Chapitre 16

Ami lecteur. Si tu dessines et que tu prends des commissions, appelle moi, j'ai peut-être un boulot pour toi. Payé bien sur.

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Boya commençait à en avoir plein les bottes de se réveiller régulièrement à l'infirmerie.

Pour ajouter la blague au ridicule, il avait EFFECTIVEMENT un lit à son nom maintenant. La première fois qu'il l'avait visité après qu'il ait été baptisé, il avait menacé de manger le foie du maître guérisseur qui lui avait ri au nez. Il était libre de s'y essayer. S'il arrivait à l'attraper. Les hurlements de rage de Boya avaient fait rire pas mal de monde.

Mais blague à part, cette fois heureusement Boya n'avait aucune blessure ni même mal à la tête comme ça lui arrivait souvent lorsqu'il forçait un peu trop son entrainement et sa cultivation depuis qu'on lui avait retiré le "limiteur" qui le rongeait de l'intérieur.

Là, il se sentait juste un peu groggy, comme après un sommeil trop long.

"- Yin RenShu Shifu ! Il est réveillé !"

Yi Xiaolian avait pris le poignet de Boya entre ses doigts pour vérifier que tout allait bien.

"- Vous nous avez fait peur Boya Daren. Il faut arrêter de faire n'importe quoi, hein. Un de ces jours vous allez vraiment vous blesser."

"- Qu'est ce qui s'est passé ?"

"- C'est ce que nous espérions que vous pourriez nous dire." Soupira le maître guérisseur avant de prendre l'autre poignet de Boya entre deux doigts pour étudier sa cultivation aussi bien que son état général.

"- … je ne me rappelle pas vraiment." Mais alors qu'il disait cela, les souvenirs revinrent avec violence. "Je discutais avec deux esprits… Puis le Seigneur Anbei s'est joint à la conversation… Puis Zhong Xing Zongzhu est venu le chercher pour ouvrir les jeux. Le seigneur Anbei m'a demandé si je participais et… Sans réfléchir j'ai dit oui." Le rythme cardiaque de Boya commençait à monter lentement.

"- Calmez-vous Boya Daren. Tout va bien. Vous avez accepté de participer donc. Et ?"

"- Et… et je sais pas pourquoi j'ai dit ça ! Je ne sais même pas ce qui se passe pendant ces jeux !"

C'était l'instinct de compétition qui lui avait fait accepter. Il avait dit oui parce que c'était le Seigneur Anbei qui avait demandé et qu'il ne pouvait pas se dégonfler devant un démon.

"- Je suis un imbécile et un idiot !"

"- Nous sommes d'accord là-dessus mais ce n'est pas une nouveauté." S'il avait pu, Boya aurait foudroyé le guérisseur du regard. Il se contenta de le foudroyer du bandeau. "Mais la question n'est pas là. Vous ne pouvez pas vous dédire."

Boya ne l'aurait jamais fait de toute façon. Le chasseur avait donné sa parole qu'il participerait, il le ferait. Le guérisseur buvait du petit lait à son insu. Boya forçait énormément pour progresser, mais pas forcément là et quand il le fallait. Cette compétition lui ferait un bien fou. Il n'en avait parlé à personne, pas même à son guérisseur mental, mais Boya était terrifié à l'idée de se battre à nouveau pour de vrai. Il avait été vaincu, ses frères étaient morts, lui-même avait été torturé à un cheveu de la folie… Avait-il encore la capacité de se battre contre de vrais adversaires ? He Shouyue était une farce. Il avait été un premier pas vers la guérison, mais finalement bien moins utile qu'il ne l'avait cru au début. Les autres disciples aussi. Peut-être s'il s'était entrainé contre des maîtres, mais ils auraient fait attention à lui. Il n'aurait jamais été en danger. Il fallait qu'il puisse réapprendre à risquer sa vie.

Le guérisseur avait conscience de ça.

Pas Boya.

Ces jeux, c'était le parfait intermédiaire entre un entrainement et un vrai combat. Ses adversaires ne lui feraient pas de cadeaux, ils ne feraient pas attention à sa santé, mais ils ne le tueraient pas non plus.

Pour Boya, c'était la solution la meilleure, la plus élégante et la plus efficace.

Qu'il ait décidé de lui-même de participer, même par orgueil mal placé, SURTOUT par orgueil mal placé était une excellente nouvelle.
En tant que guérisseur, Yin RenShu allait faire tout ce qu'il pouvait pour que Boya en profite au maximum.

"- Quelles sont mes options ?" Soupira Boya.

"- Prendre votre petit déjeuner d'abord. Et pendant que vous mangez, je vais vous dire quelles sont vos choix possible."

