Le Shifu de Boya, celui qui l'avait vu grandir et s'épanouir sous son enseignement avait été heureux d'apprendre que son élève était à nouveau sur le terrain.
Le retour du maître qu'ils avaient envoyé dans le nord pour éliminer une lignée entière à la demande d'un client particulièrement fortuné avait été inattendu aussi vite. Il était stipulé dans le contrat qu'il devait rester au moins jusqu'à la mort de la cible principale. C'était… très rapide pour que l'homme soit mort.
Son rapport avait à la fois horrifié et scandalisé les anciens.
Du groupe, ils n'étaient qu'une poignée à être satisfait.
Depuis le départ, non, la vente de Boya, son Shifu avait travaillé chaque jour pour établir sa propre faction au sein de la secte ce qu'il avait toujours négligé avant. Ils avaient voulu l'éliminer pour éviter qu'il ne veuille prendre les rênes, ils ne s'étaient pas attendu à ce que leur victime se rebelle si fort. Le Shifu de Boya s'était rappelé qu'il était Yuan Tànli et que son propre Shifu, Yuan Léiyǔ, ne lui avait pas donné ce nom à son arrivée sans raison. Comme il n'avait pas donné leur nom à chacun de ses élèves sans raison non plus lorsqu'ils avaient enfin allumés leur node doré.
Par la tricherie, la manipulation et une cruauté dont il ne s'était jamais cru capable, il avait éliminé plusieurs des autres anciens ainsi que plusieurs de leurs soutiens parmi les maîtres. Une épidémie de malchance était tombée sur eux sans que quiconque ne puisse rien lui reprocher. Ce n'était pas sa faute si quelqu'un s'ouvrait le crâne dans sa baignoire pendant qu'il était au Palais après tout. Yuan Tànli avait réussi à faire libérer plusieurs de ses élèves proches du remboursement de leur dette par le truchement de services que lui devaient certains nobles et artisans nantis. C'était son argent à lui qui avait servi à racheter leurs dettes. Mais ses élèves l'avaient gagné à l'extérieur, sans qu'il soit impliqué.
C'était pour ça que l'ancien solitaire était maintenant épaulé de quatre de ses anciens élèves. Il aurait rêvé que Boya en fasse partie mais Boya était au loin, à l'abri, et d'après le rapport qu'ils venaient d'avoir, plus heureux qu'il ne l'avait jamais été. Plus fort que jamais aussi.
"- Comment ça, il porte le blanc du Yin Yang ?" S'emporta soudain un des autres anciens.
"- Le vendeur d'esclave l'a vendu à qui en voulait bien." Rappela un ancien, plutôt dans la partie neutre de la politique de la secte. Il était de ceux qui sentent bien le vent et se détachaient rapidement du groupe responsable de la mort des élèves de Tànli. "Si un maître du Yin Yang l'a acheté et a décidé de le faire entrer comme disciple, qu'est-ce que nous pouvons y faire ?"
Le chef de secte grinça des dents. Il avait espéré que se débarrasser de Boya en le vendant comme esclave serait la dernière fois qu'il en entendrait parler. Voir que ce n'était pas le cas le crispait affreusement. Pire, Boya était à nouveau un Maître. Mais un maître contre lequel ils ne pouvaient plus rien. Le Yin Yang était connu pour être farouchement protecteur de ses membres. Tenter d'en attaquer un seul, c'était comme attaquer toute la secte, leurs monstres domestiques comprit. Il y avait eu UNE escarmouche entre les deux sectes plusieurs siècles auparavant. JingYun n'avait pas gagné. Le disciple qu'ils voulaient acquérir en tuant les parents était resté bien à l'abri avec eux derrière les murs de glace du nord pendant que la secte expliquait par le menu à JingYun que s'attaquer aux leurs, même quand ils étaient en voyage touristique à la capitale, était une foutue mauvaise idée. Tous les Zongzhu de JingYun apprenaient à craindre l'énorme shishen renard à neuf queues qui suivait les chef du Yin Yang depuis la création du Temple dans les glaces du nord.
