Mes petits chats,
Comme annoncé dans l'introduction de la partie précédente, je suis partie en vacances pendant trois semaines et j'ai… bien décroché … d'à peu près tout. Pas de correction donc et peu d'écriture. Mea culpa.
Je vous propose avec beaucoup de retard la troisième partie de "L'homme de la plage" . Et surtout LA rencontre entre nos deux héros. Je n'en suis pas entièrement satisfaite mais plus de relecture n'aurait pas nécessairement donné un résultat meilleur. Sans compter que vous auriez pu attendre indéfiniment alors… je me lance !
J'espère qu'elle sera à la hauteur de vos attentes :) Les choses vont lentement entre Steve et Bucky.
Elle est un peu plus courte que les parties précédentes pour pouvoir vous la proposer le plus tôt possible et parce que la prochaine s'annonçait trop longue sans une coupure un peu artificielle.
Bref. Je vous laisse lire les quelques lignes écrites ci-dessous.
Bien à vous,
ChatonLakmé
Henry James (1834-1916) est un très célèbre auteur américain de romans et de nouvelles. Son roman le plus connu, Portrait de femme (1881), est la chronique du destin social et amoureux d'Isabel Archer, jeune Américaine amenée à voyager dans la vieille Europe. L'ouvrage contient l'ensemble des éléments stylistiques les plus caractéristiques de l'auteur, habile à détailler la psychologie humaine .
L'homme de la plage
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Troisème partie
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Précédé par Sandy qui trottine joyeusement devant lui, Bucky enjambe la margelle qui ceint la pelouse pour emprunter le petit chemin en gravier courant le long de la façade. Il compte soigneusement les fenêtres. Le brun dépasse l'arbre puis recommence. Il a déjà oublié ce que Sam lui a expliqué. Il essuie nerveusement ses paumes sur son jean.
Trois. Quatre. … Cinq.
Bucky ralentit le pas et s'arrête dans l'embrasure, juste sur le côté pour regarder dans la chambre et ne pas être vu. Pas encore.
La fenêtre est entrouverte pour profiter de la brise qui souffle enfin après la chaude journée. Le store roulant est un peu fermé. Le brun plisse les yeux. Bucky est rarement venu à Providence, il a des souvenirs assez vagues des chambres de l'hôpital. Le jeune homme a l'impression de découvrir celle de l'inconnu. C'est une sensation étrange. L'agencement est pratique mais froid, la décoration impersonnelle et le mobilier juste fonctionnel. Il n'y a rien pour réchauffer un peu la pièce, pas même une chaise moche en plastique coloré ou un poster un peu daté. Juste une harmonie de blanc. C'est peu engagement et ça semble suinter de tristesse.
Bucky déglutit.
John, sans souvenirs ni vie, ne connaît que cet endroit depuis deux jours.
Perdu dans ses pensées, il sursaute quand Sandy le bouscule vigoureusement. Le jeune homme n'a pas le temps de la retenir. La chienne écrase sans pitié les plate-bandes de maigres arbustes fleuris déjà assoiffés et se dresse sur ses pattes arrières, appuyée contre le montant de la fenêtre.
— « Sandy, non ! », proteste-t-il.
Son malaise se transforme en horreur quand il la voit tenter de monter dans la chambre par l'extérieur, ses griffes crissant contre le mur. La chienne gémit et grogne sa frustration de ne pas y parvenir. Bucky l'attrape par le collier et étouffe un juron.
— « Descends immédiatement de là ! Tu n'as pas été élevée par des loups ! », siffle-t-il en la tirant vers lui.
Puis quelqu'un, lui, rit dans la chambre.
Derrière le store, le brun distingue vaguement un mouvement accompagné par un froissement de draps et ce bruit tord quelque chose dans son ventre. Sandy s'agite encore et se tortille sous sa prise. Elle a le cou tendu en avant et sa queue touffue bat vigoureusement l'air, achevant de faire tomber les pétales des fleurs mauves qu'elle piétine.
Bucky se fige.
Juste à côté de lui dans la chambre, il y a une silhouette musclée habillée d'une blouse bleue.
Une ombre qui s'appuie contre le chambranle et tend une main.
La chienne gémit de plaisir quand elle la gratte gentiment derrière les oreilles et elle roule sa tête dans la paume, large et aux longs doigts. Les jointures sont égratignées, il y a des croûtes sur les articulations. Parce qu'il s'est défendu se souvient-il et une fois encore, cela l'emplit stupidement de fierté.
Le brun remonte lentement les yeux sur le poignet, solide, puis l'avant-bras. La blouse a des manches courtes alors il se perd un instant dans le dessin des veines qu'il voit sous la peau dorée et les poils que le soleil fait un peu briller. C'est stupide comme il trouve cela attirant. Plus haut encore, le brun devine la courbe des muscles, le biceps et le triceps sur lequel l'étoffe fine doit se tendre et –
— « Elle ne me dérange pas vous savez. »
Cette fois, Bucky frissonne vraiment. Cette voix, il ne peut pas l'oublier. Grave, un peu rauque.
Comme si elle venait de prononcer une formule magique, le brun lâche le collier de Sandy qui s'ébroue d'aise. Tant pis pour les plantations de Providence.