Boya soupira une fois de plus. Il se laissa servir pendant que le guérisseur faisait pour lui la liste de toutes les possibilités.

"- Vous avez le combat à main nues, à l'épée, la mêlée, le joute, le tir à l'arc. Ça, c'est pour tout ce qui est combat. Ensuite, vous avez tout ce qui est magie, talisman et invocation et enfin vous avez l'artistique avec de la peinture sur différents support, du chant, de la musique, et même de l'improvisation et du théâtre."

"- De l'improvisation ?"

"- Oui, vous tirez un sujet au sort et vous devez argumenter soit pour, soit contre. Et votre adversaire dois contrer tous vos arguments. C'est à celui qui sera le meilleur orateur." Absolument pas pour Boya donc.

"- J'imagine que Zhong Xing Daren est très bon à ce jeu-là."

"- Pas trop justement. Par contre, Fangyue est capable de faire fondre en larmes n'importe qui. A part le Seigneur Anbei. En général, ils sont les deux derniers en lisse. Au point qu'ils ne comptent plus dans les résultats et que le meilleur est le troisième."

Ça, Boya y assisterait avec plaisir.

"- Je crois… Que j'aimerai participer au tir à l'arc" Maintenant qu'il en avait un correct. "Au combat à l'épée et à la musique. Je peux ?"

"- Bien sûr !" Ce serait même un plaisir de le voir tenter quelque chose de nouveau ! tout le monde pouvait s'inscrire à autant d'épreuves qu'il voulait après tout.

"- Je peux vraiment ? Même dans mon état ?"

"- Boya Daren, la seule chose qui vous retient vraiment actuellement, c'est vous-même. C'est aussi pour ça que tout le monde insiste pour que vous essayez d'avoir un shishen. Il vous donnerait ce qui vous manque actuellement : confiance en vous."

"- Je ne veux pas dépendre de qui que ce soit."

"- Un shishen choisit de rejoindre un maître pour…. Ho… HO ! Je vois !"

Boya baissa la tête.

"- Comment un esclave peut-être mettre en esclavage quelqu'un d'autre ? Ou demander à quelqu'un de libre de partager son destin d'esclave ?"

Yin RenShu s'assit sur le bord du lit. Visiblement, ils avaient oubliés quelque chose d'important.

"- Boya, vous êtes conscient que vous pouvez tout à fait racheter votre dette et qu'elle n'augmente pas pour votre entretient, n'est-ce pas ?"

"- Yin RenShu, vous êtes conscient que j'ai été acheté deux mille taels d'or ? Je n'aurais jamais assez d'une seule vie pour rembourser tout ça !"

"- Otez moi d'un doute, Zhong Xing vous a dit pour la patente de votre encre ?"

"- La… quoi ?"

"- Boya, vous avez offert la recette de votre encre à la secte."

"- Et bien… oui, et j'en profite tous les jours un peu plus."

Le maître guérisseur se mit à insulter violement Zhong Xing au point de choquer Boya.

"- Le yin yang n'est pas JingYun, Boya. Certes, vous avez offert la recette à la secte. Et le Bureau à déposé la patente de cette encre. Mais à votre nom. Et le Bureau vous sert d'intermédiaire. Et de fabricant."

Boya ne comprenait pas ce que le guérisseur voulait dire.

"- Boya, toutes les sectes de l'Empire, de plus en plus de monastères et même les archives impériales nous achètent votre encre. Et nous vendons l'encre elle-même. Pas sa recette. Nous sommes les seuls fournisseurs et nous la vendons CHER. La moitié de cet argent revient dans les caisses de la secte pour tout ce qui est coût de fabrication, vente, servir d'intermédiaire plus un large pourcentage de pur bénéfice pour la secte. Mais le reste est à vous. Dès que quelqu'un invente quelque chose, c'est comme ça que ça marche. La moitié pour vous, le reste pour les ingrédients et la gestion, et la secte prends ce qui reste. "

Boya était de plus en plus perdu.

"- Vous voulez dire…"

"- Je veux dire que le bâton d'encre est vendu dix taels d'argent. Et que pour chaque bâton vendu, cinq vont directement dans votre poche."

Boya resta pétrifié un long moment.

"- … Pardon ?"

Cinq tael d'argent par bâton d'encre ? Mais…. Mais…..

"- J'imagine que la moitié vous est reversé directement et l'autre moitié pour la réduction de votre dette. Ou quelque chose comme ça." Cinq tael c'était mine de rien pas mal. Peut-être que le rapport était différent. "Il vous faudra aller demander à l'intendance le rapport exact. Et votre salaire aussi."

"- MON SALAIRE ?"

