Chapitre 2 : La maison
Après un numéro d'équilibriste amateur, ils avaient réussi à passer de l'autre côté du hangar et sortir par une sorte de vasistas cassé qui leur avait permis de passer sur le toit du bâtiment d'à côté. Ils s'étaient faits discrets pour descendre dans une autre rue sans être vus, mais cela n'avait pas été une promenade de santé au vu de leur état physique à chacun.
Negan avait été obligé de bander sa plaie, heureusement pas très profonde, pour rentrer jusqu'à leur planque à presque une heure de marche. Elle, elle avait une douleur lancinante à la clavicule et pour cause, le coup qu'il lui avait porté avait été puissant. Pourtant, elle le savait au fond d'elle, s'il l'avait voulu, elle serait morte. Déjà, car il aurait pu ne pas la rattraper lors de sa chute, mais aussi et surtout, car il aurait pu utiliser la lame de son arme et pas la crosse. Elle n'allait pas le remercier pour autant de sa « gentille attention », mais disons qu'elle pouvait comprendre son énervement à ce moment-là, elle avait failli le faire tomber aussi à cause de sa propre frustration.
Enfin, le plus important résidait dans le fait qu'ils étaient vivants et qu'ils s'étaient mutuellement excusés. C'était de bonne guerre non ? Néanmoins, il n'en demeurait pas moins que Hershel était, lui, toujours en danger.
Une fois de retour dans la maison abandonnée dans laquelle ils avaient élu domicile, Negan se dirigea dans la salle de bain pour nettoyer sa plaie au mieux. Ils y avaient stocké de quoi se désinfecter et se faire des pansements même s'ils auraient préféré ne pas en avoir besoin. Pendant ce temps, elle se fit quant à elle une toilette sommaire dans la cuisine, ôtant sa chemise pour retirer un maximum de poussière de son torse, avant de regarder son hématome. Elle allait avoir mal un moment, mais ce n'était rien, elle lui avait fait bien pire lors de leurs retrouvailles.
En même temps, il s'était permis de fouiller dans la voiture qu'elle avait eue temps de mal à se dégoter ! Elle se souvint encore du moment même où, arrivant aux alentours de Manhattan, elle avait fait une pause et l'avait trouvé en train de fouiner le pick-up à son retour. Elle ne l'avait pas reconnu à ce moment-là et s'était jetée sur lui dans son dos pour le surprendre et lui faire peur.
Cela n'avait pas fonctionné et il s'était débattu, elle avait été contrainte de lui sauter littéralement sur le dos et de s'accrocher à son cou pour lui asséner des coups-de-poing au visage, tandis qu'il lui donnait des coups de coude dans les côtes en tentant de la raisonner. Puis elle avait sorti son arme, et dans un mouvement fluide qu'elle avait bien répété pendant ses entraînements au combat, elle avait fini par le maîtriser en le menaçant de lui trancher la gorge.
« Moi aussi, je suis content de te revoir ! »
Elle se souvient encore de son regard moqueur et de son sourire sardonique alors qu'elle comprenait enfin à qui elle avait affaire. Lui, le savait apparemment depuis un moment, mais vu qu'il avait fouillé, il était forcément tombé sur la photo d'elle et de son fils qu'elle avait pu faire en retrouvant un polaroïd quelques années auparavant.
Ce jour-là, elle aurait pu le tuer, mais si elle ne l'avait pas fait à l'époque, ce n'était pas pour le faire aujourd'hui qu'il pouvait lui être tellement utile. Et puis même si elle repensait au père de son fils en voyant son bourreau, elle voyait aussi maintenant l'homme derrière le leader sanguinaire de l'époque.
Cette pensée lui fit mal au cœur. Elle s'en voulait de constater à quel point il avait changé et elle était en colère de ne plus pouvoir haïr Negan comme aux premiers jours. Pourtant, c'était elle-même qui avait fait ce souhait à une époque, ne voulant plus vivre dans le passé, avec un fardeau aussi lourd à porter que la haine. Elle avait voulu avancer et voilà, la réalité était là, elle avait presque réussi à ne plus lui en vouloir et la preuve se trouvait actuellement dans la salle de bain de ce refuge de fortune.