Un gros frisson remonta dans le dos de l'homme. Si Boya était effectivement protégé par le Temple Nord, il était définitivement hors de leur atteinte tant qu'il y restait caché. Le chef de secte dut se retenir de jeter un regard haineux à Tànli. De toute leur secte, il était le seul qui avait des accointances avec ces fichus nordistes. Qu'il les ai contactés pour qu'ils achètent Boya ne l'aurait absolument pas étonné.
"- Le client ne va pas être content."
"- Le client a signé pour qu'on envoie un maléfice sur la lignée définie." Rappela l'ancien qui s'occupait des contrats avec les clients. "Pas que nous devions lui garantir l'élimination de la lignée ni même de la cible principale."
C'était suffisant pour qu'ils s'en lavent les mains. Ils feraient comme d'habitude et détourneraient la tête du reste.
"- Et pour Boya ?"
"- Quoi pour lui ?"
"- On fait quoi ?"
"- Que voulez-vous qu'on fasse ? Il est loin et il est à l'abri."
Les responsables de l'accident du jeune homme et de ses frères étaient mécontents, voir, effrayés. Ce n'était pas une bonne nouvelle. Le Conseil de JingYun ne pouvait rien faire. Mais à titre individuel ? Il y avait toujours une solution. Surtout lorsqu'un membre du Nord lui-même le proposait.
Une fois la réunion finie, Tànli et ses élèves retournèrent dans les appartements du vieux Shifu. Lorsqu'ils furent à l'abri derrière d'épais talismans, ils purent enfin se laisser aller à quelques commentaires.
"- Boya Shidi est réellement à l'abri ?"
Tànli confirma, au grand soulagement de ses élèves.
"- Je n'ai pas eu de contact direct avec lui depuis que Zhong Xing l'a acheté, mais il est en sécurité. Je savais qu'il s'en sortirait mais…" Il avait plutôt espéré qu'il se trouverait une épouse ou un mari qui prendrait soin de lui malgré son handicap. Apprendre qu'il chassait à nouveau ? Qu'il enseignait même à des élèves ? Le vieux cœur de l'ancien se gonflait de soulagement autant que de fierté pour celui qui avait été l'un de ses meilleurs élèves si ce n'était le meilleur. "Le savoir Maître à nouveau est une fierté."
Ses autres élèves ne pouvaient qu'être d'accord. Leur jeune frère avait fait preuve d'une force de caractère remarquable. Ils étaient tous fiers de lui.
Ils se devaient d'être à la hauteur. Boya ne reviendrait plus jamais. Leurs frères assassinés ne reviendraient plus jamais.
Maintenant… peut-être qu'ils pourraient réussir à prendre le pouvoir dans la secte et la changer de paradigme.
La fête de l'Equinoxe du Printemps n'était plus qu'un lointain souvenir pour Boya.
Le Temple avait envoyé une fois de plus une petite délégation auprès du Seigneur Anbei.
Cette fois, il n'avait pas été convié. Une vingtaine de juniors avaient accompagnés Zhong Xing qui les y avait laissé. Ils reviendraient avec leurs voisins lors de la fête du Solstice d'Eté qui se rapprochait de jour en jour.
Cette fois, Boya avait été intégré aux préparation de la fête. Puisqu'il était leur meilleur cultivateur musical, il avait été chargé de s'occuper des danses et de la musique.
Il avait bien un peu paniqué au début jusqu'à ce que le Maître d'Armes lui démonte méticuleusement le cul à l'entrainement à l'épée tellement il faisait n'importe quoi sous le stress. Ensuite seulement il l'avait pris à part pour lui arracher une explication sur son comportement. Le Maître d'Armes avait pris son temps pour le traiter de tous les noms. Depuis quand paniquait-il ainsi devant un nouveau challenge ? C'était juste comme prendre en charge des Shidi. La finalité était similaire si ce n'était identique : mettre tout le monde dans le même sens pour aller vers un but commun. Boya savait jouer de son fichu pipeau. Il savait tenir en laisse des mômes qui lui arrivaient à la hanche et même torcher des mini-shidi qui lui bavaient sur les robes. Où était la difficulté quand il s'agissait de faire apprendre à une douzaine d'adultes des musiques qu'ils devaient déjà tous connaitre au moins en partie.
