Lucius Malfoy avait ressorti toutes les Gazettes du Sorcier qu'il avait conservé, et les consultait nerveusement. Rockwood et Macnair l'assistaient, et on avait même sollicité l'aide de Dolohov, à trois cellules de là, qui était avec Malfoy le seul à recevoir et à lire le journal.
Mais on comptait principalement sur Drago pour deviner les objectifs et attentes du nouveau directeur. Dans d'autres circonstances, il aurait payé cher la honte infligée à son père pour avoir attiré l'attention de Potter et provoqué ses moqueries, mais Drago connaissait le nouveau directeur mieux que quiconque en ces murs, et le savoir amenait le pouvoir.
« Black a vécu l'enfermement, énonça Lucius Malfoy. J'imagine qu'il a dû inculquer à Potter la haine de cet endroit… »
Drago se mordilla les lèvres, ne sachant que répondre à cette supposition. Une interjection de son père le força à se prononcer :
« Drago !
– J'imagine. Mais Azkaban était différente à l'époque. Je pense qu'il lui a surtout transmis son aversion des Détraqueurs. Harry Potter n'a jamais évoqué la prison à Poudlard. Pas devant moi en tout cas.
– Fais un effort, Drago, cracha Lucius avec un regard lourd de menaces.
– Je pense qu'il nous déteste bien plus qu'il n'est capable de détester ce lieu. Ce château ne représente rien pour lui. Et d'après lui, Black ne méritait pas sa peine, ce qui fait toute la différence. Potter n'a pas de pitié pour les traitres. »
Malfoy se massa les yeux en essayant de se souvenir de cette fille… Une Serdaigle. Henrietta, ou Marietta Quelquechose… Elle avait dénoncé les agissements de l'Armée de Dumbledore, et s'était retrouvée couverte de pustules. Elle n'avait jamais été pardonnée par Potter, et avait même fini par quitter le pays…
« Il… est mesquin. Il a sa vision de la justice. S'il pense qu'on mérite un châtiment, alors il n'y réfléchit pas à deux fois. Il est impulsif…
– Est-il corruptible ?
– Il est riche, il est puissant, il est influent, je ne vois pas ce qu'on pourrait lui proposer qu'il ne…
– Est-il corruptible ? Pense aux détails. Les matches de Quidditch, par exemple, aurait-il accepté un pot de vin pour faire perdre son équipe ? »
Drago ouvrit les yeux et regarda son père avec effarement. Est-ce qu'il aurait ? Comment pourrait-il le savoir ? Pensait-il que Potter le lui aurait dit ? Pensait-il qu'ils étaient proches ? Drago chercha désespérément une anecdote sur le sujet.
« … Oui, Slughorn, il… Je veux dire qu'il n'aimait pas Slughorn, mais il se comportait avec lui comme si c'était un prof génial, pour profiter des soirées, et avoir de meilleures notes… »
Lucius fixait désormais son fils comme s'il s'agissait un troll particulièrement stupide. Drago bafouilla et se tut.
« Il est ambitieux. Ça n'a pas grand-chose à voir avec ma question, mais c'est intéressant. »
Il reprit son étude des journaux.
« Continue.
– Il… » Drago hésita de nouveau, incapable de trouver une information pertinente. « Il aime bien les… Les hybrides, les loups-garou, les elfes de maison. Peut-être faudrait-il se rapprocher à nouveau de Greyback, et…
– Ce n'est pas les créatures inhumaines qu'il apprécie mais les faibles et les idiots. Greyback ne nous apportera rien. »
Drago se tripotait nerveusement les doigts. Son auriculaire gauche avait été brisé et avait cicatrisé en lui laissant la souplesse nécessaire pour tourner d'un quasi demi-tour. Tirer dessus et le tordre réveillaient une vieille douleur qui l'aidait parfois à rester concentré.
« Il… aime aussi… Enfin, il… Il veut toujours être au centre de l'attention. Se faire remarquer. Être admiré. Jalousé. Il appréciera que tu ries à ses blagues, ou que…
– Malfoy ! »
Les quatre détenus tournèrent la tête vers la grille de leur cellule, derrière laquelle Waren se tenait, trousseau à la main, cherchant la clef adéquate. Une fois qu'il l'eut trouvée, il reprit la parole tout en déverrouillant la porte :
« J'espère que tu n'as pas oublié notre arrangement.
– Non, bien sûr… »
Malfoy étudia son fils. On pouvait deviner que de laisser s'échapper sa principale source d'informations le contrariait. Drago soutint le regard paternel en espérant un revirement : Potter valait 1000 fois Waren, sa présence ce soir était indispensable…
Mais jusqu'ici, il n'avait rien dit de pertinent, rien d'utile, rien qui ne vaille la peine de contrarier leur surveillant brigadier…
Drago se leva à l'instant même où son père ouvrit la bouche. Il lissa sa robe pour se donner une contenance, recoiffa ses longs cheveux en arrière, puis rejoignit Waren à la porte. Celui-ci s'écarta pour le laisser passer, puis referma et verrouilla la grille.