Oui, il avait changé, les années étaient passées, la vie avait continué, l'eau avait coulé sous les ponts et LUI, il avait évolué. Elle aussi, elle avait grandi depuis cette funeste époque, elle en était ressortie plus forte que jamais, mais pas suffisamment pour se battre contre le Croate. Elle avait pourtant déjà combattu tant d'ennemis et trouvé la victoire face à tant de personne, mais le psychopathe qui avait capturé son fils plusieurs semaines plus tôt était différent. Il semblait avoir toujours un coup d'avance sur elle et la menait en bateau encore et toujours.
- Maggie, est-ce que… oh, eh bien, que me vaut cet honneur ? se moqua-t-il.
- Putain, mais tourne toi ! s'écria-t-elle en lui lançant sa serviette dessus.
Il ricana avec son air hautain insupportable tout en s'exécutant puis elle s'empressa de remettre sa chemise convenablement. Il avait été rapide à faire son pansement le bougre !
…
Negan lui tournait le dos, mais il pouvait l'entendre se hâter et pester presque en silence. Il préféra en rire, mais il devait avouer qu'il avait aimé ce qu'il avait vu, quand bien même ce n'était pas grand-chose. Il aurait pu avoir honte face à une telle pensée, mais c'était un homme après tout et il n'avait pas vu une femme en soutient-gorge depuis bien longtemps. Eh, quelle femme en plus, Maggie était vraiment jolie après tout.
Non pas que cela lui manquait spécialement, à vrai dire, il n'y avait pas pensé jusqu'à maintenant. Depuis la mort d'Annie en couche, il n'avait plus aucun intérêt pour ces futilités. Cette idée lui ôta l'envie de rire. Cela faisait plusieurs années et pourtant, la plaie n'était pas encore refermée.
- Qu'est-ce que tu veux ? demanda finalement Maggie qui le sortit de ses pensées.
- Je vais avoir besoin de toi.
- Oh vraiment ? se moqua-t-elle maintenant.
- Je pourrais plus facilement me débrouiller seul que toi, mais ça irait simplement plus vite si tu le faisais, grommela-t-il.
Elle vint se placer devant lui, rhabillée et l'observa avec un sourire moqueur aux lèvres. Aurait-il commencé à lui déteindre dessus depuis ses trois semaines en sa compagnie ?
- J'ai réussi à retirer la balle qui n'était pas profondément entrée, grâce à la porte, mais j'ai encore des bouts de bois que je n'arrive pas à enlever.
- Tu as suffisamment confiance pour me laisser trifouiller ta plaie ?
- N'a-t-on pas convenu qu'il était temps que nous puissions compter pleinement l'un sur l'autre ?
- Plus ou moins en effet, admit-elle.
Il se plaça sur les restes d'un canapé miteux qui lui servait de lit depuis leur arrivée et laissa Maggie le « trifouiller ». Il avait avant cela trouvé une bouteille de whisky qui traînait, mais regretta de ne pas pouvoir s'en faire une intraveineuse :
- Bordel de merde, ça fait un mal de chien !
- Arrête donc de geindre, j'ai presque fini.
- Putain… je suis sûr que tu fais exprès de prendre ton temps !
- J'espérais que la douleur arrêterait de te faire parler, mais je vois que même cela ne te fais pas fermer ta gueule !
Quand elle réussit enfin à retirer le dernier bout de bois, il soupira de soulagement, mais la vit sortir une aiguille :
- Tu fais quoi là ?
- Je vais faire du macramé, ironisa-t-elle. A-t-on avi imbécile ? Je veux bien que tu aies été un simple prof de sport, mais tu te doutes bien qu'il faut recoudre les plaies non ?
- Tu sais ce qu'il te dit le prof d'EPS ? Eh puis je peux largement me démerder tout seul.
- Avec tout le whisky que tu as bue, tu risquerais plutôt de te couper au lieu de coudre, espèce de con !
Certes, il n'était plus aussi net que d'ordinaire, mais il chercha de quoi répliquer, en vint. Il n'en avait pas vraiment envie au fond, se rendant compte qu'il appréciait un peu trop cette joute verbale qu'il aurait dû abhorrer. Face à son silence, Maggie remporta la victoire et prit le temps de le recoudre. Ça ne faisait pas du bien, mais il ne geint pas cette fois. Déjà, parce que c'était moins douloureux que le retrait des morceaux de porte, mais aussi, car il était piqué au vif dans tous les sens du terme et qu'il préféra se montrer plus fort que Maggie semblait l'en croire capable.
Elle lui fit ensuite un pansement qui, bien qu'il sût faire lui-même, étant clairement mieux que ce qu'il aurait fait seul. Il se contenta d'un simple merci, il avait décidé de faire des efforts, mais il ne fallait pas trop lui en demander non plus.
