Prologue
TW : mutilation et tentative de suicide.
Disclaimer : Harry Potter et son univers appartiennent à JK Rowling.
Papillon de nuit
Glisse sur le manteau des étoiles
Il s'envole vers ces éclats de cristal
Où se logent les rêves dépéris ;
Papillon de nuit
Nage dans l'encre de minuit
Celle des cœurs songeurs
Qui à la Lune chantent leurs ardeurs.
La fraîcheur de la nuit s'écorchait sur les joues mouillées de larmes de la Gryffondor. Le vent ricanait devant le désespoir de la jeune femme, perchée en haut de la tour d'Astronomie, les yeux perdus dans un vide aussi profond que l'abîme de son cœur. Le bruissement sec des feuilles était comme un murmure incessant aux oreilles de la brune, qui supportait les moqueries d'une nature spectatrice de son désarroi. La pluie elle-même chatouillait ses mains gelées, comme pour marquer sa peau de son battement violent.
Hermione Granger contemplait d'un calme olympien la dernière vue qui s'offrait à elle. Un orage tonitruant grondait au-dessus d'elle, et l'averse s'abattait avec force sur les piliers de la tour. Le vent sifflant agressait ses oreilles, et le monde semblait tourner autour d'elle.
Ses mains agrippèrent le muret.
Elle souriait paisiblement devant la force chaotique d'une nature colérique qui se déchaînait devant elle. La jeune femme pensait que ce tableau de malheur représentait assez bien le tumulte qui régnait dans son esprit. Les derniers espoirs de sa misérable existence s'écorchaient un à un sur les roches aiguisées de sa conscience, tombant en lambeaux dans la mer agitée de ses idées noires.
Elle se pencha en avant.
En bas, l'herbe gonflée par les bourrasques de vent ondulait d'un mouvement agressif, comme des pics qui transperceraient son corps fragile. Ce manteau d'un vert profond promettait d'aspirer sa carcasse pour l'ensevelir sous des trombes d'eau et de feuilles desséchées aux bords tranchants.
Elle grimpa sur le muret pour s'asseoir au bord.
Elle leva son regard pour examiner une dernière fois le ciel étoilé. La Lune la fixait en retour, attendant sa dernière confession échauffée, comme celles qu'elle adressait chaque nuit à l'astre majestueux avant de s'endormir les yeux baignés de larmes. Chaque nuit, la lune recueillait avec le coeur lourd les plaintes interminables de la jeune femme qui ne savait que faire pour tenir encore un jour. Chaque nuit, Hermione déversait toutes les larmes de son corps dans un hoquet silencieux, désireuse de ne pas réveiller les filles qui l'entouraient. Elle ne voulait pas de pitié. Elle ne méritait pas de pitié.
Alors Hermione lança un ultime sourire à la Lune, sa seule confidente, sa seule amie, et elle ferma doucement les yeux. Une dernière larme coula sur sa joue glacée.
Elle se pencha lentement en avant, encore, encore, jusqu'à ce que ses mains se décollent du muret et que ses jambes tombent dans le vide.
Papillon de nuit
S'envole loin de son ennui
Papillon de nuit
S'envole loin de la lumière
D'un monde trop amer.
Mais la chute ne dura qu'une seconde. Hermione se refusait d'ouvrir les yeux, persuadée que le temps semblait s'arrêter car elle faisait désormais face à la mort tant attendue. Lorsqu'elle se sentit léviter vers le haut, néanmoins, son visage se contorsionna soudainement en un rictus épouvantable et des cris abominables s'échappèrent de ses lèvres. Ses pupilles ambrées, brillant de larmes, fouillèrent avec angoisse ses alentours. Lorsque ses pieds se posèrent sur la pierre froide de la tour, elle eut un mouvement de recul et se cogna contre le muret, manquant de tomber à nouveau.
Une poigne forte agrippa son bras et la tira vers l'avant. Hermione percuta un torse vêtu de noir, et se retrouva nez à nez avec son professeur de potions, lequel arborait un regard noir et un rictus effroyable. Hermione commença à se débattre vigoureusement, mais Snape refusait de lâcher sa prise. Il l'attrapa par les épaules et la recula légèrement, juste assez pour voir distinctement son visage tordu par la peur et la souffrance.
« Miss Granger, reprenez vous, tonna Snape, mais sa voix manquait de sa hargne habituelle. Si Hermione n'avait pas été dans un tel état de détresse, elle aurait sûrement remarqué la pointe d'inquiétude qui transperçait le regard du professeur.