Drago n'attendit pas que le surveillant ouvre la marche : Il connaissait le chemin. Il valait mieux effectuer la route rapidement et en silence pour ne pas se faire remarquer et éviter ainsi les remarques et les quolibets. Il parcouru le couloir à pas légers et rapides, écoutant la démarche plus lourde de Waren dans son dos, et tentant d'y desceller un indice sur l'humeur du gardien : Était-il pressé ? Fatigué ? En colère ? Non pas que ça change grand-chose. Son comportement ne s'en trouvait jamais vraiment différent...
En arrivant dans la salle de douches, Le prisonnier ralentit puis s'arrêta tout à fait. La vaste pièce recouverte du sol au plafond de faïence brunâtre était vide, et laissait résonner le moindre son. Drago s'aperçut avec horreur qu'il était légèrement essoufflé. Il déglutit en entendant Waren s'approcher dans son dos, puis frissonna en sentant la respiration rauque dans sa nuque…
Une douleur vive lui arracha alors une grimace. Le gardien venait d'empoigner la longue cascade de cheveux blonds pour tirer brutalement dessus et renverser le visage de Drago en arrière.
« Tu m'as fait courir ma salope. Je t'ai manqué à ce point ? »
Les yeux de Drago s'écarquillèrent d'angoisse, mais il ne répondit pas. A quoi bon ? Au début, bien sûr, il avait tout tenté pour calmer le caractère sadique du geôlier. Il avait joué les enfants fragiles, il avait essayé d'être séduisant et entreprenant, il avait rampé au sol pour lui montrer sa soumission, il avait craché, griffé, frappé, s'était défendu. C'était presque risible, en y repensant. Las, il avait fini par comprendre que rien ne pouvait atteindre l'esprit dérangé de son tortionnaire quand celui-ci était plongé dans ses fantasmes de brutalités et d'insultes.
Un geste brusque de Waren fit tomber Drago à genoux. Il tira de nouveau sur les cheveux, et le nez de Drago vint heurter l'entrejambe gonflée. Waren utilisa sa main libre pour déboutonner sa braguette, sortir son sexe en érection de son pantalon, et le fourrer sans plus de cérémonie entre les lèvres entrouvertes de Drago.
La chair épaisse et malodorante remplit aussitôt la bouche sèche qui retint un haut-le-cœur.
Une fellation ? Si Waren se contentait d'une fellation, c'était plutôt une bonne nouvelle. Les fellations duraient en général moins longtemps, et la douleur était moindre qu'avec les sodomies. En outre, elles avaient l'avantage d'empêcher Drago de gémir, et de le forcer à rester concentré sur sa respiration. Si Waren n'exigeait qu'une fellation, Drago pouvait s'estimer chanceux.
« T'aimes ça, ma salope, hein. T'aimes ça… »
Waren maintenait immobile le visage de Drago et effectuait de violents va-et-vient de son bassin.
Il avait vraiment beaucoup de chance. Même pas besoin de faire le moindre effort, inutile de se forcer à quoi que ce soit. Se contenter d'attendre, de subir, et de respirer.
« Bien désolé, salope, mais j'ai bien l'intention de profiter de chacun de tes trous, alors lubrifie moi bien tout ça. »
Le corps entier de Drago se crispa. Quel idiot, mais quel idiot ! Evidemment que Waren ne se contenterait pas d'une fellation ! Drago s'était permis d'espérer, de rêver, de se reposer sur ses lauriers, et voilà le résultat ! Il le savait pourtant : Ne jamais espérer ! Ne jamais, jamais, jamais espérer ! Il ne fallait jamais ne rien espérer pour ne jamais être déçu.
Il s'en serait mis des claques.
Drago raffermit sa position, et posa ses mains sur les cuisses musclées de Waren afin de mieux accompagner le mouvement. Ainsi, il put analyser le rythme des coups de reins, et adapter sa production de salive. Heureusement, il avait profité du repas pour boire abondamment – il n'avait pas commis que des erreurs ce jour-là – et un épais filet de bave et de sécrétions intimes lui coula bientôt du menton.