Le jour s'était levé quand, après un petit-déjeuner rapide à base de viande séchée et de whisky, ils décidèrent de se reposer. Leur mission avait été un échec, mais ils n'avaient pas la force d'en parler avant de s'être remis de leur déception mutuelle. De plus, la nuit, ou le jour dans le cas présent, n'apportait-il pas des réponses ? Peut-être qu'un nouveau plan d'action leur viendrait en tête d'ici leur réveil, en tout cas, il le souhaitait fortement. Ils devaient retrouver Hershel, ils devaient retrouver le Croate ! Oui, c'était nécessaire. Car même s'il aidait Maggie dans le but de se faire pardonner une bonne fois pour toutes, il avait aussi des comptes à régler avec ce sombre fils de pute, et quoi de mieux que de l'emmerder en lui « volant » une de ses prises ?
…
Quand elle se réveilla plusieurs heures plus tard, le soleil était au Zénith. Son organisme n'aurait pas dit non à quelques minutes de sommeil en plus, mais son esprit en avait décidé autrement en lui offrant un cauchemar. Figée dans son lit, elle savait pourtant que le Croate ne tuerait pas Hershel sans raison, il avait besoin de lui vivant… c'était son appât après tout.
Se levant en cherchant désespérément à ne pas penser à l'enfoiré qui avait kidnappé son fils dans l'espoir de faire de sa mère l'une de ses épouses, elle se leva. Elle avait soif et se maudit de ne pas avoir pensé à remplir sa gourde avant de se coucher. Elle tenta de ne pas faire de bruit en passant dans le salon où dormait Negan, la maison n'ayant qu'une chambre.
Une fois dans la pièce en question, elle marcha sur la pointe des pieds pour ne pas réveiller le chanceux qui faisait de beaux rêves. Elle se rendit dans la cuisine, remplit sa gourde avec leur stock d'eau potable et se redirigea vers à sa chambre, voulant réfléchir au calme à une nouvelle idée pour retrouver son fils. Quand elle passa à côté du canapé, elle se prit le pied dans la table basse et retint un juron de douleur. Elle s'assit un instant sur le fauteuil à côté et une fois la douleur passée, elle s'étonna de voir que Negan n'avait pas bougé d'une oreille.
Comment pouvait-il dormir aussi profondément ? Pourtant, à bien y regarder, il semblait bouger… Maggie s'approcha doucement et comprit qu'il ne dormait pas :
- Negan, ça va ?
Il acquiesça de la tête, mais l'infernal bavard ne parla, pour une fois, pas. C'était bien trop curieux et elle se pencha vers lui :
- Bon sang, mais tu as de la fièvre !
- Ça va, grommela-t-il difficilement.
- Non, ça ne va pas, tu es bouillant !
Il ne protesta même pas, signe qu'il n'allait vraiment pas bien. Ils auraient dû s'en douter, même si leur organisme était plus costaud qu'avant l'apocalypse, ils n'en restaient pas moins des êtres humains et recevoir une balle n'était pas anodin, surtout qu'il avait dû la garder en lui le temps de rentrer. Le nettoyage de la plaie avait dû trop tarder.
Maggie alla dans la salle de bain et chercha ce qu'elle pouvait avoir contre la fièvre. Elle avait fait un bon stock de plantes médicinales et ne mit pas longtemps à trouver ce qu'elle cherchait. Elle devait encore faire bouillir de l'eau et une fois sur le feu, elle retourna auprès du malade.
- Redresse-toi, il faut que tu retires ton pull.
Il ne chercha une fois de plus pas à répliquer et obéit. Son état était donc pire encore qu'elle le pensait. Elle dut d'ailleurs l'aider à retirer ledit pull :
- Je… j'ai pas de bol quand même…
- Quoi ?
- Faut que je sois… malade pour qu'une femme… me déshabille !
- Tu ne dois pas être si malade que ça pour réussir à faire de l'humour de si mauvais goût !
Elle sourit néanmoins légèrement. Elle préférait ça plutôt que de le voir au bord du gouffre. Non pas qu'elle s'inquiétait pour lui à proprement parler, mais elle avait encore besoin de lui. Maggie le vit tenter de se recoucher, mais l'en empêcha :
- Lève-toi et tiens-toi à moi, tu vas pas rester sur le canapé.
- Le canapé… est très bien !
- Oui, eh bien le lit aussi !
