Chapitre 12: The Breaking
Les elfes se levèrent avant les lueurs du matin pour faire leurs adieux, préparer leurs chevaux, et rassembler leurs affaires. Le Bois d'Or fit silence et la seule manifestation de ces séparations furent les murmures chuchotés qui disaient "Namárië", adieu dans la langue elfique.
Legolas contempla la Dame du Bois en Terre du Milieu pour la dernière fois. Elle était assise sur un palefroi à la robe blanche, serrant la main de son mari dans ce moment de séparation. La promesse de larmes retenues obscurcissait ses yeux de la couleur du crépuscule.
Legolas vit Farothin et Haldir s'échanger leurs adieux, et entrevit Miredhel assise sur son cheval, murée dans le silence, ses yeux rivés sur les arbres de sa patrie bien-aimée. Il avait envoyé Eledhel veiller sur les jeunes arbres qu'ils avaient préparés pour le Gondor comme cadeau pour le roi Elessar.
La voix de Celeborn se fit entendre par-dessus les arbres alors que la première lumière du soleil commençait à éclairer l'horizon.
« — Partez maintenant en emportant de nombreuses bénédictions pour les Havres, l'Ithilien, ou n'importe où les Valar vous mèneront.»
Au signal de Legolas, la compagnie des elfes tourna vers l'ouest pour faire chemin vers la rive sud d'Eryn Lasgalen, mais la compagnie de Dame Galadriel partit vers l'est pour Imladris afin de rencontrer le Seigneur Elrond avant de se rendre aux Havres. Legolas chevaucha à l'avant, aux côtés de Eledhel, Sulindal et Belegil. Il avait confié à Farothin le rôle d'éclaireur, et le jeune elfe avait accepté avec un enthousiasme certain une telle responsabilité.
Tandis que le cortège passait les portes de la ville, les oreilles de Legolas se dressèrent pour distinguer une seule voix, basse et mélodieuse, chantant les adieux et le tourbillonnement des feuilles d'or dans le vent. Son regard se posa sur Belegil. L'avait-il entendu? Legolas secoua la tête. Il devait l'avoir imaginé. Aucun de ses compagnons n'avait manifesté de signes montrant qu'ils entendaient un tel chant. Il jeta un regard vers Eledhel pour voir une larme solitaire perler sur ses cils. Eledhel avait entendu. A présent, Belegil et son frère tournaient la tête pour regarder en arrière vers la longue file d'elfes. Ils écoutaient désormais les notes soyeuses, certains anciens mots remplacés par de nouveaux:
Ai! Laurie lantar lassi surinen,
Yeni unotime ve ramar aldaron!
Yeni ve linte yuldar avanier
Mi ormardi lise-miruvoreva,
Namarie, Lorien, Namarie!
Les notes argentées s'élevèrent dans l'air comme les gouttes de rosée qui s'accrochaient aux aiguilles de pin. Sa complainte s'éleva dans le matin clair, chassant la lente course du soleil sur l'horizon. Maintenant, tous pouvaient l'entendre. Une autre voix se joignit à elle, une voix de baryton, apportant un paisible équilibre qui n'était pas présent auparavant. Legolas tendit son cou pour découvrir que ce duo était le frère et la sœur, Eledhel et Miredhel. Un coup d'oeil à Eledhel suffit pour lire la douleur qui se cachait dans ses yeux.
« —Nous allons prendre cette route ensemble, mon ami.» dit-il calme, puis il se joignit à la chanson. Sa voix de ténor s'éleva doucement avec celle de ses amis. Bientôt plus de personnes s'unirent à la chanson, recherchant du confort dans le refrain de leurs voix elfiques. Le passage des elfes semblait s'illuminer et scintiller à travers le Bois d'Or, leur chœur tel un spectre obsédant d'un âge oublié.
Ils arrivèrent à la lisière du bois en milieu de journée. La Terre du Milieu s'ouvrait devant eux. Legolas connaissait bien ces sentiers. Le chemin était facile d'accès mais pas nécessairement sans danger. Même avec la défaite de Sauron, l'ennemi se cachait encore partout. Legolas s'inquiétait pour la sécurité de son convoi. Avec un tel nombre de personnes, ils ne pourraient passer inaperçus. Il espérait que la taille de sa compagnie dissuaderait la plupart des bandes d'orques. Toutefois , les elfes devaient rester alertes, et c'est exactement ce pourquoi il avait envoyé Farothin en éclaireur.
