert ne tarda pas à se racler la gorge. Son amie détourna le regard, tandis que Thésée reprenait :

— Ils ne nous accompagneront pas et savent ce qu'ils vont faire. Et, oui, je leur fais confiance. Maintenant, continuez.

L'Occlumens émit un léger rire qui sonnait faux avant de reprendre, posant alternativement son regard sur sa sœur et sa meilleure amie :

— Dumbledore tient à nous voir, Helena, April et moi, chacune individuellement, une fois à Poudlard.

— Pourquoi ? l'interrogea son aînée qui n'avait plus parlé depuis son intervention concernant sa sœur cadette et son ami.

— Il semble qu'Aysha n'est pas la seule à avoir des problèmes de confiance, rétorqua Thésée.

Aysha lui lança un regard glacial, si froid qu'il sentit un frisson courir sur son échine. Il détourna les yeux.

— Le regard ne sera pas le seul à te tuer si tu ne la fermes pas, l'avertit April qu'il préféra ne pas regarder.

— Calmez-vous, intervint William. J'ai conscience que les récents événements n'aident pas à nous détendre, mais ce n'est pas le moment de nous déchirer les uns et les autres.

— C'est pour ça que vous partez ? ironisa Aysha. Je doute que vous soyez bien placé pour parler de fidélité.

— Traites-tu mon père de lâche, Wilson ? s'énerva Manuela en s'avançant pour se trouver face à la jeune femme. Quand on ne sait pas de quoi on parle, on se tait.

La suite se passa si vite que personne n'eut le temps de réagir. Aysha avait sorti sa baguette et lancé un Stupéfix sur la jeune brésilienne qui n'avait même pas eu le temps de comprendre ce qu'il se passait.

Sur le visage de l'ancienne Serdaigle, seule la colère se lisait. Ses yeux luisaient d'une haine inexplicable et d'une douleur qui paraissait infinie. Elle ne semblait plus avoir un total contrôle sur elle-même. La Aysah qu'April, Henela, Norbert et Thésée connaissaient venait de disparaître sous leurs yeux.

— Aysha ! s'écria Thésée en se leva, réalisant alors ce qu'il venait de se produire.

Les yeux qui se posèrent sur lui n'appartenaient plus à celle qu'il avait toujours connue. Il resta immobile, incapable de détacher son regard de cette femme inconnue.

William se jeta près de sa fille, tandis qu'April attrapait la baguette de son amie, puis sa main, et la tira dans l'entrée. Une fois seules, elle murmura, sur un ton dur :

— Reprends-toi ! Je pensais que tu savais gérer ce genre de crises maintenant.

— Désolée de te décevoir, marmonna l'Occlumens qui semblait avoir retrouvé ses esprits. Je n'ai pas autant de contrôle sur ma personne que tu n'as de talent pour dissimuler la vérité.

— Je t'en prie, rabats-toi sur moi pour te défouler. Je suis capable d'encaisser.

L'ancienne Serdaigle finit de se calmer du mieux qu'elle put et s'excusa. Alors qu'April allait rejoindre les autres, pensant que son amie allait la suivre, elle croisa Norbert qui se contenta de la regarder quelques secondes avant de retrouver Aysha.

— Laisse-nous, April, lui intima la jeune femme en adressant un timide sourire au magizoologiste.

Alors qu'elle avait esquissé un mouvement pour revenir auprès de sa meilleure amie, elle retourna au salon, jugeant que Norbert saurait mieux lui parler qu'elle, bien que cela soit douloureux à penser.

Quand ils se retrouvèrent seuls, sans même avoir besoin de s'adresser un mot, ils montèrent à l'étage et s'enfermèrent dans la chambre des frères Dragonneau. Ils restèrent silencieux avant que le magizoologiste ne commence :

— Ça a recommencé ?

— Malheureusement, je crois que ça ne s'est jamais arrêté.

— Quand tu avais un Boursouf, tu parvenais à mieux contrôler tes crises, non ?

— On me l'a confisqué quand j'ai été incarcérée à Ste Mangouste. Mon séjour là-bas partait déjà sur de mauvaises bases…

— Je n'ai jamais osé de demandé ce qui avait causé ton incarcération…

Aysha mit du temps à répondre, tant repenser aux causes de ce qui l'avait menée à l'hôpital, parmi les patients de psychiatrie, était douloureux.