Elle l'aida au mieux à se lever et il l'utilisa comme une canne. Il était bien plus grand et imposant qu'elle, mais elle avait déjà dû traîner des objets bien plus lourds sur des distances bien plus grandes, alors ils arrivèrent à bon port. Elle le poussa néanmoins sur le lit pour se débarrasser de son fardeau au plus vite.
- Allonge-toi, je vais te chercher ton traitement.
Elle le laissa, prépara la tisane de sureau et de thym. Quand elle revint, elle dut aussi l'aider à boire puis elle prépara des linges humides pour l'aider à baisser plus vite sa température. Il n'avait pas intérêt à claquer avant d'avoir sauvé Hershel ! Mais seul le temps leur dirait si son état allait empirer ou non.
…
Il avait froid et aurait aimé se couvrir, mais on l'en empêchait. Il commençait à être assez confus sur sa situation…. Où était-il déjà ? Avec qui était-il ? Annie, était-elle là pour le soutenir ? Non… ce n'était pas possible, elle n'était plus là après tout…
C'était douloureux, il avait mal de partout… et qu'est-ce qu'il faisait froid… oui, il avait trop froid… il était seul et malade… allait-il mourir comme ça ? Non, il ne devait pas mourir seul, il ne voulait pas devenir l'un d'eux !
…
Negan avait été agité un moment, mais il s'était enfin calmé après quelques heures. Elle avait eu de la chance, elle était intervenue juste à temps et la tisane avait pu faire effet, même s'il en faudrait encore. Pour l'heure, elle resta à ses côtés pour s'assurer qu'il ne se mettrait pas en danger en essayant de se lever et surtout, pour ne pas le laisser seul.
« Je ne veux pas finir seul… pas comme toi Lucille… je ne veux pas devenir l'un d'eux… »
Il avait répété ça plusieurs fois, comme une litanie folle durant son délire fiévreux. Elle ne le laisserait pas mourir, c'était hors de question, il ne finirait pas comme sa première femme et elle ne serait pas obligée de l'achever comme la seconde. Elle allait le sauver un point c'était tout !
Negan n'avait pas eu la vie facile. Il avait tendance à perdre toutes les personnes importantes pour lui. D'aucuns dirait que c'était le karma, mais à bien y réfléchir, n'avait-il pas déjà suffisamment payé ses actes ? À l'époque, il était persuadé d'agir pour le mieux après tout, même s'il avait fait des erreurs indiscutables. Mais qui n'en faisait pas ?
Elle ne lui cherchait pas des excuses, elle ne le pouvait pas. Mais il y avait clairement des explications concernant l'homme qu'il était devenu… au même titre qu'il y avait des explications concernant la femme qu'elle était devenue elle-même. Si elle en était là aujourd'hui, à devoir sauver son fils d'un fou furieux, n'était-ce pas car elle avait tué une énième personne elle aussi ? Pourtant, elle l'avait fait pour sa sécurité, sur le coup, elle avait été persuadée que c'était le mieux à faire. Mais elle avait exécuté l'une des épouses du Croate qui avait alors décidé qu'elle devrait la remplacer dans son harem. C'était sûrement pour cela qu'elle n'aimait pas le mot karma.
Sur ces réflexions, assise à côté du lit, elle finit par se rendormir.
…
Negan se sentait pâteux quand il se réveilla. Il ouvrit difficilement les yeux et mit quelques secondes pour se souvenir de ce qu'il faisait ici, dans le lit de la chambre de Maggie.
La fièvre avait diminué, mais combien de temps exactement avait-il été malade ?
Il se redressa difficilement et tenta de se lever, mais une voix stricte le stoppa :
- Mais ça ne va pas non, reste couché !
- Oh, voilà qu'elle me redonne des ordres, plaisanta-t-il.
- Rallonge-toi, je ne compte pas avoir à te ramasser par terre !
- Oui, maman, se moqua-t-il cette fois avant de la regarder et d'ajouter, tu vas aussi me changer quand je me serais pissé dessus ?
Elle l'avait soigné, il aurait peut-être pu éviter d'être aussi condescendant, mais il n'aimait pas vraiment qu'on lui donne des ordres de la sorte. Maggie soupira et leva les yeux au ciel :
- Je vais t'apporter une bouteille vide, ça fera l'affaire !
- T'es sérieuse là ?
- Quoi, tu es un homme non, tu peux viser que je sache. À moins que tu ne sois trop vieux pour ça maintenant ?