— « Je suis content d'avoir de la visite, surtout d'une invitée aussi empressée », rit-il. « Heureux de te rencontrer ma belle. »
Le brun s'avance parce que rester ainsi caché sur le côté est un peu ridicule. Il laisse Sandy se pâmer de plaisir sous les caresses de l'inconnu et prépare son air le plus avenant. Mais tout dans cette histoire est étrange alors Bucky perd un peu ses moyens. Cet homme n'a plus de souvenirs pourtant son sourire est incroyablement affectueux quand il regarde la chienne. Il est si blond et il a les épaules si larges. Les yeux si bleus.
Bucky déglutit un peu.
Il se souvient surtout du sang qui maculait le col de sa chemise et sa joue droite, de ses cernes et de sa peau trop pâle mais John est… charmant. Plus que ça. Bien plus que ça. Il est vraiment beau.
— « Je ne sais pas qui vous êtes venus voir ici mais merci de vous être arrêtés un instant à ma fenêtre », poursuit le blond.
Il rit encore, parce que Sandy lui mordille affectueusement le bout des doigts. Il les essuie distraitement sur sa blouse.
Le blond lui jette un regard et soudain, c'est toute sa physionomie qui change.
Bucky pensait qu'il avait un joli sourire ? Ça n'a rien de comparable avec la manière dont son visage s'illumine brusquement quand il le remarque. Quand il le voit, réellement, et ça intimide un peu le brun. James Buchanan Barnes mène une vie tranquille et routinière dans sa maison à Manila, il traduit de la littérature russe pour une maison d'éditions à San Francisco. Il a une chienne, parfois mal élevée, et un meilleur ami, parfois mal élevé aussi. Il est tout ça mais dans le regard bleu de John, il est… tellement plus. Mince, c'est quelque chose.
La main qui grattait Sandy sous le menton s'arrête lentement. Le blond cligne adorablement des yeux.
— « C'est vous. » Il crispe ses doigts sur le rebord de la fenêtre. « C'est vraiment vous. Vous m'avez trouvé sur la plage, dans ces rochers. »
Le jeune homme ignore Sandy qui gémit doucement et frotte son museau contre sa main, encore avide de caresses. Bucky lui, est juste pétrifié.
— « C'est vous », répète-t-il un peu stupidement.
Le brun déglutit avant de baisser lentement les yeux sur ses pieds. Bon sang, sa voix. Tant de reconnaissance. Et de joie.
Il passe une main nerveuse dans sa nuque. Le regard bleu de John lui brûle le visage. Il court sur ses joues et son front pour chercher le sien. Bucky finit par le lui offrir, conscient que continuer à l'éviter serait de l'impolitesse. À ignorer ce sourire juste pour lui qui le ravit avec un plaisir si évident. Et cette réelle émotion dans sa voix.
— « Je suis tellement heureux de vous revoir », reprend le blond et ses doigts se desserrent un peu sur le rebord de la fenêtre. « Je vous cherchais à mon réveil, je ne savais pas où j'étais mais je me souvenais de vous. Le Dr Wilson m'a expliqué que vous m'aviez sauvé et je – Seigneur, même si nous ne connaissons pas comme je le pensais, j'espérais tellement… »
Le brun voit l'inconnu se mordre vivement les joues, les poings serrés. Ses paroles sont un peu saccadées et entre deux mots, il déglutit régulièrement. John a l'air bouleversé et Bucky ne se sent pas autrement lui-même. Comment Sam a-t-il pu penser que lui taire tout ce qu'il s'était passé concernant John le protégerait lui ? Il n'a pas d'importance, c'est John le héros de cette histoire et bien entendu, le brun se sent un peu responsable de lui.
— « Sam me l'a appris », l'informe-t-il doucement en s'accoudant à la fenêtre. « Il m'a prévenu de votre réveil et du fait que vous me cherchiez. Même sans ça, je serai venu vous voir. … J'ai beaucoup pensé à vous. »
Bucky sent ses oreilles chauffer un peu. Il remarque avec intérêt que le cou de John se colore aussi légèrement. De joie ou de timidité, le brun l'ignore mais il se sent un peu moins stupide. Les deux hommes se jettent un regard avant de rire doucement d'un air un peu embarrassé. Ils sont heureux de se revoir.
John passe une main dans ses cheveux et sa nuque. Son sourire est aussi brillant qu'une supernova.
— « … Merci. »
Ce n'est qu'un seul mot mais Bucky comprend tout ce qu'il ne dit pas, trop gros pour être réellement exprimé par des mots. Il acquiesce lentement. Le blond recommence à caresser Sandy, un léger sourire aux lèvres. Le plus important a été dit. Il serait absurde de vouloir ajouter quelque chose qui paraîtrait sans doute un peu faux alors le brun se tait et le regarde cajoler la chienne. Cette dernière couine de contentement sous son toucher habile.
Bucky se perd distraitement dans sa contemplation silencieuse de John. À présent en pleine lumière, il remarque des détails jusqu'alors ignorés, comme les rares et discrètes éphélides sur ses joues ou la belle ligne de son nez et de sa mâchoire. Le brun l'entend chuchoter des petits riens affectueux à Sandy et c'est tout son corps large et musclé qui semble vibrer de bienveillance. Alors qu'il n'a rien.