"- Et bien, vous gardez régulièrement les petits et vous tenez en laisse He Shouyue. Evidemment que vous avez un salaire…. Boya ? BOYA ?"

Le pauvre jeune homme venait de tourner de l'œil sous l'avalanche d'informations. Yin RenShu soupira, le borda, et le laissa dormir. Il avait juste besoin de se remettre nerveusement. Pendant que Boya dormait, il alla lui même l'inscrire pour les jeux.

Zhong Xing fut absolument ravi de savoir que son élève allait tenter sa chance, plus encore lorsque Her Shouyue s'inscrit lui aussi aux même épreuves, par pur mauvais caractère.

Zhong Xing aimait voir son fils se décider à faire quelque chose. Il aurait préféré que ce ne soit pas par pur sale caractère, mais on faisait avec ce qu'on avait.

Dans les appartements réservés à la délégation du domaine voisin, le Seigneur Anbei avait été totalement charmé par le jeune maître. S'il n'avait pu l'acheter au sortir de JingYun, il était content d'avoir prêté l'argent nécessaire à Zhong Xing pour finaliser l'achat. Faire cette transition entre JingYun et son domaine était plus important pour le jeune Yuan Boya que Anbei QingMing ne l'avait imaginé d'abord.
De la conversation que lui avait rapporté Xue TianGou, le Seigneur du Domaine Anbei espérait bien que le jeune homme accepterait sa proposition. Après tout, il avait déjà joué les étalons. Le refaire ne lui poserait sans doute pas grande difficulté, surtout contre l'effacement de sa dette, n'est ce pas ?

Mais avant d'en venir là, il allait déjà devoir parvenir à l'attirer dans son Domaine. Il avait encore tant à apprendre…

"- QingMing ?"

"- Mi Chong ?"

"- Vous semblez perdu dans vos pensées."

"- Je réfléchis aux années à venir."

"- Est-ce qu'elles comportent un ancien chasseur aveugle ?"

"- J'espère. J'espère très fort, Meimei."

La petite démone papillon qui l'accompagnait depuis des siècles et des siècles eut un petit sourire. Elle espérait vraiment que le maître du domaine avait trouvé quelqu'un qui serait capable de lui donner ce qui lui manquait depuis des siècles : une descendance.

C'était le problème de naitre hybride. Il n'était pas rare d'avoir une fertilité extrêmement basse. Ou extrêmement élevée. Le renard démon avait hérité du premier cas. Depuis des siècles il tentait de trouver des géniteurs correct pour lui faire une portée, sans résultat jusque-là. Peut-être qu'avec un cultivateur aussi fort que celui-là, qui en plus avait déjà prouvé une extrême fertilité de son coté, ce serait suffisant ?

Mi Chong voulait voir des renardeaux courir en tous sens dans le grand palais du Domaine. Tous les proches du Seigneur Anbei espéraient voir bientôt des petites boules de poils les rendre fou dans les jardins de la grande Maison du Lac.

Boya avait lentement reprit conscience. Encore.

Ça commençait à être réellement insupportable. A croire que sa stabilité était un lointain passé qui ne reviendrait jamais.

Boya était réaliste. Sa cultivation ne redeviendrait jamais ce quelle était. Elle s'adaptait, elle évoluait, mais il peinait encore à comprendre ce nouvel équilibre qui se faisait au fond de lui-même.

"- Ha ! Vous êtes réveillé."

"- Combien de temps ai-je dormit cette fois ?"

"- A peine une heure, rassurez-vous." Sourit l'assistante du maître guérisseur. "J'ai été vous chercher de quoi vous habiller. Si vous le souhaitez, vous pouvez aller diner dans le grand hall avec nos invités. Les premiers jeux vont commencer demain en fin de journée alors vous avez le temps. Vous avez êtes inscrit à l'épée, à l'arc et pour la musique. Comme vous l'avez demandé."

Boya resta silencieux. Il en avait émis l'idée effectivement. Mais de là à avoir prit la décision consciente de vraiment participer ?
On l'avait fait pour lui et ce n'était pas plus mal finalement.

"- Très bien. Merci."

S'habiller, mettre ses bottes, laisser la jeune femme le coiffer pour qu'il soit libre de ses mouvements pour le reste de la soirée, aller chercher ses armes et sa flute et il retournait dans le grand hall sans même réaliser qu'il n'avait pas dévié de son trajet une seule seconde. Il était si bien dans ses pensées que ses perceptions faisaient le travail de manière inconsciente. Comme lorsqu'il avait encore sa vue finalement.

C'était peut-être ça le secret. Arrêter de trop vouloir bien faire….

"- Boya !"