Boya n'avait pu protester très longtemps après ça. Evidemment, si on lui présentait les choses comme ça…
L'engueulade l'avait remis sur les rails néanmoins. Maintenant qu'il avait une idée claire de la situation et ne se noyait plus dans un verre d'eau avec l'excuse un peu éculée maintenant du "mais je ne vois rien comment je vais faire", le Chasseur avait remonté ses manches, choisit ses musiciens, une poignée de seconds couteaux pour des remplacements au cas où puis avait soumis ses musiciens à un entrainement aussi drastique que celui qu'il donnait depuis quelques semaines à He Shouyue.
Avec la lente normalisation de leur relation qui était passé de la totale détestation agressive de la part du jeune homme à une indifférence polie, Boya lui avait proposé de l'aider à apprendre à se battre. He Shouyue lui faisait peine.
Le fils du chef de secte avait commencé par prendre la proposition avec hauteur et colère mais après une énième déculottée, cette fois de la part d'une shidi de douze ans qui lui arrivait à la taille, He Shouyue avait accepté l'aide de Boya.
La première chose que le Chasseur avait fait avait été de l'emmener à l'armurerie pour lui faire essayer tous les types d'armes qu'ils avaient en stock. Sans succès. Puis Boya avait simplement arraché l'épée de la main du jeune homme pour la lui coller à nouveau dans la main. Mais la gauche cette fois. Pas la droite. He Shouyue avait été horrifié. Ce n'était pas… Puis Boya l'avait attaqué sans lui laisser le temps de réfléchir. A la grande satisfaction de Boya, He Shouyue avait réussi à le repousser plus efficacement qu'il ne l'avait jamais fait.
"- Tu es droitier de l'œil, mais gaucher de la main. On va tout reprendre à zéro."
Depuis, ils s'entrainaient tous les deux après le déjeuner pendant deux heures dans les jardins privés du chef de secte pour épargner l'égo du jeune homme.
Il lui montrait en miroir les gestes qu'il devait faire. Lentement mais surement, He Shouyue était parvenu à apprendre ses premières danses à l'épée et à les maitriser mieux qu'il ne l'avait jamais fait depuis des années.
Il en avait voulu au maître d'arme ne s'être pas rendu compte de la source de son problème (en plus de son désintérêt pour l'entrainement il fallait avouer, mais Boya comprenait son manque d'implication devant ses progrès médiocres au mieux, pathétiques au pire.)
"- Ne lui en veut pas. J'ai grandi dans une secte où devoir être dangereux de partout est une nécessité. Les purs gauchers qui ne peuvent être rééduqués sont rares. Tu as un avantage réel au combat maintenant. On apprends à se battre entre droitiers. Contre un vrai gaucher, la plus part de tes opposants seront fortement perturbés."
He Shouyue n'avait pas répondu. Il était perturbé lui aussi. Quelque chose le gênait mais il n'osait ou ne savait pas trop comment le dire.
Boya ne voulait pas tenter la chance. S'il le poussait trop, He Shouyue risquait de rebasculer dans ses habitudes de sales mômes.
Tout n'était pas rose avec lui d'ailleurs. Il y avait des jours meilleurs que d'autres. Petit à petit, les bons jours se faisaient plus nombreux. Il y avait quand même des semaines entières où Boya avait juste envie de l'étrangler avec ses cheveux.
Ce n'était heureusement pas le cas ce jour-là.
Non.
Aujourd'hui, à sa grande surprise et sa grande inquiétude surtout, He Shouyue était venu lui demander son aide.
A lui.
Il aurait pu presque être suspicieux jusqu'à ce que He Shouyue lui avoue tout. Il était très proche de certains nobliaux et fils de haut bourgeois des villes alentours. Dès qu'il le pouvait, il allait les voir en utilisant un portail. Il n'était pas rare qu'ils s'encanaillent tous ensemble dans les bouges les plus prisés de la Capitale du Nord.
"- … Qu'est-ce que vous avez fait ?"
He Shouyue avait baissé la tête, dépité.