Les regards se rencontrent régulièrement et Bucky lui sourit toujours, une risette un peu gênée aux lèvres.
Il est là depuis quinze minutes pourtant il se sent toujours important et désiré. John ne semble voir que lui.
Quand la chienne tente à nouveau d'escalader la fenêtre pour le rejoindre dans sa chambre, Bucky est heureux de la diversion qu'elle lui offre sans le savoir. Il la prend par le collier pour la retenir, la tient à bras-le-corps pour l'éloigner un peu de la fenêtre. Parfait pour cacher son trouble et la manière dont sa gorge est un peu serrée.
Le brun se sent vraiment exister.
Il réalise avec la force d'un train lancé à pleine vitesse qu'il habite seul. Qu'il est seul. Sam et Maria se regardent un peu comme ça. Cette idée l'envahit, dévorante et absolue. Bien entendu, John ne ressent rien de sentimental pour lui mais il compte, d'une autre manière que ce qui le lie à son meilleur ami ou à toutes ses connaissances à Eureka. Il n'a jamais envié ou jalousé la vie des autres, il sait qu'il pourrait aussi avoir la même chose s'il laissait un peu tomber ses barrières et sa misanthropie pour accepter qu'on l'approche. Mais avoir un aperçu de ce que cet abandon pourrait donner, juste dans le regard de cet homme inconnu, le fait se sentir un peu petit, comme s'il prenait soudain conscience d'une parfaite évidence.
Il est seul.
Un jappement de Sandy le tire soudain de ses pensées. Le brun fronce les sourcils. Dans son excitation, la chienne commence à devenir bruyante et il voit John froncer légèrement les sourcils. Lui aussi a parfois mal à la tête quand l'affection de Sandy devient trop débordante. Bucky la fait descendre une fois de plus de la fenêtre et la coince entre ses cuisses. Il prend sa tête à deux mains et l'embrasse gentiment sur le front.
— « Doucement Sand' », lui demande-t-il en la massant longuement derrière les oreilles.
La chienne se tortille un peu avant de s'apaiser. Bucky desserre l'étreinte de ses cuisses et elle se couche lentement à ses pieds dans les pétales fanés. John le remercie d'un sourire tandis qu'il passe une main lasse dans ses cheveux.
Le brun se mord les joues. Il se demande comment il a pu ne rien remarquer jusqu'à présent.
Dans les mèches dorées, il voit une trace sombre, obscène sur la peau rasée. Des points de suture au fil noir sur sa tempe droite, fermant proprement les bords d'une plaie encore boursouflée et rougeâtre. Bucky déglutit. Il sent son cœur se pincer quand John tente de rabattre un peu inutilement dessus ses cheveux trop courts pour la cacher.
— « Je suis désolé, je sais que ce n'est pas très beau », souffle-t-il avec gêne en lissant plus fort les mèches un peu rebelles. « Le Dr Wilson m'a dit que je devais garder les points de suture quelques jours et qu'ils se résorberont seuls. J'aurai probablement une cicatrice mais mes cheveux devraient repousser normalement. »
John s'obstine et s'acharne, les yeux baissés. Bucky tend une main et attrape doucement son poignet pour retenir son geste.
— « Vous allez vous blesser si vous continuez », lui dit-il. « C'est ma faute, je n'aurai pas dû être indiscret et vous dévisager. Je ne voulais pas vous mettre mal à l'aise, je suis désolé. »
— « Tout le monde la regarde pourtant. »
— « C'est parce que les gens sont des commères et que tout Eureka se demande probablement ce qu'il vous est arrivé », lui répond Bucky en roulant les yeux d'agacement. « Vous n'avez pas à vous cacher, vous êtes très bien. »
John le regarde et le brun se sent rougir un peu. Ses oreilles chauffent plus fort quand il remarque que le jeune homme observe ses doigts toujours enroulés autour de son poignet avec attention.
— « C'est un peu ridicule en réalité », reprend-il à voix basse. « Je voulais juste faire bonne impression, je n'avais pas songé à… ça. »
Il désigne sa blessure d'un geste un peu vague et bon sang, l'idée qu'il ait voulu soigner son apparence pour lui rend Bucky stupidement fébrile. Lui aussi s'est battu avec le contenu de son dressing avant de venir à Providence.
— « Vous êtes très bien », répète-t-il dans un souffle avant de lâcher son poignet.
John le remercie d'un petit sourire encore fragile. Le brun aimerait lui dire beaucoup d'autres choses pour continuer à le rassurer. Il est distrait par Sandy qui s'est relevée et entreprend de creuser un cratère dans les plates-bandes voisines. De la terre vole dans les airs et envahit la pelouse derrière elle en un petit monticule étrangement propre. Bucky roule des yeux.
— « Arrête ça ou Sam ne nous autorisera pas à revenir », grommelle-t-il, un peu mortifié.
Le blond se penche légèrement en avant, appuyé à deux mains contre la fenêtre, avant d'éclater de rire. Sandy semble ravie d'être à nouveau le centre de l'attention, elle redouble d'effort.