Il n'avait pas encore d'ami. Pas vraiment. Il se tenait sur son quant à soi depuis trop longtemps pour parvenir à s'ouvrir vraiment mais les jeunes maîtres de son âge refusaient de le laisser en arrière. Dès qu'ils le pouvaient, ils venaient le chercher de force pour le pousser dans leur groupe. Boya en était autant irrité que reconnaissant même s'il ne savait comme exprimer les deux. Les jeunes gens autour de lui ne lui en tenaient pas rigueur. A croire qu'ils comprenaient. Mais il n'était pas le seul ancien de JingYun. Il n'était pas le seul a avoir été dressé dans la réserve et la suspicion. Alors ils devaient savoir combien ça lui était difficile.

"- On a vu que tu vas participer aux jeux ?" L'excitation de ses pairs étonna Boya.

"- Tu vas gagner hein ? "

"- Je… vais faire de mon mieux ?" Pourquoi l'encourageaient-ils à ce point ? "Mais vous ne voulez pas gagner ?"

"- Ho si ! Mais contre un ancien maître de JingYun ? On t'a vu à l'entrainement Boya. On va se faire fumer. Mais ce sera marrant quand même."

La bonne humeur autour de lui étonnait toujours Boya. A part He Shouyue, tout le monde avait toujours été affreusement accueillant avec lui à part quelques vieux esprits chagrins qui depuis s'étaient calmés et avec qui il allait même parfois boire le thé maintenant. Même me maître à qui il avait couté ses shishen avait fait la paix avec lui. Tout le monde l'aidait et l'encourageait. Tous ces gens qui travaillaient avec des démons et des esprits s'étaient montrés plus humains que les purs humains qui l'avaient élevés depuis qu'l était devenu orphelin. Pire, même les démons et les esprits qu'il avait croisé jusque là s'étaient montrés plus humains avec lui que JingYun.

Quelqu'un le prit dans ses bras pour le réconforter gentiment.

"- Ça va aller, Boya."

Une fois encore il pleurait. Une fois encore ses émotions qu'il avait apprit à faire taire depuis sa petite enfance parvenaient à lui échapper.

Il ne chercha pas à résister cette fois. Il enfouit son nez dans l'épaule du maître du yin yang dont il ne se souvenait même pas le nom et pleura en silence jusqu'à ce qu'il ait reprit son calme.

"- On va manger maintenant ?"

Boya hocha la tête en silence. On lui colla un mouchoir dans la main pour qu'il sèche ses yeux et se mouche puis on l'accompagna jusqu'à une des tables. On ne l'y laissa pas seul. Pour la première fois depuis son arrivée, il se sentait véritablement intégré.

C'était fou ce que des petits riens pouvaient faire comme différence…

Il prit même timidement part à la conversation, ce qu'il ne faisait jamais ou presque à JingYun. Les repas y étaient tristement silencieux et sur la défensive. Ici, chacun piochait sans complexe dans le bol du voisin.

S'il avait pu, il aurait vu le regard régulièrement scandalisé du chef de secte lorsque leur invité à neuf queues piochait dans son bol et le large sourire de Fangyue lorsque le seigneur Anbei la laissait piocher dans le sien.

C'était une marque d'amitié mais pas que. Si vous piochiez dans le bol de tout le monde et n'importe qui, c'était que vous ne craigniez pas le poison.

Malgré l'apparente décontraction de tous et chacun, il fallait du temps pour que la confiance s'installe. Même après des millénaires, il fallait un jour ou deux avant que les amitiés se relient.

Boya resta dans son coin, encore un peu mal à l'aise. Il avait du mal à savoir comment se comporter. Il n'était pas très sociable à la base. Apprendre de nouvelles manières allait lui prendre encore un peu de temps.

Heureusement pour lui, Gold Spirit était revenu près de lui pour lui murmurer tout ce qu'il ne voyait pas. Et l'empêcher de trop boire.

"- Je n'aurais pas abusé, vous savez ?"

"- Je n'en doute pas mais quand vous aurez gouté de la rosée de prune, vous risquez de faire comme tous les autres."

"- De la rosée de prune ?"

La distribution des petites flasques en porcelaine bleue claire semblait être le pinacle de la soirée.

Boya trempa ses lèvres dans sa tasse.

"- … C'est incroyable !"

"- Je vous l'avais dit."

Boya eut un petit rire. Effectivement, tout le monde allait être ivre dans peu de temps. L'alcool était trop doux, trop sucré, trop plein d'arômes.

Gold Spirit lui retira sa bouteille avant qu'il ne se serve pour la quatrième fois. L'alcool se buvait comme du petit lait. Autour de lui, les voix se faisaient plus fortes, les gestes plus exagérés.

