Les soldats du brigadier avaient amené du matériel de détection, ainsi que des chiens renifleurs.
Après que Milena ait découvert la caméra et qu'ils aient su quel genre de chose chercher, il avait été aussi fier que furieux de dénicher trois autres mouchards, dont un dans la chambre d'Ilinka.

Mais les militaires en avaient trouvé une demi-douzaine de plus, plus un enregistreur greffé sur leur box Internet et plusieurs micros. Il y en avait pour plusieurs milliers de francs de matériel.
Ce sale déchet de Terrien s'était ruiné pour les espionner !
Aussitôt que l'officier des services de renseignement leur avait annoncé que la ferme était sécurisée, il était parti.
Schmidt voulait arrêter Puccini pour l'interroger. Il avait eu les presque quatre heures trente qu'avaient duré la fouille d'avance sur lui.

Maintenant, il partait en chasse. Si l'humain n'avait pas été assez rapide pour capturer son congénère, tant pis pour lui. Il ne se retiendrait pas pour lui faire plaisir.

« Markus, si tu le trouves, ne le tue pas. »
La pensée de Rosanna n'était ni une supplique, ni un ordre. Juste une requête.

« Alors, prie pour que je ne le trouve pas. »

Une vibration le traversa. Comme un soupir, un peu las.
Enfilant son manteau, il partit.
Il pouvait accepter beaucoup de choses, mais pas que l'on s'en prenne aux siens !

.

« Maman ! »

Lançant presque ses cartes sur la table, Ilinka se releva d'un bond, se précipitant vers sa mère qui venait de passer la porte du bunker, suivie de Milena.

« Mon cœur. »
L'artiste la serra fort contre elle.

Il était presque deux heures du matin. Selk'ym leur avait conseillé d'aller se coucher dès onze heures, et il était parti dormir vers minuit. Mais ils n'étaient plus des enfants, et il ne les avait obligé à rien.
« C'est fini ? » s'enquit Zen'kan, qui s'était relevé aussi, mais était resté bien moins démonstratif.

« La ferme de Rosanna est sécurisée. Ils sont en train de vérifier chez nous, par acquit de conscience. » répondit Milena.

« Alors on peut rentrer ? » demanda l'adolescente, pleine d'espoir.
Sa mère eut une moue navrée.

« Désolée, pas encore. Les informaticiens de Schmidt doivent d'abord trouver où allaient les données, et qui les a vues, pour peu qu'il y ait eu quelque chose à voir. »
L'adolescente s'affaissa un peu.

« Donc, on ne rentre pas ? »
« Non pas encore. »

Soudain, elle se sentit horriblement crevée. Avec un grand soupir, elle se passa une main sur le visage.

Rosanna lui offrit un petit sourire tordu.

« Pour cette nuit, vous allez rester ici. Je vais tâcher de trouver une solution moins... claustrophobe pour la suite. OK ? »
« Tu ne restes pas ? »
« Non. Il y a encore beaucoup de choses à régler. »
« Et toi ? » s'enquit Zen'kan auprès de sa mère.

« Il parait que vous avez un canapé-lit ici ? » répondit l'intéressée.

« Et papa ? » demanda Ilinka, notant la brillante absence de ce dernier.

Rosanna eut une nouvelle grimace.

« Encore beaucoup de choses à régler... »
« Maman ! »

Rosanna la serra brièvement contre elle.

« Repose-toi ma chérie. On se revoit demain. Je t'aime très fort. Dors bien. »

« Maman ! » protesta-t-elle.
Sa mère ne pouvait pas la laisser dans l'ignorance ainsi.

Rosanna l'embrassa sur le front. Elle capitula.

« Je t'aime aussi. »
« Bonne nuit, mon cœur. »
« Bonne nuit, maman. »

Il y eut quelques instants de silence gênant après le départ de l'artiste, puis Milena bailla, s'étira, renifla sous ses bras, fit la grimace, et demanda à la cantonade s'il y avait une salle de bain.
Pendant que l'ancienne militaire allait se débarbouiller, elle prépara le canapé-lit en compagnie de Rory, puis partit se brosser les dents et, terrassée par la fatigue, rejoignit bien vite son matelas grinçant au-dessus de celui de Selk'ym qui dormait à poings fermés.

.

