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« Is the World still spinning around ? »

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Partie 1/2 : THE VALIANT

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Je devais courir, la mort aux trousses.

Littéralement.

J'avais bien trop peur que mes bourreaux ne me retrouvent, voilà des années qu'ils m'avaient gardé captive et j'avais réussi, par miracle, à m'échapper. Je n'allais certainement pas laisser passer cette chance de liberté. Alors, j'ai couru, encore et encore.

Encore et encore.

Je ne portais qu'une vieille robe, que dis-je : une guenille, couleur parchemin, déchirée et trouée par endroit. J'étais totalement pieds nus et mes longs cheveux châtains étaient noués en une grosse tresse emmêlée, dont certaines mèches rebelles ressortaient de ma coiffure ébouriffée. Mon imposante chevelure n'avait pas eu le droit à la douceur d'un shampoing, ni vu de peigne, depuis un long moment. Des mois.

Il faisait soleil en cette douce journée de printemps en Angleterre. Je me suis engouffrée dans une ruelle sombre pour m'y cacher, et ce fut là mon erreur.

Parce que c'était un cul-de-sac et que l'un de mes assaillants m'a vu tourner dans les ténèbres et il m'a rejoint en quelques secondes à peine. J'étais terrorisé et à juste titre, puisque l'immense homme m'a attrapé par le cou et m'a plaqué contre le mur de briques rougeâtres comme si je ne pesais rien.

Ce qui était d'ailleurs le cas, je n'étais pas bien épaisse. Plutôt maigre, d'ailleurs, avec une peau pâle et sale. Évidemment, j'ai hurlé à m'en arracher les poumons. Mon ravisseur n'a pas attendu très longtemps pour plaquer une main sur ma bouche et, pendant qu'il sortait un couteau de son autre main de libre, j'essayais tant bien que mal de lui donner des coups de pieds pour qu'il me lâche.

Sans sucés.

J'allais probablement mourir lors de ce premier jour de liberté, j'ai vu l'attaque surgir vers moi, comme au ralenti, cependant un miracle se passa...

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Je vis un étrange et long éclair orange frapper le monstre en face de moi, et ce dernier fut propulsé en arrière, tombant de tout son long sur le sol humide et crasseux. Interloquée, je me suis tournée vers ma droite pour découvrir un homme tenant entre ses doigts un gadget argenté duquel provenait la décharge qui venait de me sauver la vie. J'ignorais si mon agresseur était mort ou simplement assommé, secrètement je l'espérais mort, lorsque l'inconnu se dirigea lentement vers moi.

Il n'était pas bien grand, mais il était plutôt mince. Il portait un magnifique costume sombre, une veste impeccable et une cravate par-dessus une chemise blanche. Il avait les cheveux courts et aussi châtains que les miens, ses yeux couleur noisette me scrutèrent avec tristesse et incompréhension. Je remarquai surtout que deux gardes du corps l'entouraient, comme s'il était une personne importante. C'était le cas, mais je l'ignorais à ce moment-là.

Lorsqu'il s'approcha de moi, j'ai reculé par réflexe. Il rangea donc son gadget dans la poche de son costume et leva les mains en l'air en signe de reddition, me faisant comprendre qu'il venait en paix et que je ne risquais rien. Il entama, avec une voix calme :

- Hey, Love. N'aie pas peur. Je t'ai entendu crier. Est-ce que tout va bien ?

'Love' ? Jamais personne ne m'avait donné un surnom pareil. J'ai mis du temps à faire 'oui' de la tête. Puis, j'ai jeté un regard vers mon ravisseur, toujours étendu sur le sol, les yeux fermés. L'étranger comprit ma question mentale et répondit avec un ton sec et direct.

- Il est mort.

Je ne pus m'empêcher d'esquisser un sourire en lâchant un :

- Tant mieux.

Il esquissa un sourire à son tour, puis marcha vers moi en tendant sa main droite vers la mienne comme pour m'aider à sortir de la ruelle.

- Quittons ce taudis, Love.

Mon ventre se noua et, d'une voix tremblante, j'ai demandé :

- Qui... Qui êtes-vous ?

L'homme tiqua, comme si je venais de poser la question la plus stupide qu'il n'ait jamais entendu. Il plissa des yeux et s'enquit :

- Tu... Tu ne sais pas qui je suis ?

Je fis 'non' de la tête, puis il sourit à nouveau, en répliquant :

- Je suis le Premier Ministre Anglais. Harold Saxon.