Il était temps pour lui d'aller se coucher. Il n'avait aucune envie de se retrouver piéger dans l'orgie qui n'allait pas tarder à se produire.

"- Les enfants…"

"- Les plus jeunes sont déjà couchés."

Soulagé, Boya finit sa dernière tasse d'alcool.

"- Puis-je vous demandez de m'accompagner à la chambre ?" L'alcool était traitre.

Boya se sentait pas trop mal pour l'instant, mais il n'était pas sûr que ses pas soient très stable.

"- Bien sur Boya Daren."

L'esprit ouvrit un portail. Il reviendrait finir la soirée après.

Si Boya avait hurlé lorsque Yin RenShu avait avoué l'avoir inscrit à la fois au tir à l'arc, au combat à l'épée et à l'épreuve de peinture, il avait fini la soirée réconcilié avec le monde grâce à un délicieux alcool dont il avait encore les aromes délicats sur la langue en ouvrant les yeux à l'aube même si ça ne changeait pas grand-chose pour lui.

Il s'étira dans son lit. Boya était certain qu'il n'était pas tôt mais personne n'était venu le réveiller. Il n'avait pas non plus entendu les cloches de la secte qui marquait les grands moments de la journée. Est-ce que tout le monde cuvait encore ? Sans doute.

Il se massa doucement les tempes. Quand est-ce que les jeux allaient réellement commencer ? Si ça cuvait, sans doute pas tôt. Ce soir ? Possible.

Il en voulait quand même encore un petit peu au guérisseur. Il avait été fourbe de l'inscrire à sa place. Comment avait-il put faire ça dans son dos ? Et qu'il ait été dans les vapes lorsqu'il l'avait fait n'était pas une excuse. Il aurait dû lui demander quand même !

La fête s'était finie sans lui. Lorsqu'il s'était levé, il avait été étonné malgré l'heure tardive de ne voir personne ou presque de debout à part les shishen. Les seuls âmes qu'il avait croisé étaient quelques shidi affamés qui tentaient de grapiller dans les restes de la veille de quoi se nourrir.

Boya avait soupiré, juré, voué les autres aux gémonies avant de rapatrier les plus jeunes dans ses jupes pour leur préparer de quoi se nourrir qui ne soit pas trop sucré, trop gras ou bourré d'alcool.

Comme à chaque fois que Boya ne faisait pas attention à ce qu'il faisait, il utilisait naturellement son qi pour "voir" au moins les contours des meubles autour de lui. Il peinait toujours quand il réfléchissait trop. Son apprentissage avait trop été concentré sur l'utilisation de son instinct pour qu'il parvienne à changer en quelques mois.

Préparer une grande marmite de congee pour nourrir les plus jeunes ne lui prit pas trop longtemps. Et s'il prit en charge aussi un nombre conséquents de jeunes esprits, démons et créatures dans la foulée, personne n'allait se plaindre.

"- Et après tout le monde au bain. Je refuse de croire que cette odeur rance et dégoutante vient seulement des adultes écroulés dans leur jus."

Le groupe était resté à l'abri de la grande cuisine. Le grand hall était remplis d'alcoolisés à divers degré de décuvage après la fête de la veille. A l'odeur, Boya refusait que les enfants s'en approchent à moins de deux li. Il ne voulait pas savoir s'il avait raison ou non, mais ses petites charges étaient trop jeunes encore pour être confrontés à certaines réalités élémentaires de l'âge adulte.

Les enfants gloussèrent autour de ses jupes pendant qu'ils mangeaient.

"- Tu sais, gege." Souffla un des petits, comme s'il voulait le consoler. "On sait comment on fait les bébés hein." Avec la totale non séparation des sexes du temple, l'éducation sexuelle de base était dispensée TRES jeune pour éviter un maximum d'accidents.

"- Je n'en doute pas." Sourit Boya. "Mais ce n'est pas une raison. Ils sont ridicules. Il ne faut pas mettre le nez des adultes dans leur propre ridicule. Ça pourrait les vexer."

Les enfants rirent de bon cœur. Ils acceptèrent l'excuse puis suivirent Boya jusqu'aux grands bassins au fond de la secte pour que tous se décontaminent ensemble. Encore une fois, il était seul pour surveiller une soixantaine de mômes mais les gamins étaient concilient avec lui.
Ils ne firent pas de bêtises. Enfin pas trop. Jusqu'à ce qu'un monstrueux "PLOUF" se fasse entendre non loin.

Boya se figea lorsque le qi que le nouveau venu exsudait manqua de l'aveugler totalement.

"- SEIGNEUR ANBEI !" Hurlèrent les petits esprits et démons en se ruant sur lui.