-Laissez moi ! Vous ne comprenez pas, personne ne comprends ! Laissez moi sauter ! s'époumona la rouge et or alors que ses sanglots redoublèrent d'intensité. »
Snape, déboussolé par la hargne affligée de la lionne, se décida à l'éloigner le plus possible du vide. Ils entamèrent alors une descente tumultueuse jusqu'aux cachots, la jeune femme essayant par tous les moyens de se dégager de l'emprise de son enseignant. Celui-ci avait lancé un Silencio pour s'assurer que son élève n'attirerait l'attention de personne par ses cris désespérés, et il se retenait tant bien que mal de la calmer d'un Stupéfix, ses cris et mouvements brusques tirant avec force sur le fil très fin de sa patience.
Hermione peinait à suivre le rythme saccadé de la démarche agacée de Snape. Ce dernier dévalait les escaliers un à un, ne se retournant a aucun moment s'assurer que la jeune femme s'accommodait à son pas, se contentant de raffermir sa poigne de fer sur son avant-bras.
Des gouttes de sang coulèrent lentement sur la paume du professeur, qui ne le remarqua pas, mais la vue du liquide carmin sur la peau blanchâtre du maître des potions horrifia la rouge et or, oubliant presque la douleur des cicatrices qui s'ouvraient doucement pour laisser perler le nectar de ses veines encore pulsantes de vie.
La froideur glaçante des cachots sembla rapporter un peu de sens à la jeune femme, dont les cris se tarirent, remplacés par des gémissements de douleur et de frayeur. Elle ne savait à quoi s'attendre avec Snape. Elle savait qu'il ne lui ferait aucun mal -presque à son désarroi- mais elle savait aussi qu'il contrôlait difficilement son tempérament sardonique. La dernière chose dont elle avait besoin à ce moment était le sarcasme railleur et légendaire du terrible maître des cachots.
Une fois arrivés devant la salle de classe des potions, Snape ouvrit la porte à la volée, la faisant durement claquer sur le mur de pierre âpre. Cela dit sursauter Hermione, qui n'eut cependant pas le temps de réfléchir davantage alors que Snape la traînait au bureau le plus proche. Il la fit s'asseoir sans aucune délicatesse sur une chaise qui vacilla, la rouge et or avec. Puis Snape la relâcha comme si le contact de sa peau sur la sienne l'avait douloureusement brûlé, et il se dirigea à grands pas vers une porte qui menait à sa zone de travail personnelle.
Hermione contempla d'un air ahuri ses capes virevoltant derrière lui. Elle se doutait de ce qu'il allait faire, mais elle se demandait pourquoi. Pourquoi l'aider, la soigner, la sauver ?
Pourquoi entraver l'envol du papillon de nuit ?
La Gryffondor fut tirée de ses pensées par le bruit sourd d'une porte qui claquait. Snape s'approcha à grands pas d'elle et déposa un philtre de paix et un onguent. Sans un mot ni un regard, Snape lui tendit la fiole, qu'Hermione attrapa d'une main tremblante, avant d'avaler son contenu d'une seule traite. À peine eut-elle déposé la fiole que le maître des cachots s'empara des son avant-bras, ce qui la fit grincer des dents, et souleva la manche de sa cape, révélant ainsi une peau d'albâtre couturée de cicatrices.
Snape contempla un instant les arabesques qui dansaient autour du « Sang-de-bourbe » inscrit profondément dans la chair de son élève. Son visage ne laissa rien transparaître ; son cœur loupa un battement.
Avec une délicatesse qu'Hermione ne lui aurait jamais soupçonné, Snape nettoya les plaies ouvertes et appliqua un onguent frais dessus, faisant frissonner la jeune femme. À peine eut-il perçu ce frisson que ses sourcils se froncèrent, interprétant ce soubresaut pour du dégoût. Mais ses gestes demeurèrent maîtrisés et doux, alors qu'il massait le poignet de la jeune femme en un mouvement hypnotisant.
Un silence pesant alourdissait l'air renfermé des cachots. Les sanglots de la rouge et or s'étaient tus dans le froid de la nuit, et seule sa respiration encore hachée par moment rompait l'atmosphère lourde qui régnait.
Au bout de quelques minutes, Snape se leva et se dirigea tête baissée vers son bureau. Il s'adossa à celui-ci et soupira fortement. Son élève le scrutait d'un œil curieux, intriguée par la réaction de son professeur, sûrement la première en sept ans où la colère n'intervenait pas.
Puis Snape leva lentement son regard d'onyx qui rencontra celui, chocolat, de son élève. Les deux se dévisagèrent un long moment sans rien dire. Hermione osait à peine respirer, de peur de déclencher un épisode de fureur atroce chez son enseignant connu pour ses crises.