« Une île du Pacifique ?! »

« Oui » s'agaça sa mère. « Mais si tu préfères rester ici, y a pas de problème. »

Zen'kan se racla la gorge. La vague odeur d'humidité du bunker imbibait tout, de ses vêtements à sa nourriture en passant pas l'eau.
« Nan, c'est bon. »
« Parfait. Alors va chercher tes affaires. » statua Milena.

Il obéit. Lili et Rory ne l'avaient pas attendu et étaient déjà en train de boucler leurs sacs. Une île tropicale était toujours mieux que cet horrible trou, mais il aurait largement préféré rentrer. Au moins prévenir les autres membres du groupes. Ils étaient censés faire un concert à un giron local dans trois semaines. Ils allaient s'inquiéter !

Mais c'était impossible.
Il gronda. Pourquoi fallait-il qu'un connard de flic psychopathe leur pourrisse la vie ?! Connard de flic psychopathe doué pour disparaître qui plus est ! Ni son oncle, ni le militaire moustachu n'avait encore réussi à lui mettre la main dessus.

Son sac fait, il rejoignit les autres dans le couloir de béton nu.

Le même camion, ou son parfait jumeau, les emmena rapidement à un grand terrain bétonné familier. L'ancienne base aérienne qui servait de QG secret à Schmidt et de zone d'atterrissage aux Jumpers de l'Utopia.

Deux petits cônes oranges posés au milieu de rien trahissaient la présence d'un vaisseau occulté. Leur Jumper.

Il s'avança sans crainte, et comme prévu, se retrouva soudain à l'arrière du petit cargo volant.

Rosanna, aux commandes, les salua de la main.

« Je croyais que les militaires étaient pas censés savoir qu'on en avait un. » nota Rorkalym.

Rosanna pouffa.
« Maintenant, ils savent. Installez-vous, on décolle. »

Zen'kan s'assit sur la banquette, laissant à d'autres les sièges du poste de pilotage.

A sa surprise, Ilinka resta aussi derrière.

« Maman ? On va faire comment pour Zen ? » demanda-t-elle, le fixant avec inquiétude.

Il se retint de gronder. Pourquoi fallait-il qu'elle se soucie de ça ?!

« Si, et seulement si c'est nécessaire, on utilisera le Jumper pour rejoindre ses donneurs. »
« C'est pas risqué ? » demanda son amie.

« On aurait de toute manière dû s'en servir. La plupart des donneurs formés qu'on a pu joindre ne se trouvent pas à proximité. »

« Ah... »

Le silence retomba.

Devant, dans le poste de pilotage, ils discutaient de tout et de rien, mais derrière, c'était comme si une chape de plomb s'était abattue.

« Lili... »
« Mmmh ? »
« Non, rien... »

A quoi bon parler ? De toute façon, il n'avait rien à dire.

Heureusement, le supplice ne dura plus très longtemps, et dans un soubresaut, le vaisseau se posa.

Lorsque la porte s'ouvrit, une bouffée d'air chaud et iodé les assaillit.

Ébloui, se protégeant les yeux de son mieux, Zen découvrit une plage de sable blanc, une eau turquoise et des mouettes criardes.

« Waaaah ! » s'extasia Ilinka, s'élançant sur la plage, avant de s'arrêter, les sourcils froncés. « Attends, je connais... C'est... ? Maman, c'est... ? »
« L'île sur laquelle ton père m'a emmené faire ma cure de désintox de l'enzyme ? Oui. »

« Mais y a rien dessus. » nota-t-il avec une grimace.

Rory pouffa.

« C'est le concept d'une île déserte. »

« Et on va faire comment ? » marmonna Zen'kan.
« On va construire, je suppose. » nota tranquillement son ami, s'étirant langoureusement, les orteils enfoncés dans le sable chaud.

« Pourquoi ici en particulier ? » s'enquit Ilinka.

« Cette île est au cœur d'un sanctuaire marin privé de vingt milles nautiques. Aucun bateau n'a le droit d'en approcher les côtes. C'est parfaitement désert. » répondit la mère de cette dernière.

« Le consortium ? » demanda l'adolescente.
« Non, la fondation Blue Motion pour la biodiversité marine. Subventionnée à cent pour cent par le consortium. » répondit l'artiste avec un sourire.

« Le consortium, quoi... »

Rosanna haussa les épaules.