— L'un de mes homologues a dénoncé une crise. J'ignore qui, mais je sais qu'il était avec moi lors d'une grosse affaire qui m'avait confrontée à un groupe de sorciers ayant…

Elle s'arrêta, mais Norbert savait de quoi elle parlait, car il avait lui aussi, tout comme Leta, été confronté aux mêmes moqueries qui avaient rapidement tourné à du harcèlement. Il savait aussi qu'Aysha avait subi des choses dont il n'avait même pas idée.

— J'ai manqué de mener l'affaire à l'échec, reprit la sorcière. Et… quelqu'un m'a accompagné à Ste Mangouste par ma faute. Je l'aurais tué si personne n'était intervenu. Si Thésée ne m'avait pas stupéfixiée pour m'arrêter.

Le magizoologiste observa longuement son amie. Il ignorait que son frère avait aussi assisté à sa dernière crise, celle qui l'avait condamnée à être enfermée en psychiatrie.

— Tu sais, si je répète sans cesse que je suis une horrible personne et que je me déteste, ce n'est pas sans raison.

— Tu n'avais jamais été aussi explicite sur la haine envers ta propre personne. J'ai passé deux ans à décrypter le regard de dégoût que tu posais sur ton reflet, l'air peu convaincu que tu prenais lorsqu'on te complimentait ou te félicitait…

— Es-tu en train de me dire que tu m'as étudiée comme si j'étais créature qui t'était inconnue ?

Le ton d'Aysha était doux. Il n'y avait aucun signe de colère, ni même de déception, dans sa voix. Et le magizoologiste en fut rassuré.

— Tu m'intriguais. Les autres pouvaient te trouver étrange, moi, j'étais fasciné par toi. Tu avais – tu as – un don avec les animaux. Je me voyais en toi et, pourtant, je n'arrivais pas à comprendre qui tu étais. Tu m'intriguais, car nous nous ressemblions tout en étant très différents. Je me souviens de la première fois que nous nous sommes retrouvés seuls, à la lisière de la Forêt interdite. Tu avais trouvé une jeune licorne, à la robe d'or. Elle n'avait pas encore sa corne et devait être âgée d'un an tout au plus. Je n'avais jamais vu quiconque réussir à approcher une licorne. Je t'admirais de loin, ne voulais pas la faire fuir. Je voyais ton regard, ton sourire, ta joie, ta plénitude…

Norbert fit une pause, réalisant qu'il avait parlé longuement. Cependant, voyant qu'il ne se sentait pas gêné et que son amie était suspendue à ses lèvres, il reprit, un air nostalgique sur le visage :

— Et puis, je l'ai vue retourner dans la forêt et nos regards se sont rencontrés. Je me souviens ne pas l'avoir détourné. C'était comme si…

— … nous nous comprenions, termina la jeune femme. Je me souviens avoir eu ce sentiment. Ce sentiment d'avoir face à moi une personne qui m'était semblable. Je n'avais jamais ressenti ça avant.

Ils restèrent les yeux dans les yeux, chacun ne retenant plus les larmes que ces souvenirs faisaient remonter. AYsha se mit soudainement à rire doucement et Norbert commença à sourire sans raison. Ils laissèrent cours au flot de leurs sentiments et aux émotions qu'ils avaient gardés en eux pendant si longtemps.

Ils s'arrêtèrent en même temps et le magizoologiste demanda brusquement :

— Pourquoi l'Oiseau-Tonnerre ?

L'Occlumens sut qu'il parlait de Thésée et attendit quelques secondes avant de répondre :

— L'Oiseau-Tonnerre crée des tempêtes.

— Aux dernières nouvelles, mon frère n'en crée pas, s'étonna le jeune homme.

Aysha émit un léger rire nerveux avant de lui assurer, d'un air mystérieux :

— Ça ne se voit pas forcément.

Norbert comprit immédiatement son allusion et ils échangèrent un nouveau regard. Ils sentirent alors quelque chose se passer.

En un regard, ils sentirent qu'ils rattrapaient tout ce qu'ils avaient perdu ou oublié. Que tout le mal qu'ils s'étaient fait disparaissait. Mais, plus que tout, ils s'étaient entièrement retrouvé l'un et l'autre.