— « Je ne pense pas que le Dr Wilson en viendra à une telle extrémité. Il n'aime pas non plus ces arbustes et il sait combien c'est important pour moi de vous avoir revu. … Il me doit aussi une faveur pour cette horrible coupe de cheveux », sourit-il.
Bucky ne peut s'empêcher de regarder à nouveau les points de suture. La plaie est toujours aussi rouge et boursoufflée que la première fois, les fils sont noirs et fins. Il a la sensation de sentir leur relief un peu rugueux sous ses doigts. Et la chaleur de sa peau et la douceur du duvet qu'il a l'impression de voir déjà repousser. Le jeune homme se mord les joues.
— « Ce n'est pas si affreux que ça, Sam est un bon médecin », lui répond-il maladroitement.
— « Je suppose que les choses auraient pu être pire », ajoute l'inconnu. « Vous auriez pu ne jamais me trouver dans ces rochers. »
— « C'est Sandy qui vous a reniflé », le corrige Bucky en souriant à la chienne qui a dressé la tête à son nom. « Je m'aventure peu du côté d'Humboldt Beach. La plage est à plusieurs kilomètres de la maison. »
Inutile de préciser que jamais il n'aurait pu sentir l'odeur de son sang, piquante et ferreuse, par-dessus les embruns salés. Ni la pâleur de cire de sa peau ou l'hématome violet qu'il distingue encore dans ses cheveux autour de sa plaie. Ni le va-et-vient de son corps ballotté par les vagues. La seule chose que cela lui inspire est cette mouette en décomposition avec laquelle Sandy s'était longuement amusée en jour en profitant de son inattention. Le brun essuie ses paumes un peu moites sur son jean. Il ne doit plus penser à ça.
— « Vous habitez une maison sur la plage, n'est-ce pas ? … Vous me l'avez dit… »
S'il y a bien une chose dont Bucky veut par contre se souvenir le plus longtemps possible, c'est ce moment passé ensemble sur le sable. Il hoche lentement la tête.
— « Je vous ai parlé en attendant les secours, l'opératrice des urgences m'avait dit de vous garder éveillé. »
— « Et elle est partie devant pour chercher l'équipe de secours, n'est-ce pas ? »
— « Sandy est une gentille chienne, à peu près obéissante quand elle le veut bien », acquiesce Bucky avec tendresse.
Cette dernière semble ivre de joie de voir les deux hommes la regarder en même temps. Se détournant du trou qu'elle a hardiment creusé, elle finit par se rouler de contentement dans la terre rejetée sur la pelouse, maculant sa fourrure dorée. Bucky grimace. Sandy a creusé si profond que la terre est humide et tache son poil. Il va devoir la rincer en rentrant et ni lui ni elle n'apprécient réellement ce moment. Sandy adore se jeter dans l'océan qui gronde mais elle a peur du pommeau de douche de la salle de bain. Il passe une main déjà lasse sur son visage et grommelle entre ses dents.
— « Elle est bien élevée la plupart du temps… » La chienne s'ébroue et le regarde avec attention. « Continue Sand', tu t'en es déjà mis partout de toute manière. »
Elle pousse un lourd soupir de plaisir et enfouie son museau dans la terre humide pour la fouiller avec attention. S'il y a encore un seul ver de terre vivant dans la masse sombre, elle le trouvera. Bucky espère juste qu'il le remarquera suffisamment tôt pour pouvoir détourner les yeux et ne pas la voir l'avaler goulûment. C'est répugnant.
John s'appuie sur ses bras croisés sur le rebord de la fenêtre pour mieux la regarder, à l'aise et très proche de lui. Le brun ne cille pas mais son ventre a un sursaut un peu ridicule.
Le blond ne sent pas l'antiseptique ou les odeurs un peu fades d'un lieu tenu trop propre. Il a comme un léger parfum, quelque chose de bien à lui qui tient probablement au gel douche de l'hôpital ou à son déodorant. Bucky hausse un sourcil interrogateur. John n'a rien, l'établissement lui a probablement fourni des produits d'hygiène. Pour quelque chose aussi intime, c'est un peu triste. Peut-être que John déteste leurs parfums mais il n'a rien d'autre et pas d'argent pour s'en acheter. Pourtant, le blond sourit toujours avec cette douceur qui creuse une légère fossette dans sa joue gauche. Il semble bien et le brun se sent absurdement heureux en songeant que c'est peut-être un peu grâce à lui.
— « Je suis très heureux que vous l'ayez amené aussi vous savez », reprend John après un silence confortable. « Je me sens mieux quand je la caresse, ça m'apaise. »
Bucky se mord les joues. C'est encore mieux, un lien particulier tissé entre eux dans toute cette dramatique histoire. Il pianote du bout des doigts sur le rebord de la fenêtre.
— « C'est la raison pour laquelle je l'ai emmené avec moi. Je savais que nous ne pourrions pas rentrer dans l'hôpital mais je pensais que sa présence serait une bonne chose. Nous sommes deux inconnus l'un pour l'autre après tout. »
John tourne la tête vers lui. L'intensité de son regard donne chaud à Bucky qui sent sa nuque picoter.