« Venez par là, je vais vous montrer où se trouve la source d'eau douce, et le reste. »

Il suivit. C'était quoi ces histoires de consortium ? Il avait l'impression d'avoir loupé un épisode.
Il se promit d'interroger Ilinka plus tard.
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Rorkalym devait bien reconnaître un bénéfice au dénuement de leur cachette tropicale : ils n'avaient le temps ni de ruminer, ni de s'ennuyer. Tout était constamment à faire.
Le premier jour avait été presque entièrement consacré à la fabrication d'un abri rudimentaire. Le second, à sa consolidation et à la récolte de nourriture.
Même avec les outils et le matériel amenés par
Jumper, la tâche restait difficile.

Naturellement, c'était à Zen que la sélection et l'abattage des palmiers avaient été confiés.
Selk'ym s'était aussitôt déclaré maître cordier et, deux grosses pierres plates et un couteau pour tout outil, il s'était mis à battre et tresser des fibre de palmes pour en faire de grosses cordes solides.
Étant sans aucun doute le seul en dehors de son père à avoir la patience pour pêcher à l'affût, il s'était rapidement confectionné une lance et était parti s'embusquer dans les récifs affleurant au sud de l'île.

Milena et Ilinka s'étaient occupé de tout le reste. Allumer et approvisionner un feu, ramasser noix de coco et coquillages, collecter de l'eau à la source, aider à assembler l'abri, suspendre les hamacs, etc. De petites tâches insignifiantes, mais combien nécessaires. Ils auraient eu l'air malin avec leurs gros tas de bois, de cordes et de poissons !

Le troisième jour, le temps avait décidé de mettre leur œuvre à l'épreuve, et c'est dans la précipitation qu'ils avaient encore renforcé leur abri, alors qu'un immense front noir s'avançait furieusement dans leur direction.

L'air chaud, humide et crépitant était suffocant, rendant chaque geste pénible, et c'est trempés de sueur, à laquelle collait furieusement le sable, qu'ils terminèrent leur travail, alors que les premières lourdes gouttes tombaient.

Assis en rang d'oignons sous leur petit auvent, ils fixaient les éléments qui se déchaînaient devant eux.

« J'ai prévenu papa. » nota Ilinka, devant presque hurler pour que sa voix ne soit pas couverte par le vent.

Autant Milena opina avec véhémence, visiblement ravie de la perspective d'échapper au typhon, autant son père se contenta d'un vague acquiescement neutre.

L'instant était désagréable, mais il n'était que ça. Un instant, impermanent et fugitif. Rorkalym décida d'adopter ce point de vue, et de plutôt savourer le sublime spectacle que les forces de la nature leur offraient.

Une heure plus tard, alors que le monde semblait s'être transformé en une bouillie de sable et de branches volantes et détrempées, il peinait un peu plus à conserver sa sérénité.

Heureusement pour eux, leur abri tenait bon, les protégeant des plus gros débris, et ils avaient une bâche dans laquelle, tels une tribu de Bédouins, ils avaient mis le haut de leur corps à l'abri.

Zen'kan maugréait sporadiquement des jurons, tout comme Milena, qui ne manquait pas de râler haut et fort à chaque fois qu'un débris la heurtait. Ilinka, sa réserve de crainte épuisée, s'était murée dans un mutisme hargneux. Il sentait sourdre de son âme une haine caustique envers l'humain dont l'obsession était la cause de leur exil. Comme une litanie, elle lui souhaitait d'être débusqué par nul autre que Markus.

Une prière qui en disait long sur son ressentiment, motivé par une météo si peu clémente.

Sans en arriver à de telles extrémités, il souhaitait également ardemment que la situation soit rapidement réglée, afin qu'ils puissent rentrer.

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La nuit était tombée depuis longtemps, contrairement à la tempête qui rugissait toujours autour d'eux, si puissante que le Jumper ne pouvait pas les rejoindre.

Malgré l'épuisement, impossible de dormir.
Ilinka se sentait à bout, tous ses sens en alerte depuis si longtemps.
Pourtant, lorsqu'au milieu des craquements et des mugissements, un grincement sourd retentit, elle ne put s'empêcher de tendre l'oreille.

« C'est quoi ça ? Ce bruit ? » beugla-t-elle à la cantonade.

« Quel bruit ? » hurla Zen'kan en retour.