Boya battit des paupières un instant jusqu'à parvenir à reprendre le contrôle de sa "vision". Il voyait une masse informe et énorme, mouvante derrière la masse presque immobile sur laquelle les enfants avaient sautés. Les queues du renard ? Sans doute.

"- Les enfants, si vous avez finit, sortez. N'embêtez pas notre invité."

Les enfants protestèrent un peu mais le ton de Boya ne souffrait pas de discussion. C'était son ton de Premier Disciple. Les enfants se faisaient naturellement dociles sous un ton pareil.

"- Oui, gege."

Le grand renard geignit un peu de voir la masse enfantine le saluer et quitter le bassin mais il ne protesta pas plus. Il aurait bien joué encore avec les jeunes disciples, lui ! Mais leur dragon de baby-sitter ne voulait pas les laisser avec lui.

Le Seigneur Anbei ne savait pas s'il devait en être outré, irrité ou juste laisser courir.

Il choisit de laisser courir. Dans l'absolu, il était normal que Boya récupère les enfants pour le laisser en paix.

Il fit contre mauvaise fortune bon cœur. Après tout, il y avait des petits de son propre Domaine dans le lot de marmaille que Boya avait instinctivement prit sous ses ailes.

Haaa, qu'il aurait voulu avoir une épouse aussi protectrice et accueillante que ce jeune humain. Ou un mari. Il n'était pas sectaire. C'était l'avantage quand on était un renard aussi vieux que lui. On s'adaptait à tout et les considérations aussi ridicules que le sexe ou le genre n'étaient plus que des concepts éculés qui ne servaient pas à grand-chose quand on pouvait ressembler et être ce qu'on voulait.

Il resta à mariner dans l'eau chaude encore un long moment. Comme les autres, il avait besoin de décuver même si sa cultivation avait déjà brulé la grande majorité des litres d'alcool qu'il avait engloutit. C'était toujours la même chose lorsqu'ils buvaient à l'ouverture de la fête. Ils buvaient plus que de raison puis passaient la journée entière suivante à geindre pour être prêt au coucher du soleil pour l'ouverture des jeux même s'ils ne commenceraient vraiment qu'un peu plus tard.

Le Seigneur Démon attendait surtout le tir à l'arc. Le grand seigneur renard savait déjà à quel point le jeune Boya était un archer compétent. Maintenant, il voulait voir jusqu'à quel point et dans quelle mesure son infirmité impactait encore son talent.

Xue TianGou avait sans doute raison. Il s'intéressait à cet humain plus que de raison. Mais il y avait tellement longtemps que plus grand-chose ni personne ne l'intéressait tout court…

Boya s'était occupé des plus jeunes jusqu'à ce que leurs professeurs se souviennent qu'ils avaient des responsabilités et ne viennent les chercher par petits groupes, soulagés de voir que l'un d'eux avait eu assez d'intelligence pour ne pas boire jusqu'à en rouler sous les tables et avait pu s'occuper des enfants.

A chaque fois, ils remerciaient Boya pour les bons soins des petits.

Lorsque ce fut le tour de groupes de démons et d'esprits de venir récupérer leurs petits, Boya crispa un peu. Dans la masse, il n'avait pas réellement remarqué que tous les petits n'étaient pas au Bureau. Mais c'étaient des petits.

Donc il fit exactement ce qu'il avait fait avec les maîtres qui étaient venus chercher leurs élèves : il avait longuement engueulés les démons et les esprits pour avoir ainsi laissés leur progéniture dans la nature.

Voir Boya gronder comme une poule inquiète un démon-ours de six fois sa taille parce que ses petits oursons avaient été laissés sans surveillance avait quelque chose d'affreusement cocasse et d'adorable en même temps. Surtout quand le dis ours démon avait les pattes derrière le dos, le museau bas et disait "oui Daren" à chaque fois que Boya reprenait son souffle. La situation crispait si bien Boya qu'il ne pensait même pas à attaquer les démons ou à avoir peur d'eux. Il y penserait plus tard. Et ferait surement une crise d'angoisse aussi plus tard.

Une fois libéré de tous ses petits shidi, Boya alla prendre une tasse de thé. Il était ronchon. D'autant plus qu'il entendait qu'on gloussait dans son dos.

Zhong Xing vint s'excuser auprès de lui pour ne pas l'avoir prévenu pour les enfants. En général les petits se débrouillaient entre eux pour la matinée.

Boya hurla plus fort. On ne laissait pas des enfants sans surveillance enfin ! quand bien même il s'agissait de disciples ! Même s'il y avait des juniors pour les surveiller. C'était ouvrir la porte aux catastrophes. ET QU'ON ARRETE DE RIRE DANS SON DOS ! OU IL ALLAIT BOTTER DES CULS !