Farothin les avait attendus selon les instructions de Legolas. Il voulait savoir si le jeune chasseur avait rencontré des soucis.
« — Quelles sont les nouvelles, éclaireur?, questionna Legolas, et il fit signe à la compagnie de s'arrêter.
— Il y a des preuves que des créatures puissent être à pied, mon seigneur, renseigna Farothin.
— Des Orques?, l'interrogea Legolas.
— C'est fort probable. J'ai vu des traces revenir aux ..., commença Farothin.
— ... aux anciens logis des gardes ?, devina Legolas.
— Oui, j'en ai également été témoin, convint Eledhel. Haldir ne serait pas ravi de l'apprendre !
— Eh bien, si vous alliez de toute façon voir par vous-même, je ne vois pas pas pourquoi vous avez pris la peine de m'envoyer en éclaireur, ironisa Farothin, l'air peiné.
— C'est absurde, Farothin, déclara Legolas. C'étaient de vieilles traces de toute façon. Si vous voyez quelque chose de vraiment important, vous ferez demi-tour et nous préviendrez.
— La sécurité de notre groupe entier dépend de vous, déclara solennellement Eledhel.
— Je ne trahirai pas cette confiance. Farothin le salua et remonta à cheval. Je vous verrai de nouveau au grand fleuve. Namarie!, les salua-t-il et il partit vers le ciel découvert.
— Farothin y met un peu trop d'entrain n'est-ce pas?, fit remarquer Belegil à son frère.
— Oui, mais c'est exactement pour cette raison que Legolas l'a choisi pour ce poste, répondit Sulindal.
— Je ne peux pas imaginer un elfe prenant la tâche plus au sérieux que lui, renchérit Legolas en le gratifiant d'un sourire.
— Chevauchons vers la rivière, ou sinon Farothin va nous laisser derrière! », suggéra Eledhel, et Legolas donna le signal.
La compagnie s'élança vers la plaine. Alors qu'il commençaient à se déplacer, une longue bannière elfique s'éleva dans la brise.
« — Qu'est-ce que c'est?» , demanda Eledhel à Belegil, levant la tête vers la bannière.
Legolas l'entendit et se retourna pour regarder aussi. Il écarquilla les yeux de surprise. Il la fixa pendant un moment, sans voix. Car c'était clairement une banderole confectionnée pour l'Ithilien ; pourtant, il n'avait ordonné à aucun elfe de le faire.
« — Lady Limaer la porte. Dois-je lui suggérer qu'elle la range de suite?, demanda Belegil.
— Non, Belegil. Je vais gérer cela.», dit Legolas et il chuchota à Arod de faire demi-tour. Il se hâta de descendre du côté de la procession, en passant à côté de Miredhel ce faisant. Leur yeux se croisèrent brièvement, et il hocha la tête formellement. Curieuse, elle ralentit le rythme de sa monture, retournant dans les rangs de sorte qu'elle pourrait découvrir l'objet de l'intérêt soudain du prince.
Quand le prince rejoignit enfin Limaer, l'elfe lissa désespérément ses boucles et afficha un sourire.
« — Votre Seigneurie, le salua-t-elle. Je suis tellement heureuse que nous ayons enfin pris la route. Ce sera une aventure passionnante !
— Lady Limaer, j'espère que notre voyage se déroulera effectivement sans incident, et c'est pourquoi je dois vous demander d'enrouler cette bannière et de la ranger pour l'instant, ordonna Legolas d'une voix plate.
— Je l'ai faite moi-même pour l'Ithilien ... pour vous, mon seigneur.»
La bannière faisait environ trois mètres de long, se terminant en un point à la fin. Elle avait cousu une grande feuille sur le tissu, décorée de vert et d'or.