« Ce bruit, là ! »

Ce fut Milena la première qui l'entendit, et avec un juron, sortit la tête de sous la bâche.

Un instant plus tard, elle en tirait son fils.

Face à l'urgence, tout le monde fit de même, bien qu'ils fussent quasiment aveugles dans l'obscurité et la pluie.

Le faisceau de la lampe-torche de Milena balaya l'air, tentant en vain d'éclairer au-delà du rideau liquide.

« Un bateau ! Un bateau s'est échoué sur les récifs ! » beugla la militaire.

Plissant les yeux, elle tenta de voir, deviner même, quelque chose.

Elle ne savait même pas ce qu'elle regardait. Était-ce le bateau ou un rocher qu'elle fixait ?
« Chier ! Par toutes les reines ! » cracha Rory.
Elle tendit son esprit vers le sien. Qu'avait-il vu pour le faire jurer ainsi ?
Il avait vu le bateau. Un esquif plutôt. Une grande barque de mer avec un petit moteur et beaucoup trop de passagers.
Elle comprit. Un bateau de clandestins !

«Il faut les aider ! Ils vont mourir sinon ! » hurla-t-elle.

« Je sais ! Mais faut qu'on s'organise, sinon, on va aussi y passer ! » beugla Milena en retour.

« On fait quoi ? » demanda-t-elle, mortellement inquiète.

« Ils se sont échoués sur une zone rocailleuse. Entrer dans l'eau, ça reviendrait à plonger dans une bétonneuse pleine de pierres. » nota Rorkalym.
« Alors c'est moi qui y vais ! » hurla Zen'kan.

« C'est hors de question ! Tu vas te faire tuer. » répliqua Milena.

« M'man ! On peut pas les laisser crever, putain! »

« Milena Giacometti, votre fils a raison. J'irai avec lui. Je ne régénère pas, mais je guéris très vite. On va s'encorder. Je vous confie nos vies. » intervint Selk'ym, obligé de hurler par-dessus le vent.

Rorkalym revenait déjà avec les rouleaux de cordes tressées par ce dernier. Gorgées d'eau, elles pesaient une tonne. Mais c'était mieux que rien.

« Je fais quoi ? » hurla-t-elle à son tour.

« Prépare-toi à accueillir les naufragés et à les mettre en sécurité. » beugla Milena.

Elle opina, et tendit son esprit vers celui de son père – et au-delà, celui de sa mère.

« Un bateau s'est échoué sur l'île ! Je vous en prie, venez vite. On a besoin d'aide ! »

Markus se voulait rassurant. Apaisant. Mais il avait abandonné cette traque qui lui tenait tant à cœur et, des centaines de kilomètres au-dessus d'eux, avec Rosanna, il tentait en vain de trouver un passage entre les nuages pour les atteindre.
« On sera là dès que possible, et nous allons prévenir les secours civils, ma petite reine. »
Ce fut la seule chose qu'il put lui offrir.

Elle opina et, courbée en deux, leurs gourdes à moitié vides serrées contre elle, courut jusqu'au ruisseau, tâchant d'en remonter le cours pour y prélever de l'eau la moins souillées possible. Impossible de dire depuis combien de temps les naufragés dérivaient en mer, mais ils auraient probablement besoin d'eau douce.

Le temps qu'elle revienne, ils s'étaient organisé et, un grand palmier solitaire en guise d'ancrage, Zen'kan et Selk'ym s'avançaient péniblement dans l'eau, tirant derrière eux une troisième corde, dans le but d'en faire une ligne de vie.

Impossible de faire un feu dans ces conditions. Momentanément désœuvrée, elle ne put que les regarder avancer depuis la plage, disparaissant souvent sous l'eau, réapparaissant en crachotant, battus de toute part par les vagues.

Il leur fallut une éternité pour atteindre l'épave. Plus encore pour revenir, escortant quatre hommes s'accrochant de toutes leurs forces à la ligne de vie. A plus d'une reprise, l'un d'entre eux disparut sous les eaux, lui arrachant à chaque fois un cri d'angoisse, avant de réapparaître, repêché tantôt par l'un ou par l'autre.