"- Boya Daren…"
"- C'est bien la première fois que vous m'appelez comme ça." Boya soupira. "Alors, qu'est ce qui se passe ?"
"- Je crois que j'aurais dû faire attention à mes fréquentations." Et à ce qu'il leur disait. Ou leur promettait.
Boya pinça les lèvres avec irritation.
"- Grave à quel point ?"
"- Je… Je n'ai pas envie que mon père soit au courant." Avec tout ce qu'il lui passait ? Donc c'était vraiment grave.
"- Avez-vous besoin d'aide ?" He Shouyue resta silencieux un peu trop longtemps au gout de Boya. "Qu'est-ce que je peux faire ?"
"- … Vous accepteriez de venir avec moi ? Juste… pour leur faire peur ?"
"- Vous voulez qu'un esclave aveugle vienne avec vous pour faire peur à des fils de nobles ?" Il y avait une goutte d'amusement dans la voix de Boya.
He Shouyue resta silencieux encore un long moment.
"- S'il vous plait ?"
C'était bien la première fois que le jeune homme disait ça.
Boya soupira.
Ils avaient eu beaucoup de hauts et de bas. Surtout des bas. Pourtant, He Shouyue avait montré de l'inquiétude pour lui deux ou trois fois. Avec brusquerie, mais elle était bien là. Il avait dormit sur ses genoux lorsque la musique l'avait assez détendue pour que l'amertume dans son cœur s'apaise un peu. Et depuis quelques semaines, tout allait mieux. Boya avait fait des efforts de son côté, mais He Shouyue aussi.
"- D'accord, mais tu devras ouvrir le portail toi-même. Juste le temps que j'aille me changer et prendre mes armes."
He Shouyue lui donna rendez-vous le soir même après le couvre-feu. Son soulagement était évident.
Boya soupira encore. Dans quoi est-ce qu'il s'embarquait encore ?
Une fois la cloche du couvre-feu sonnée, Boya sortit de ses appartements pour rejoindre He Shouyue dans le grand Hall pour partir.
Le jeune homme ouvrit immédiatement un portail. Il offrit son bras à Boya pour l'aider à passer le portail qui se referma derrière lui.
Boya frémit lorsque le froid de la nuit lui passa dans le cou. Ils étaient à l'extérieur d'un bordel, il le savait déjà. Les sons qu'il entendait étaient édifiants.
"- Boya Daren ?"
"- Alors, où allons-nous ?"
"- Le Lotus de Glace."
Le Chasseur lui fit signe de le conduire.
"- Si tu me racontais ce qui se passe ?"
"- Je… J'ai promis quelque chose à quelqu'un et je ne peux plus faire marche arrière."
"- Qu'est-ce qu'il a contre toi ?"
"- Il m'a prêté beaucoup d'argent." Ben voyons. "Beaucoup trop pour que j'arrive à le rembourser et… Il a menacé de… de… "
Les robes du jeune homme étaient trop nombreuses et de trop bonne qualité pour qu'il n'y ai pas une magouille là-dessous. Tout le monde le savait, sauf ses parents. Mais Zhong Xing comme Fangyue étaient un peu aveugles aux travers de leur fils. Il le voyaient comme un faignant ronchon alors qu'il était surtout amer et incapable d'accepter que ses actes aient des conséquences. C'était bien différent.
"- Je vais les calmer mais il faut que tu te calmes toi aussi." Soupira encore Boya, persuadé que c'était juste un coup de pression à mettre sur quelques idiots, rien de plus. Même s'ils étaient les rejetons de nobles quelconque, il pouvait faire peur à tout le monde ou presque. Il savait comment menacer un noble pour qu'il la ferme.
"- He Shouyue, tu…" Le coup fut totalement inattendu mais moins que la morsure affreuse qui lui enflamma si fort les nerfs que Boya ne put même pas hurler.
Il s'écroula dans les bras de He Shouyue. Son serpent quitta la gorge de Boya pour monter sur l'épaule de son maître. Le shishen reptilien semblait ulcéré au dernier degré et en vouloir à son maître mais il n'avait pas eu le choix que d'obéir.