- Avec l'âge, j'ai justement appris à viser juste à tous les coups, tu veux essayer ?
Elle ne répondit pas et se contenta de sortir pour revenir juste après avec une bouteille de whisky vide. Elle aura été utile pleine mais aussi vide finalement.
Condamné à lui obéir, il se rallongea après avoir pris soin de fermer son urinal de fortune. Sa convalescence allait être longue, il le sentait !
…
Il était insupportable quand il s'y mettait. Ce n'était pas parce qu'elle avait été contrainte de sortir pour cacher son sourire amusé qu'elle le trouvait drôle ! Non, il était juste insupportable.
Pourtant, les jours suivants, elle continua de s'en occuper et elle fut ravie de constater qu'il allait mieux. Dès le troisième jour, il avait même insisté pour commencer à mettre au point un plan d'action, il ne perdait pas de temps. Pour leur prochaine mission, elle allait en revanche devoir partir en reconnaissance seule à son tour.
- Tu te souviens de ce que je t'ai dit ?
- S'ils n'étaient pas dans le hangar, c'est qu'ils sont dans l'immeuble du centre-ville.
- Mais tu devras surtout faire...
- Attention aux sentinelles, oui, je sais. Je ne suis pas stupide !
- Stupide sûrement pas, mais impulsive, si ! Je te rappelle que c'est le lieu d'habitation du Croate. S'il a gardé ton fils là-bas, c'est qu'il s'attend à ce que tu arrives pour le confronter et qu'il ne veut pas que ça arrive.
- Hélas pour lui, ça va arriver !
- Peut-être, mais dans de bonnes conditions ! Alors tu y vas, tu prends en note la disposition du lieu et les positions des gardes ainsi que les ouvertures empruntables.
- Oui, papa, se moqua-t-elle.
Il lui lança un regard noir. Ce n'était pas la blague la plus appropriée, mais elle s'en souvint trop tard… il se contenta de tourner la tête en direction de la fenêtre. Le soleil se couchait, il était temps qu'elle parte.
- Fais attention à toi, dit-il simplement.
- Je serais de retour au lever du soleil, tout va bien se passer. On ne se fera pas avoir deux fois.
Il acquiesça et la laissa partir, non sans lui lancer avant un dernier regard étrange. Il semblait réellement inquiet pour elle.
…
Le jour se levait déjà et elle n'était pas encore revenue. Qu'est-ce qu'elle foutait à la fin ?
« Bon après tout, si elle meurt, je suis de nouveau libre et je ne suis plus obligé de participer à cette mission suicide… » se dit-il en voyant le ciel se colorer de rose et de rouge. « Mais si elle meurt, comment je pourrais avoir ses excuses ? Non, je ne peux pas la laisser mourir comme ça quand même ? »
Non, il ne pouvait clairement pas la laisser seule face au Croate. Il savait de quoi ce type était capable. Pendant longtemps, il avait fait parti des sauveurs et il était devenu clair avec le temps qu'il n'agissait jamais que pour son propre intérêt et son propre plaisir. Il s'en fichait des autres et son manque d'honneur était la raison qui avait poussé Negan à le virer et à l'éjecter du groupe bien avant l'arrivée de Rick et sa bande.
Depuis toutes ses semaines à devoir la supporter et à vivre avec elle tantôt dans une simple voiture, tantôt dans une maison de fortune, il avait appris à la connaître réellement. Il avait toujours eu un grand respect pour cette battante qui portait ses couilles mieux que la plupart des hommes. Mais aujourd'hui, c'était plus que du respect qu'il avait pour elle. Cette femme qui savait sortir les griffes quand elle le devait, qui savait se montrer réfléchie quand il le fallait et qui savait aussi se montrer douce et agréable même quand elle n'en était pas obligée.
« Avec qui je vais pouvoir me prendre la tête si elle se fait avoir par l'autre enfoiré ? »
Il se leva alors, non sans grimacer. Il se sentait beaucoup mieux, mais s'il n'était pas parti en reconnaissance, c'était justement à cause de ses quelques douleurs persistantes. S'il avait dû fuir, il n'aurait eu aucune chance… mais il devait prendre le risque si elle-même n'avait pas réussi à le faire.
Il s'inquiétait énormément, étrangement plus qu'il ne s'en serait cru capable. Ne voulant même pas chercher à comprendre pourquoi, comme persuadé qu'il allait le regretter s'il le faisait, il se contenta donc d'aller dans le salon pour prendre son pull, son foulard, mais surtout son perfecto.