« — Je suis flatté, Lady Limaer, mais je dois vous demander de la retirer. Nous ne pouvons pas nous risquer d'attirer l'attention sur notre compagnie.»
Une moue s'afficha sur ses lèvres. Legolas remarqua que la plupart des autres elfes, y compris Miredhel, observait à présent la scène devant eux.
« — Dès que nous atteindrons un territoire plus sûr, nous la déploierons pour qu'elle soit admirée de tous. Je vous le promets.»
Lady Limaer prit en considération ses mots, puis se saisit de la bannière, la pliant afin de la ranger dans ses bagages. Elle réfléchissait déjà aux différentes conversations qu'elle pourrait avoir avec le prince. Si elle avait de la chance, elle pourrait le garder à ses côtés pour le reste de l'après-midi. Heureusement, l'expérience de Legolas lui permit de rapidement percevoir l'état d'esprit de la jeune femme. Il s'apprêtait à s'excuser auprès d'elle quand un cri retentit à l'avant de la procession.
« — Mon Seigneur, hâtez-vous !
— Venez vite!
— Excusez-moi, mesdames. On requiert ma présence.», fit Legolas, tout en exhortant son cheval de galoper vers l'avant de la procession.
Des questions inondèrent son esprit. Pourquoi Belegil et Eledhel avaient-ils eu besoin de crier? Quelque chose avait dû se passer. La soudaine réapparition de Farothin confirma ses soupçons.
« — Qu'est-il arrivé? Quelles nouvelles nous apportez-vous, Farothin?»
Legolas garda sa voix calme, mais le visage blême de Farothin l'inquiétait.
« — J'ai trouvé quelque chose ; je pense que vous devriez venir voir ..., déclara Farothin, chancelant. Je n'ai rien vu de tel auparavant.
— Eh bien, c'est peu dire avec si peu d'expériences, souligna Sulindal. Tu es encore jeune.»
Farothin le foudroya du regard.
« — Je doute que même le prince Legolas ait été témoin d'atrocités pareilles et il a plus voyagé que nous tous.
— Nous verrons, déclara Legolas. Est-ce loin d'ici ?
— Pas même un quart de lieue, mais je pense que nous devrions y aller seuls. Je ne pense pas que le reste des elfes doit voir ceci ... pas les dames ... ni les enfants.
— Aussi lugubre que cela ?, questionna Eledhel, un peu surpris. Il était certain que la trouvaille de Farothin n'était rien de plus que quelques cadavres mutilés sur la route.
— Farothin, vous Eledhel, et moi-même, allons enquêter. Belegil, je veux que vous et Sulindal restiez ici. Alertez les autres guerriers de la possibilité d'un danger imminent. Je veux que vous vous placiez des deux côtés de la compagnie, prêts à combattre.», ordonna Legolas. Il souhaita une fois de plus que leur voyage se passe sans encombres. Cela ne serait pas la dernière fois !
Eledhel et lui suivirent Farothin au galop. À son grand déplaisir, Legolas put sentir l'endroit avant même de pouvoir le voir. Des tonnes de chair brûlée, et d'après l'odeur, Legolas supposa que les carcasses étaient celles d'orques. En voyant, il comprit le vrai problème. Des monticules des corps gonflés et noirs jonchaient le chemin devant eux. Même le sol était d'un rouge pourri. Certains des corps des orques fumaient encore, polluant l'air d'une brume gris-jaune.
« — Farothin, se plaignit Eledhel bruyamment. Ne nous avez-vous jamais vu brûler les corps des orques que nous avons tués dans le bois?
— Non, Eledhel. Ceci est différent.», dénia Legolas . Il descendit de son cheval et se dirigea vers le monticule le plus proche. La puanteur seul lui donnait la nausée, mais ce qu'il vit était pire.
« — Regardez ça. Il désigna quelques-uns des membres et des têtes. Ces cadavres ne sont pas morts par l'épée. Ce n'est pas le travail d'elfes, d'hommes ou même de nains ... ces corps ont été mâchées, mangés par quelqu'un ou quelque chose ...»
Eledhel et Farothin devinrent tout deux blêmes. Eledhel mit pied à terre pour examiner la scène de plus près. Il ramassa délicatement un bras coupé, qui serrait toujours une large épée brut. Il étudia les lambeaux fins, les os gris et les ligaments.