Forcément, je me suis sentie très bête, j'ai sursauté puis balbutié :

- Oh... Je suis désolée... Je l'ignorais, Sir...

Il garda son sourire, en reprenant :

- Tout le monde m'appelle 'Maître'. Et toi, quel est ton nom ?

Bien que je trouvais son surnom étrange, je n'ai rien dit et je me suis simplement présenté à mon tour :

- Alisone. Je m'appelle Alisone.

Le Maître s'approcha de moi et glissa sa main dans la mienne lorsque soudain, tout son corps se raidit et un voile d'incompréhension traversa son regard noisette. Puis, il bégaya, perturbé :

- Comment... Comment fais-tu ça ?

Je ne comprenais absolument pas ce qu'il voulait dire par là. Je lui tenais simplement la main, mes doigts fins et sales serraient juste les siens. Je secouai la tête, ne sachant quoi répondre. Il ferma les yeux comme pour profiter d'une accalmie bienvenue, puis murmura plus pour lui-même que pour moi :

- Les tambours... Les tambours sont moins forts...

J'ignorais totalement ce que cela signifiait mais, éventuellement, l'homme a rouvert les yeux en m'offrant son plus beau sourire, puis il m'a tiré hors de la ruelle.

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À la lueur du jour, le Maître découvrit mon accoutrement, mes guenilles couvertes de poussières, de saletés et de terre, mais il ne dit rien. Il me tenait toujours la main, mais pas comme mon ravisseur avait l'habitude de le faire en me serrant si fort qu'il laissait souvent des marques sur mon poignet. Non, là, le Premier Ministre s'accrochait à moi comme à une ancre, et pourtant avec douceur. Il se dirigea vers un groupe de cinq personnes, toutes vêtues d'un costume impeccable avec des oreillettes noires vissées dans leurs tympans, je les soupçonnais d'être d'autre gardes du corps. D'ailleurs, les deux gardes qui suivaient le Maître ne nous quitta pas d'une seule semelle, paume d'une main posée sur leurs armes, prêts à s'en servir. En nous dirigeant vers le groupe du staff, le Maître glissa sa main libre dans la poche de sa veste pour ressortir son gadget argenté.

Curieuse, je n'ai pu m'empêcher de demander :

- Sir, qu'est-ce que c'est ?

L'homme esquissa un sourire en avouant le plus simplement du Monde :

- Un Tournevis Laser. Je peux m'en servir comme arme, comme outil, ou comme commande pour actionner le téléporteur.

- Le téléporteur ?

Je n'étais pas sûr d'avoir bien compris, mais le Maître se tourna vers moi sans quitter son sourire, pour me dire avec mystère :

- Lève les yeux...

Intriguée, je me suis exécuté et j'ai effectivement découvert quelque chose de très spéciale...

Dans le ciel.

Cela ressemblait à un engin volant, statique, comme un héliporteur. Aussi argenté que le Tournevis Laser du Maître, d'une longue forme rectangulaire, l'appareil flottait dans les nuages et il était démesurément grand. Aussi grand qu'un building sur la terre ferme. Mes yeux ne purent quitter cette image aussi étrange qu'impressionnante, et le Maître rajouta :

- C'est 'The Valiant'. Là où je vis. Tu veux voir ?

Encore sous le choc, je me suis contenté de sourire en faisant simplement 'oui' de la tête. D'une seule main, il régla quelque chose sur son Tournevis Laser en appuyant sur des boutons, puis il leva son bras vers le ciel et murmura à mon oreille.

- Accroche-toi à moi.

J'ai enroulé mon bras autour du sien, puis je me suis collée à lui et j'ai fermé les yeux...

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J'avais toujours mes doigts enroulés autour du bras du Maître, lorsque j'ai rouvert les yeux pour découvrir que je n'étais plus en face de la ruelle sombre, mais au centre d'une immense salle lumineuse. Les murs et la pièce avaient un design bien spécifique que je n'avais jamais vu de ma vie, et rempli de plusieurs autres gardes ainsi que d'espèces de soldats, armés de fusils. Apeurée et perdue, je me suis un peu plus raccrochée au bras du Maître, qui sourit en me murmurant :

- Tout va bien, Love. Nous sommes à bord de mon vaisseau, 'The Valiant'. Je te fais visiter ?