Il n'eut néanmoins pas le temps de l'enfiler que la porte d'entrée s'ouvrit sur Maggie.
…
Elle était enfin de retour. Elle avait pris quelques risques en s'approchant plus que prévu de l'immeuble aux allures d'hôtel particulier. Elle avait pu faire le tour plusieurs fois et l'observer sous tous les angles sans être repérée. Les croquis qu'elle avait faits les aideraient forcément à entrer, mais pour ce qui serait de ressortir, pas sûr que cela n'aide.
Quand elle passa la porte, elle vit Negan debout qui se rhabillait à la hâte. Alors comme ça, il avait à peine attendu l'aube pour se dire qu'il pourrait partir sereinement ? Il espérait donc à ce point qu'elle meurt pour être tranquille ? Lui qui avait pourtant eu l'air inquiet, quel enfoiré ! Agacée, elle referma la porte derrière elle et le pointa d'un doigt accusateur :
- Pose ça tout de suite espèce de lâcheur de m…
Elle n'eut pas le temps de finir sa phrase qu'il s'était approché d'elle et la prit dans ses bras, la coupant dans son élan.
- J'ai cru qu'il t'avait eu ! marmonna-t-il sans la lâcher.
Il était inquiet ? Elle s'était donc trompée à ce point ? Aurait-il été sur le point d'aller la chercher ? Non, il faisait semblant, c'était sûr ! Elle le repoussa d'un coup :
- Arrête un peu de faire l'imbécile, nous savons tous les deux que tu n'attendais que de pouvoir partir.
Negan resta coi face à son affirmation, puis une pointe de déception s'encra dans son regard :
- Si j'avais voulu partir, tu penses vraiment que je serais resté aussi longtemps ? Tu crois vraiment que je suis incapable de t'assommer ou même simplement de partir pendant que tu dors ?
Il marquait un point, il aurait pu partir plus d'une fois, mais il était encore là. Elle se sentit honteuse d'avoir douté de lui mais ne comptait pas le montrer, cela lui faisait déjà bien assez mal au cœur, sans comprendre pourquoi. Elle détourna le regard un instant :
- Pourquoi tu es resté ? demanda-t-elle alors en essayant de garder son mordant.
- Parce que tu as besoin de moi, répliqua-t-il simplement.
- Je peux pertinemment me débrouiller seule… ton aide n'est pas nécessaire, c'est un atout, tout au plus ! Tu n'es clairement pas utile, tu peux partir quand tu veux.
Il garda le silence quelques secondes :
- Bien…
Elle le regarda de nouveau alors qu'il retournait vers son satané perfecto vieillissant pour l'enfiler. Venait-elle sincèrement de lui donner l'autorisation de s'en aller ? Non, elle devait l'empêcher de partir, seule elle ne pourrait jamais entrer :
- Attends, dit-elle en s'approchant de lui, je ne voulais pas dire ça.
- Tu n'es pas le genre de femme à dire ce que tu ne penses pas. Alors je te laisse te démerder, je suis pas un putain de pion de toute façon, alors débrouille toi vu que tu en es capable.
Une fois rhabillé, il se tourna et constata qu'elle était juste devant lui, l'empêchant de partir. Il la toisa de haut avec colère :
- Reste… s'il te plaît !
Cela n'avait pas été si difficile à demander que ça finalement. Elle avait après tout sincèrement envi qu'il reste pour l'aider, par envie et pas par contrainte, elle venait juste de s'en rendre compte.
…
Elle avait douté de lui depuis le début, il aurait dû s'en rendre compte. Il était tellement énervé de ce manque de confiance qu'il ne l'avait pas entendu s'approcher de lui pendant qu'il s'habillait. Il était prêt à partir à pied, n'importe où ailleurs, mais elle le stoppa dans son élan en se tenait devant lui.
Elle lui demanda finalement de rester alors qu'il venait de plonger ses yeux dans les siens. Avait-elle à ce point besoin de lui ? Où avait-elle envie qu'il reste ? C'était difficile à dire, mais il fallait avouer qu'il avait beaucoup de mal à se concentrer d'un coup.
Elle était si proche de lui, sans couteau sous sa gorge ni même un regard féroce. Non, elle était juste face à lui et lui demandait de rester avec elle. C'était surprenant, mais sûrement moins que ce qu'il s'apprêtait à faire… car sans vraiment réfléchir, il se pencha sur elle et l'embrassa.