Mais Snape ne lui hurla pas dessus. Il ne la gronda pas, ne la réprimanda pas, ne l'insulta pas. Il se contenta de la fixer d'une œillade indéchiffrable, comme s'il essayait de sonder son âme en nageant dans cette mer ambrée aux remous tumultueux.
« Miss Granger, articula lentement le professeur d'une voix atone, depuis combien de temps ?
-Depuis combien de temps quoi, professeur ? déglutit la rouge et or, feignant la naïveté.
-Depuis combien de temps êtes-vous occupée par ces idées noires ? répondit-il avec un soupir agacé. »
À cette question, la Gryffondor demeura muette. Elle décida de détourner le regard un instant, comme si elle allait trouver la réponse dans les bocaux qui s'empilaient inlassablement le long des étagères.
Elle le fixa de nouveau lorsqu'elle entendit un soupir s'échapper de ses fines lèvres, habituellement tordues en un rictus sardonique. Snape s'avança lentement, gêné, jusqu'à la table où se trouvait son élève.
« Vous souhaiteriez peut-être en discuter avec la directrice ? J'ai cru comprendre que vous aviez développé une certaine amitié…
-Non ! S'écria Hermione avec brusquerie, ramenant son bras bandé contre sa poitrine, effrayée par ce qu'impliquait le maître des cachots. Des larmes perlèrent à nouveaux dans ses ambres tourmentées.
-Miss Granger, soupira Snape d'une voix indifférente, vous vous doutez bien que je ne peux vous laisser partir sans aucune explication, ni sans m'assurer que vous ne recommencerez pas.
-Je ne vois pas pourquoi mon état vous inquiète autant, ricana la jeune femme en oubliant à qui elle s'adressait. Son regard se perdit dans le vide, au-dessus d'une épaule couverte de noire.
-Je me fiche bien de votre état, personnellement, répliqua le potionniste en haussant un sourcil las. Mais si l'on apprend que je n'ai rien fait pour vous aider, l'entièreté du monde sorcier m'en voudra pour avoir laissé le cerveau du Trio d'Or périr dans des circonstances aussi tragiques.
-Ce n'est pas comme si quiconque le remarquerait… murmura-t-elle d'un air triste.
-Ah non ? Peut-être devrais-je vous rafraîchir la mémoire, Granger. Vous êtes une héroïne de guerre avec un ordre de Merlin première classe. La sorcière la plus talentueuse et prometteuse de sa génération, avec un avenir tout tracé au ministère ou dans quelque université de renom. Votre disparition serait loin de passer inaperçue. »
Hermione ne répondit pas à cela. Un soupir profond s'échappa de ses lèvres abîmées par des morsures intempestives.
« Vous savez, professeur, vient un temps où toute la renommée du monde ne suffit plus à un héros. Peu m'importent les applaudissements d'inconnus désabusés qui ne pensent qu'à la gloire.
-Je vous en prie, vous vivez pour la reconnaissance de votre talent, cracha Snape sans pouvoir se retenir. »
Hermione leva lentement son regard vide pour le plonger dans celui, ardent, de son professeur. Elle ne répondit pas, ne réagit pas. Snape soupira fortement et se leva brusquement.
« Vous savez quoi ? Partez, Granger. J'ai mieux à faire que de m'occuper d'une pleurnicheuse qui supporte mal toute l'attention qui est portée sur elle, mais qui paradoxalement en cherche davantage en voulant jeter sa vie en l'air. Vous êtes grande, vous faites vos propres choix. Une chose, cependant. Si vous croyez que la mort arrange tout, vous vous trompez lourdement. On ne peut enterrer ses traumatismes et ses peurs au fond d'un caveau. Ils nous suivent jusqu'après la mort, pour toujours. Je vous croyais brave, pour une Gryffondor, alors battez-vous un minimum. Des montagnes d'imbéciles admiratifs sont à vos pieds, prêts à écouter vos plaintes. Profitez-en avant qu'ils se lassent de votre indifférence souffrante. »
Sur ces paroles, Snape alla à grandes enjambées ouvrir la porte, lui indiquant de s'en aller. Hermione se leva lentement et partit sans un mot ni un regard pour son professeur qui, lui, brûlait de la brusquer pour ramener un peu de bon sens à la jeune femme entêtée dans son malheur.
Mais Hermione s'en alla sans se retourner, d'une démarche tremblante mais déterminée. Alors Snape lui lança un dernier regard, hésitant à la rappeler, avant de se souvenir qu'il haïssait cette sauveuse intempestive.
Je ne lui ferai pas l'affront qu'elle m'a fait en la sauvant.
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