Encore très perplexe, j'ai simplement fait 'oui' de la tête et, main dans la main, il m'a tiré hors de la grande salle pour passer sous une porte automatique et marcher dans un long couloir. Le sol était froid sous mes pieds, mais l'air ambiant était plutôt agréable. Tandis que la main droite du Maître serrait toujours ma main gauche, ma main droite à moi se retenait à son épaule, comme pour rester accroché à quelque chose, comme une Sirène sur son rocher.

Pendant que nous marchâmes au milieu du corridor vide, mise à part les gardes et les soldats qui nous suivaient, le Maître s'amusa à tout m'expliquer, le sourire aux lèvres :

- Nous sommes dans le ciel, bien au-dessus de Londres. J'ai fait construit le vaisseau lorsque j'ai commencé à me présenter aux élections, en début 2006. J'étais pratique sûr de gagner, évidemment, et je ne voulais absolument pas résider dans ce taudis au N°10 Downing Street ! Alors, j'ai créé le Valiant. Un immeuble dans les airs. La folie des grandeurs...

Nous avons tourné sur la gauche et j'ai découvert des dizaines de portes métalliques. Le Maître se pencha vers moi pour me demander, avec malice :

- Alors, tu en penses quoi, Love ?

J'ai serré un peu plus fort mes doigts sur son épaule et j'ai répondu, le souffle coupé d'émerveillement :

- C'est magnifique, Sir. Tout est si clair. Si propre. C'est... C'est splendide !

Je souriais en regardant dans tous les sens, lorsque soudain le Maître s'arrêta brusquement au milieu du couloir. J'ai suivi le mouvement, perdue, puis il tourna sa tête vers moi et je vis un air à la fois triste et sérieux traverser ses yeux noisette.

Il questionna :

- Tu... Tu dis ça parce que tu le penses ou parce que tu as peur ?

- 'Peur' ? Sir ? Je... Je ne comprends pas.

Ses yeux plongèrent dans les miens, comme s'il sondait mon âme ou qu'il lisait dans mes pensées. De longues secondes passèrent, durant lesquelles aucun de nous ne parla, puis, finalement, il avoua :

- Non... Tu ne sais pas, n'est-ce pas ? Tu es sincère...

- Bien sûr que je suis sincère, Sir. Pourquoi mentirais-je ?

Il sourit. Il sourit et rapprocha son visage du mien comme s'il voulait me murmurer un secret. Ou autre chose. Pourtant, il chuchota bel et bien :

- La plupart des gens ont peur de moi... Ils suivent mes ordres et me mentent pour rester en vie.

- Parce que vous pouvez les tuer comme vous avez tué mon agresseur ?

- Oui.

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Il reprit ses esprits et continua la visite.

Lorsqu'au détour d'une allée, j'ai remarqué une petite boule argentée virevolter au-dessus de nous. Au début, j'ai pensé à une hallucination visuelle de ma part, dû à ma dénutrition, mais le Maître me sourit et me rassura :

- Ne fais pas attention aux Toclafane, ils sont de mon côté.

Je n'avais aucune idée de ce qu'était un 'Toclafane', mais plusieurs petites boules argentées nous rejoignirent. Elles n'étaient pas bien grandes, de la taille d'une main, couverte de métal, avec quatre étranges longs piques qui sortaient de chacune des sphères.

J'avais du mal à croire à tout ce que je voyais !

Et le vaisseau était tellement grand, avec des centaines de couloirs labyrinthiques, j'avais du mal à tout enregistrer dans mon pauvre cerveau fatigué et affamé. D'ailleurs, le Maître a dû le remarquer, parce que nous nous sommes arrêté une petite heure plus tard et il a minaudé :

- Oh, Love, tu sembles si épuisé. Je vais te conduire à ta chambre, tu pourras prendre un bain, te changer et dormir.

J'ai tiqué :

- Ma... Chambre ? Sir ?

Il sourit pour toute réponse.

Nous marchâmes de longues minutes jusqu'à arriver devant une grande et imposante porte en acajou. Le Maître l'ouvrit et, sans me lâcher pour autant, me fit entrer en premier.

Mon souffle se coupa derechef.

La chambre avait un haut plafond avec, en son centre, un énorme lustre en cristal qui illuminait le lit trois places, couvert de draps en soie pastel. Une armoire avec quatre portes et placards se trouvait dans un coin, ainsi qu'un magnifique bureau en bois, une chaise qui ressemblait presque à un trône et plein de fauteuils moelleux dans tous les recoins.