Les rires n'en furent que plus fort.

"- Je vous attends dans l'arène." Finit par gronder Boya, son regard mort et fixe braqué sur les quelques démons qui se moquaient de son instinct protecteur envers les plus jeunes.

Le rire des démons se coupa net. C'était une blague ?

"- J'ai hâte de vous voir leur faire mordre la poussière, Boya Daren." Sourit largement le Seigneur Anbei sous les regards horrifiés de ses hommes. "Vous n'aviez qu'à pas vous moquer." Gronda gentiment le seigneur démon. "Boya Daren a raison dans l'absolu."

Les démons ne purent qu'aller se préparer, la mort dans l'âme, pour rejoindre les jeux.

"- Vous devriez allez-vous préparer, Boya Daren. Les jeux ne vont pas tarder à commencer avec tout ça et ils s'ouvrent toujours sur le combat à l'épée."

Voir les disciples et les démons s'affronter à la lueur des torches avait quelque chose de profondément barbare que beaucoup appréciaient.

Boya s'inclina devant le Seigneur Anbei avant de filer. Il sentait le regard du vieux démon renard sur lui et son intérêt le mettait affreusement mal à l'aise. Il était persuadé qu'il était le seul disciple du yin yang à avoir autant intéressé le démon aussi vite.

Son shixiong le rejoignit rapidement pendant qu'il retournait à ses appartements pour se changer.

"- Boya ! Tout le monde ne parle que de toi tu sais ? Les paris ont rarement été aussi volatils pendant les jeux. Tu as intérêt à gagner au moins ta première série, j'ai tout misé sur toi." Au moins pour le premier tour.

Le chasseur était un peu consterné tout autant qu'horrifié.

"- Tu es un idiot" Quelle chance avait-il dans son état ! Il regrettait à chaque seconde qui passait d'avoir laissé le chef des guérisseurs l'inscrire pour autre chose que la flute.

Il n'avait aucune chance !

"- Je vois pas pourquoi. Tu as autant de chance que les autres de gagner."

"- Je suis aveugle ! Comment veux-tu que j'arrive à me battre ! Contre des démons en plus !" Petit à petit, Boya prenait la mesure de ce que voulait dire de participer à ces jeux.

Il allait se battre, contre des démons, pour la première fois depuis la dernière chasse qui lui avait tant couté. Ils allaient le tuer. Ils allaient finir le travail que leurs cousins avaient commencé et personne ne pourrait les en empêcher. Ils allaient…. On le secoua rudement aux épaules.

"- BOYA ! Ce sont des jeux. Tu ne risques rien de plus que quelques blessures. Personne ne laissera qui que ce soit te faire du mal."

"- Les accidents arrivent."

"- Et c'est pour ça que les armes sont enchantées pour ne pas être coupantes. Au pire tu pourras avoir un os cassé ou deux, mais rien de plus. D'accord ? Ces jeux existent depuis l'aube de la secte et il n'y a JAMAIS eu un seul mort. Des blessés, oui. Certains graves. Mais JAMAIS de mort."

Boya tremblaient d'angoisse. Il allait devoir se battre contre des démons. C'était comme une chasse devant tout le monde même s'il n'allait devoir tuer personne. C'était un combat qu'il ne voulait pas. Qu'il ne voulait plus. Il s'en sentait totalement incapable. Des images de sa dernière chasse lui remontaient en mémoire. Les dernières images que ses yeux morts avaient captés lui revenaient par flash. La douleur des tortures qu'il avait subi lui contractait à nouveau les muscles. Il se noyait lentement dans une terreur qu'il était incapable de repousser. Quelque chose avait été cassé tout au fond de lui et il ne savait pas comment le réparer. Il en était incapable.
Il était incapable de descendre dans cette arène pour se battre.

"- J'ai… j'ai…. J'ai PEUR." Finit-il par exploser. "J'ai tellement peur."