— « Vous êtes tout ce dont je me souviens », lui rappelle-t-il lentement. « Je ne suis pas mal à l'aise, je vous ai vraiment attendu après tout. … Je suppose que j'avais besoin de me rassurer d'une certaine manière. Vous êtes si tangible pour moi comparé à tout le reste. Je ne sais pas ce que le Dr Wilson vous a raconté exactement mais je l'ai beaucoup interrogé à votre sujet. Je voulais vous retrouver. »
Sandy éternue bruyamment. Bucky saisit cette opportunité pour observer la chienne et surtout, ne pas rester les bras ballants et les yeux plongés dans ceux de John. Merde. Il sait qu'il rougit mais que peut-il y faire après tout ? Le blond lui dit des choses avec une expression qu'on a rarement quand on lui parle. Tout prend valeur d'absolu et c'est vraiment intimidant. Outre le fait que John est un homme terriblement séduisant et qu'il le regarde comme s'il était un peu son monde tout entier.
— « Je serai venu mais Sam m'a informé de votre réveil et je ne pouvais plus attendre », avoue-t-il lentement. « Je m'inquiétais pour vous mais je ne voulais pas vous déranger en vous rendant visite sans m'annoncer. Si jamais vous aviez eu des visiteurs. »
— « … Même si cela avait été le cas, ma chambre vous aurait toujours été grande ouverte. À vous plus qu'à quiconque », lui rétorque le blond avec une chaleur qui fait remonter la sienne à ses oreilles. « Je suppose que le Dr Wilson vous a dit que cela n'était pas près d'arriver, n'est-ce pas ? »
Bucky acquiesce d'un air un peu raide. Bien sûr qu'il le sait et il spécule tellement qu'il n'en dormira probablement pas de la nuit. Une étincelle de peine traverse brièvement les prunelles bleues de John.
— « J'étais terrifié quand je me suis réveillé. J'étais perdu et je ne reconnaissais rien ni personne, je ne savais pas jusqu'à mon propre prénom ou mon âge », poursuit-il dans un souffle un peu étranglé. « J'avais mal mais j'avais le souvenir de votre voix, de votre main dans la mienne. J'avais besoin de vous revoir pour me sentir mieux. … Pour être moins seul. »
Le blond passe une main dans ses cheveux et grimace de douleur quand ses doigts s'égarent brièvement sur ses points de suture et sa plaie encore sensible. Bucky a envie de faire quelque chose pour lui, de l'aider et de le rassurer mais il ignore quoi. Il déglutit légèrement.
— « Je… »
— « Je suis désolé. Je ne devrais pas vous imposer tout ça alors que nous ne nous connaissons pas, c'est égoïste de ma part », reprend John avec un sourire d'excuse qui ne creuse aucune fossette dans ses joues. « Vous devez avoir beaucoup d'autres choses à faire et de gens à voir. »
Bucky ne peut s'empêcher de rire discrètement. S'il savait…
Le jeune homme se redresse et lui sourit gentiment. S'il avait envie de l'aider un peu plus tôt, ça s'est transformé en une ambition dévorante. Il refuse de voir la peine envahir encore les yeux du blond ou ce pli un peu anxieux à la commissure de ses lèvres.
Des ronronnements de moteur leur parviennent depuis le parking voisin. Bucky jette un regard à sa montre. L'heure des visites est terminée, John le sait aussi. Il semble se recroqueviller un peu sur lui-même.
— « Je ne veux pas vous retenir. Les infirmières ne vont pas tarder à venir pour – », souffle ce dernier.
— « Je m'appelle James », le coupe maladroitement Bucky. « Je m'appelle James Buchanan Barnes mais mes amis m'appellent Bucky. J'habite une maison sur Manila Beach, de l'autre côté du Samoa Bridge. Je suis heureux de parler avec vous et de vous voir gâter Sandy. … Je n'ai pas envie de partir. »
C'est une longue tirade au débit un peu staccato mais le brun ne doit pas s'arrêter. John le contemple d'un air un peu étonné. Sa réaction est plus surprenante encore. Il prend sa main dans la sienne et la serre doucement en une poignée un peu gênée.
— « Je ne sais pas si j'arriverai un jour à vous remercier Monsieur Barnes. »
— « Bucky », le corrige immédiatement le jeune homme. « Ma mère était une grande admiratrice des romans d'Henry James mais je trouve ce nom un peu trop formel. »
— « Elle aurait pu vous appeler Henry… », lui répond John d'un air malicieux.
— « Sam m'a dit la même chose quand nous avons étudié cet auteur au lycée », s'esclaffe Bucky. « L'idée l'a tellement fait rire qu'il m'a appelé Henry pendant toute la journée. Mrs Barney a fini par lui donner une colle pour le reste de la semaine. Il a continué à m'appeler Henry jusqu'à la fin des cours pour se venger. »
John éclate de rire. Bucky regarde avec une admiration stupide la manière dont son torse se gonfle dans la fine blouse de l'hôpital et les tendons plus saillants de son cou. Il a aussi de charmantes petites rides au coin des yeux. Rien de très marqué, juste quelque chose qui donne envie de l'effleurer du bout des doigts pour le lisser. Le blond sourit à Sandy qui aboie avec enthousiasme.