Waren grogna, lui lança un « espèce de salope » approbateur, puis tira se nouveau les cheveux pour remettre Drago sur ses pieds. Celui-ci gémit en se sentant poussé contre un mur froid. Son cuir chevelu était mis à rude épreuve, et nul doute qu'il se réveillerait le lendemain matin avec un bon pouce de longueur supplémentaire…
« Tu vas voir, salope, tu vas voir… »
Waren écrasa la figure de Drago contre le mur, et souleva la robe grise de prisonnier au-dessus des hanches maigres. Le jeune homme ferma les yeux, posa ses mains de chaque côté de son visage, et tenta de se dissocier de son corps. Il fallait se concentrer sur sa respiration, il fallait...
La douleur le transperça quand Waren s'enfonça en lui. Il étouffa un cri.
« T'aimes ça, hein, salope ? Ça t'a manqué, hein ? »
Waren reprit aussitôt ses coups de hanches, brutaux, violents, possessifs, ponctués d'insultes. Il tira sur sa poignée de cheveux, arrachant des mèches entières, et forçant Drago à se cambrer grotesquement.
« Salope. Espèce de grosse, grosse salope. Prends-ça ma salope. »
Toujours la même rengaine, toujours le même mot. Cette obsession l'aurait rendu pathétique s'il n'avait pas été aussi dangereux. Drago aurait aimé avoir le luxe de pouvoir le plaindre… Mais la douleur et la honte l'empêchaient toujours, dans ces cas-là, de penser à autre chose qu'à lui-même. Il aurait aimé avoir la maitrise nécessaire pour se détacher de la situation, pour laisser son esprit s'envoler vers des contrées plus calmes ou simplement lointaines. Il aurait aimé être fort, imperturbable, capable d'apporter autre chose au monde que cette souillure…
« WAREN ! »
Le cri les fit tous les deux sursauter. Waren se détacha immédiatement de Drago qui s'effondra au sol sous l'effet de la surprise. Le surveillant major Runcorn venait de pénétrer dans la salle de douche et hurlait à Waren de disparaître, de rejoindre son poste. Il avait sorti sa baguette magique qu'il agitait en tous sens en tentant de contenir sa hargne.
C'était… étrange que le major s'énerve à ce point. Ce n'était pas la première fois qu'il surprenait Waren et Drago en pleine relation sexuelle. Il avait toujours fait cesser immédiatement les choses, mais ne s'était jamais emporté ainsi, comme-ci…
A moins que…
Drago se hâta de recouvrir ses fesses et ses jambes avec sa robe élimée, et chercha fébrilement du regard… Il se figea.
Oui, il était là. Les élégantes chaussures noires et vernies, le pantalon à pince, la cape ajustée, la cravate négligemment desserrée… Drago ne put lever d'avantage les yeux et se détourna vivement, en sentant la bile lui remonter dans la gorge.
Harry Potter venait d'assister à son viol.
Il vit du coin de l'œil Waren ressortir de la salle de douche sous les menaces de son supérieur. Drago aurait donné n'importe quoi pour qu'il l'emmène avec lui, qu'il le traine par les cheveux, ou le pousse à coups de pied, mais qu'il lui fasse quitter la pièce avec lui.
Runcorn le remit brutalement sur pied, et Drago réalisa qu'il s'adressait maintenant au tout nouveau directeur d'Azkaban.
« Je suis vraiment désolé, Monsieur le Directeur. Vous n'auriez jamais dû assister à ça. Je peux vous assurer que ce n'est pas une situation habituelle. Jamais. Jamais ce genre d'évènement ne…
– C'était Waren, c'est bien ça ? Celui qui « obtient d'excellents résultats » ? Le Surveillant Brigadier ? »
Du rouge de la honte, le teint de Drago vira au blanc de la haine. Ce ton qu'il osait employer. Comme s'il parlait de la pluie et du beau temps, comme si rien de grave ou de surprenant ne venait d'arriver, presque comme s'il s'en amusait !
« C'est ça, Monsieur le Directeur, répondit Runcorn après une hésitation. Mais vous devez comprendre que la pression, les rumeurs…
– Je comprends surtout comment il obtient ses résultats.
– Non, je vous assure que… »
Runcorn hésita un instant puis saisit Drago par le bras et lui donna une secousse.
« C'est la faute de celui-ci. Depuis son arrivée, il provoque ce genre de désordre ! Que ce soit avec les gardiens ou les prisonniers, il aime simplement pousser au vice ! Waren devait avoir ses raisons pour… »
Drago leva des yeux écarquillés vers Runcorn. Comment osait-il… ? La gifle le prit par surprise et il sentit sa lèvre inférieure se fendre sous le coup.
Mais devant eux se trouvait le héros du monde des Sorciers, le preux et chevaleresque Harry Potter. Monsieur Parfait n'allait pas laisser passer ce geste injuste de violence…
Le silence s'éternisa.
Drago osa finalement tourner la tête pour regarder Potter.
« Difficile de le blâmer, en effet… »