Shao Zhiqiang le serra rudement contre lui. Même si Boya avait été plus que courageux jusqu'à présent avec tout ce qu'il avait subit depuis sa dernière chasse, il restait un jeune homme traumatisé, torturé, handicapé, qui avait été trahit et abandonné par les siens. La secte nord avait fait ce qu'elle avait pu jusque-là, mais il y avait des traumatismes qui mettaient des années à s'apaiser. Si tant est qu'ils s'apaisent un jour. Certains n'y arrivaient jamais. Shao Zhiqiang n'en avait rien dit à Boya, mais ils n'étaient pas les premiers anciens membres de JingYun qui avaient rejoint le nord. Il avait souvenir d'un autre qui était déjà là à son arrivée. Il n'avait jamais réussi à reprendre le dessus. Sa vie n'était que torture permanente non à cause de ses blessures, mais à cause de ses traumatismes. Il avait finalement été… endormit. La seule image que Shao Zhiqiang avait encore comme souvenir à l'esprit quand il pensait à ce frère décédé était la profonde paix qui avait enfin, ENFIN marqué son visage quand le guérisseur lui avait donné le somnifère qui avait arrêté son cœur. Parfois, l'humanité était de laisser partir, pas de retenir.
Heureusement, ils n'en étaient pas là avec Boya. Son jeune frère était fort, mais surtout, il venait d'accepter à voix haute qu'il puisse avoir peur. Il avait accepté à voix haute que tout n'allait pas bien. Maintenant, il allait pouvoir commencer à se reconstruire pour de vrai et non plus simplement lutter contre lui-même et prétendre.
Maintenant, Boya allait pouvoir travailler avec lui-même au lieu de lutter.

"- Evidemment que tu as peur." Murmura son shixiong en le serrant très fort contre lui pour lui donner un ancrage dans la réalité malgré la terreur qui le submergeait. "La dernière fois que tu as tenu une épée pour autre chose que de l'entrainement, tu as vu tes frères mourir, tu as été torturé presque à la folie et tu as perdu tes yeux. Evidemment que tu as peur. Si tu n'avais pas peur, je serais très inquiet pour ta stabilité mentale. Mais ce n'est QUE de la peur. Ce n'est pas la première fois que tu as peur. Tu peux le faire. Non. Tu le dois."

"- Je ne peux pas, Shixiong. Je ne peux pas."

"- Bien sûr que tu peux."

Shao Zhiqiang le força à revêtir ses cuirs de chasseur. A mesure qu'il le forçait avec l'aide de son shishen à revêtir les cuirs neuf qu'il n'avait jamais portés mais qu'on avait cousu pour lui, Boya se sentait se calmer à son corps défendant. Son cœur brûlait de terreur, il sentait sur sa langue le gout amer et piquant de l'angoisse, il avait cette brulure pincée si étrange tout au fond du nez, son estomac se rebellait au point qu'il était sûr qu'il allait vomir mais ses doigts assujettissaient correctement les boucles de ses vêtements avec une aisance née des années d'entrainement. Il pleurait d'angoisse mais noua lui-même le fourreau de ses armes autour de sa taille. Il tremblait de terreur et hoquetait d'effroi mais ses mains étaient sûres lorsqu'il attacha étroitement ses bottes autour de ses mollets.

Shao Zhiqiang prit un petit bout de tissu mouillé et froid pour lui nettoyer le visage.

"- Boya. Tu n'imagines pas à quel point tu es impressionnant en cuir blanc."

Blanc ?

Boya cessa lentement de pleurer d'angoisse.
Blanc ?

Il n'avait même pas réfléchit à l'existence de ces cuirs de chasse. Les siens avaient été détruits au moins partiellement par JingYun. Alors…

Blanc ?

"- Zhong Xing Zongzhu les a fait faire pour toi. Je compte sur toi pour faire honneur à la secte d'accord ?" Shao Zhiqiang continua à baigner son visage jusqu'à ce que ses yeux ne soient plus rouges comme ceux d'un lapin myxomatosé "Tu es l'ancien premier disciple de JingYun, Boya. Tu as montré ici que tu es toujours le meilleur. Et ce que tu sais faire à l'entrainement, tu sais le faire sur le terrain. Ici, ce n'est guère plus qu'un entrainement, d'accord ?"

Boya se laissait lentement convaincre. La tenue avait de l'importance mine de rien. Et ces cuirs, même s'ils n'étaient pas ceux dont il avait le souvenir étaient les siens. Ils avaient été fait sur mesure pour lui. Il était certain que son shixiong avait donné toutes les informations nécessaires au tailleur pour que ses cuirs soient aussi bien ajustés. Et s'ils étaient neuf, quelqu'un les avaient déjà cassés. Même les bottes étaient souples et bien ajustées.

"- J'ai peur quand même, Shixiong" la voix était celle d'un petit garçon qui tente désespérément de s'accrocher à sa mère.

Shao Zhiqiang posa ses mains sur les épaules de Boya et son front contre le sien.

"- Alors ais peur. Mais fais le quand même."

Il donna une dernière tape un peu rude sur les épaules de son cadet.

"- C'est presque l'heure. Je serais dans les gradins à t'encourager. Ne me déçois pas. Mais mieux encore. Ne te déçois pas toi-même."