— « Le Dr Wilson a écrit John Doe sur mon dossier médical, c'est le nom d'usage pour les personnes sans identité », dit-il doucement avant de plisser les lèvres de contrariété. « Je ne me souviens pas de grand-chose mais je suis persuadé de ne pas m'appeler John. »
Le jeune homme lui jette un regard malicieux mais Bucky peine à y répondre par autre chose qu'une sorte de grimace. Comment cet homme peut-il se montrer encore si fort et rire ainsi de lui quand il aurait mille raisons de s'effondrer ? Il acquiesce lentement, la gorge un peu serrée. Comment… ?
Le brun retire distraitement de petites écailles de peinture sur le chambranle de la fenêtre pour occuper ses mains et oublier un instant qu'elles pourraient trembler.
— « … Je pense aussi », répond-il finalement. « … Peut-être un Justin ou un Brandon ? »
— « Sérieusement ? »
John hausse un sourcil avant de s'esclaffer joyeusement. Ses épaules tressautent doucement sous la blouse bleue et les muscles de ses biceps tendent l'étoffe. À nouveau les plis à ses yeux et les fossettes sur ses joues. Ah.
Bucky trébuche un peu quand Sandy se jette dans ses jambes, se tord contre lui tout en gémissant en direction de la boîte à biscuits. Il se redresse. Il l'a un peu oublié sur le rebord de la fenêtre. La chienne le bouscule affectueusement et manque de la faire tomber dans les plates-bandes.
Le jeune homme la repousse de la main et, après une courte hésitation, il la tend au blond. John s'en empare d'un geste lent, presque respectueux. Surtout très surpris. Leurs doigts s'effleurent distraitement. Bucky sent sa nuque chauffer.
— « Ma mère m'a toujours dit qu'on ne rendait pas visite les mains vides alors… c'est pour vous », dit-il en passant une main dans son cou. « Ce sont des cookies. Je ne sais pas ce que vous préféreriez alors j'en ai fait d'un peu toutes les sortes. Je pense qu'ils ne sont pas trop mauvais… » Bucky relève soudain la tête d'un air un peu effaré. « Est-ce que vous avez des allergies alimentaires ? Je n'y ai pas pensé… Ne vous sentez pas obligé de les manger surtout ! Ce n'est pas grand-chose. »
Le brun se fustige. Il repense aux plantes vertes à vendre dans la boutique de l'hôpital au rez-de-chaussée, un peu fatiguées dans leurs pots colorés. Bien sûr. Fatiguées mais beaucoup moins risqué pour tout un tas de raisons qui le frappent soudain avec la force de l'évidence. Bien sûr. Ça aurait aussi un peu égayé la chambre trop froide et impersonnelle de John. Il y avait notamment cette plante aux petites feuilles vert clair dans un pot bleu et blanc, au bout de l'étagère et –
— « Je sais qu'un cadeau ne se refuse pas et que j'adore les cookies. Merci Bucky », dit doucement John. « Vous m'accompagnez ? »
Le blond lève la boîte entre eux en guise d'invitation. Bucky acquiesce même s'il n'a pas réellement faim. Il prend un biscuit après John et le porte à sa bouche, guettant discrètement la réaction du jeune homme qui le déguste avec un plaisir évident. Sandy le bouscule une nouvelle fois. Le cookie tombe dans le parterre fleuri. La chienne l'avale goulûment dans un grand claquement de mâchoires avant de tourner vers lui son regard mouillé d'amour et de gourmandise.
— « Sand', tu me fais honte », grogne le brun en passant une main sur son visage.
Son regard doit être particulièrement noir car elle se tourne vers John et se met à gémir d'un ton doux et plaintif, sa queue touffue battant vigoureusement l'air et la faisant tortiller son arrière-train. John tend à nouveau gentiment la boîte à Bucky, un sourire malicieux aux lèvres. Le brun a beau être rapide, le regard acéré de la chienne remarque immédiatement le biscuit et se met à quémander de plus belle. Il roule des yeux. Comédienne.
— « Est-ce que je peux ? », lui demande John en lui montrant un morceau de cookie sans chocolat.
— « Si vous voulez vous faire une amie un peu capricieuse pour la vie… » Bucky sourit. « Vous pouvez le lancer, Sand' adore ça et elle ne manque jamais sa cible. »
Le blond s'exécute avec curiosité avant de rire joyeusement. Le saut en hauteur de la chienne a été d'une qualité olympique. Sandy se laisse flatter derrière les oreilles avant que Bucky ne l'invite à s'asseoir à ses pieds en appuyant doucement sur son arrière-train. Cela suffit pour aujourd'hui. Sandy est gourmande mais son estomac un peu moins. Le brun n'a pas besoin d'y réfléchir à deux fois pour savoir qu'il n'a pas envie de nettoyer son vomi une fois dans la voiture. Le ventre plein, la chienne a parfois le mal des transports. Il l'a appris d'une manière à la fois empirique et franchement dégoûtante.
Appuyé d'un coude sur le rebord de la fenêtre, le jeune homme se ressert distraitement dans la boîte. Observer John manger avec appétit réveille un peu le sien.