"- He… Shou…"
"- Je suis désolé." Souffla le jeune homme avec un réel regret dans la voix avant qu'on lui arrache Boya des bras.
"- Il est en meilleur état qu'il n'était il y a quelques mois." Ronronna une voix que Boya ne connaissait pas.
Ses muscles étaient parcourus de spasmes. Il ne pouvait même pas se défendre.
Un visage se pencha vers lui puis on lui arracha son bandeau.
"- Il est encore plus mignon qu'avant !"
Boya sentit qu'on le jetait comme un sac sur une épaule avant de l'embarquer. Il aurait voulu crier, se débattre, vouer He Shouyue aux gémonies mais ne le pouvait même pas.
Puis…
"- Faites ce que vous voulez avec, mais qu'il ne reparaisse jamais à la lumière du jour."
Boya connaissait cette voix. Il la connaissait même très bien.
C'était celle de son Zongzhu.
Celui de JingYun.
Le cœur au bord des lèvres, He Shouyue les regarda partir avec un mélange de soulagement et de honte. De colère aussi.
Il se vengeait de Boya.
Alors pourquoi la honte ?
Il le repoussa résolument.
Il avait passé des mois à faire ami-ami avec lui pour pouvoir se débarrasser de lui. Boya n'avait pas réfléchit un instant lorsqu'il lui avait demandé son aide. C'était sa propre faute s'il avait cru que He Shouyue pouvait vouloir de lui comme ami. Ou lui demander de l'aide.
Un fils de chef de secte ? S'abaisser à demander quoi que ce soit à un esclave et un handicapé ?
Ha !
Boya était stupide.
Ce n'était pas sa faute.
Alors pourquoi ce poids au fond de l'estomac ? Et pourquoi son shishen lui faisait-il la gueule ?
Il ouvrit un portail pour retourner directement à ses appartements.
He Shouyue savait très bien pourquoi mais il avait trop honte pour accepter ses actes et se dégoutait trop pour aller avouer sa faute à ses parents.
Boya avait sombré dans l'inconscience sous le mélange du venin, de sa commotion et du stress autant que de le terreur. On lui avait fait couler dans la gorge un sirop qu'il avait reconnu sans peine sans qu'il ne puisse se débattre. Immédiatement, le peu de perception qu'il avait du monde autour de lui s'était éteint en même temps que sa cultivation, endormit par le sirop.
La panique avait été si forte qu'il avait sombré.
Il n'aurait rien pu faire de toute façon. Pas alors qu'on le trimballait à dos d'homme par les égouts de la maison de thé jusqu'à la maison du noble qui venait de l'acheter, cette fois pour de bon. Boya lui avait échappé à la Capitale. Il avait eu de la chance que JingYun le contacte pour une seconde chance de l'acheter.
Il avait dépensé une véritable fortune pour l'avoir.
Une fois Boya installé sur le grand lit couvert de soie, une menotte de métal bleu autour de la cheville, il fit signe au chef de JingYun vers un gros coffre en bois sombre.
"- Votre paiement."
Le chef de secte le fit ouvrir par les deux séniors qui l'avaient accompagnés. Ils avaient trimballés leur ancien frère sans la moindre pitié pour lui.
"- Cinq mille taels d'or, cinquante rouleaux de soie pure et deux kilos de perles blanches."
Le chef de secte fit signe à ses hommes d'embarquer l'argent.
"- Le fer bleu l'empêchera d'utiliser sa cultivation. Gardez le ici et tout se passera bien."
Le noble ne répondit pas vraiment. Il était bien trop occupé à se gorger de la merveille endormit qu'il avait sous le yeux.
"- Mes serviteurs vous raccompagnerons."
Plus qu'à attendre qu'il se réveille pour commencer à le briser pour le dresser comme il le voulait.
Pour ne pas devenir fou, He Shouyue tentait de se convaincre qu'il avait fait ce qu'il devait et de s'en laver les mains. C'était lui qui avait contacté JingYun plusieurs mois auparavant pour leur proposer de "relocaliser" Boya. Pendant des mois, il n'avait eu aucune nouvelle. Comme si son message n'était pas arrivé entre les mains qu'il fallait.