« — Les orques se mangent entre eux, n'est-ce pas? Pourraient-ils s'être battus et ensuite s'être régalés des restes des victimes?, supposa Farothin.
— Non, je ne crois pas. Regardez le morcellement de l'os dans ce bras, comme s'il avait été séparé du corps par une force de la nature. Eledhel frissonna et laissa tomber le bras, dégoûté. Et où est le reste de son corps?»
Ses yeux examinèrent les restes.
« — Ceci est une énigme. Une que, je l'espère, nous n'aurons pas à résoudre.», dit Legolas alors qu'il s'agenouillait dans la poussière mêlée au sang coagulé de la route, à la recherche d'indices. Comme il aurait aimé qu'Aragorn soit là avec lui! Il ne pouvait pas comprendre la signification des traces. Certaines étaient clairement celles des orques, mais les autres, il n'avait jamais rien vu de tel auparavant.
« — Peut-être que nous pouvons prendre cela comme une bénédiction, Legolas. L'histoire de ces orques, au moins cinquante, accroupis dans l'attente d'une embuscade, sans doute pour piéger notre compagnie.
— Oui, mais pourquoi certains des corps sont brûlés jusqu'à être carbonisés, tandis que d'autres ne le sont pas? Qu'est-ce que cela signifie?»
Farothin regarda autour de lui, confus. Ses yeux perçants aperçurent quelque chose qu'il n'avait remarqué pas auparavant.
« — Venez, Legolas! Eledhel! Vite ...»
Quelques mauvaises herbes hautes cachaient un orque mortellement blessé, encore haletant et murmurant des malédictions dans le Parler Noir. Son abdomen était touché, laissant ses entrailles s'emmêler dans les racines et le sol. Legolas prit la situation en main.
« — Que vous est-il arrivé ici? Dis-nous, et nous faciliterons ton passage vers la mort.
— Des Elfes ...»
L'orque suffoqua et cracha sur les pieds de Legolas. Farothin sortit son couteau, prêt à venger l'affront.
« — Du calme, Farothin.», avertit Eledhel, sa main se posant sur l'épaule du jeune elfe.
Legolas ne bougea pas. Il avait vu beaucoup de morts ces dernières années. Cette scène se joindrait aux nombreuses autres pour tourmenter ses rêves.
« — Dis-nous ...»
Ses yeux d'acier bleu pressèrent l'orque. Le cri d'un charognard rompit le silence. Les yeux de l'orque se révulsèrent.
« — Ghăsh, ghăsh, marmonna-t-il, la bile noire étouffant ses mots.
— Égorgez-le, Farothin, dit Legolas sans émotion et il retourna à son cheval. Eledhel le suivit.
— Qu'a-t-il dit? Qu'est-ce que cela signifiait?"
"— Le feu, le feu ... Je ne sais pas, Eledhel, et c'est ce qui me préoccupe le plus.»
Farothin les rejoignit, en essuyant les dernières traces de sang noir de son couteau.
« — Je crains pour notre compagnie. Rejoignons-les, déclara Legolas et il marqua une pause. Ne parlez de ces horreurs à aucun elfe.»
Lui et les deux autres sautèrent sur leurs chevaux et galopèrent vers la procession. Pendant qu'ils cheminaient, Legolas fit une prière silencieuse aux Valar pour la sécurité et la rapidité de leur voyage. À présent la compagnie ne pourrait jamais atteindre Eryn Lasgalen assez rapidement à son goût. Peut-être que son père en saurait plus sur cette nouvelle menace. L'avertissement de Galadriel prit un nouveau sens pour lui:
Vos jours de péril ne sont pas encore achevés ... Méfiez-vous, celui-ci n'est pas pour les las ou les timides. Beaucoup de périls se trouveront sur le chemin de ceux qui voudraient parcourir les routes vers l'Ithilien. Je l'ai vu.
En vain, Legolas souhaita une fois de plus que leur voyage se passe sans encombres. Et ce ne serait pas la dernière fois qu'il le souhaiterait!