J'avais la bouche grande ouverte, stupéfaite et les yeux qui partaient dans tous les sens. Pendant tout ce temps, le Maître ne me quittait pas des yeux. Je pouvais sentir son regard sur moi sans que cela ne me dérange pour autant. Quelques minutes plus tard, il me dit :

- Viens, je vais te montrer la salle de bain.

Nous traversâmes la chambre pour prendre la porte sur la droite et lorsqu'il ouvrit cette dernière, je découvris la salle de bain avec une admiration non dissimulée. C'était immense, d'une couleur épurée, un blanc crème tirant sur le beige, avec un jacuzzi, une baignoire et ses pattes-de-lion en or, ainsi qu'une grande douche, des toilettes, évidemment. Il y avait un évier en marbre et des serviettes toutes douces et des dizaines de petits flacons remplis de savons et d'autres produits de beauté.

J'avais les larmes aux yeux.

Mes cheveux n'avaient pas été lavés depuis si longtemps...

Dans un geste fluide telle une valse, le Maître me ramena dans la chambre pour me montrer l'armoire qu'il ouvrit. L'intérieur contenait des robes de princesses, de toutes formes, de toutes couleurs et de tous styles. Des robes, des chaussures, des sous-vêtements, des vêtements plus simples pour dormir, etc.

Sous le choc, je n'arrivais même plus à penser, à parler ni même à respirer, mais le Maître me ramena à la réalité en m'expliquant :

- Je te laisse le temps de te préparer. Le dîner sera servi à 19h et je t'enverrai une servante pour te guider dans les couloirs.

J'esquissai un sourire en lâchant un simple :

- Merci, Sir.

Il sourit :

- Appelle-moi 'Maître', pas de 'Sir' entre nous. Et, tu peux me tutoyer...

J'acquiesçai.

Il plongea son regard sur mes doigts enroulés autour de son bras. Je devais le lâcher, mais le voile de tristesse dans son regard clair redoutait ce moment. Pourtant, il recula et mes bras tombèrent le long de mon corps, tandis que le Maître plaqua ses mains sur les tempes de son crâne en marmonnant, visiblement en proie à une douleur étrange :

- Je... Je ne sais pas comment tu fais, Love... Comment fais-tu pour calmer les tambours... ?

Puis, il reprit ses esprits et quitta ma chambre en me faisant un clin d'œil.

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J'ignore encore exactement combien de temps je suis restée dans ma chambre, à prendre un long bain chaud, pour laver mon corps meurtri et mes longs cheveux sales. J'ai passé énormément de temps à peigner ma longue chevelure, la sécher et la coiffer en une imposante tresse qui se mit à cascader dans mon dos. Il me fallait ensuite choisir mes vêtements. Le choix était immense et je me sentais un peu mal à l'aise de porter de telles beautés. Finalement, je me suis décidée pour une magnifique parure bleue azur, de la même couleur que le ciel dans lequel je me trouvais. Les bretelles en fines dentelles tombaient sur mes épaules frêles et pâles. Des reliures en or et en argent agrémentées le décolleté par des entrelacs celtiques. Le pan s'arrêtait en-dessous de mes genoux, je devais donc désormais choisir des chaussures et j'ai opté pour des ballerines azures. En me regardant dans le miroir de la chambre, je ne me suis même pas reconnue.

Certes, le bain et les vêtements ne pouvaient pas cacher mes cicatrices, mes blessures ou mes bleus, néanmoins, je ressemblais clairement à une Princesse.

J'étais tellement absorbé par le reflet improbable devant moi, que j'ai sursauté en entendant toquer à ma porte. J'ai marmonné un 'entrez' tremblant et une jeune femme m'a rejoint.

Elle devait avoir le même âge que moi, elle portait une robe de femme de chambre noire et blanche et avait une magnifique peau brune. Je compris qu'elle venait d'être envoyée par le Maître pour m'accompagner au dîner. 'Tish', c'était son nom, gardait ce même air solennel apeuré que je ne compris pas vraiment.

Après plusieurs longs tours et détours dans les corridors labyrinthiques du vaisseau, elle a posé ses mains sur une énorme poignée de fer, lorsqu'elle s'est retourné vers moi pour lâcher, avec sérieux et peur :

- Alisone... Fait attention à toi... Le Maître est un monstre...

Je plissai des yeux et au moment où j'allais lui poser une question, elle ouvrit les battants.