C'était lui qui avait perdu bien trop d'argent au jeu à tel point qu'il n'avait finalement pas pu se dédire une fois qu'il s'était retrouvé pieds et poings liés par ses partenaires de jeu et qu'il avait dû accepter de l'aide là où il pouvait pour ne pas se faire détruire par son père.
Il avait hait Boya pendant des mois. Alors pourquoi était-ce aussi dur maintenant de s'en rappeler alors qu'il avait enfin eut ce qu'il voulait ? Boya était à la place qui lui convenait, à faire ce pourquoi il avait été vendu. Et ce ne serait plus dans le lit de son père.
He Shouyue se mordit durement la langue pour se retenir de crier.
Il avait beau tenter de s'y forcer, il n'y croyait plus vraiment.
Lorsqu'il sortit de sa chambre, il n'avait pas dormit de la nuit. Le maquillage qu'il avait utilisé ne cachait qu'imparfaitement ses cernes mais c'est surtout l'absence de son shishen qui avait décidé de retourner sur le plan spirituel pour bouder qui faisait se retourner ses frères sur son passage. Enfin, c'était la seule raison qu'il voyait à leur attitude.
Il s'installa à sa place ordinaire dans la grande salle sans se soucier du brouhaha ambient.
Lorsqu'il se leva pour aller à son cours de calligraphie, il avait surpris plusieurs personne jeter des coups d'œil vers la place vide de Boya.
Personne n'avait encore fait de commentaire. Boya n'était pas connu pour être en retard, mais il lui était arrivé de découcher. Il n'y avait donc pas vraiment de raison de s'inquiéter pour l'instant.
He Shouyue préféra fuir la grande salle dès qu'il le put autant qu'il évita de son mieux même ses amis les plus proches. Il n'avait rien à leur dire.
Ça faisait des semaines qu'il avait de moins en moins à leur dire. Cette fois, leur seule vue le hérissait et le mettait douloureusement face à ses contradictions.
Lorsque l'heure de son entrainement avec Boya sonna enfin, il préféra rester à sa place dans la salle de calligraphie. Boya n'était plus là pour lui tenir physiquement les mains pour guider au ralenti ses mouvements lorsqu'il peinait à faire un enchainement. Il n'était plus là pour l'encourager maladroitement ou le féliciter tout aussi gauchement de ses progrès.
Il valait mieux que He Shouyue reste caché là où il était.
Le premier à se rendre compte de l'absence de Boya fut son Shixiong.
Boya n'était que rarement en retard pour ses cours avec lui. Même s'il connaissait par cœur la théorie de toutes les arcanes majeures du Yin Yang, il y avait toujours place pour les progrès. Et pour les petits secrets un peu plus subtils que le Portail ou le Bouclier. Tant que Boya n'aurait pas son shishen à lui, autant lui apprendre ce que son shishen devrait lui apprendre directement de la main à la main. Le shishen de Shao Zhiqiang avait proposé de s'en charger lui-même. Boya était un réfractaire borné qu'il fallait cajoler longuement pour lui faire accepter une idée neuve quand elle concernait les esprits et les démons. Autant que ce soit l'un d'entre eux qui lui enseigne. Ça n'en serait que plus aisé pour son futur shishen de se lier à Boya le moment venu.
Lorsque Boya ne s'était pas présenté de la journée ni n'avait prévenu de son absence, Shao Zhiqiang s'était inquiété. Avait-il encore trouvé le moyen de succomber à une gueule de bois majuscule ? Il avait envoyé son shishen vérifier dans les appartements de Boya, puis auprès de ses maitresses les plus fréquentes. Personne ne l'avait vu.
Une certaine inquiétude avait serré le ventre de Shao Zhiqiang. Il avait demandé à son shishen de le conduire auprès de Abe no Seimei si le vieux maître était là. Boya et lui s'entendaient comme larrons en foire. Si Boya avait encore roulé sous la table, peut-être avait-il demandé asile au vieux maître ?