Quand ils ne furent plus qu'à quelques mètres de la plage, Milena et Rory avancèrent à leur rencontre, les prenant en charge alors que Selk'ym et Zen faisaient demi-tour avec détermination. Dès qu'ils eurent atteint la terre ferme, elle entra en action et, gesticulant, les emmena jusqu'à leur abri, leur offrant le maigre réconfort de la bâche, d'eau claire et d'un petit tupperware de noix de coco préparée peu avant le début de la tempête.

Les hommes ne parlaient ni français ni anglais, mais leur reconnaissance était évidente, et s'étant assurée qu'aucun ne souffrait de blessures plus graves que quelques coupures sur les récifs et de nombreuses contusions, elle repartit prêter main forte sur la plage.

L'aube vint sans qu'ils s'en rendent compte. C'est à peine si le ciel devint plus clair.

Chaque transbordement prenait une éternité. Ils ne pouvaient pas espérer emmener plus de quatre personnes à chaque fois, et encore, uniquement à condition qu'il s'agisse d'adultes en pleine forme.
Mais il y avait des enfants, des vieillards et des femmes enceintes à bord. Autant de terribles traversées de plus.

Finalement, Selk'ym, une vieille femme chenue sur le dos, s'effondra sur le sable détrempé.

« C'était la dernière. » gronda-t-il douloureusement.

Zen'kan tenait encore debout, mais guère plus. Ils avaient tout donné.

« Amène-la à l'abri ! » hurla Rory, s'agenouillant pour détacher son père et passer son bras sous son aisselle.

Elle s'empressa d'obéir.
La vieille femme tremblait comme une feuille, mais elle était si frêle qu'elle n'eut pas trop de peine à la prendre sur son dos et, s'enfonçant lourdement dans le sable, à ouvrir la marche jusqu'à l'abri.

En tout, c'étaient vingt-sept personnes qu'ils avaient sauvées des récifs.

Une petite fille avait le bras cassé, et un homme une commotion. Et tous, une jolie collection de bleus et de bosses. Mais ça aurait pu être bien pire.

Serrés les uns contre les autres, se protégeant de leur mieux, ils priaient avec ferveur. Rassurée sur leur sort, elle s'inquiéta de celui des siens, qui n'étaient nulle part en vue.

Guidée par une pensée, elle remonta le ruisseau, jusqu'à sa source.

Selk'ym et Zen'kan avaient enlevés leurs colliers, révélant l'étendue des dégâts. Ce n'était pas une bétonnière pleine de pierres, mais une bétonnière pleine de lames de rasoir qu'ils semblaient avoir traversée.

Zen'kan ne saignait déjà plus, mais une impressionnante collection de lacérations à différents stades de cicatrisation le zébrait. Selk'ym n'avait pas cette chance, et il saignait profusément.

Rorkalym essayait tant bien que mal de nettoyer ses plaies, et de le faire boire. Ce que l'hybride peinait à faire, incapable de reprendre son souffle.

Elle s'approcha de lui, et lui prit les mains.

« Selk'ym, tout va bien. Inspirez profondément... Doucement... Expirez... » hurla-t-elle aussi paisiblement que possible compte tenu des conditions.

Simultanément, elle tendit son esprit à la recherche de celui de l'hybride, qui instinctivement recula. Elle ne s'en offusqua pas. Et se contenta de le bercer de vagues d'apaisement successives, allant et venant au rythme d'une respiration paisible.

Finalement, il parvint à reprendre son souffle, et put boire quelques gorgées de la gourde que Rory lui tendait.
« Merci. »

La pensée de son ami brillait de reconnaissance. Elle lui offrit un sourire réconfortant. Elle avait pu aider, c'était tout ce qui comptait.

Rassurée, elle se tourna vers Zen'kan qui, la tête dans les mains, semblait fixer ses pieds.

« Comment va-t-il ? » demanda-t-elle à Milena, toujours agenouillée devant lui.
« Ça va, mais il a faim. » répondit cette dernière, se protégeant les yeux de la pluie.

« Je peux aller ramasser des noix de coco, y en a plein la plage avec la tempête. »
« C'est gentil, mais c'est pas ce genre de faim ! Je lui ai déjà fait un don, mais ça va pas suffire ! » beugla l'ancienne militaire.

Elle n'avait donc pas rêvé : Milena avait bien l'air encore plus épuisée que dix minutes auparavant.
« Alors qu'est-ce que je peux faire ?! »
« Prie pour que tes parents puissent vite nous rejoindre... »

Elle opina, désemparée.