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Hésitante, j'ai lentement marché au milieu de la grande salle. En face de moi, se trouvait une immense table rectangulaire, en bois, recouverte de victuailles et de boissons. Autour de cette dernière, se tenaient des gens que je ne connaissais pas. Il y avait un vieux monsieur dans un fauteuil roulant, une femme blonde au visage inexpressif, un homme sale de poussière vêtu de haillons, et toujours plusieurs gardes du corps et des personnes armés. Je remarquai également quelques Toclafanes virevolter au-dessus de la grande table.

Enfin, je vis le Maître se lever et se diriger vers moi.

Il portait toujours son somptueux costume noir. J'aperçus une étincelle traverser ses yeux noisette et un sourire illuminer son visage à mesure qu'il marchait dans ma direction. Je me sentais comme Ariel, lorsqu'elle arrive dans la salle à manger du Palais en face du Prince Eric, dans sa belle robe rose.

Le Maître m'observa de la tête aux pieds puis marmonna, le souffle coupé :

- Alisone... Tu es... Éblouissante...

Je rougis pour toute réponse.

Puis, il tendit sa main vers la mienne et au moment où nos doigts se touchèrent le Maître ferma les yeux en murmurant :

- Les tambours se calment...

- Sir ? Pardon, 'Maître' ? Que voulez-v... Veux-tu dire ? Quels tambours ?

Il rouvrit les yeux et sourit, de ce fameux sourire espiègle, puis répliqua :

- Plus tard. En attendant, rejoins-nous pour dîner.

Il me tira vers la grande table et me fit asseoir à côté de lui, à sa gauche, en bout de table pour avoir une vue imprenable sur tout le monde.

D'ailleurs, les personnes qui servaient notre repas étaient clairement de la même famille que Tish, probablement sa maman et son père.

Je luttais de toutes mes forces pour ne pas me jeter sur la nourriture. Mon ventre criait famine et l'état désastreux de mon corps reflétait parfaitement la malnutrition que j'avais subie ces dernières années. Je prenais mon temps pour manger chaque aliment, savourant chaque bouchée, utilisant mes couverts même pour arracher la peau rôtie du morceau de poulet dans mon assiette. Pour me faire penser à autre chose, j'observai avec attention les gens autour de la table.

Peu d'entre eux touchèrent à la cuisine. L'instant de quelques secondes, j'imaginais cette dernière empoisonnée, mais le Maître avalait goulûment son repas.

Donc, non, ce n'était pas cela.

Je compris surtout que les gens en face de moi semblaient apeurés. Aussi apeuré que la jolie Tish. Je repensais donc à la phrase que le Maître m'avait dite un peu plus tôt dans la journée :

'La plupart des gens ont peur de moi... Ils suivent mes ordres et me mentent pour rester en vie.'

Oui.

Je confirme.

C'était ça.

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Une fois le repas terminé, le Maître prit sur lui de me raccompagner jusqu'à ma chambre, pendant que les servantes rangeaient la grande table. Il serrait ma main comme s'il se tenait à une bouée de secours, sûrement par peur que je puisse disparaître par magie.

- Maître ?

Une fois devant ma porte, il s'arrêta et réfléchit un long moment. Je compris qu'il refusait de lâcher ma main et il m'expliqua enfin pourquoi :

Il n'était pas Humain, c'était un Seigneur du Temps. À l'âge de 8 ans, les enfants de Gallifrey, sa planète d'origine, furent envoyés pour une initiation qui consistait à regarder dans le Schisme Intempéré : Un trou dans le tissu de la réalité, montrant le Vortex Temporel. Le Maître a regardé longtemps, bien trop longtemps. Le Schisme lui a envoyé un son dans la tête : Quatre battements.

Un, deux, trois, quatre. Pause.

Un, deux, trois, quatre. Pause.

Sans discontinuer.

Mais, pour une raison qu'il ne comprenait pas, lorsqu'il me touchait, ses fameux tambours se calmaient. Ils frappaient un peu moins forts dans son pauvre crâne...

J'ignorais la raison de mon côté aussi.

J'ignorais tout.

Cette situation était si folle et inattendue, j'avais encore du mal à réaliser ce qu'il se passait.

Deux jours auparavant, j'étais enfermé dans le laboratoire de mes ravisseurs, et aujourd'hui, je portais une robe de Princesse en compagnie du Premier Ministre, qui s'avérait être un Alien !

Rien n'avait de sens...

Et rien n'allait en avoir dans le futur...

Je n'étais pas prête.

Et vous non plus...

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À suivre...