L'ancien membre de JingYun et son shishen trouvèrent le vieux maître dans ses nouveaux appartements, non loin de ceux de Boya. Ils toquèrent à la porte avant d'attendre de longues minutes que le vieux maître les invite à entrer. Il avait les cheveux encore humide et ne portait même pas de chaussures.
"- Ha. Cet humble disciple est navré d'avoir dérangé Seimei Daren pendant ses ablutions."
Seimei eut un geste vague de la main. Le diner n'était pas très loin, il était rare qu'on vienne le voir à cette heure quand il était dans les murs.
"- Que se passe-t-il ?"
"- Avez-vous vu Boya aujourd'hui ?"
L'amusement de Seimei disparu si vite que Shao Zhiqiang aurait eu un mouvement de recul s'il n'avait pas été dans sa chaise roulante.
"- Non. Pourquoi cette question ?"
"- Il ne s'est pas présenté pour ses cours avec moi. Personne ne l'a vu et il n'est pas non plus dans ses appartements."
"- Vous avez été voir ?"
"- Xiao PaoMo a été toquer à sa porte mais personne n'a répondu."
"- Je n'ai pas non plus sentit sa présence." Ajouta le shishen en baissant les yeux.
Seimei releva le bas de ses robes. Il ne portait pas de pantalon non plus réalisa le transfuge de JingYun pendant que son shishen poussait sa chaise derrière le vieux maître qui courait vers la chambre de Boya. Que comptait-il faire ? Les portes des chambres étaient protégées par des talismans pour que chacun ait son intimité sans risquer des plaisanteries pas drôle
"- Vous ne pourrez pas ouvrir sans…"
Seimei ouvrit si fort la porte qu'il la dégonda d'un seul geste pour l'envoyer claquer de l'autre côté du couloir.
"- BOYA ?"
Le vieux maître s'était engouffré dans l'appartement pour en faire le tour en un temps record. Il en ressortit aussi précipitamment qu'il y était entré.
"- Il n'est pas venu ici depuis hier soir. Et il n'y a ni ses armes, ni ses robes d'extérieur." Ni l'armure légère qu'il portait dessous pour quitter le temple.
Shao Zhiqiang sentit son estomac lui tomber dans les talons. Boya avait quitté le temple ? Où pouvait-il être ?
"- Allez prévenir Zhong Xing. Je commence les recherches." Boya était aussi indépendant que possible dans le temple mais il lui arrivait encore de se perdre. Seimei voulait croire et surtout vérifier que c'était la cause de son absence momentanée.
Il attendit que le jeune Shao Zhiqiang soit éloigné avec son shishen puis sortit des talismans de sa manche. Il n'utilisait que rarement ces shishen là. Ils faisaient partit de ceux qu'il ne relâcherait jamais. Non par ce qu'ils ne voulaient partir, mais parce que les laisser partir causerait des destructions inconsidérées. Certains démons et esprits ne pouvaient que vivre enchainés s'ils voulaient pouvoir continuer à vivre.
Les quatre aoyin se matérialisèrent devant leur maître en crachant. Les quatre monstres de cauchemars étaient enfermés par la forme que Seimei avait décidé pour eux. Tant qu'il les contraindraient dedans, ils n'auraient même pas une chance de simplement pouvoir s'échapper de sous son contrôle. Leurs griffes creusaient la glace de long sillons alors qu'ils ne pouvaient qu'attendre les ordres de leur maître.
Ce qui inquiétait le plus Seimei était qu'aucun de ses espions ne lui avait remonté quoi que ce soit sur la disparition de Boya. Normalement, s'il avait été contraint, ils l'auraient fait. Il ne pouvait donc qu'en conclure qu'où que soit Boya, il y avait été de son plein gré.
"- Trouvez le propriétaire de cette odeur et mettez-le à l'abri." Il mis sous le nez des quatre esprits un vêtement sale de Boya.
Immédiatement, les monstres vaguement canins de la taille de tigres reniflèrent l'air avant de se séparer pour explorer toute la secte plus vite que même Seimei n'aurait pu le faire seul.
Le vieux maître serrait les mâchoires et les poings comme s'il avait voulu briser des nuques entre ses doigts.