— « Je n'ai qu'un verre d'eau à vous offrir », lui dit-il d'un ton un peu gêné. « Le Dr Wilson m'a dit que le café de la machine du hall était horrible… Je reviens. »
— « Je ne bouge pas. »
Bucky manque d'avaler un peu de travers au sourire éclatant du jeune homme. Il le voit. Bon sang, John le voit et ça semble si important pour lui d'être en sa compagnie. Le brun jette un regard à sa montre. Les visites sont terminées depuis une demi-heure mais il n'a pas envie de partir. Pas envie de le quitter et de le laisser seul dans sa chambre vide et froide, en tête-à-tête avec le repas un peu fade qui va bientôt lui être servi.
Son regard erre distraitement sur le dos large de John tandis que ce dernier s'éloigne. Sur ses épaules solides et ses reins. Sur ses fesses sur lesquelles le pantalon un peu trop ajusté se tend à chacun de ses pas.
Il déglutit. Mince.
Le brun sent une truffe chaude et humide se poser dans sa paume. Il baisse les yeux et sourit à Sandy qui l'observe avec attention. La chienne frotte plus fort son museau dans sa main ouverte. Oui, il sait. Ça le met dans une position vraiment délicate mais qu'y peut-il après tout ? John est… comme il est. Bucky aussi.
Il caresse distraitement son crâne quand le blond revient vers lui, deux mugs bariolés à la main. Le jeune homme s'empare du sien, un sourire de remerciement aux lèvres. Il ne peut contenir son ricanement quand il observe le décor de sa tasse, une photo de mauvaise qualité complètement délavée avec une fausse trace de rouge à lèvre dans un angle.
— « Elle est horrible », s'esclaffe-t-il. « À quoi ressemble la vôtre ? »
— « La vaisselle était déjà dans la chambre », lui explique John en lui montrant sa tasse de bonne grâce. « J'ai pris la plus laide pour moi, je sais quand même recevoir. »
Bucky se mord les joues, un rire sur les lèvres. Probablement achetée dans un magasin très bon marché, c'est un vieux modèle de Noël avec un père Noël joufflu et un renne de dessin animé. Le blond se ressert un cookie.
— « J'y suis étrangement attaché », reprend-il après un silence, le regard baissé sur leur vaisselle dépareillée. « La vaisselle est quelque chose d'un peu domestique. Même si ces tasses ont été oubliées par d'anciens patients, c'est quand même un petit bout de vie. Ce n'est pas la mienne mais elles ont une histoire. »
Le brun boit une gorgée d'eau mais sa gorge est serrée. Lui-même est démesurément attaché à la tasse que Winnifred Barnes lui avait rapporté d'un court voyage au Mexique. Bucky était petit, il y buvait son chocolat chaud du matin avant d'aller à l'école. Elle n'a jamais quitté le placard de la cuisine depuis.
— « Je suis tellement désolé de ce qu'il vous est arrivé… », souffle-t-il. « Eureka est une ville tranquille, c'est si… injuste. »
— « Le Dr Wilson dit que j'ai le crâne solide, une autre personne aurait pu avoir moins de chance », lui répond John en regardant au loin sur la pelouse. « Je ne suis pas complètement démuni, il me reste mes chaussures et ma veste de costume. Les secours ont dû découper le reste pour me déshabiller. Il les a amenés au pressing pour les faire nettoyer. Votre meilleur ami est quelqu'un de bien. »
— « Je sais… »
Bucky le regarde. Son horrible blouse bleue d'hôpital, les espèces de chaussons que Providence lui a aussi donné pour lui éviter de porter ses chaussures de ville dans la chambre. Un semblant de confort avec des affaires impersonnelles au parfum d'antiseptique. Il ouvre la bouche, hésite mais les mots se pressent déjà sur ses lèvres.
— « J'ai une garde-robe limitée mais je peux essayer de vous ramener quelques affaires », dit-il d'un ton songeur en passant mentalement en revue le contenu de sa penderie. « Je vous amènerai aussi de la vaisselle un peu plus agréable à regarder. Et des livres si vous le souhaitez, j'ai une très grande bibliothèque. … Je peux revenir demain avec tout ça. »
— « Vous… Vous reviendrez me rendre visite ? »
John le contemple d'un air un peu effaré, les yeux écarquillés. Bucky déglutit.
— « Bien sûr. Si vous voulez bien et que je ne vous dérange pas. Je ne voudrais pas m'imposer. »
Le brun rosit un peu sous le regard perçant du jeune homme. Son étonnement laisse place à un tel soulagement que ses épaules s'affaissent soudain. C'est tout son corps qui se relâche. Bucky le voit passer une main fébrile dans sa nuque, les yeux prudemment baissés sur sa tasse.
— « Vous êtes extraordinaire. Je… Merci. Merci beaucoup. », croasse John.
— « Ne me remerciez pas trop vite. Vous n'avez pas encore vu les vêtements que je vais vous ramener », plaisante Bucky.
Sa voix est aussi un peu trop rauque et il regarde avec attention ses pieds.
Un silence confortable, apaisé, s'installe entre eux jusqu'à ce que le portable du brun ne sonne bruyamment deux fois d'affilée. Le jeune homme y jette un regard distrait avant de grommeler.