C'est à grand pas qu'il fonça vers le bureau de Zhong Xing.
Le chef de secte était déjà en train d'organiser des recherches pour retrouver Boya. Les disciples prenaient leurs ordres et disparaissaient dans des portails aux quatre coins du temple et des terres alentours.
"- Seimei, vous avez quelque chose ?"
"- J'ai envoyé plusieurs de mes servants chercher son odeur. Et vous ?"
"- Rien pour l'instant."
La disparition des armes de Boya était ce qui les inquiétait le plus. Ils cherchaient dans la secte par acquis de conscience mais étaient presque certains qu'il n'y était plus.
"- S'il est sorti de la secte…."
"- Il ne peut pas utiliser de portail. Il ne peut pas être très loin. Il ne doit pas avoir atteint les limites des boucliers thermiques qui protègent la vallée." Tenta de se rassurer Zhong Xing.
Boya n'était pas mort de froid dans une congère, quelque part entre la secte et le grand vide sauvage à l'extérieur de la vallée. On était le printemps. Il ne faisait plus non plus "si" froid. Il n'avait pas neigé la nuit précédente… Il DEVAIT être en vie quelque part.
"- Et s'il est parti avec quelqu'un ?"
Le silence se fit dans le bureau.
"- Je vais rassembler tout le monde." Souffla Zhong Xing
Seimei lui emboita le pas.
Il ne fallut pas une heure pour que tous les membres de la secte qui n'étaient pas occupés à chercher une trace de Boya se rassemblent dans la grande salle
Zhong Xing prit une profonde inspiration avant de tracer un sigil complexe dans l'air devant lui. Il brilla une seconde avant de se dissiper. Tous les membres de la secte, même les simples serviteurs, luisaient d'un halo doré. Si quelqu'un mentait, le halo disparaitrait.
"- Je vais vous poser à tous une seule question. Répondez chacun votre tour."
Immédiatement, les membres de la secte s'organisèrent en rang d'oignon bien propres.
La question était simple.
"- Savez-vous où est Boya ?"
L'un après l'autre, tous les membres de la secte répondirent à la négative. Sans exception.
Lorsque He Shouyue passa, il avait le cœur qui battait à tout rompre. Le regard suspicieux de Seimei Daren lui faisait peur. Il sentit la sueur lui couler dans le dos. Pourtant, comme les autres, il répondit par la négative. Non, il ne savait pas où était Boya. Il ne savait pas où il avait été emmené. Il ne mentait pas.
La question n'était juste pas la bonne.
Seimei l'arrêta pourtant rudement par le poignet.
"- Si tu sais quelque chose…" La menace était claire.
He Shouyue avait toujours eut peur du vieux maître.
"- Je…"
"- Seimei, la lueur n'a pas vacillée." Aboya Zhong Xing pendant qu'il faisait passer les autres disciples.
L'usage du sort de vérité était épuisant pour autant de monde. C'était pour ça qu'il n'avait pu l'utiliser qu'a son premier niveau. Il révélait si quelqu'un disait vrai ou mentait. Rien de plus. S'il avait eu plus de force, ou moins de monde à faire passer, il aurait pu forcer la vérité.
Il aurait dû.
Seimei jeta un regard noir à He Shouyue. Il ne mentait pas, non. Alors pourquoi son odeur était-elle si piquante de terreur et de honte mêlée ?
Il le laissa s'éloigner mais le surveillait quand même. Sa détestation de Boya était connue depuis son arrivée. Elle semblait s'être calmée un peu pourtant. N'avait-ce été qu'un mensonge ?
Les quatre énormes aoyin fendirent soudain la foule des disciples qui s'écartèrent avec angoisse pour les laisser passer. Ils se prosternèrent aux pieds de leur maître.
"- Alors ?"
"- Rien. Toutes les pistes avec son odeur sont froides."
"- Celui que vous cherchez n'est nulle part et il n'a pas quitté le Temple à pied."
"- La piste la plus fraiche mène de sa chambre au grand hall."
Seimei serra les dents puis répéta les paroles de ses servant à Zhong Xing.
Boya ne pouvait avoir quitté le temple que grâce à un portail.