De Sam. Reçu à 18h45.
Je suis au quatrième étage et je te vois encore avec lui alors que les visites sont terminées. On va bientôt servir le dîner Buck' et John a besoin de se reposer. Bonne soirée.
De Sam. Reçu à 18h46.
Ramène encore des cookies demain. Ils sont délicieux.
Le jeune homme regarde John. Le blond lui sourit, joue avec Sandy qui se roule devant lui sous l'herbe mais il se frotte aussi les yeux. Bucky sait reconnaître les signes. Il range son portable et claque sa langue contre son palais pour attirer l'attention de la chienne. C'est le signal du départ.
— « Sam vient gentiment de me rappeler à l'ordre. On va bientôt vous apporter le dîner, je dois partir », grimace-t-il. « Gardez les cookies. Je les ai faits pour vous et vous pourrez peut-être soudoyer Sam pour avoir accès au câble. »
John acquiesce dans un rire mais celui-ci est moins chaud et surtout un peu moins joyeux. Plutôt que de la poser sur le rebord de la fenêtre, Bucky lui rend la tasse à la main pour chercher son regard.
— « À demain », lui sourit-il.
Ça sonne comme une promesse et c'est exactement ce que le brun veut.
— « À demain. » John esquisse un sourire un peu timide. « Soyez prudent sur la route. »
— « Je le ferai. Bonne soirée John. »
Le jeune homme siffle Sandy et, après un dernier salut de la main, le brun longe la façade de l'hôpital pour retourner en direction du parking principal. Peut-être marche-t-il un peu trop vite mais il a besoin de se retrouver rapidement derrière le volant de son pick-up, lové dans son siège dont l'assise a pris la forme de son corps avec l'usage. Un cocon rassurant avec ses odeurs de cuir, de métal et de citron grâce au petit désodorisant accroché au rétroviseur intérieur. Le parfum de la voiture familiale quand les Barnes partaient encore tous ensemble en vacances. Celui qui régnait aussi dans la petite Chrysler de sa mère et qui le berçait jusqu'à l'endormir parfois quand elle le ramenait d'une folle après-midi de jeux chez les Wilson.
Bucky observe le petit arbre en carton jaune qui se balance doucement au bout de sa ficelle parce qu'il a claqué la portière. On fait des modèles bien plus modernes et jolis maintenant mais le brun est attaché aux choses qui ont du sens. Qui lui évoquent des souvenirs. John n'en a aucun.
Il se penche en avant et pose son front contre le volant du pick-up, ses doigts serrés autour. Merde.
On toque à sa fenêtre. Le brun sursaute violemment tandis que Sandy aboie à tout rompre. Sur le parking, Sam lui sourit malicieusement.
— « Tu me suis pour t'assurer que je ne reste pas ? », grogne Bucky en ouvrant sa fenêtre.
— « Je suis venu voir comment tu allais », le corrige son ami avec gentillesse. « … Tu as l'air d'en avoir gros sur le cœur Buck'. Envie de parler ? »
Le brun se mord les joues. Oui. Non. Il ne sait pas. C'est… trop. Il doit y penser à tête plus reposée.
— « Pas maintenant. » Il passe une main lasse dans sa nuque. « Je suis juste un peu fatigué. Ça a été une grosse journée… »
— « …John n'a pas aimé tes cookies et ça te pèse ? Tu sais que tu peux tout me dire Buck'. »
— « Connard », marmotte Bucky en lui jetant un regard noir. « C'est juste… une très grosse journée. Sand' et moi ont va rentrer chez nous. »
— « Mais tu vas revenir, n'est-ce pas ? »
Le jeune homme hésite. Il ferme les yeux puis frotte distraitement son front contre le volant.
- « Demain. Je serai là demain », avoue-t-il dans un souffle. « Je lui ai dit que je lui amènerai quelques affaires, des vêtements et d'autres babioles. Il ne peut pas rester avec cette horrible blouse bleue Sam. »
La tête enfoncée entre les épaules, Bucky attend le rire malicieux de son ami ou une taquinerie mais rien ne vient. Le brun entrouvre les yeux.
- « Tu sais que ce n'est pas ton inconnu Buck' ni ta responsabilité. Providence peut lui fournir ce dont il a besoin pour le moment. »
— « Je sais mais ces tasses sont vraiment trop laides », grommelle-t-il et Sam ne relève pas. « Je ne sais pas ce qu'il est mais je me sens concerné Sam. Tu comprends ? Il m'attendait vraiment et je dois le faire. »
— « D'accord. Sois prudent Buck' et à demain. »
Son ami lui donne un petit coup de poing dans l'épaule en guise de salut. Le brun lui répond d'un sourire un peu grimaçant et sort le pick-up du parking pour rejoindre Harrison Avenue.
Tandis qu'il s'éloigne, il voit encore Sam le saluer par de grands gestes. Bucky lui répond d'un coup de klaxon avant de se concentrer sur la route. Il doit être prudent. Le brun sait que son ami ne s'inquiète pas uniquement pour les dix petits kilomètres qu'il doit faire pour rentrer à Manila.
